Il fallait bien que j'en écrive une sur le sujet ! Alors voilà je me lance, et ceci entre grâce à l'aide d'une autre auteure de fanfiction qui est aussi ma meilleure amie ! On a décidé d'écrire et de publier en même temps sous la forme de trois chapitres, une fic retraçant tout ce que les scénaristes ont omis de nous mettre à l'écran dans l'épisode Threads. Nous avons commencé l'écriture de nos fics communes sans s'en dévoiler le contenu ce qui donne comme résultat deux fics sur le même thème mais totalement différentes. Je vous invite très fortement à aller lire la sienne, « l'écho des cœurs lointains » de Miou1.

Sur ce, bonne lecture !


- Sam ?

L'homme attendit quelques instants une réponse à son appel. Comme celle-ci ne venait pas il posa une main sur le pommeau de l'escalier et s'apprêtait à le grimper quatre à quatre quand enfin une voix féminine lui parvint de l'étage.

- J'arrive.

La voix était hésitante, mal à l'aise.

- Tout va bien ?

La silhouette apparut en haut des marches. Svelte et gracieuse, comme à l'accoutumé. Non, elle l'était encore plus qu'à l'accoutumé. Et la robe légère qu'elle portait y était pour beaucoup. Ou alors était-ce l'expression troublée de son visage ? Il aimait la voir ainsi, si peu sur d'elle. Si éloignait de la femme forte qu'il avait côtoyé durant tant d'années. Et ces derniers temps elle avait de plus en plus tendance à laisser tomber le masque. Non pas qu'elle s'affaiblissait avec le temps, non. Simplement ils étaient rentrés dans un nouveau rapport qui permettait enfin ce qui lui faisait face. Comme celle-ci ne venait pas, elle soupira légèrement.

- Ca a été un sujet tabou pendant si longtemps que ça me parait presque inapproprié maintenant.

- Qui ça ? Nous ? Nous sommes inappropriés ?

A nouveau ce rire discret qu'il aimait tant. Il aurait pu sortir des âneries à longueur de journée juste pour entendre ce rire là.

- Non, bien sur que non nous ne le sommes pas. C'est le contexte qui l'est.

- Aaah un instant j'ai eu peur.

- Jack...

Le ton voilé de reproche le fit redevenir sérieux instantanément. Il était toujours impressionné de la facilité avec laquelle elle pouvait le faire passer d'un état à un autre. Ces derniers jours particulièrement il s'était rendu compte que son comportement s'adaptait aux humeurs de la jeune femme. Quand elle était triste il faisait en sorte de la dérider avec ses blagues stupides mais qui sur elle, étaient toujours d'une efficacité redoutable. Quand il sentait par contre qu'elle avait besoin de parler, d'être écouter, il rangeait ses plaisanteries et devenait l'homme en qui elle pouvait avoir confiance. Celui qui la rassurait, l'apprivoisait tout en apprivoisant ses propres craintes.

Il tendit une main vers elle et laissa ses doigts effleurer la joue de sa compagne.

- Si tu penses que c'est trop tôt on peut reporter.

Elle lui sourit, de reconnaissance cette fois. Elle aimait qu'il ne la brusque jamais, dans quelque domaine que se soit.

- Non, c'est bien comme ça. Et puis il faudra bien que je me fasse un jour à mon nouveau statut.

- Celui de femme qui fréquente un officier gradé ?

- Je pensais plutôt à celui de militaire qui fréquente son supérieur direct.

- Oh celui-là. Ben dans ce cas tu devrais en profiter car il ne devrait pas durer très longtemps.

- Ca me va. Du moment que je garde celui de femme qui fréquente le grand Jack O'neill.

- Pour celui là par contre je prévois une durée illimitée dans le temps.

Et voilà, la conversation avait à nouveau pris une tournure légère, du moins en apparence. Mais après tout elle ne s'en plaignait pas. Cela ne faisait-il pas parti des raisons qui avaient amplement favorisé ses sentiments pour lui ?

Elle lui adressa un regard équivoque et se rapprocha sensiblement de lui jusqu'à ce que leurs corps se frôlent, que leurs regards s'accrochent et que leurs visages se retrouvent aimantés l'un vers l'autre.

- Vraiment ? Je vous trouve bien ambitieux mon général. Murmura t-elle dans un souffle tandis que ses yeux se posaient sur les lèvres de son compagnon. Celles-ci s'étirèrent dans un large sourire.

- C'est parce que j'ai de grands espoirs en vous colonel.

Le rire de la jeune femme se perdit contre la bouche avide qui prit possession de la sienne.

15 jours plus tôt

Jacob était allongé, immobile, dans un des lits impersonnels de l'infirmerie. Sa poitrine qui se soulevait faiblement à chaque respiration était l'unique détail qui attestait que le tokr'a était encore de ce monde. Plus pour très longtemps. Son état s'était dégradé très rapidement et les médecins de la base ne lui donnaient plus que quelques heures. Au mieux une journée voir deux. Passé ce délai, il ferait ses adieux définitifs.

Le général entra dans la pièce sombre où reposait le mourant. L'endroit lui paru sinistre, il détestait ce genre d'endroit ou la mort semblait flotter juste au-dessus de lui. Mais il voulait voir Jacob Carter. Une dernière fois. Lui faire ses adieux comme tous ceux qu'il avait vu pencher sur son chevet depuis le début de la journée.

Il s'approcha du lit et le vieil homme, sentant sa présence, ouvrit les yeux.

- Jack.

- Jacob.

- Vous êtes venu me dire au revoir ?

- Je ne suis pas particulièrement fan du terme mais oui, je suis venue vous dire au revoir.

Le tokr'a émit une ébauche de sourire.

- Ca aurait été une grosse perte de mourir avant de vous avoir connu. Le SGC a encore de beaux jours devant lui avec quelqu'un comme vous à sa tête.

- Je ne resterais pas ici éternellement vous savez.

- Je n'en doute pas. Vous n'êtes pas un bureaucrate.

Jack sourit à son tour à l'évocation de ce terme qu'il exécrait. Mais Jacob redevint vite sérieux. Il prit un air grave qui inquiéta quelque peu Jack. Il avait une vague idée de ce qui allait suivre. Jacob n'était pas aveugle. Personne ne semblait plus l'être d'ailleurs. C'est ce qu'il avait fini par comprendre avec le départ de Kerry.

- Jack, il faudra quelqu'un pour veiller sur elle.

- Ne vous en faites pas Jacob, elle ne sera pas seule. On sera tous auprès d'elle.

- Elle va vouloir être forte. Elle veut toujours l'être.

- Je sais.

- Elle est beaucoup plus fragile qu'elle n'y parait. Mais elle ne l'admettrait pour rien au monde.

- Je sais. C'est une forte tête.

- Elle a de qui tenir.

- Ca fait aussi parti de son charme.

- J'aimerais partir en étant sur qu'elle soit heureuse.

- Pourquoi ne le serait-elle pas ? Elle va bientôt se marier. Et Pete est quelqu'un de bien.

- Oui... quelqu'un de bien. C'est justement ça le problème.

- Que voulez-vous dire ?

- Vous savez tout comme moi que Sam est une femme extraordinaire. Et une femme extraordinaire ne peut pas être heureuse avec un homme juste « bien ».

Jack fronça les sourcils.

- Ca c'est son choix...

- Elle a fait ce choix uniquement car elle est convaincue de ne jamais avoir celui qu'elle veut vraiment.

Jack avala sa salive avec difficulté. Et voilà on y était.

- J'ai essayé de lui parler mais elle ne veut rien entendre. Alors c'est à vous que je le demande maintenant Jack.

Le général prit son courage à deux mains pour affronter le regard perçant du vieillard.

- Je veux partir l'esprit tranquille, Jack. J'ai besoin que vous me fassiez la promesse qu'elle sera heureuse...que VOUS la rendrez heureuse.

Etait-ce le silence de la salle qui amplifiait le bruit des battements de son cœur ? Il n'hésita qu'un court instant avant de répondre au tok'ra.

- Je vous le promets.

L'homme ferma les yeux et sa tête retomba lentement sur l'oreiller. Son visage reflétait à présent une tranquillité sereine. Il était apaisé. Sans bruit, Jack se leva et quitta la pièce.

Il avait marché longtemps dans les couloirs de la base. « Réfléchissez-y » avait été les derniers mots qu'avait prononcé Kerry avant de refermer la porte de son bureau. Alors pour une fois il avait écouté le conseil donné. Il avait réfléchi. A sa vie actuelle, à celle qui était à présent derrière lui. A tout ce qu'il avait fait ou pas fait. Tout ce qu'il avait mis de côté avec un « on verra plus tard ». Tant d'excuses pour éviter d'aborder les sujets délicats. Des sujets qui le ramenait inévitablement à son second. Sam. Un prénom qui s'associait dorénavant, inévitablement à un autre. Pete. Sam et Pete. Bientôt Carter deviendrait Shanahan. Et il ne pouvait rien y faire. Et réfléchir ne changeait rien à la donne. Sam avait Pete. Et il ne voyait pas vraiment comment il pourrait faire le poids face à cette réalité.

13 jours plus tôt

L'enterrement eu lieu lors d'une de ces journées grises et pluvieuses. Le cliché type d'une journée de deuil. Sam étant la parente direct de Jacob, elle avait pu obtenir des Tokr'as sans trop de difficultés l'accord d'enterrer son père sur terre, en présence de tous ses anciens amis et de la famille qui lui restait.

La seule chose qui avait réussi à apaiser quelque peu son âme esseulée avait été le retour inattendu de Daniel, la veille même de l'enterrement. Une nouvelle fois ils avaient tous bien cru ne jamais le revoir. Et Sam se sentait soulagée de ne pas avoir à porter un deuil supplémentaire.

Le lendemain du décès de son père, elle avait rejoint Pete devant la magnifique maison qu'il lui « offrait ». Elle avait mis un terme à leur histoire brutalement, presque insensiblement. Elle aurait voulu faire les choses correctement, ne serait-ce que par respect pour l'homme qu'il était et pour tout ce qu'ils avaient partagé durant cette année ensemble. Mais elle n'y était pas parvenue. Tous ses gestes, ses mots étaient emprunts de maladresse. La rupture ne lui avait apporté aucun soulagement, aucun réconfort. Seul le remord et la culpabilité étaient restés près d'elle lorsque le jeune homme s'était levé sans lui accorder un seul regard. Non pas qu'elle eu regretté un instant son choix. C'était mieux ainsi et de cela elle en était sur. Mais elle s'en voulait de faire souffrir cet homme qui avait était près à mettre sa vie à ses pieds. C'est pour cette raison qu'elle l'avait quitté. Elle ne pouvait plus assumer l'amour trop fort qu'il lui donnait. Cet amour qu'elle n'aurait jamais pu lui rendre dans sa totalité. Alors elle était partie. C'était lâche elle le savait, mais elle n'en pouvait plus de tous les faux-semblants qui meublaient sa vie.

Les deux jours qui avaient suivi le départ de Jacob étaient passés à une vitesse alarmante aux yeux de la jeune femme. Elle ne s'était arrêtée que pour dormir et seulement quelques heures. Se trouver des occupations était la seule chose qu'elle savait faire pour ne pas craquer. C'était son mode de fonctionnement lorsqu'elle se retrouvait face à une situation devant laquelle elle savait n'avoir aucun contrôle. Sans doute n'y aurait-il eu « que » la mort de son père, se serait-elle permise d'avantage de laisser aller. Elle se rappelait de la mort de Janet et du réconfort qu'elle avait pu trouver dans les bras de son supérieur. Mais aujourd'hui trop de choses venaient se rajouter à cette tragédie. Trop d'éléments sur lesquels elle n'avait aucune emprise. Le seul moment ou elle avait cru avoir un semblant de maîtrise avait été sa rupture avec Pete. Mais au bout du compte, cela n'avait fait que se rajouter à la lourde liste du fardeau qu'elle se retrouvait à devoir porter.

Elle se refusait à penser au général parce qu'inévitablement cela la ramenait à ce qui s'était passé lorsqu'elle était venue chez lui, quelques jours plus tôt. Et revoir le visage de Kerry, si belle et assurée, faisait partie des choses qu'elle n'était pas en mesure de supporter en ce moment.

Il y avait bien eu un « toujours » murmurait contre son oreille alors qu'elle veillait pour la dernière fois son père mourant. Mais que valait cette promesse éphémère quand une autre femme l'attendait chez lui ?

Il était facile pour elle ne plus penser à rien. Elle n'avait qu'à se pencher sur une quelconque analyse, n'importe qu'elle expérience qu'elle avait en court dans son laboratoire. Ainsi elle mettait son cerveau au point mort et se concentrait sur la tâche qu'elle s'était fixée.

Mais à présent qu'elle se tenait debout, devant le cercueil qui emportait à jamais son père, elle ne parvenait plus à faire taire le déluge de pensées qu'elle était parvenue à contenir jusqu'alors. Il lui fallait pourtant tenir. Rester droite et assurée devant toutes les connaissances de Jacob venus lui faire un dernier adieu. Elle avait réussi à prononcer l'éloge funèbre sans verser une seule larme. A vrai dire elle n'en avait plus versé depuis qu'elle avait quitté le chevet de son père, embrassant pour la dernière fois le visage paternel chéri. Elle n'était pourtant pas avare de larmes. Sans tomber dans l'excès elle avait déjà pleuré à plusieurs reprises. La mort de Janet, la mort de Daniel, la mort de tant d'autres. Mais aujourd'hui, pour son père, rien ne sortait. Elle était comme une rivière asséchée, peut-être d'avoir trop versé de larmes dans sa vie.

Même le chagrin qu'elle ressentait était différent de ce qu'elle avait connu dans le passé. Elle se rappelait avec une effrayante exactitude de celui qui l'avait dévasté à la mort de sa mère. Ce qu'elle avait éprouvé ce jour-là avait été d'une telle puissance qu'elle avait longtemps cru qu'elle ne s'en relèverait jamais. Et d'une certaine manière cela avait été vrai. La mort de sa mère avait été une des plus vives douleurs qu'elle n'ait jamais connues. Construire sa vie sur cette absence avait été une épreuve de tous les jours. Les séquelles qu'elle avait laissé en elle avait été pour la plupart de l'ordre de l'irréversible.

Aujourd'hui elle ne ressentait pas cet atroce déchirement, cette peur irrémédiable que plus rien ne serait jamais pareil. A la place il n'y avait que le vide, un vide incommensurable qui la happait de toutes ses griffes aiguisées.

La cérémonie avait eu lieu dans le cimetière militaire de Colorado Springs. Un hommage aux années de services du militaire qu'il avait été. Etaient donc présent une bonne partie des membres de la base, ainsi que certains Tokr'a venus anonymement. Cependant ce n'était pas dans cet endroit qu'était destiné à reposer le corps de l'ancien militaire. Une plaque commémorative fraichement posée sur la terre meuble rappelait l'identité et le grade du militaire, ainsi que certaines récompenses qu'il avait reçu le long de sa carrière. Plus tard, Sam ramènerait la dépouille de son père pour qu'elle repose à San Diego, près de sa mère. Cela impliquait un deuxième enterrement. Avec sa famille cette fois. Elle avait bien senti que cette manière de procéder arrangeait particulièrement son frère, qu'elle avait eu au téléphone deux jours plus tôt et qui n'avait visiblement aucune envie de faire le voyage jusqu'à Colorado Springs. Elle n'avait même pas réussi à éprouver de la colère envers lui. Elle ne ressentait de toute manière plus grand-chose. Et elle était habituée à ce genre de comportement de la part de son frère.

Une fois la cérémonie achevée, tous ceux qui le souhaitaient rejoignirent la maison de Sam où celle-ci avait organisé une veillée funèbre. La jeune femme y reçut les condoléances de chacun sans vraiment les entendre. Elle se contentait de remercier et de sourire poliment. Elle savait qu'elle pouvait donner le change. Qu'il lui suffisait d'afficher une expression à la fois affable et attristée sur son visage pour que personne ne s'inquiète plus que nécessaire pour la jeune femme en deuil qu'elle était. Elle se doutait néanmoins que ce subterfuge ne tromperait pas, ou difficilement les personnes qui lui étaient réellement proche. C'est pourquoi elle se crispa instinctivement quand elle vit venir vers elle les trois hommes qui la connaissaient le mieux. Ils ne venaient pas lui apporter leurs condoléances. Ils l'avaient déjà fait plusieurs jours auparavant.

- Vous tenez le coup Sam ?

Elle s'efforça d'afficher sur son visage un sourire des plus sincères à la question de Daniel.

- J'ai toujours eu un mal fou avec ces histoires de condoléances, mais ça va.

Elle essayait de plaisanter, tourner en dérision la situation pour en chasser le côté dramatique. C'était aussi sa façon de rassurer ses amis.

- Vous savez Carter, vous n'êtes pas obligez de faire ça. On ne vous en tiendra pas rigueur si vous craquer un peu aujourd'hui.

- Je vais bien, je vous assure.

Elle savait pertinemment que ses yeux disaient l'exact contraire de ses mots. Mais elle se refusait d'adopter un autre comportement. Elle ne voulait pas se laisser aller, ne le pouvait pas. Car elle était intimement convaincue que si elle lâchait prise, alors elle ne pourrait jamais plus se relever.

Ses amis n'insistèrent pas même si elle savait qu'aucun n'avait été dupe. Mais ils la respectaient trop pour lui imposer une trop lourde présence de leur part. Ils se contentaient d'être simplement là et de lui faire comprendre que si elle avait besoin elle n'avait qu'un pas à faire. Ils avaient toujours fais comme ça. Toujours cette présence à la fois lointaine et proche. Et souvent le simple fait de savoir qu'elle pouvait compter sur eux avait suffi à lui remonter le moral.

Aujourd'hui particulièrement elle ne souhaitait pas une proximité trop directe. Elle redoutait trop qu'ils finissent par mettre à mal ses barrières déjà tellement fragilisées.

Elle sentait toutefois leurs regards posés sur elle. Discrets mais bien réels. Celui de son supérieur entre autre ne la quittait que très peu. Comme s'il avait deviné sans qu'elle n'ai besoin de lui dire à quel point elle se sentait vacillante. Il était doué pour ressentir ce genre de chose. Il le sentait même parfois avant elle. Mais aujourd'hui elle ne voulait pas de ce regard débordant de sollicitude. Ni de ses bras dans lesquels elle s'était pourtant déjà réfugiée à plusieurs reprises par le passé. Et même si elle refusait de se l'admettre cela avait bel et bien un rapport avec Kerry.

La veillée lui semblait s'éterniser. Elle se sentait immensément fatiguée. Une fatigue telle qu'elle ne se rappelait pas en avoir connu de similaire. Elle l'abrutissait, l'empêchait de coordonner ses pensées. Ce qui en soi n'était pas forcément préjudiciable. Elle se contentait d'agir en automate. Passait d'un invité à l'autre, s'assurait que personne n'ait besoin de rien. Répondait évasivement aux questions que l'on pouvait lui poser. Mais plus les heures passaient et plus elle sentait ses défenses s'amoindrir. Sans compter que depuis un moment déjà elle subissait la torture latente d'un mal de crane qui refusait de la laisser tranquille. En fin de soirée, celui-ci était devenu à la limite du supportable. Mais elle gardait toujours bonne figure. Et remerciait les actes de tortures qu'elle avait pu subir dans le passé et qui lui avait appris à passer au-delà de la douleur. Néanmoins elle ne pouvait s'empêcher de tourner fréquemment son visage en direction de la grosse pendule accrochée au mur du salon. Il était 23h. Combien de temps devrait-il encore s'écouler avant que tous les invités soient rentrés chez eux ?

Finalement le dernier convive passa la porte aux alentours d'une heure du matin. Ils ne restaient plus que ses coéquipiers et le général. Mais à eux il serait plus facile d'expliquer qu'elle avait besoin d'être seule.

Ils se proposèrent pour l'aider à ranger et elle accepta, sachant qu'elle ne pourrait pas aller se coucher avant que sa maison n'est retrouvée un aspect correct. Et vu son état de fatigue, elle n'aspirait qu'à rejoindre son lit et plonger dans les méandres d'un sommeil réparateur. S'ils étaient quatre pour faire le ménage, cela réduirait assez conséquemment les minutes qui la séparaient de son lit.

Elle déposait une pile d'assiettes sur le rebord de l'évier quand le premier vertige l'a saisit. Elle ne l'avait pas vu venir. Et elle du s'appuyer sur la surface rigide du meuble le temps de se ressaisir. Les yeux fermés, elle tentait de calmer les battements sourds de son cœur qui cognait à se rompre contre sa poitrine. Sa respiration était désordonnée. L'air semblant s'être bloqué dans ses poumons, chaque souffle qu'elle expulsait lui était douloureux.

Elle ignorait depuis combien de temps elle se tenait dans cette position lorsqu'elle sentit la chaleur d'une main dans son dos. Elle sut à qui elle appartenait avant même qu'il n'ouvre la bouche pour murmurer non sans une pointe d'inquiétude :

- Carter ?

Cela aurait du la calmer. En tant normal c'était l'effet qu'il aurait eu sur elle. Le simple son de sa voix était déjà un apaisement en soi. Mais ce soir là, cela ne fit qu'amplifier son malaise et c'est d'une voix blanche qu'elle lui répondit.

- Ca va mon général, ça va passer.

Résister. C'était la seule chose cohérente à laquelle elle arrivait encore à se raccrocher. Elle devait résister. Lutter pour garder la tête froide, reprendre le contrôle de ce corps qui l'a trahissait au moment où elle avait le plus besoin de toutes ses capacités. Elle se força à rouvrir les yeux. Mais aussitôt son regard se troubla, voilé par une myriade de points noirs qui dansaient dans son champ de vision.

Un autre vertige la saisit. Plus intense que le premier. Plus dévastateur. Elle sentait toutes ses barrières s'écrouler lamentablement autour d'elle. Puis se fut ses membres qui se mirent à trembler, pris au piège d'un froid glacial qui la possédait tout entière.

Sans qu'elle ne comprenne comment, elle se retrouva contre le torse de l'homme qui ne la lâchait plus. Ses bras refermés tout autour d'elle comme une carapace. La carapace qu'elle n'avait plus. Se fut à ce moment-là que ses dernières barrières cédèrent, emportées par un raz de marée de larmes et de sanglots refoulés.

Elle pleurait comme jamais encore elle n'avait pleuré. Elle pleurait sa mère morte bien trop tôt, la privant de tous ces conseils et de l'amour dont elle aurait pourtant tellement eu besoin. Elle pleurait les hommes qu'elle aurait pu aimer qui l'avait tous quitté aussi. Toute sa vie qu'elle avait sacrifiée à une cause en s'oubliant elle-même. Elle pleurait son père. Pete.

Et Jack.

Jack et Kerry.

Enfin la vérité qu'elle s'était refusée à voir lui sauta aux yeux. Elle n'aurait jamais d'avenir avec lui. Il en avait choisi une autre. Elle était arrivée trop tard. Une nouvelle occasion manquée, une de plus qui venait s'ajouter à son palmarès déjà impressionnant en la matière.

Et à présent qu'elle déversait toute sa peine contre lui, qu'elle inondait sa veste de larmes intarissables, qu'elle sentait sa main glisser doucement dans ses cheveux, elle trouvait la situation cruellement inappropriée. Leurs étreintes avaient toujours étaient une source de réconfort, mais parce qu'elles se rattachaient inévitablement aux trop rares instants où ils laissaient leurs émotions prendre le dessus sur la raison. Si elle enlevait ce côté émotionnel il ne lui restait de ces moments fugaces qu'une amertume qui lui poignardait le cœur.

- Sam !

Elle entendit comme venant de très loin la voix de Daniel. Puis celle de Teal'c.

- Le colonel a un problème ?

Et enfin celle de Jack, désespérément rassurante.

- C'est bon, je m'en occupe.

- Vous êtes sur Jack ? Parce que je peux m'en charger si vous voulez. Ou même Teal'c.

- Je m'en occupe.

La dureté qu'il mit dans sa voix ne laissait place à aucune autre alternative. Et la jeune femme était bien trop faible pour riposter. Tout comme elle se laissa faire lorsqu'elle se sentit soulevée. Un bras sous ses cuisses, un autre entourant ses épaules. Elle trouva juste la force de caler sa tête contre une épaule robuste. Et ses yeux se fermèrent aussitôt.

- Ca va les gars. Vous pouvez y aller.

- D'accord. Répondit à nouveau la voix de Daniel.

La pièce retomba quelques secondes dans le silence.

- Prenez soin d'elle.

- Comptez sur moi.

- On vous appelle demain matin O'neill.

- Ok, bonne nuit.

- Bonne nuit.

Elle avait entendu toute la conversation, pourtant elle lui avait semblé venir d'un autre monde. Elle-même n'était plus très sur d'appartenir à la réalité. Seuls les bras de Jack lui assuraient une connexion avec un élément concret. Elle sentit qu'il grimpait les marches de l'escalier. Peu après, il joua du coude pour ouvrir la porte de ce qu'elle supposa être sa chambre. Les bras qui la maintenaient fermement quelques instants auparavant, se firent plus souples et elle se sentit posée sur une surface moelleuse. Son lit. Elle retint un soupir de contentement. A peine eut-il rabattu les couvertures sur elle qu'elle se pelotonna dedans. Mais le plaisir ne dura qu'un instant. Son corps glacé semblait être impossible à réchauffer. Ses muscles se contractèrent sous la morsure du froid qu'elle n'avait plus ressentie contre le corps chaud de Jack. Et à nouveau elle se remit à trembler. Ses dents claquaient sans qu'elle ne puisse les retenir.

- J'ai froid...

Une main chaude se posa sur son front.

- Vous avez un peu de fièvre.

Elle n'eut même pas la force d'acquiescer ou de contredire sa remarque. Il laissa trainer ses doigts plus que nécessaire sur la peau moite. Puis, presque comme à regret il les enleva.

- Je reviens tout de suite.

Elle l'entendit farfouiller dans un de ses placards. Comme il lui avait promis, il revint dans la foulée et rajouta à son édredon une couverture épaisse. Ses tremblements se calmèrent quelque peu et elle retrouva un semblant de calme. Dans l'obscurité de sa chambre, sa douleur lui paraissait un peu moins vive. Plus supportable.

Elle savait qu'elle aurait du lui dire de la laisser. Il en avait déjà fait beaucoup. Plus qu'il n'était obligé. Elle ne voulait pas le retenir auprès d'elle d'avantage. Mais aucun son ne semblait vouloir franchir la barrière de ses lèvres. Elle le savait à côté d'elle même si elle ne le distinguait pas clairement. Elle devinait sa présence. Sa voix profonde brisa le silence de la nuit.

- Ca va aller Sam.

Elle hocha la tête avec difficulté. Ne demandant qu'à le croire. Et Dieu que ça lui était difficile.

- C'est juste votre corps qui vous lâche. C'est sa manière à lui de vous dire de vous arrêter un peu.

Si elle en avait eu la force, elle lui aurait sourit. De ce sourire qu'elle ne réservait qu'à lui. Mais au lieu de cela elle soupira. Un soupir qui renfermait toute la fatigue qu'elle avait accumulé dernièrement.

Il posa une main sur la couverture, à l'endroit ou se trouvait son épaule, et appuya doucement dessus.

- Je vais vous laisser vous reposer.

Elle ferma les yeux. Et avant même qu'il n'ai refermé la porte derrière lui, elle sombrait dans un profond sommeil.