Colorado Springs, printemps 1877

La matinée est déjà bien avancée en ce premier jour de printemps et la ville de Colorado Springs bouillonne d'activité. L'épicier, Monsieur Loren Bray balaie devant sa boutique. Il salut son amie Dorothy Jennings qui commence son tour de la ville afin de remplir sa gazette de tous événements. Jack Sliker, le barbier et maire de la ville, s'octroie une petite pause après deux bonnes heures de travail, il remarque que son ancien associé, Hank Lawson est habillé de son plus beau costume. "Eh Hank… tu t'es mis sur ton trente et un… que t'arrives t'il ?

- Je vais aller chercher 2 femmes de chambre pour la pépite d'or, et un nouvel arrivage de filles…

- Te décidera-tu un jour à changer de métier ? l'interrogea Jack.

- Crois-tu que je sois comme toi ? Et qu'il faudrait une femme pour me faire changer d'avis ?

- Je ne sais pas mais lorsque ta grand-mère est venue te voir, tu n'étais plus aussi à l'aise à propos des "filles" !

- Baah, je n'ai ni le courage, ni l'envie d'en changer ! Allez, je te laisse, je dois accueillir dignement les femmes de chambre, je tiens à ce que la pépite d'or devienne un hôtel de standing. Salut."

Un chariot arriva devant la clinique du Docteur Michaëla Quinn, en descendent Sully son époux et Katie, sa fille. Le médecin sort alors de son cabinet. Sully l'accueille ainsi : "Prête Michaëla ?

- Oui… je suis un peu intimidée ?

- Ah oui, et pourquoi ?

- Mon premier jour comme patronne, c'est impressionnant, non ?

- Hank te répondrait que tu es suffisamment autoritaire pour t'en sortir sans problèmes ! répondit-il en souriant

- Et bien, nous allons bien voir…"

Ils se dirigèrent tous les trois vers la gare d'un pas énergique et furent rejoints par Daniel Simon ami de longue date de Sully. Les pépiements de Katie animaient leur parcours. Horace les accueillit jovialement : "Docteur Mike, bonjour, alors vous venez accueillir vos infirmières ?

- Oui, exactement trois et un médecin aussi et les derniers matériels et médicaments manquants ! rétorqua le médecin, et Matthew aussi qui vient passer quelques semaines avec nous !

- On dirait bien que votre Grande Clinique va finalement pouvoir être inaugurée bientôt !

- J'espère que mère en sera fière !

- Bien sûr qu'elle le sera ! lui dit Sully, ah, voilà le train qui arrive !"

Le train en provenance de Denver entrait en gare. Les pistons suintaient, crachaient des jets de vapeur. Un long grincement s'exhala de la locomotive comme si celle-ci soupirait. Le contrôleur descendit de suite et tira sur le marche pied du wagon dont il venait de descendre et cria : "Colorado Springs, 10 minutes d'arrêt !". Matthew passa la tête et descendit rapidement pour se diriger vers sa famille qui s'empressa de l'embrasser et de lui souhaiter la bienvenue. Il fut suivi par trois femmes sobrement vêtues et un homme longiligne. Ils cherchèrent quelqu'un du regard et lorsqu'ils virent Michaëla, ils s'avancèrent vers elle, l'homme s'adressa à elle : "Docteur Michaëla Quinn, je présume ?

- Oui, bonjour, vous êtes le Docteur Oliver Lewis ?

- C'est moi, oui, enchanté, dit-il en lui serrant la main.

- Bienvenu à Colorado Springs, ainsi qu'à vous miss Hartington, miss First, et Miss Temple !

- Ravie d'être là, Docteur, lui répondit Miss First. Ses compagnes opinèrent de la tête.

Pendant ce temps, à la fin du convoi, Hank accueillit ses filles et ses femmes de chambre. Alors qu'ils repartaient, Hank s'arrêta net, il regardait une jeune femme qui descendait de l'avant du train, elle était de taille moyenne, avait des traits fins, un visage ovale, de légères tâches de rousseur, des cheveux auburns et des yeux bleus couleur saphir. Horace qui le regardait vit dans les yeux de Hank de la fascination et du désir, il s'étonna que le tenancier puisse avoir le regard d'un homme amoureux ! Pendant ce temps là, la jeune femme sauta énergiquement sur le quai, elle portait une jupe-culotte en cuir souple accompagnée d'une veste en tweed sur un chemisier blanc ! Elle tourna la tête à droite et à gauche et tout d'un coup, s'écria "Byron, Byron…" là-dessus Sully se figea, fixa la jeune femme, puis lui sourit et couru vers elle en criant "Pauline, Ma Pauline !

- oh Byron, tu m'a tellement manqué, s'exclama t'elle, si tu savais comme tu m'a manqué, oh comme je t'aime… tout ceci dit en langue française !

- Ma Pauline, moi aussi, je t'aime" en anglais

Tous le monde sur le quai était figé, ébahi et Michaëla était pétrifiée, elle comprenait le français ! Katie lui dit : "Dans quelle langue elle a parlé la dame et pourquoi elle embrasse papa et pourquoi papa lui dit je t'aime ?". Quand enfin, elle réagit, se fut pour se mettre en colère et se diriger vers le couple enlacé, suivie par Matthew, Daniel et Katie : "Puis-je savoir qui est cette jeune femme, SU-LLY ?

- Oh, Michaëla… Pauline, je te présente ma femme, le Docteur Michaëla Quinn, Michaëla, je te présente… ma sœur… Pauline de St Tosy !

Là-dessus, l'assemblée garda la bouché bée quelques secondes, Pauline tendit la main à sa belle-sœur que Michaëla serra mais répondit à Sully : "Tu ne m'avais jamais dit que tu avais une sœur !

- Je ne l'ai jamais dit à personne en Amérique comme je n'ai jamais dit que mon vrai nom était O'Sullivan !

- Aurais-tu honte de moi et de ta vie passée, Byron ? Rétorqua Pauline, la tristesse dans la voix.

- Sully, il va falloir que tu t'expliques un peu plus longuement !, souria Michaëla un peu jaune,

- En son temps, Michaëla, en son temps… dis-moi, Pauline, sais-tu où te loger ? dit Sully pour couper court

- Non, il n'y a que quelques semaines que je connais ta situation actuelle, et j'ai fait mes bagages à toute vitesse et me voilà… avez-vous un hôtel, ici ?

- Nous en avons même deux… le Château des Sources à l'extérieur de la ville, et la Pépite d'Or au Centre Ville mais c'est déjà moins luxueux !

- Hank Lawson, patron de la Pépite d'Or, pour vous servir… j'ai des chambres disponibles !

- Bonjour… mais vos chambres sont-elles tranquilles et sans bruits ?

- Euh… non…

- Voilà au moins qui est honnête mais je pense aller plutôt à ce "château des sources" ! lui dit-elle en lui faisant un sourire charmeur.

- Eh bien, prenons les bagages de tout ce petit monde, répliqua Sully, et allons-y !

- Dis papa, c'est ta sœur la dame ? demanda Katie

- Oui ma chérie !

- Et c'est quoi la langue qu'elle parle ?

- C'est du français, ma chérie, ta tante est française ! Allez viens, nous allons à la Grande Clinique !"

Alors que tout ce petit monde se dirigeait vers le Centre Ville, Hank et Horace regardèrent Pauline partir… Au passage, Sully déposa les sacs de Pauline dans le chariot, et il se dirigea avec les autres à pied vers la sortie de la ville où Daniel et lui-même avaient mené la fabrication de la Grande Clinique. En effet, dans son testament, Elisabeth Quinn, mère du médecin, avait légué un énorme pécule à sa fille afin qu'elle construise une grande et belle clinique moderne à Colorado Springs. Le montant avait été suffisamment élevé pour que cette Grande Clinique soit le premier bâtiment en pierre de la ville et posséda deux étages. Sous les combles avaient été installées les appartements du personnel ! Le parc avait été aménagé avec un grand bassin où s'ébattaient des canards et les arbres avaient été préservés. Le nouveau médecin et les infirmières s'extasièrent devant le magnifique bâtiment. Michaëla leur fit visiter ainsi qu'à Pauline. On parla beaucoup de l'inauguration qui allait donner lieu à une fête de la Ville, ce dimanche après la messe. On parla aussi du bal qui aurait lieu le soir venu. Après cette visite et l'installation des membres du personnel, Daniel repartit chez lui non sans faire un sourire ravageur à Pauline. Sully et sa famille allèrent réserver une chambre pour Pauline au château des sources. Arrivée là, celle-ci se mit à rire : "mais ce château n'a de château que le nom !

- Que veux-tu la Grande clinique est le seul bâtiment en pierre ! Et c'est vrai qu'en que tant que française et châtelaine, tu t'y connais en "château". Au fait, qu'as-tu fait de St Tosy ? Tu l'as vendu ?

- Non, je l'ai gardé malgré le fait que j'ai passé ces dix dernières années à parcourir le monde et que je n'y ai vécu guère plus d'un ou deux mois par an !

- Quels pays avais-vous visités ? demanda Matthew,

- Toute jeune avec mon père, j'ai déjà visité l'Europe et l'Afrique du Nord ! Ensuite, il m'a laissé libre de mes mouvements et j'ai pu visiter la Chine, le Japon, l'Australie, l'Inde et tous les pays de l'Asie !

- J'aurais aimé voyager moi aussi", déclara Michaëla rêveuse

Après ces mots, Pauline prit une chambre et déposa ses bagages. Ensuite, ils partirent pour le ranch. Michaëla prépara le déjeuner pendant que Katie et Pauline mirent la table. Sully et Matthew qui s'étaient occupés des chevaux finirent par les rejoindre. Michaëla aborda enfin le sujet que l'intriguait tant : "Sully, vas-tu enfin me dire quel est ce passé que tu m'as caché et d'où te vient cette charmante sœur qu'est Pauline ?

- Et bien, nous allons commencer par le commencement, par mon père, Padraic O'Sullivan, était un irlandais issu du comté de Wesmeath. Il a rencontré ma mère…

- Ah, maman, notre douce maman, soupira Pauline.

- … une française, qui avait accompagné sa sœur qui devait se marier à un noble anglais, elle s'appelait Victoire de Saint Germain.

- Dis papa, ta maman, c'était mon autre grand-mère alors ? demanda Katie

- Oui, ma chérie, c'était ta grand-mère, et la meilleure des mamans, douce, gentille, intelligente mais forte… Elle s'est mariée avec Padraic contre la volonté de sa famille. La famine en Irlande leur a fait quitter l'Angleterre pour l'Amérique et je suis né sur le navire ! Entre temps, mon père avait changé son nom en Sully, pour que cela fasse moins son irlandais immigré. Et puis, il est mort… tué par un propriétaire terrien qui souhaitait avoir sa terre. Je n'avais pas 10 ans ! Notre mère complètement perdue est rentrée en France. Revenue dans sa province, la Normandie, elle y a rencontré le père de Pauline, Mathias de Saint Tosy. Ce fut son second grand amour ! Mathias se comporta avec moi comme si j'étais son propre fils. Puis ma petite sœur naquit. Elle fut ma seule raison de vivre pendant des années.

- Arrête, tu vas me faire rougir, rigola Pauline

- Non, c'est vrai… dès ta naissance, je me suis agrippé à toi et j'ai reporté sur toi tout l'amour que je ne pouvais plus donner à mon père… il me manquait tant. Pendant huit ans, ce fut le grand bonheur…puis maman est décédée, nous fûmes tous très malheureux. Quelques jours plus tard, suite à une grave dispute avec Mathias, je suis reparti vivre en Amérique ! Voilà tu connais la suite !

- Mais Sully, moi, je ne connais pas toute ta vie entre ton départ et ton mariage avec Michaëla, lui dit Pauline

Il lui raconta toute cette portion de sa vie que la jeune femme ignorait; Michaëla y apportant un détail de temps à autre ! Cette dernière questionna alors Pauline : "Et vous… excepté vos voyages… si je ne suis pas trop indiscrète bien sûr ?

- Je fus un temps fiançée mais il était par trop dominateur à mon goût. Tout en restant profondément catholique, mes voyages m'ont permis de connaître et de mettre en application certains préceptes bouddhistes et shintoïstes, j'ai passé beaucoup de temps au Japon, mon pays préféré ! Et puis… il y a 6 mois, père est mort…"

Sully blêmit : "Comment est-il mort ? T'a t'il dit quelque chose sur moi !

- Il a fait une chute de cheval dans le marais et s'est enfoncé un piquet dans le ventre, il a mit plusieurs jours à mourir… A ton sujet, il a été assez sibyllin, il m'a juste dit qu'il aurait aimé revoir son fils adoré ! Mais que vous êtes vous dit ce soir-là ? Dis-moi ? Que s'est-il passé entre vous ?

- Je ne puis rien t'en dire, c'est impossible, dit-il en secouant la tête…

- Tant pis… moi, je vais te dire pourquoi, je suis ici ! A sa mort, le notaire m'a remit une enveloppe cachetée que je ne dois ouvrir avec toi qu'à la date de ton anniversaire !

- Mais ce n'est pas avant 9 mois !!! Ouvrons-la maintenant !

- Non… je lui en ai fait la promesse et tu sais que la parole donnée dans notre famille est sacrée !!! Tu feras comme moi et tu attendras le 9 décembre !

- Grrr !!! Il a toujours été très obstiné !

- Alors tu dois beaucoup lui ressembler, souria Michaëla

A ces mots, Sully se décomposa encore plus ! Michaëla continua : "bon et bien ce n'est pas tout, mes malades vont m'attendre et je dois en plus aller voir comment vont mes employés !

- Je vais t'accompagner, je dois rejoindre Daniel pour avancer certaines finitions dans la Grande Clinique avant l'inauguration, Matthew, Pauline vous venez avec nous, dit Sully …

- Oui, répondit Matthew, je vais dire un petit bonjour à tous le monde !

- Moi, je vais retourner à pied au château me faire une toilette ! répondit Pauline

- Tu manges avec nous ce soir, chez Grâce ?

- Oui, bien sûr, vous mangez à quelle heure ici ?

- Pour 18 h 30 ! Cela te va ?

- Très bien à ce soir !"

Toute la famille s'égailla. Pauline passa à travers champs, s'arrêta un moment au bord d'un ruisseau et se mit en méditation de nombreuses minutes. A son réveil, elle eut la surprise de voir une biche s'abreuver tandis qu'un loup la regardait elle, et derrière un vieil indien lui aussi la dévisageait ! Loin de s'affoler, la jeune femme se mit à chuchoter pour s'adresser à la biche qui la regarda et s'éloigna sans affolement après quoi la jeune femme se mit à quatre pattes et s'adressa au loup qui s'approcha d'elle lui lécha le visage et s'éloigna tout aussi calmement. Le vieil indien s'approcha d'elle et la salua : "je suis Nuage Dansant

- Bonjour, je suis Pauline

- Vous parlez aux animaux !? ce qui était à la fois une question et une constatation

- Oui, depuis toute petite… ils m'écoutent… je parle aux arbres aussi !

- Vous êtes une blanche assez étonnante, je n'en connais qu'une seule autre comme vous, c'est le Docteur Mike ! Je vous vue partir de chez eux !

- Oui, je suis la demi-sœur de Sully ! Vous, vous êtes son ami cheyenne ?

- Oui, je le connais depuis de nombreuses années mais il ne m'a jamais parlé de vous !

- Je le sais… je ne comprends pas qu'il ait ainsi effacé 18 ans de sa vie ! Ce qu'il a vécu avec mon père a dû être très douloureux !

- Votre père et Sully ne vous en ont pas parlé ?

- Rien et je n'ai que peu de souvenir, je n'avais que 8 ans et la mort de ma mère m'occupait pleinement ! Je ne me rappelle que cette phrase : "Tu es un menteur, tu n'as pas le droit de salir l'honneur de ma mère, je te déteste !" Et il est parti une heure plus tard !

- J'ai bien senti une grande douleur la première fois que je l'ai rencontré, il n'avait guère plus de 20 ans !

- Je pense que la lecture du testament de mon père règlera tout ! Bon… je dois vous quitter.. à bientôt"

Nuage Dansant la salua et elle repartit pour son hôtel.