Encore quelque chose écrit pour Nelja, cette fois pour son anniversaire. Oui, j'offre des fics angsty pour des anniversaires alors que j'écris beaucoup plus souvent du fluff. Hey, j'allais pas écrire du fluff sur King Lear, ce serait complètement OOC ! On constatera également que vraiment, j'ai un kink bizarre sur les traîtres.


Il y a quelque chose en lui qui, depuis toujours, supplie sans s'arrêter. Qu'il soit éveillé ou endormi, cette voix, cette présence se fait entendre. Il a beau tout essayer pour la faire taire, il n'y a rien qui puisse la réduire au silence.

Alors il l'ignore, du mieux qu'il peut, il n'écoute pas cette plainte incessante qui réclame l'amour, et, au fur et à mesure, il finit par ne plus l'entendre, plus vraiment, comme le marin qui n'entend plus le bruit des vagues à moins d'y prêter attention. Et, jour après jour, il ment, il trahit, il trompe, il usurpe, pour ne plus l'entendre, pour ne plus avoir au fond de lui ce besoin insatiable d'amour. Il devient ce qu'on lui a toujours dit qu'il était: un bâtard, le fils d'une putain, un coeur froid et impitoyable.

Son demi-frère, qui semble si disposé à l'aimer malgré tout, si disposé à aimer qui que ce soit, et son père, il les trahit eux aussi. Il n'y croit pas lui-même lorsqu'il tente de se persuader que c'est par désir de vengeance, par envie de pouvoir, qu'il agit de la sorte. Non, c'est pour être sur de détruire ce qu'il veut plus que tout au monde, l'amour que son frère et son père lui portent.

"Ils ne m'aiment pas. Ce qu'ils m'offrent n'est pas de l'amour, mais de la pitié. Qu'ils la gardent, je n'en veux pas."

Au fond, il sait que c'est faux. Mais il y a longtemps, il a choisi de suivre le destin, et de devenir ce à quoi tous s'attendaient: un être pétri de jalousie, de traîtrise et de manque d'amour. Un bâtard. Un bâtard n'est pas aimé de son père, un bâtard n'est pas aimé de son frère. Ils ne l'aiment que parce qu'ils ne voient pas à quel point il est cruel et traître.

Alors, il lui appartient de leur montrer.

Mais il ne se sent pas satisfait lorsqu'Edgar le blesse à mort, car il y a une lueur de regret, presque de pitié, dans l'oeil de son frère, à la place de la haine qu'il aurait aimé y voir.

"Rien de ce que j'aurais fait n'aurait pu me rendre différent de ce que je suis aujourd'hui. Je n'avais pas le choix."

C'est ce qu'il aimerait sincèrement pouvoir penser.

Mais alors qu'il sent la vie s'échapper de lui, alors que le sang s'écoule de la plaie infligée par son demi-frère, ce qui a toujours hurlé en lui et supplié silencieusement aux autres un peu de leur amour, lui fait savoir, avec une certitude absolue, qu'il aurait pu en être autrement, s'il l'avait voulu. Les jours qu'il a passés à renier tout amour au profit du triomphe, il aurait pu les user à oeuvrer pour qu'on l'aime sincèrement. La mort de Goneril et celle de Régane en sont les trop cruelles preuves.

Mais il est trop tard à présent, et l'amer regret vient mordre son coeur et inonder ses yeux avant qu'Edmond ne rende son dernier soupir.