Il pleuvait, mais les petites perles d'eau n'empêchaient pas les citoyens de se rassembler aux portes du château. Ils réclamaient ta tête, la République. J'accélérais le pas jusqu'à arriver devant une grande porte dorée. J'entendais ta douce voix à travers les murs. Tu chantais cette berceuse que ta mère te chantait quand tu était petite. J'ouvrais lentement la porte. Tu étais assise à ta coiffeuse comme si de rien n'était. Le brosse argenté arpentait tes cheveux d'or. Je prononçais ton nom dans un murmure et tu te retourna. Tu me souris tendrement et tu répondis à mon murmure par un simple « Bonjour ». Tu t'étais avancée vers moi pour m'enlacer, comme tu le faisais habituellement mais je te repoussai. Tu me regardas, hébétée, cherchant ce que j'avais. Je t'avais souris tristement en te tendant une de mes tenues. Tu avais regardé les vêtements avec surprise et tu avais glissé un petit « Pourquoi ? ». J'avais senti mon cœur se serrer quand je t'avais informer de la situation. Tu t'étais avancé vers la fenêtre, où le peuple attendait toujours. Ils essayaient d'enfoncer la porte devant ton regard effrayé. J'avais posé une main qui se voulait réconfortante et te demandai d'enfiler mes vêtements. Tu allas te changer derrière ton paravent. Je pris la robe de soie et commencer à l'enfiler quand tu m'arrêtas. Tes beaux yeux bleus étaient emplis de fines gouttelettes d'eau. Tu sanglotais et m'avais demandé ce que je faisais. Je t'avais répondu que je serai la princesse, qu'il n'y verraient que tu feu tandis que tu t'enfuirais vers un pays voisin. Tes larmes redoublèrent alors que le sol tremblait. Je te poussai dans ton armoire, en t'intimant de ne faire aucun bruit. La porte céda et une centaine de citoyens en colère débarquèrent dans ta chambre. Comme je te l'avais dit, personne ne remarqua que je n'étais que son humble serviteur. Nous nous ressemblions tant. Les mêmes cheveux dorés, les mêmes yeux bleus et la même peau laiteuse. Ils me firent prisonnier et je regardais l'armoire où tu étais cachée une dernière fois avant de fermer les yeux.

J'entends les cloches sonner le jugement dernier. Ce sont mes derniers instants. Des bruits de pas. Ils se rapprochent. Mes intestins se tordent et mon cœur se serre. Je me sent heureux, mais aussi tellement triste. Tant de sentiments contradictoires. Deux mains se posent sur mes poignets alors que les gardes m'enchaînent. On me lève sans délicatesse et me promène vers la potence. Le peuple est présent. Mes yeux se baladent dans cette foule enragée et je tombe sur une petite tête blonde. Tes yeux bleus me fixent. Un sentiment familier, comme il y a treize ans. J'aurais voulu te raconter cette histoire, au coin du feu. C'était il y a très longtemps, lorsque nous étions enfants. Nous sommes nés dans l'église du château, les cloches sonnant la nouvelle. Des jumeaux, quelle merveilleuse nouvelle pour le couple royal. Mais Dieu décida de briser ce bonheur. C'était un jour de printemps. Ce jour là, nous fûmes séparer. Tu ne te rappelles de rien. Je le sais. C'est peut-être mieux ainsi. On m'attache la corde au cou. Un dernier coup de cloche et le bourreau lâche sa sentence. Le sol se dérobe sous mes pas et mon souffle se coupe. Je te regarde une dernière fois. Tu pleures. Tes yeux rouges me fixent. Mes yeux me piquent. J'essaye de te sourire une dernière fois. Et dans un dernier souffle, je murmure une dernière fois ton prénom, petite sœur.