Je vous demande pardon, pardon de ne pas pouvoir vous rendre le bonheur que vous m'avez apporté
Le silence s'était fait dans le camp. Pour la première fois depuis qu'ils avaient étés envoyés sur le champ de bataille, la peur se lisait dans les yeux des combattants. Tout le monde se dévisageait, n'osant prononcer le moindre mot. Arme levée, une jeune femme faisait face à la foule, tenant en joue un jeune homme aux cheveux longs noirs et aux multiples piercings. Les yeux écarquillés, il la dévisageait sans comprendre.
- Shiny, mais qu'est-ce-que tu fais ? s'écria une jeune femme aux cheveux écarlate.
La dénommée Shiny tourna la tête vers elle furtivement, dirigeant le Beretta vers elle. Ses cheveux rouge cerise tombaient en bataille devant ses yeux, coupés en bataille sans forme réelle. Ses yeux émeraude brillaient de larmes contenues.
- Ferme-la Erza ! Cette fois, vous m'écouterez, compris ?
- Ne sois pas stupide, comment veux-tu qu'on le fasse ? grogna le jeune home aux piercings.
Elle le remit en joue en serrant les dents. On pouvait lire la fureur sur ses traits, et la détresse dans ses prunelles.
- Je ne suis pas capable de te tuer et je ne le souhaite pas, Gajeel. Mais tu sais aussi bien que moi que pour t'empêcher de partir, je te tirerai une balle qui t'immobiliserait !
Il se mordit la lèvre tristement avant de baisser les armes. Même Erza ne dit rien. Derrière eux, Shiny croisa le regard d'un jeune homme aux cheveux bleus. Un étrange tatouage tribal apparaissait sur le côté droit de son visage, lui donnant un air mystérieux et impressionnant.
- Promettez-le-moi ! répéta-t-elle, menaçante.
Erza baissa les armes et s'approcha pour poser sa main sur le Beretta de la jeune femme. Lentement, elle acquiesça, permettant à la jeune rouge de se détendre. Elle la regarda avant de ranger son arme à sa ceinture.
- Promis. Maintenant, calme-toi. On restera ici, avec toi. On ne tentera rien et on laissera les paras faire leur job !
Soulagée, Shiny sourit et fendit les rangs, frôlant le dos de la main de Gajeel de ses doigts glacés. Elle lui adressa un regard désolé avant de s'approcher de l'homme aux cheveux bleus.
- Jellal, il faut qu'on parle.
La nuit était tombée sur le campement. Gajeel s'était enfermé dans sa tente sans parler à personne, et Shiny les avait soigneusement évités. Vers onze heures, elle se glissa à l'insu de tous dans la tente du soldat aux piercings. Elle ne fut guère surprise de le voir assis sur son lit dans l'ombre, les bras sur les genoux, les doigts entremêlés sous son nez, le regard dans le vide.
- Qu'est-ce-que tu fous là ?
La jeune femme soupira en s'approchant avant de s'accroupir devant lui. Hésitant pour la première fois depuis qu'elle le connaissait, elle lui prit les mains, tremblante, avant de les serrer dans les siennes. Il pouvait sentir sa détresse et sa tristesse tant elles étaient palpables.
- Écoute Gajeel, je…
- Pourquoi ?
Elle le regarda interloquée. Pourquoi quoi ? Passablement énervé, il explicita, libérant une de ses mains pour faire un cercle dans les airs.
- Pourquoi as-tu fait ça ?
- Vous êtes ma famille, je ne pouvais pas vous laisser partir pour cette mission suicide, sans vous je ne suis rien Gajeel ! Et puis, je ne voulais pas que tu prennes ce risque… C'est peut-être égoïste mais c'est comme ça…
Il ne répondit pas, la repoussant légèrement. Il vit une larme rouler le long de sa joue brûlée par les rayons aveuglants du soleil du désert.
- Ce n'est pas une bonne raison.
- Et le fait que je t'aime c'en est une ? le coupa-t-elle d'une voix étranglée et rauque.
Il la dévisagea un instant comme si elle venait d'une autre planète, hésitant entre s'emporter et rester calme. Finalement, il laissa ses pensées de côté pour prendre le visage de la jeune femme entre ses doigts et pour l'embrasser doucement. Presque aussitôt, elle ferma les yeux, sentant une langue taquine caresser ses lèvres avec douceur pour lui demander la permission de continuer.
- Je me suis rendu compte qu'être loin de toi m'étais insupportable Shiny, alors je t'en supplie, ne me quitte pas !
Il ne lui laissa pas le temps de répondre, l'allongeant doucement sur sa couchette en l'embrassant, laissant ses doigts courir le long de ses courbes avant de se glisser sous son débardeur déchiré et tâché de sang. Il ne vit pas les quelques perles cristallines qui s'échappèrent de ses yeux pour rouler doucement le long de ses tempes jusqu'à mourir dans l'oreiller blanc. Il ne remarqua pas son désespoir et son appel à l'aide quand elle s'abandonna dans ses bras en atteignant des sommets encore jamais atteint. Mais il put sentir son amour quand il l'enlaça en tombant dans les bras de Morphée, caressant son doux visage de ses doigts étrangement doux, la pressant contre son torse avec toute la douceur dont il était capable.
- Je t'aime Shiny…
Elle sourit en enfouissant son visage dans ses longs cheveux noirs au parfum musqué.
- Moi aussi je t'aime Gajeel.
Le soleil n'était pas levé quand Shiny s'extirpa à contrecœur des bras de son amant. Doucement, elle se rhabilla, puis se pencha au-dessus du lit pour déposer un très léger baiser sur les lèvres du jeune homme, comme si elle voulait garder leur goût sucré sur les siennes.
- Il est l'heure ?
- Non, il fait encore nuit amour. J'ai fait un cauchemar je vais juste prendre l'air, rendors-toi.
Il se rendormit en lui demandant de ne pas trop tarder. Elle dût se retenir de pleurer en déposant une lettre ainsi qu'une chaîne en argent au bout de laquelle pendait une clé finement ciselée, cadeau de son petit frère, sur l'oreiller près du jeune homme. Elle ne supportait pas que la dernière chose qu'il se rappelle d'elle soit un mensonge, mais c'était un sacrifice nécessaire pour qu'ils puissent rentrer chez eux. Alors elle quitta la tente sans pleurer, mettant une veste sur son débardeur ainsi qu'une paire de goggles en montant dans un hélicoptère dont les puissantes palles fouettaient déjà l'air. Dans la cabine de pilotage, elle vit Luxus et Jellal. Silencieuse, elle inclina la tête, comme pour les remercier de la couvrir.
- Veillez sur eux, se contenta-t-elle de dire alors que déjà ils s'envolaient loin du camp vers l'Est.
L'hélicoptère volait au-dessus de l'épaisse couche nuageuse de l'aube. Dix parachutistes se tenaient prêts, la peur au ventre, les larmes dans les yeux. Ils ne se connaissaient pas, mais ils avaient le même souhait : en finir une bonne fois pour toutes avec cette satanée guerre.
- Go ! cria Jellal.
Sans réfléchir, ils quittèrent l'hélicoptère. La chute leur parut longue. Bientôt, ils traversèrent les nuages. Les rayons du soleil levant les éblouirent un instant alors qu'à quelques mètres du sol ils déployaient leurs toiles. Shiny eut l'impression de flotter légèrement alors que ses doigts se serraient sur le pistolet à sa ceinture. Elle leva doucement la tête vers le soleil, ses goggles la protégeant. Elle contempla l'astre en se disant qu'il était merveilleux et que c'était beau de mourir sous une telle beauté. Car elle savait cette issue inévitable. Puis ce fut le brusque retour à la réalité. Au moment même où ses pieds touchaient le sol, une rafale de mitraillette s'éleva. Aussitôt, elle se coucha sur le sol, défaisant la protection de son dos, s'extirpant de sous la toile sans difficulté. Pliée en deux, elle se précipita derrière un mur de brisques pour se protéger. Quatre hommes vinrent la rejoindre.
- Il faut qu'on se déploie jusqu'au QG et à la salle de munitions ! lança l'un d'eux.
- Nous sommes dix, cinq de chaque côté ! annonça l'autre.
Shiny abattait les hommes dans la ligne de mire. Bientôt, le signal fut donné et ils se dispersèrent. Ce fut le cœur battant qu'elle s'élança à travers les rues vides, évitant les balles, répondant dès que l'occasion se présentait. Le sang battait à ses oreilles et son cœur lui faisait mal tant il frappait fort dans sa poitrine, mais elle n'avait pas cherché plus loin, ignorant comme toujours sa douleur alors que plusieurs briques lui tombaient dessus. elle se redressa et recommença à avancer, soutenue légèrement par un autre para qui la couvrait alors qu'elle abattait les vigiles.
La matinée était avancée quand Gajeel s'éveilla, ou plutôt, le soleil était déjà levé. Il remarqua tout de suite que quelque chose n'allait pas. A la simple vue du pendentif il sut qu'elle était partie. Tremblant, il ouvrit la lettre qu'elle avait déposée sur l'oreiller. Plusieurs tâches d'eau témoignaient des larmes qu'elle avait versées. Il hurla avant de se précipiter hors de la tente au moment où Jellal descendait de l'hélicoptère. Erza ne comprit d'abord pas, jusqu'à ce qu'elle voit le morceau de papier au sol. Il était tombé dans la précipitation du brun.
Gajeel,
Je suis sincèrement désolée que tout se passe ainsi. Quand nous avons étés appelés, je n'aurais jamais imaginé que cela tournerait à un tel calvaire… Dans le fond, aucun de nous n'y avait été préparé psychologiquement.
Tu risques de me trouver bien égoïste de vous avoir tous fait promettre de ne pas partir, mais je n'avais pas d'autres choix. Vous êtes ma famille et sans vous je ne suis rien. C'est vous qui m'avez soutenue il y a six ans quand j'ai quitté ma maison, et que ma famille m'a reniée, vous qui m'avez redonné le sourire quand Roméo m'a laissé tomber, vous qui avez ri avec moi quand je me suis prise des cuites du tonnerre… Bref il y a encore tant de choses dont j'aurais aimé vous remercier. Malheureusement je n'ai plus le temps de le faire à cause de la guerre.
Toi Gajeel, cela fait un bon moment que je t'ai remarqué et que tu ne me laisses pas indifférent. Je regrette juste d'avoir attendu si longtemps pour te le dire. Tu comprendras pourquoi je t'ai éloigné du combat sciemment, et j'espère que dans le fond tu me pardonneras. Je suis désolée que la dernière chose que tu gardes de moi soit un mensonge. Je te laisse ce collier pour que tu ne m'oublies pas, même si je te souhaite de surmonter tout cela. Une seule chose est certaine : Je t'aime.
Toi et vous tous j'espère que vous me pardonnerez. Jellal et Luxus m'ont promis de veiller sur vous. J'ai fait une promesse à Roméo avant de partir et j'espère de tout cœur pouvoir la tenir, mais dans le cas échéant, je voulais vous dire encore une fois que je vous aime. Et qu'il n'y a pas de mot assez grand pour dire tout le bonheur et l'amour que vous m'avez donné.
Je vous embrasse.
Shiny.
Alors qu'Erza terminait sa lecture, une violente explosion troubla le ciel à l'Est. La détonation fut fulgurante et une énorme panache de fumée et de flammes s'éleva. Des acclamations s'élevèrent alors que plusieurs jeeps démarraient déjà pour aller chercher les dix parachutistes qui avaient accomplis cet exploit. A l'entente de ce bruit infernal, Gajeel s'était immobilisé, tombant à genoux en se prenant la tête dans les mains. Tous avaient compris. Enfin, Erza pleura.
A Magnolia, dans une petite maison de banlieue, trois personnes venaient d'assister à l'explosion en direct, qui signifiait la fin de la guerre. Le plus jeune se mordait les doigts jusqu'au sang.
- Elle m'a fait une promesse…
- Roméo… tenta son père.
Mais il balaya ses paroles de la main, suppliant les journalistes de lui apporter la nouvelle tant attendue. La mère laissa échapper une larme en montant le volume, si seulement les nouvelles pouvaient être composées que de victoires ! Mais la voix étranglée du journaliste brisa bien vite ses espoirs.
- Il ne semble y avoir malheureusement aucun survivant.
Roméo hurla en frappant du poing sur la table en verre, la brisant sans états d'âme alors que Macao se servait un nouveau verre de saké. Bisca, silencieuse, ne dit rien et tenta de réconforter son fils du mieux qu'elle pouvait, comprenant trop tard ce que leur comportement avait entraîné auprès de leur unique fille.
