VOL AU-DESSUS D'UN NID DE SORCIERS :
Voyage en terre d'Hermine.
Catégorie : Fin alternative. Evidemment, JKR n'a pas encore terminé son roman ! Néanmoins je gage que sa fin sera bien différente de la mienne.
Résumé (Synopsis) : Vous êtes moldus et vous découvrez une baguette magique laissée par votre mère défunte. Que faites-vous ? Si un excés d'imagination et d'espièglerie vous conduit à l'utiliser et que ça marche ? Amusant, n'est-ce pas ? De quoi épater votre entourage, assurément ! Si vous aviez su, alors, que vous ouvriez la porte à de gros - de très gros ennuis - vous vous seriez précipités dehors. Hélas il est trop tard et vous voilà parti pour un prodigieux voyage vers un pays qui existe mais qui n'est sur aucune carte au monde ! Alors laissez-vous aller, l'aventure vous tend les bras !
Date de première publication : 30 Janvier 2007.
Rythme des parutions : Premier et troisième vendredi de chaque mois. Tant que ce sera possible !
Emprunts (spoilers) : Tomes 1 à 5 inclus.
Crédits littéraires ( Disclaimer) : Les personnages , les noms, les caractères et les lieux du roman Harry Potter, cités dans mes écrits, demeurent la propriété de J.K. Rowling, ceci par l'intermédiaire des Editions Bloomsbury © et de la compagnie Warner Bros © ou tout autre ayant-droit légal. Tous les autres éléments sont à moi…"
Autres crédits : Tous les autres emprunts fairont l'objet d'une déclaration spécifique en fin du chapitre concerné.
Toute ressemblance avec une personne physique, groupe ou personne morale, vivante ou ayant vécu serait totalement fortuite et involontaire.
Dédicaces : A celles et ceux dont les voix couvrirent les hurlements de la tempête. Ils se reconnaîtront. Que ces pages soient, envers eux, le témoignage de ma gratitude et de ma plus profonde amitié !
A Nanou, ma femme ainsi qu'à mes deux colombes Violaine et Séréna.
Veuillez tous accepter mes remerciements anticipés pour vos commentaires et appréciations. J'essaierai de répondre à tous individuellement. Cependant, le temps me manquant parfois beaucoup je risque de devoir répondre collectivement. Ne m'en tenez pas rigueur.
Chapitre 1
Une Ombre dans la maison...
Christophe Barenton arrêta la voiture devant l'entrée de la cuisine. Il contempla un instant la porte-fenêtre à petits carreaux légèrement faussés par l'ancienneté. Les souvenirs ! Il savait qu'ils allaient affluer comme une marée joyeuse et sombre. Sa main hésitait à faire ce geste simple d'ouvrir sa portière. Il aurait tant voulu que cet instant durât, comme juché entre ciel et terre, niant le cours du temps indifférent.
« Allez ! » l'encouragea la voix douce mais ferme de Cécilia.
Ils sortirent tous deux, tentant le tout pour le tout afin d'éviter de briser le silence des lieux. Le silence que la voix de sa mère ne romprait plus jamais. Le silence qui avait usurpé la propriété de cette maison maintenant que la vieille dame s'en était partie.
Qu'est-ce qui était parti ?
Rien. Rien qu'un souffle, une plume, un peu d'air. Un être, une vie, un cœur qui avait cessé de battre la cadence, en phase avec l'Univers. Un roc qui s'effondre, un monde qui s'évapore et le vide qui s'installe !
Qu'est-ce qui est parti ?
Rien. La vague brisée, le cri d'une mouette riant dans le vent langoureux et, au loin, la sirène d'un navire invisible. Que transporte-t-il ? Du blé, du bois, des machines ou, plus simplement l'âme de la défunte vers le Pays des Bienheureux Endormis ?
La brise apportait des effluves salés comme pour rassurer l'esprit, pour calmer la douleur. Le minuscule océan de ses larmes resta captif derrière ses yeux.
De toute façon à quoi ça sert de pleurer ?
Pourquoi pleure-t-on ?
Pourquoi meurt-on ?
Pour grandir, pour revivre et revivre encore. La Vie est éternelle, mon fils. La Vie se sert de la Mort pour nous faire vivre et toujours vivre ! Notre immortalité prend tout son sens dans notre mortalité. Ainsi est la loi.
C'est ce qu'elle lui aurait répondu en un sourire serein, levant la tête de son ouvrage.
Comment l'avait-elle su ? Par la brise, la tempête ou son feu de cheminée… Qui le lui avait dit ? Peut-être un druide égaré dans les couloirs de l'histoire.
Le Vieux Chêne m'a dit… , Répondait-elle invariablement aux questions que le jeune visage de son fils étonné lui posait.
Le Vieux Chêne m'a dit… , Rétorquait-elle encore quand les rides avaient pris possession de ses traits sans altérer profondément sa naturelle beauté.
Un jour Christophe, encore adolescent, avait discerné l'ombre furtive d'un vieil homme, massif, se mouvant lentement mais avec une force et une sûreté qu'il n'avait jamais vues jusqu'alors. Et qu'il ne vit plus jamais ! Il ne produisait aucun bruit, ne disait rien, mais sa présence créait une silencieuse musique que nul n'avait jamais entendue. Il avait collé une oreille à la porte, poussé par une soudaine curiosité.
- Les Temps seront bientôt là… avait commencé le vieil homme. Etait-ce lui, le Vieux Chêne ?
- J'ai peur !
- La peur n'amène rien de bon, Esther - il y eut un silence - tu le sais !
- Il n'empêche ! Je ne suis pas maîtresse de mes sentiments.
- La question n'est pas là. Tu ne pourras pas te dérober éternellement.
- Il est trop jeune, trop immature. Combien reste-t-il de temps avant… ? La voix de sa mère avait buté sur un obstacle trop fort pour elle.
- Ce qu'il faut mais toi, tu en demanderas toujours plus, et tu seras prise de cours.
- Peu importe, il sera toujours temps de voir à sa majorité !
- Soit ! Comme tu voudras, Esther, mais j'espère que tu n'auras pas à regretter ton attitude car, alors, ce qui arrivera ne connaîtra aucune commune mesure avec tes peurs. Adieu ! Peut-être nous reverrons-nous.
Christophe avait perçu le pas du visiteur se dirigeant vers la porte. Il n'eut que le temps de se blottir dans un recoin obscur du corridor. L'homme sortit, referma la porte doucement, fit quelques pas en direction de la sortie. Soudain, il fit volte-face, brutalement malgré son âge apparent.
- Le hasard n'existe pas, dit-il à voix basse, ses yeux brillant dans la pénombre comme s'il discernait le garçon avec certitude. Surtout ne dis rien… à personne ! Tu m'entends ? A personne, parce que les traîtres et les faux amis seront légion. Puis il avait quitté les lieux sans se préoccuper de ce que l'enfant aurait pu répondre.
Depuis, les temps étaient passés laissant les feuilles d'automne traîner sur le sol des vies qui s'écoulaient, et le souvenir du Vieux Chêne s'y était évaporé. Mais sa mémoire gardait d'infimes traces comparables à celles qui perdurent après le passage d'un pèlerin sur le sable. Et le passé venait de s'ouvrir pour laisser filer ce souvenir captif dans son négligent intérieur.
L'ombre d'un mystère attendait de se révéler, tapie derrière le saule pleureur au-dessus d'un ruisseau de larmes, juchée sur la vieille girouette toute grinçante qui représentait une sorcière sur son balai, espionnant du fond du puits pour le compte d'il ne savait qui ; un mystère que Christophe avait toujours pressenti sans jamais en connaître le nom. Le silence languissait aux rayons du soleil qui se dirigeait doucement vers la paix du couchant, tandis qu'un moment d'éternité se glissait en catimini dans le cœur des arrivants. Moment où s'arrête l'aiguille sur la pendule, instant fugace où la question cesse sur son point d'interrogation, dans l'attente de ce qui va venir précipiter les événements.
- Quelque chose va changer, murmura Christophe en prenant la main de sa femme. Celle-ci lui répondit par une légère pression sur ses doigts.
- Je sais ! fit-elle, mi heureuse, mi inquiète. Elle accentua son étreinte comme pour l'encourager
Elle reprit :
- De toute façon, nous ne pouvons reculer.
Il avança la main pour ouvrir la porte de la cuisine. Elle tremblait légèrement, mue certainement par l'émotion, les souvenirs jaillissant de sa mémoire enfin réveillée, la crainte de ce silence qu'il écoutait trop et de ce lendemain qui le verrait devenu autre, face à une réalité qu'il ignorait encore.
La porte céda en chantant légèrement. Ils entrèrent, le silence sur leurs pas. La vie de l'ancienne demeure les baigna, faite d'odeurs subtiles de meubles, de cuisine et de présence humaine ou féerique, de bruits minuscules produits par le bois qui travaillait, le trottinement inconsistant d'une souris derrière une plinthe et le choc d'une goutte heurtant le fond d'un évier.
L'obscurité emplissait tout avant que vînt la lumière, quand Christophe ouvrit les volets.
La porte donnant accès à la pièce voisine bougea, puis s'entrebâilla sous une légère poussée.
- Miouw ?
L'animal s'arrêta au milieu de la cuisine puis sauta sur la table pour mieux contempler les intrus. Il était tout blanc à l'exception de deux perles d'émeraude, laissant deviner une vive intelligence, à la place des yeux. Plutôt grand pour un chat, ses oreilles pointues semblaient démesurées et donnait à cet être l'air de sortir d'une pyramide égyptienne. Il se posa sur son séant, paraissant contempler Cécilia avec une attention extraordinaire.
- Oh mais d'où tu sors, toi ? T'es beau comme tout ! Tu acceptes les caresses ?
- Miouw !
Le chat acceptait les caresses.
- Et comment t'appelles-tu ? Voyons, laisse-moi deviner… Gwen ! lâcha-t-elle après un instant de réflexion. Je te verrai bien t'appeler Gwen ! Blanc ! C'est ça ?
- Mraow !
Le chat se dressa puis posa ses pattes délicatement sur la poitrine de Cécilia qui exulta :
- Christophe, j'ai trouvé son nom. Tu savais que ta maman avait un chat ?
- Elle ne m'en a jamais parlé. Pourtant nous nous téléphonions presque chaque semaine.
- Tu ne l'avais jamais vu ?
- Non, jamais. C'est vrai qu'il est beau, je n'en ai jamais vu de pareil !
Christophe s'était approché, visiblement émerveillé par cet être. Il aurait assuré que jamais il n'en avait vu de semblable.
- C'est vrai que tu t'appelles Gwen ? dit-il, s'adressant au chat.
- Mraouw !
Les deux humains s'entre regardèrent, puis éclatèrent de rire. Ils venaient d'adopter le cadeau de la vieille dame.
- Mais au fait ! fit Cécilia , si ce chat appartient à ta maman, il n'a rien dû manger depuis qu'elle est morte, non ? Pourtant il a l'air bien, regarde !
- Tu as raison, il ne semble pas amaigri, il ne réclame pas à manger non plus. Il existe certainement une issue quelconque quelque part. Ce qui peut laisser supposer qu'il peut très bien venir de chez un voisin.
- Quel dommage, je l'aurais bien gardé, moi !
S'adressant au chat :
- Tu appartiens à un voisin ?
- Miouw !
- Tu vois, reprit-elle, il était bien à ta maman !
Christophe eut un sourire indulgent :
- A te croire, tu parles le langage des chats depuis toujours ! Nous nous renseignerons auprès des voisins. Ils sauront bien nous dire !
- Et bien moi, je sais que ce chat est à nous !
Elle saisit Gwen dans ses bras qui se laissa faire sans rien dire, et l'entraîna dans une courte danse au milieu de la cuisine.
Son mari préféra changer de sujet, amusé mais aussi, troublé par l'enthousiasme de sa femme. Il préféra passer dans le salon, suivi de Cécilia qui avait lâché Gwen, lequel suivit le couple docilement.
La pièce était assez vaste, garnie de meubles anciens. Il régnait une atmosphère de vieil intérieur propre où flottait une odeur ténue de cire d'abeille, de feu de bois et de livres précieux qui garnissaient une vaste bibliothèque occupant un pan de mur. Dans un coin, une cheminée rustique, encore garnie de bois, semblait attendre qu'on l'allumât dans les gestes rituels convenant à son antique majesté.
Tandis que Christophe s'asseyait dans un des fauteuils auprès de l'âtre, Cécilia laissa son regard embrasser les lieux avec curiosité. Après tout, c'était la maison où son mari avait passé toute son enfance, le cadre où, jeune pousse, il apprenait la vie et tous ses moments, agréables et désagréables. Puis elle commença à faire le tour de la pièce, d'un pas distrait.
Mraouw !
Le chat attendait auprès d'un escalier.
Laissant Christophe à ses réflexions, elle gravit les marches de bois, précédée de Gwen, lentement, toute plongée dans la solennité de l'instant. Il régnait ici un silence particulier, attentif et lourd de profondeur. L'escalier débouchait sur un corridor puis sur une porte massive. L'odeur se faisait, ici, bien particulière, étrange, un peu enivrante. Il émanait de l'endroit comme une vibration légère mais bruissante qui courait le long des veines de la jeune femme.
Elle approcha de la porte, lentement. On aurait dit que l'air, seul, supportait le poids de ses pas. Les paumes de ses mains ressentirent quelque chose d'électrique puis elle perçut l'ombre d'une présence furtive à sa gauche. C'était léger, inconsistant. C'était profond et puissant. Cela se tenait dans un recoin sombre, tapi là depuis des années comme de l'air mêlé à l'air mais attentif et vaguement hostile.
Cécilia préféra s'immobiliser, un besoin de prudence se levant en elle. Elle porta ses yeux en direction du coin sombre : rien, aucune trace de qui que ce soit ou d'autre chose. Qu'une ombre un peu plus épaisse que les ombres environnantes. Elle détourna les yeux doucement vers la porte et dans le recoin sur le côté de sa vision elle perçut la montée d'une sorte de brume.
Vous ne pouvez entrer ici !
Les mots, froids, chuchotés, avaient fait irruption dans sa pensée alors qu'elle ne s'y attendait pas. Risquait-elle de sombrer dans quelque piège ? Un léger chatouillement se manifesta au bas de sa colonne vertébrale. Une seconde après, une vibration identique rejoignit la première. Puis une autre. Un frisson naissait au tréfonds de son être. La peur. Ce serait bientôt un ruisseau d'angoisse, puis une rivière ! Un océan d'horreur allait l'envahir. Cécilia ne pouvait plus reculer, ni avancer. Elle voulut parler mais sa bouche ne laissa passer aucun son. Dans quelques éternelles secondes où s'accrochait sa vie, elle serait livrée à cette ombre sordide. A présent, cette brume quasi invisible semblait se former en un noir arachnoïde qui la contemplait d'un regard de mort.
La forme s'approcha, ouvrant de larges pinces prêtes à broyer la jeune femme. Un dard empli de venin putride se dressa pour la transpercer. Elle allait crier, cédant à l'angoisse prête à déferler. Puis soudain :
Je suis ce que je suis !, pensa-t-elle à l'adresse du monstre. Les mots avaient surgi, sans prévenir, lancés comme un jet de sable à la tête de l'apparition. Celle-ci s'arrêta.
Je suis ce que je suis !, répéta cette dernière. Elle parut réfléchir un moment. Le silence se fit plus léger, la tension diminua. L'araignée de brume sembla se diluer en une vapeur blanche, l'air devint plus frais, légèrement piquant.
La voix reprit dans sa tête : Protégez-le ! Protégez mon fils !
Cécilia eut assez de maîtrise sur elle-même pour ne pas s'exclamer :
Protéger Christophe ? Mais de qui ? De quoi ?
Mais il n'y eut point de réponse. La brume se dilua et disparut. Avait-elle seulement existé en dehors de l'imagination - terre fertile - de Cécilia. ? La porte fit retentir un déclic puis s'ouvrit toute grande, lui permettant d'entrer.
C'était un bureau clair et vaste, illuminé par une baie vitrée. Les meubles étaient anciens, patinés, incontestablement de style anglais, méticuleusement entretenus par une main soigneuse. La pièce n'était pas rangée avec précision mais le désordre régnant respectait l'harmonie qui se dégageait des lieux. Aucune poussière ne s'était déposée malgré l'absence de la maîtresse de maison depuis quelques jours. L'atmosphère était sereine mais elle irradiait une vague impression de mystère, plus encore que dans le reste de la demeure.
Tranquillité, doux mystère d'une vieille dame qui s'en était allée. Cette agréable impression recevait, cependant, un évident démenti :
Protégez-le ! Protégez mon fils !
La visiteuse haussa mentalement les épaules. Après tout, beaucoup de mères sont protectionnistes avec leurs enfants, même à un âge avancé. Mais la supplique de l'ombre avait quelque chose de pathétique qui la mettait… mal à l'aise. Quelque chose ne cadrait pas. D'abord qu'est-ce qui s'était interposé, là-bas, devant la porte et qui lui avait causé tant de peur ? Pourquoi ce silencieux dialogue avec cette inexistence lui paraissait-il, au fond d'elle-même, tout à fait normal ? Comment osait-elle croire ce que n'importe qui rejetterait d'un geste en souriant ? Imagination pure ? Non ! Autre chose ! Certainement autre chose ! Mais quoi ? Le malaise de Cécilia allait en s'accroissant.
Elle s'approcha lentement de la bibliothèque avec précaution, remarquant du coin de l'œil Gwen, lové sur un pouf de tissu rose. Visiblement l'animal était habitué des lieux, ce qui confirmait son appartenance à la mère de Christophe. Elle ouvrit la double porte vitrée et se saisit d'un livre ancien, relié finement en cuir vert un peu fané par les ans, dont la tranche avait perdu sa dorure par endroits. L'intérieur était magnifiquement conservé même si les bords des feuilles de papier précieux avaient légèrement jauni conférant encore plus de cachet à sa découverte. Une main experte avait tracé une écriture fine, résolue et d'une beauté raffinée.
Cécilia tenta de lire le texte.
La surprise la cloua sur place. Impossible de comprendre quoique ce soit ! Ses yeux enregistraient bien ce qu'ils voyaient mais son cerveau refusait d'interpréter ce qu'il recevait de sa vision. L'impression était déconcertante : elle s'imaginait se trouver au bord de la compréhension des signes qu'elle avait devant elle mais elle butait sur quelque chose, un élément subtil qui l'empêchait de saisir le sens de ces pages mystérieuses.
Interloquée, elle se rabattit sur la couverture où le titre s'étalait en lettres d'or. Même effet, la frustration se mêlait à l'incompréhension dans son esprit intrigué. Et pourtant ! L'étrange ouvrage lui chauffait le cœur. Il vibrait, il bruissait dans ses mains attentives, son histoire au bout des lèvres qui attendaient de pouvoir conter. Elle voulut le jeter à terre. C'était rageant, quand même !
Une impression subtile retint son geste, un sentiment étrange la liait à cet ouvrage. Lui appartenait-il ? Non ! Le lien qui l'unissait à ce dernier résidait ailleurs, bien plus loin qu'une simple possession. Ces pages avaient-elles une âme ? Et celle-ci imprégnait-elle son âme, telle une silencieuse musique ? A quel infini cette belle écriture s'adressait-elle, cantique incompréhensible adressée à des cieux bien plus vieux que le plus ancien des mondes ?
Renonçant à comprendre, elle posa le livre sur le secrétaire qui se trouvait là puis reprit l'examen de la bibliothèque. La plupart des ouvrages lui parurent anciens, à peu près tous écrits en Anglais. Les autres, tout aussi anciens, se couvraient de caractères incompréhensibles pour elle : arabes pour certains, et même chinois, peut-être. Pour l'un d'entre eux la jeune femme reconnut les boustrophédons hébreux ! Certainement la copie d'un très ancien manuscrit.
Elle soupira. Certes Christophe faisait là un bel héritage mais quelle frustration devant cette connaissance incompréhensible ! Pourquoi Esther Barenton, apparemment, n'avait-elle jamais transmis celle-ci à son rejeton ? Certes, ce dernier avait fait des études et à présent il jouissait d'une bonne situation comme commissaire de police. Il connaissait beaucoup de choses mais ne possédait certainement pas l'érudition qui s'étalait ici. Quant à Esther, elle n'avait jamais montré quelque science particulière dans le cadre de leurs relations. N'est-ce pas un crime que de laisser toute cette culture sous le boisseau ?
Protégez-le ! Protégez mon fils !
Protéger Christophe ? De quoi ? Cette phrase qui revenait d'une façon lancinante apportait-elle un début de réponse ? Cette bibliothèque recelait-elle un danger en raison du savoir qu'elle véhiculait ? A moins qu'il n'y eût autre chose ? Quelle angoisse déchirait le cœur de cette mère, au point d'écarter son fils de cette pièce ?
Ma mère ne m'a jamais laissé entrer dans son bureau ! Dans sa chambre c'est arrivé, mais dans son bureau, jamais !
Cécilia se souvenait de ces paroles paradoxales prononcées par son mari, il y avait déjà un moment. Elle laissa échapper un nouveau soupir. Trop de questions l'assaillaient depuis qu'elle avait pénétré dans cette maison.
Quelque chose va changer !
Elle l'avait dit en arrivant. Non ! Christophe l'avait lâché avant elle puis elle avait confirmé, son cœur ressentant ce vertige particulier qui nous saisit devant une telle certitude. Et voilà qu'à présent son être rendait un écho identique. Une image fulgura dans son esprit mais si fugitive qu'elle ne la reconnut point.
Laissant la bibliothèque, elle s'assit devant le secrétaire. Les scrupules la ralentissaient, tellement l'atmosphère d'intimité était forte dans cette pièce. Elle se sentit une âme de profanatrice mettant au pillage quelque tombe égyptienne. Reléguant quelque peu ses réticences, elle ouvrit le tiroir de gauche pour n'y découvrir que des papiers ordinaires, de menus articles de bureau ainsi qu'une grande plume blanche qui devait être une plume d'oie. Elle avait été effilée à la pointe et portait des traces d'encre.
Curieux objet, alors qu'il y a des stylos dans le tiroir. Qu'est-ce qu'elle écrit avec cette plume ?
Cécilia préféra délaisser, provisoirement, l'objet pour s'intéresser au tiroir de droite. Là, elle ne trouva que quelques feuilles de papier un peu épais, légèrement bruni et fibreux, quelque chose d'un peu primitif paraissant ancien. Le papier voisinait avec trois bougies d'un jaune passé. Toutes portaient leur mèche noircie par une utilisation précédente. D'elles, émanait une odeur de cire d'abeille, ténue mais nettement perceptible à son odorat.
Mieux valait ne pas chercher à comprendre pour l'instant, mais elle discernait pourquoi Esther cachait ses activités dans ce bureau, non seulement à son fils mais très certainement à toute autre personne. Que serait-il advenu à quelqu'un qui aurait cherché à forcer la porte ? L'angoisse qui l'avait étreinte se rappela à sa mémoire. La mort, la folie ou quelque chose de pire, encore ?
Et pourtant elle était entrée.
Je suis ce que je suis !
Visiblement c'était cette pensée surgie du fond d'elle-même qui lui avait ouvert la porte du bureau. Pourtant elle n'avait pas réfléchi, rien n'avait motivé son exclamation et la porte s'était ouverte comme si elle avait dit un mot de passe ou prononcé quelque formule magique. Seulement, elle n'était pas magicienne et ne croyait pas à la magie, alors… Et puis quelle magie découvrir dans cette banale pensée qui s'était révélée constituer un véritable sésame ?
Cécilia continua de tourner dans le bureau, son immense regard bleu traînant dans le vague, telle un chien de chasse le nez au vent. Elle attendait. Tout son être attendait, et sa pensée, lentement, se libéra de toutes ses questions pour laisser la porte ouverte à ses impressions. Cela dura un long moment où rien ne se produisit et où seul le silence parut peupler les lieux. Même Gwen se taisait, juché sur un fauteuil de cuir vert, jouissant du confort et de la chaleur de ce dernier. Une cloche lointaine sonna une heure quelconque, puis l'appel bref d'un train lui répondit.
Puis soudain : Sous la bibliothèque…
Elle se dirigea vers le meuble avec vivacité, puis s'agenouilla, mais ne vit rien. Ses doigts cherchèrent une aspérité ou, au contraire une cavité sur le plancher mais ne trouvèrent où s'arrêter. Elle soupira. Machinalement sa main se leva pour abandonner les recherches et heurta légèrement la bibliothèque, glissa lentement. Une cavité ! Elle avait trouvé un creux peu profond, assez long dans le fond. Ses doigts dessinèrent les contours d'un objet rectangulaire et dont la consistance n'était pas celle du bois. Son cœur s'emballa. Il s'agissait de quelque chose de plus chaud, certainement du cuir. Resserrant ses doigts autour de l'objet elle força un peu dans tous les sens et après un certain temps d'efforts sans succès, parvint enfin à dégager la chose.
Il s'agissait bien d'un étui de cuir blond, plutôt ancien, vide de tout dessin. Cécilia le contempla un moment sans oser l'ouvrir, puis le posa sur le secrétaire. Enfin elle se risqua à soulever le couvercle lentement, vaguement craintive, comme si, devant elle, se tenait une boîte de Pandore. Qu'allait-il sortir de cette obscurité ?
Pourtant, rien de fâcheux ne se produisit. Dans la boîte, entourée d'un tissu d'un rouge passé, la jeune femme découvrit une baguette de bois. Peut-être celle d'un chef d'orchestre, mais le bois ne semblait pas précieux. Manifestement, l'objet était ancien, sans fioriture particulière. En fait sa banalité interdisait tout intérêt à son égard.
Néanmoins, quelqu'un l'avait cachée là, si soigneusement que nul ne l'aurait trouvée à cet endroit. Cécilia se souvint de l'injonction qui avait traversé sa pensée. Les questions reprenaient leur danse infernale dans son esprit.
Ah non ! Ca suffit !
Emportant l'étui dans une main et le livre mystérieux de l'autre, elle se hâta de descendre rejoindre son mari, pour empêcher toutes ces interrogations d'affluer à nouveau.
Christophe était assis dans un fauteuil du salon, en train d'examiner des papiers. A son entrée, il souleva la tête :
- On dirait que tu as fait des découvertes ! déclara-t-il.
- Beaucoup de questions, surtout. Regarde !
Elle posa l'étui contenant la baguette ainsi que le livre sur la table et attendit patiemment que son mari s'y intéresse. Celui-ci s'empara du livre, l'examina sous toutes les coutures, l'ouvrit, le contempla quelques secondes sans piper mot puis cligna des yeux.
- Qu'est que c'est ce truc ?
- Ne t'inquiète pas il m'est arrivé la même chose. C'est comme si tu lisais les caractères mais ton cerveau ne sait pas les interpréter. C'est ça ?
- Oui, quelque chose comme ça, effectivement. Ca sort d'où ?
- De la bibliothèque qui est dans son bureau. D'ailleurs il m'est arrivé une drôle d'histoire, là-haut.
Cécilia se mit à raconter ce qui s'était produit lors de son expédition à l'étage supérieur. Pourtant, elle omit un détail, quelque chose en elle s'y opposant.
Protégez-le ! Protégez mon fils !
Elle connaissait suffisamment son mari pour savoir qu'il lui était inutile d'ajouter de commentaire à son récit. Christophe préférait connaître les événements, laissant les commentaires pour la suite. Quand elle se tut, un silence plana un temps entre les deux comparses. Il écarta le livre qui lui fatiguait les yeux, se frotta l'arête du nez, trahissant ainsi un certain embarras. Puis sa main se porta sur le coffret contenant la baguette de bois, l'ouvrit, en retira l'objet pour le placer entre les deux mains et l'observer tout à loisir. Il ne disait rien mais une petite ride apparue sur son front indiquait à Cécilia dans quelle perplexité il se trouvait plongé.
Puis il fit une moue désabusée.
- Décidément ma mère était une bien curieuse bonne femme ! Elle était complètement extravagante dans le fond. Pourquoi avoir caché cette baguette avec tant de soin ?
- Sans compter le livre ! Moi il m'intrigue davantage parce qu'il est incompréhensible. Pour la baguette nous ne savons pas et nous ne saurons certainement jamais. Mais avoue que ce bouquin dont le sens paraît se dérober sous tes yeux est bien étrange, non ?
- Tout est étrange ici, en fait. Même notre comportement. Pourquoi as-tu éprouvé le besoin d'aller dans ce bureau, alors qu'il y a bien d'autres choses à visiter avant ?
- Peut-être pour rencontrer un peu de l'âme de ta mère avant de tout mettre tout sens dessus dessous. Comme pour demander une permission. Gwen m'a aussi un peu mise sur la piste.
- Gwen ?
- Le chat.
- Ah oui ! Le chat ! Celui-là aussi, il est bizarre, non ? Il connaît parfaitement la maison mais n'a rien mangé depuis le décès de maman. A moins qu'il n'y ait une issue de l'autre côté de la maison, bien sûr. Ce sera à vérifier.
Il parlait comme à son assistant, l'inspecteur Lafontaine. Le limier s'excitait.
- Et ça ? – il parlait de la baguette en l'agitant. - Qu'est ce que c'est ?.
Christophe avait empoigné l'objet de la main droite. Il le promena au dessus de la table, pensif, puis sourit. Visiblement il lui venait une idée facétieuse :
- Cafécho ! lança-t-il en faisant sembler de frapper l'air du bout de sa baguette.
Une tasse remplie de café fumant apparut.
Christophe et Cécilia s'entre-regardèrent, les yeux légèrement écarquillés.
- Tu peux me dire comment t'as fait ça ?
- Ben comme ça. Cafécho ! Il renouvela son geste
Une nouvelle tasse de café chaud apparut.
La jeune femme approcha la main de l'une des tasses, en superbe porcelaine anglaise, la toucha avec prudence, puis voyant que rien de spécial n'arrivait, la prit et la porta à ses narines.
- Mmmm ! fit-elle en fermant les yeux, dilatant ses narines. Et elle but avant même que son mari esquissât un geste pour l'empêcher de commettre l'irréparable. Il est excellent ! Goûte-le !
Christophe, perplexe et vaguement inquiet absorba le liquide obscur.
- Excellent, en effet ! Un autre ?
- Non, tout à l'heure peut-être ! Les tasses sont magnifiques… Porcelaine anglaise qui ne date pas d'hier. Tu peux me dire le nom de ton antiquaire ?
- Il y a dix minutes j'étais loin de m'imaginer te servir un café dans de telles conditions. Ne m'en demande pas plus ! "
Puis ils se regardèrent, réalisant l'incongruité de leur conversation.
- C'est complètement fou ! réalisa-t-il. Et ils éclatèrent de rire.
- Je sens que nous allons avoir des ennuis, de gros ennuis même ! dit-elle mi-riant mi-s'inquiétant.
C'est à ce moment là que retentit la sonnette à la porte d'entrée.
Fin du chapitre !
