N'avait-elle jamais été qu'une gourde?
Une empotée. Lente d'esprit. Le genre à rester en arrière. Du style à sourire bêtement quand on lui balançait des horreurs à la face.
Qu'elle se haïssait pour sa faiblesse, sa lenteur, son inutilité...
Dans un certain sens... peut-être était-ce pour cela que lui l'intriguait. N'était-il pas froid? Et fort? N'avait-il pas du plomb à l'âme? Et cette tristesse qui semblait glisser sur lui, comme un fleuve, une peine indolore. Elle, se noyait dedans. Dans son dégoût d'elle-même, dans ses blessures, ses regrets, ses remords, son amertume.
Comment pouvait-il lui envier cet horrible chose? Son coeur? Ses sentiments? SES SENTIMENTS ? Eux, si pénalisants et si détestables...
Comment pouvait-il lui envier? Même un instant...
Comme elle en souffrait, comme elle l'enviait, lui, dans son mutisme, dans sa douleur fière et résolue. Comme elle admirait la façon dont il se pliait à la fatalité avec une sorte d'ennui, de morosité si parfaite. Et lorsque ses longs doigts blancs parcouraient le vide comme à la recherche de quelque chose... semblant étreindre l'immatériel, brouiller la réalité comme on pourrait troubler la surface de l'eau ?
N'était-il pas beau?
Mais beau à la façon que l'on trouve beau une statue, pas un être humain.
Et ces yeux tristes? N'étaient-ils pas finalement sans espoir et lueur? N'étaient-ils pas plus contrits que courageux?
Et cette bête ? Cette créature abominable rongeant ses entrailles comme l'acide ; ne prouvait-elle pas son humanité? Ou n'était-ce que le pâle reflet de ce vide caractérisant les êtres de son espèce?
Mais quand elle le vit tendre la main à cet instant, cette fois cherchant le contacte et non le néant, elle sut, elle sut qu'il était bien là, juste là. Son coeur. Et quand elle voulut s'en emparer, quand elle voulut lui montrer, quand elle voulut lui remettre en place, juste là, sous la cage thoracique ; il s'effrita, rejoignit la terre, l'air, l'eau, le feu, la poix ; un mal, terrible, déferla en elle, comme un torrent, une marée, une lame, violente... comme si toutes les larmes qu'elle avait déjà versées ne suffisaient plus. Et une question subsista dans le seul silence et la peine, si humaine, si traitresse, qu'il avait laissé derrière lui.
Où était son coeur, à présent?
À présent qu'elle avait la certitude que, oui, Ulquiorra avait bien un coeur.
