C'est marrant, lorsque j'écris un chapitre, soit j'ai un roman à mettre au début, soit strictement aucune idée de quoi dire pour vous saluer, chers lecteurs.

Aujourd'hui, c'est plutôt le deuxième cas. Je ne vais donc pas passer trop de temps à présenter ma fic, étant donné qu'à peu près tout ce qui peut être su à son sujet est marqué dans le résumé.

Ah, si; j'ajoute deux trois trucs. Celles et ceux qui me connaissent n'ont aucune illusion sur mon style d'écriture; mais pour les autres, je précise: Un gosse dans la rue, ça ne survit pas sans avoir à sacrifier beaucoup de choses. Alors, cette histoire sera dure, violente. Voilà! Amusez vous bien!

Disclaimer; KHR ne m'appartient pas.


Uccello scuro

Il y a des questions que personne ne pose.

D'où viens-tu?

Qui es tu vraiment?

Qu'as tu traversé?

Comment un gamin de huit ans arrive-t-il à survivre après s'être enfui de chez lui?


Envol

Il courait. De toute son âme. Il courait et abandonnait derrière lui sa maison, sa famille, tout ce qu'il avait cru être sa vie... Non. Presque tout. Il lui restait le souvenir d'un visage doux, encadré de longs cheveux aussi argentés que les siens. Une voix. Un sourire et de tendres berceuses jouées au piano. Il lui restait le souvenir de sa mère et jamais rien ni personne ne pourrait lui enlever.

Il courait. Et les perles de ses larmes dévalaient ses joues, se perdaient sur son cou et dans ses cheveux. Emportant avec elles ses certitudes et les dernières attaches qu'il avait pour ces gens qui s'étaient prétendu sa famille.

-Hayato? Hayato!

Bianchi. Qu'espérait-elle à l'appeler ainsi? Il ne reviendrait pas. Il ne reviendrait jamais.

Jamais!

Si il s'était retourné, Hayato aurait pu voir le visage confus et triste de sa grande sœur. Peut être aurait il remarqué ses yeux, humides de larmes qu'elle était trop fière pour laisser couler.

Il aurait aussi pu voir la femme de son père l'observer de son balcon, ses lèvres étirées en un fin sourire.


Hayato sortit du domaine de sa famille en escaladant les hauts murs de pierre qui le protégeaient du monde extérieur. Il lui était rarement arrivé de sortir, sauf pour quelques soirées où son père l'avait emmené. Et les récitals qu'il avait donné. Pas de très bons souvenirs, en somme... Mais une curiosité sans bornes.

Il se retrouvait donc au bord d'une route, au milieu d'une plaine dont il ne connaissait rien, et avec pour seules connaissance de la réalité ce qu'il avait lu dans les livres qu'il avait dévoré.

Il avait cessé de pleurer et décida de suivre la route, au bout de laquelle s'étendait la forme vague d'une ville. Par définition, une route menait toujours quelque part. Il ne savait pas encore ce qu'il ferait une fois arrivé à ce quelque part, mais il supposait qu'il se débrouillerait.

S'il avait appris une chose de ses romans d'aventure, c'est qu'avec du courage, de la volonté et de l'intelligence, on pouvait arriver à tout.
Autant dire qu'il n'avait rien appris.


Au bout d'une heure de marche, il n'avait pas l'impression de se rapprocher de la ville, qui lui semblait de plus en plus immense -et de plus en plus loin. Il ne connaissait pas son nom; si il avait appris sur le bout des doigts la géographie de l'Italie, du monde entier d'ailleurs, climats, reliefs, ressources, population, géologie, il n'avait aucune idée de l'endroit où il habitait. Il n'était pas sûr d'apprécier l'ironie de la chose.

Encore une heure plus tard, cette satanée ville refusait de se rapprocher; ses luxueuses chaussures de cuir, qui n'étaient en aucun cas prévues pour la marche, lui donnaient l'impression d'avoir les pieds à vif à force d'ampoules. Et il ne voulait surtout pas se déchausser sur le bitume brûlant pour le vérifier.

Le soleil de juin disparaissait peu à peu derrière l'horizon, et la chaleur, excessive pour la saison, baissait légèrement. Hayato jura. Il avait faim, mal aux pieds et il était fatigué, et maintenant la nuit tombait. Il commençait sérieusement à envisager de dormir sur le bord de la route lorsqu'une moto noire s'arrêta à son niveau. Un demi-sourire naquit sur ses lèvres lorsqu'il reconnut la personne qui la conduisait.

-Hayato? Fit Shamal, surpris, en enlevant son casque. Qu'est ce que tu fous là? Ton père est au courant que tu vadrouille hors du manoir comme ça?

Hayato haussa les épaules. Il ne savait pas si sa belle-mère avait jugé utile de le prévenir, et Bianchi ne l'avait certainement pas fait. Il fallait reconnaître ça à sa sœur; elle couvrait systématiquement toutes ses bêtises, peut-être par indifférence, peut-être par scrupules. Quant aux domestiques... Ils avaient pour principe de ne jamais rien faire qui puisse attirer la colère d'un des résidents qu'ils servaient. Rien vu, rien entendu, rien dit... Rien fait.

Shamal soupira. Si Dario ne lui avait pas parlé de la fugue de son fils, c'était probablement parce qu'il n'en savait rien. Et puis, s'il l'avait fait rechercher -et il l'aurait fait- Hayato serait actuellement enfermé dans sa chambre, puni de dessert pour les trois prochaines semaines.
Dario n'avait jamais su gérer son fils.

-Qu'est ce qu'il s'est passé? Demanda-t-il, même si il s'en doutait déjà.

Hayato lui jeta un regard sombre, brillant de larmes de colère et de fatigue qu'il peinait à retenir.

-Tu le savais, toi aussi, hein? Dit il d'une voix vibrante de rage -et d'une pointe de chagrin.

Shamal le fixa dans les yeux.

-Oui.

Quelques secondes passèrent.

-Bon, dit Shamal en mettant son casque sur la tête du gamin, monte derrière.

-Pas question, protesta-t-il. Je ne retournerai pas à la maison. Jamais!

Il se mordit les lèvres. Ce n'était plus sa maison. Pourquoi persistait-il à l'appeler ainsi?

-Je propose pas de te ramener chez toi, triple buse. Je vais pas me taper l'aller-retour juste pour les beaux yeux de ton père. Mais t'as réfléchi à l'endroit où t'aillais passer la nuit?

Oui, il y avait réfléchi. Mais le moins qu'il pouvait en dire, c'est que ça n'avait pas été très concluant. Il secoua négativement la tête. Shamal soupira encore -son taux de soupir par heure n'était jamais aussi grand qu'avec ce gamin.

-Allons bon. Et dire qu'avec tout ça on raconte que t'as un cerveau de surdoué. Monte, je te ramène chez moi. Tu vas manger et dormir et après on avisera, Ok?

La perspective d'un lit était pour le moins alléchante. Hayato hocha la tête sous le casque de moto, le faisant glisser d'avant en arrière. Shamal l'aida à se hisser sur la fine Ducati noire, lui conseilla de bien se cramponner à lui, et mit les gaz vers la ville.


Shamal jeta un regard attendri en direction du môme assoupi sur son canapé.

Il n'avait aucune illusion sur le fait qu'il n'arriverait pas à le convaincre de rentrer chez lui. Pour un enfant de son age, il faisait preuve d'une obstination peu commune. Et d'un instinct de survie inversement proportionnel. Rencontrerait-il un jour une personne capable de le raisonner?

En attendant, il devait prévenir Dario que son rejeton se trouvait chez lui, en sécurité, et essayer de lui faire comprendre qu'ils devaient avoir une discussion, entre père et fils. Après tout, il était le seul responsable de ce qui arrivait, à batifoler auprès des jolies pianistes, à ramener son bâtard dans la maison de sa femme, et à lui cacher la vérité. C'était à lui de s'excuser et de s'expliquer... Mais en laissant le temps à sa colère de retomber auparavant. Sinon, Hayato ne l'écouterait jamais.

Lui, il avait toujours été d'avis de le laisser chez sa mère, ou de lui dire la vérité pour éviter un psychodrame... Du même genre que celui auquel il était confronté là maintenant.

Cette famille lui attirerait des cheveux blancs prématurément.

Il composa le numéro de son boss en soupirant encore. Dieu sait que les filles n'aimaient pas les cheveux blancs.

Vingt minutes plus tard, il avait réussi à convaincre Dario de laisser une semaine à son fils, le temps d'accepter la vérité, avant de venir le chercher. Il jouait un peu trop à la nounou à son goût, mais il était vraiment attaché à cet enfant, trop seul et trop naïf pour l'univers dans lequel il était plongé.

Il allait raccrocher, lorsqu'il entendit à l'autre bout du fil la belle-mère d'Hayato glisser quelques mots à son mari. Mari qui protesta, pour la forme, puis, après avoir écouté la réponse de son épouse, reprit;

-Bien. Il reste chez toi le temps nécessaire.

Oh là. ça risquait d'être plus long que ce qu'il avait pensé. Il n'était pas une gouvernante, non plus! Il lâcha un autre soupir d'agacement -c'était la soirée des soupirs, visiblement.

-Entendu. Je veillerai sur lui... Le temps nécessaire.

Il se demanda fugitivement si la femme de son boss allait réussir à chasser définitivement Hayato de sa demeure.

Le temps de laisser retomber sa colère. Le temps de grandir, de voir la vie comme elle était réellement. Le temps de trouver d'autres attaches que celles qu'il venait de briser.

Le temps, oui. Il en faudrait beaucoup. Bien plus que ne pouvait le penser Dario.

Roulé en boule sur le canapé, les yeux entrouverts, Hayato n'avait pas perdu un mot de la conversation.


Le lendemain, il partit.

Il ne voulait pas seulement s'enfuir du manoir; il voulait couper définitivement les ponts avec sa famille. Il n'accepterait pas de rester sous tutelle, même indirectement.

Lorsqu'il s'éveilla, il faisait encore nuit; il était encore blotti dans le moelleux canapé du médecin, mais une épaisse couverture était posée sur lui.

Il sourit tristement.

Shamal était peut-être la seule personne qui se souciait sincèrement de lui, et il s'apprêtait à le quitter. Il avait le sentiment de le trahir.

Tant pis.

Il s'habilla en silence, prit une pomme dans un panier. Il nota que quelques billets était posés sur la table, ainsi qu'un double de la clé de l'appartement au bout d'une petite chaine.

Rien de tout cela n'était là la veille.

Il hésita à les prendre. Shamal les avait sans doute préparé pour lui, mais était il sûr de vouloir accepter ces dons?

Sa fugue s'annonçait d'ores et déjà compliquée; cracher sur de l'aide aurait été stupide. Il finit donc par passer la clé autour de son cou. Il ne comptait pas s'en servir, mais il avait envie de la garder, ne serait-ce qu'en souvenir. Il jeta un œil aux billets; il y en avait cinq, des bleus foncés. Il ne connaissait pas très bien la valeur de l'argent, mais cinq billets de vingt euros lui permettraient sans doute de s'acheter un petit déjeuner...


L'air frais chantait dans les rues. On aurait cru qu'il allait pleuvoir, pourtant, le ciel était plus clair que jamais. Le soleil se levait doucement et éclairait le monde d'une explosion de couleurs blafardes. La ville sortait doucement d'un univers nocturne où tout, pendant quelques heures, avait été possible. Et c'est la musique au cœur qu'Hayato ouvrit grand les bras en face du vent.

Ainsi un enfant dépouillé de certitudes, d'attaches et de refuge regardait la vie qui s'annonçait à lui...

Où allait-il? Comment?

A quoi devrait-il faire face?

Qui était-il?

Au fond, ce n'était sans doute pas si important.

Il se sentait bien.

Il sourit, ajusta sa veste sur ses épaules et se mit en marche.


Voilà! J'espère que ce premier chapitre vous a plu.

Un auteur de fanfiction qui réclame des reviews, c'est un peu comme les gens dans la rue avec une pancarte "free hugs". il y a un petit côté "aimez-moi, s'il vous plaît".

...

Aimez-moi, s'il vous plaît *.*