Si j'avais cette chance…

Le reflet de mes mensonges, obscurcissant mon regard, voilait la lune même, alors que mes yeux se posaient sur l'astre argenté dominant le ciel nocturne.

La fine couverture de nuages opaques emprisonnait son éclat, comme mon secret désir emprisonnait mon cœur.

Je voulais le nier, ce désir. Je le dissimulais profondément, allant jusqu'à l'oublier certains jours, mais souvent, malgré le temps écoulé, il revenait me hanter.

Il était le fantôme de mon cœur solitaire, de mon esprit tourmenté, et toute ma raison ne suffisait pas à l'exorciser.

C'était ma raison qui me maintenait debout, me liant à cette vie, celle dont j'avais presque oubliée le goût, celui de la normalité.

Je la voulais cette vie là. Pourtant, en contrepartie, j'avais perdu quelque chose de précieux.

Cette vie, était-elle faite pour moi ?

Je regrettais souvent le temps où combattre était mon quotidien. Cette excitation, cette sensation grisante qui s'emparait entièrement de mes entrailles, me poussant, toujours plus, à me surpasser, à devenir fort, à apprécier chaque seconde que la vie m'offrait. J'étais moi-même.

Maintenant, enfermé dans l'écrin du parfait lycéen, j'étouffais.

Je savais que si la chance, l'opportunité, se présentait à moi, je la saisirai, cachant mon but inavouable.

Ce ne serait pas de honte, non, je ne voulais simplement pas me montrer déraisonnable. Le temps n'avait rien changé, rien effacé, et même, tout était encore plus douloureux.

Je pourrai sacrifier quelques années de mon existence pour retrouver mon pouvoir, car, même si les mots franchissant la barrière de mes lèvres exprimaient inlassablement que j'aimais être ainsi, mon âme entière brûlait d'envie de revoir mon espoir, de la revoir elle, tout simplement.

L'ombre de sa présence pesait sur mon cœur, m'enlaçant, dans une cruelle étreinte, avec la douleur de son absence.

Mes sens ne la percevaient plus, je n'avais même pas le réconfort de savoir, que peut-être, elle était là, à côté de moi.

Si j'avais cette chance, je ne ferais rien pour la gâcher. Juste pour elle.

Nostalgique. Je l'étais, infiniment, désespérément. Ce morceau de ma frêle existence avait été le plus enrichissant de tous. Le souvenir de ce passé pas si lointain me plongeait toujours dans un étrange sentiment de mélancolie, alors, si j'avais cette chance…Rien qu'une infime chance…

Devrai-je continuer ainsi ? Espérer en vain ?

Que le temps était cruel !

Pourquoi n'emportait-il pas ma peine dans le flot de son écoulement silencieux ?

Je devais être stupide, complètement idiot. Pourquoi n'arrivai-je pas à tourner cette page ?

J'avais cru qu'il serait si simple de le faire, d'ignorer ce pan de ma vie, l'oublier, comme si jamais rien ne s'était passé.

La lune disparue totalement derrière un épais nuage noir, plongeant la ville dans une nuit bien sombre. Peut-être pleuvrait-il bientôt, je n'aimais pas la pluie.

Une nouvelle fois, j'enfouis mon désir secret dans un coin de mon esprit fatigué.

Demain, mes rêveries nocturnes seraient oubliées, mon entourage ne s'apercevrait pas de mon trouble, je ne serai qu'un simple lycéen mûrissant son avenir.

Je m'allongeai sur mon lit, laissant le rideau ouvert, il y avait bien assez de ténèbres dans mon cœur.

Les yeux clos, je ne souhaitais que sombrer dans un lourd sommeil, un sommeil sans rêves, sans elle. Pour une nuit, je voulais essayer de ne pas me raccrocher à cet espoir, je ne pouvais retrouver ce que j'avais perdu, jamais.

Avant de me laisser emporter par les bras de Morphée, je sentis un doux rayon de lune balayer un instant mon visage et une pensée me vint :

Si j'avais cette chance…