Ce premier ficlet n'est qu'une simple introduction au recueil, pour bien le situer après la bataille de New York – même si je n'exclue pas d'éventuels flash-back à l'avenir. 'Vivants' mettra donc en scène Natasha et Clint, dans diverses situations, illustrant une relation un peu bordélique. Parfois, ils seront adorables et complices, d'autres submergés par l'amertume.

Ma bêta pour cette fanfiction est Marshmallau (si vous saviez combien ce mot m'agace, j'arrive jamais à l'écrire convenablement), avec qui je travaille depuis des lustres maintenant ! Ce recueil sera par ailleurs aussi publié en anglais (je me diversifie !).

Les Avengers ne m'appartient pas (hélas).

Bonne lecture !


S'y faire


Natasha parcourait les rues de Paris de sa démarche à la souplesse féline, un léger sourire flottant sur ses lèvres. Ses aventures en tant qu'Avenger et la toute nouvelle forme de célébrité qu'elle impliquait avaient mis sa carrière à mal. L'anonymat nécessaire à sa profession désormais compromis, elle ne pouvait plus se permettre de tourner le dos au SHIELD. Fini les missions d'infiltration – les plus distrayantes – où elle pouvait se glisser dans une existence nouvelle, le rôle lui collant toujours à la peau, son entraînement et son self-control dissimulant les craintes, les attentes, l'excitation. Pourtant, c'était une facette de son métier qu'elle avait appris à apprécier, ce port de masque aux multiples subtilités, ces fêtes ostentatoires grisantes, ces pigeons à berner, et les sens, toujours en alerte. Une tension qu'elle avait appris à maîtriser, à faire sienne, tout en se délectant de l'adrénaline qui courait le long de ses veines.

Une fois cette fin de carrière complètement assimilée, Natasha s'y était accoutumée; ce n'était qu'un aléa de plus dans son existence et si rien de tout cela n'était arrivé, elle serait probablement juste une danseuse de ballet hors-pair à l'heure d'aujourd'hui, éblouissant les conservatoires et les spectacles. Mais, tout comme il avait fallu que Alexi mourût, son anonymat aussi avait disparu, le remplaçant par une célébrité toute nouvelle et à laquelle elle devrait s'adapter, comme toujours.

C'était aussi la raison pour laquelle elle avait décidé de s'envoler pour Paris quand Fury leur avait accordé un congé. Ils avaient bien moins de fans une fois qu'on quittait le territoire américain et en usant de son autre identité, Natalie Rushman, elle s'était accordé une certaine tranquillité. Une fois dans la capitale française, elle avait retrouvé quelques amis et collègues; elle n'avait pu s'empêcher de continuer à collecter des informations, même pendant ses vacances bien méritées. Les habitudes avaient la peau dure.

Elle s'installa à la terrasse d'un café, lissant sa jupe, ajustant son chemisier d'un blanc impeccable et commanda un café d'un ton doux et autoritaire à la fois. Elle aimait se prélasser au soleil, avec pour seule compagnie un livre dans sa langue maternelle et un café; elle pouvait alors se perdre dans un autre monde, loin du sang, loin des inquiétudes et des culpabilités qui parfois la rongeaient lorsqu'elle demeurait un peu trop inactive.

Elle ne leva pas les yeux lorsque quelqu'un s'assit en face d'elle; cette démarche, elle pouvait la reconnaître entre mille tant elle était habituée à s'y fier. C'était l'une des rares présences rassurantes qui ne la surprenait jamais, pour avoir combattu tant de fois à ses côtés.

— Barton, je te croyais quelque part en Amérique du Sud, salua-t-elle d'un ton neutre.

D'un signe de main, Clint commanda un café, puis il planta son regard gris sur sa partenaire :

— Oh, j'y étais, avant que Fury me rappelle au bercail et me demande de mettre la main sur toi.

Retirant ses lunettes de soleil, Natasha lança un regard sarcastique à celui qu'on avait surnommé Hawkeye, haussant un sourcil interrogateur. La question franchit ses lèvres, moqueuse :

— Tu as fait tout ce chemin rien que pour moi ?

Clint résista à l'envie de sourire à l'ironie charmante de l'ex-espionne russe, et adopta plutôt le ton de reproche :

— Cela n'aurait pas été nécessaire si tu n'avais pas volontairement évité tout moyen de communication, Nat'.

— Et bien, je n'allais pas m'encombrer d'un téléphone et d'un ordinateur pour mes vacances, cela va de soi.

S'il y avait bien une chose que Natasha s'accordait pendant ses vacances, c'était le silence radio. Pas question d'emporter avec elle quoi que ce fût qui pût permettre à ses bien-aimés employeurs ou à ses super-héros de collègues de la joindre trop facilement. Autrement, ce n'était plus des vacances.

Clint porta sa tasse à ses lèvres, son regard toujours rivé dans le sien. Elle devinait déjà qu'il tentait de trouver un moyen de formuler ses pensées, quelque chose de mesuré, calculé. Pourtant, sa réplique s'avéra aussi directe qu'une implacable sentence. Si quelqu'un pouvait se permettre de se montrer aussi franc avec Black Widow, c'était bien lui.

— Les vacances sont terminées.

— Déjà ?

— On est des agents du SHIELD, il va falloir t'y faire.

Bien entendu, l'échange avait quelque chose de factice. Elle s'y était habituée depuis longtemps, à ce rythme de vie indécent et elle avait deviné sans peine la raison pour laquelle Clint était venu la retrouver – même si, au fond d'elle, elle avait espéré autre chose; le mince espoir avait voleté frénétiquement dans sa poitrine pendant quelques secondes, avant d'être réprimé par une vague de professionnalisme rodé. Mais elle avait tout de même besoin de marquer son existence d'un brin de normalité, de faire comme si cela lui importait, s'il y avait encore de la surprise dans ces aléas pourtant vite identifiés. Ramenant une mèche écarlate derrière son oreille et revêtant à nouveau ses lunettes, elle afficha un semblant de moue boudeuse, pour finalement souffler :

— J'y travaille.

Un sourire fleurit furtivement sur ses lèvres, un bref écho de celui qui se dessinait chez Clint.