Depuis ce jour là, des années plus tôt, le bonheur était un mot qu'il avait banni définitivement de son vocabulaire. Il avait tout laissé tombé, avait perdu le combat, abandonné l'idée de vivre. Parce qu'il n'en avait plus envie, parce qu'il n'avait pas de raison de s'accrocher, parce qu'il ne faisait plus que survivre péniblement de jour en jour, et que ça faisait mal, horriblement mal.
Mais les gens ne vous laissent pas partir si facilement, ils croient qu'on peut toujours se remettre, repartir de l'avant, qu'il suffit d'un peu de volonté et de travail sur soi même.
Il n'aimait pas faire pleurer sa mère. Ce n'était pas de sa faute après tout. Alors il les avait laissé le prendre par la main et le tirer vers le haut. Il avait ''surmonté les difficultés'' comme ils aimaient si bien le dire. Mais ils ne comprenaient pas ! Ils ne voyaient pas qu'en réalité il était déjà mort. C'était à une coquille vide, un automate, qu'ils s'accrochaient tous si fort. Car pour lui, sourire s'apparentait à faire la grimace, être heureux consistait à bien jouer la comédie, vivre était une punition.
Un trou béant s'ouvrait en plein centre de sa poitrine. Son cœur mort gisait en morceaux au sol. Depuis le temps il y était habitué, il faisait avec, en attendant le jour où tout se terminerait enfin. La seule chose qu'il attendait encore avec impatience.
Et puis il était arrivé. Cet idiot têtu au grand cœur. Il avait tout chamboulé sans se soucier de voir qu'il détruisait allègrement toutes ses barrières. Il s'était acharné encore et encore même lorsqu'il le repoussait de toute ses forces, qu'il était désagréable, froid et distant. Il avait tout supporté sans broncher, les pires moments comme les meilleurs. Il s'était agenouillé et avait pris la peine de ramasser son cœur, fragment par fragment pour le reconstituer avec une patience infinie. L'automate était redevenu une personne, le bonheur une émotion et la vie un don.
Il lui avait tout réapprit depuis le début et l'avait accompagné à chaque pas. Il l'avait aimé, inconditionnellement, assez pour montrer à son cœur comment battre à nouveau. Il lui avait fait rompre toutes ses promesses, lui avait montré que l'impossible n'existe pas et que ce qui a été écrit, peut être effacé.
Ceci est l'histoire d'un homme qui ne croit plus en rien.
Ceci est l'histoire d'un idiot têtu.
Ceci est l'histoire d'un apprentissage long, difficile, douloureux.
Ceci est l'histoire de deux hommes qui se repoussent autant qu'ils s'attirent.
Ceci est leur histoire.
