Auteur : Tar-Celebrian
Titre : Froide et blanche, la lune s'élève
Disclaimer : Eh bien, Yuyu Hakusho n'est pas à moi.
Couple : Rien de bien inhabituel.
Note : Ma dernière-née. Fic centrée sur Shizuru, un personnage que j'ai toujours adoré dans Yuyu Hakusho, allez savoir pourquoi. Elle est là, en chair et en os, une cigarette à la bouche, pour vous conter son histoire... où elle se débat entre les trois mondes : Reikai, Ningenkai et Makai.
Chapitre 1 : La route est longue
Kuwabara Shizuru contemplait le coucher du soleil. Elle aimait profiter des derniers instants de chaleur qu'il dispensait à la terre des humains. Assise sur le rebord de sa fenêtre grande ouverte, elle prenait l'air. Dans quelques instants, la lune, effrayante mais noble et emplie de majesté, ferait son apparition. La relation qui liait Shizuru à l'astre était ambiguë et spéciale. Souvent, on lui avait répété que le monde de l'Ombre profitait de son apparition pour oser s'aventurer dans la partie des humains, mais elle, qui était tellement sensible aux esprits et autres créatures des enfers, n'arrivait pas à voir ça comme une malédiction. Oh, pourtant, elle avait été sujette, comme son frère, à des terreurs sans nom quand elle était enfant. Mais elle avait vite appris à dominer son recul face à ces êtres différents d'elle, pour les accepter tels qu'ils étaient. L'astre de Séléné avait le don de l'apaiser comme de l'énerver. Changeante, danseuse, la lune lui soufflait folies comme conseils, à travers le doux miroitement de sa face pâle.
Depuis quelques jours, Shizuru ne savait plus vraiment où elle en était. Elle avait atteint sa vingtième année, se laissant couler dans le fleuve tranquille du temps. Son abruti de frère et son ami Yusuke, encore plus atteint, mais qu'elle aimait bien, dans le fond, avaient trouvé leur voie. Tous deux âgés de dix-sept ans, ils avaient choisi un métier en sachant pertinemment que ce qu'ils avaient vécu dans le monde des esprits les avait irrémédiablement marqués, à vie. Yusuke, toujours dans son resto, faisait la transition entre les deux mondes, en aidant occasionnellement Botan. L'adorable Keiko, qui était celle du groupe pour laquelle Shizuru avait le plus d'amitié, s'était mise en ménage avec lui, passant outre les craintes de Yusuke, qui appréhendait qu'on s'en prenne à elle pour l'atteindre. Mais, comme elle l'avait si bien dit, ce n'était pas le fait qu'ils vivent ensemble ou pas qui allait changer quoi que ce soit à leurs sentiments et Yusuke s'était rendu, au final très content de la tournure des événements. Kuwabara, comme elle en était venue à l'appeler, alors que son prénom était Kazumi, lui, avait convaincu Hieï de lui laisser sa sœur à protéger. Et Yukina vivait dans la maison familiale avec eux, en attendant que son cher et tendre ait les moyens d'emménager. Face à tous ces projets de vie et d'avenir, Shizuru se sentait en trop. Elle avait longtemps voulu faire la coiffure, et avait même terminé sa formation. Mais, au-delà de son style jeune, cool et marginal, Shizuru ne se sentait pas sereine. Et elle savait très bien pourquoi. Oh, elle avait bien son petit projet personnel, qu'elle arriverait sans doute à mettre facilement sur pied, vu ses capacités : un salon de coiffure, Venus. Mais, depuis quelques mois, elle avait laissé les choses en suspens. Depuis qu'elle avait ressenti les prémices de ce qu'elle tentait si farouchement d'éviter, en sachant que c'était impossible. Oh ! Si seulement Genkai était encore parmi eux ! Elle aurait été la voir, et tout se serait arrangé. Mais le maître était décédé. Et personne n'y pouvait rien. Keiko, malgré son amitié et sa perspicacité, n'avait aucune compétence en la matière. Yusuke, Yukina et Kuwabara étaient exclus : Shizuru avait toujours été l'aînée du groupe, calme, détendue et poseuse, sûre d'elle-même, pas question de changer cette image. Botan ? Shizuru n'était pas sûre de sa réaction. Et, dans la mesure du possible, elle voulait éviter d'avoir affaire aux autorités du monde des esprits.
Restaient Kurama et Hieï. Ils étaient les seuls à qui elle aurait pu s'adresser. Mais elle ignorait où les trouver. Il le faudrait bien, pourtant… Elle se souvenait avec plaisir du tournoi, où ils avaient tous noué des liens plutôt forts, prédestinant ainsi leurs actes, sans le savoir. Kurama et Hieï passaient régulièrement chez Yusuke ou chez les Kuwabara. C'était simple : la sensibilité de Shizuru était tellement développée qu'elle était en mesure de dire immédiatement qu'ils étaient dans les environs.
La lune semblait narguer Shizuru. Comme si elle avait su quelque chose que la jeune femme ignorait. Shizuru plongea la main dans la poche de son jeans et en ressortit un paquet de cigarettes. Fixant la lune de ses yeux noirs, elle en prit une et l'alluma tranquillement. La première bouffée l'apaisa aussitôt. Comment avait-elle pu laisser ce stupide astre lui voler sa bonne humeur ? Elle sourit. Puis, soudain, elle ressentit des esprits surpuissants s'approcher de leur maison. En cas normal, elle se serait inquiétée. Mais elle savait exactement à qui appartenaient les deux auras qu'elle avait repérées. Comment ne pas les reconnaître ? Shizuru voulut se relever, fermer la fenêtre et descendre annoncer aux autres l'arrivée de leurs amis, mais c'était sans compter la rapidité inhumaine dont faisaient preuve Kurama et Hieï. Ils parvinrent au seuil de la porte et Shizuru était toujours là, un étage plus haut. Le beau yohko argenté reprit sa forme humaine, puis s'adressa à la jeune femme :
- Tu nous ouvres ?
Shizuru fit la moue.
- Je ne sais pas. Je crois que mon frère et une certaine princesse des glaces sont occupés, alors…
La réaction de Hieï fut immédiate. D'un ton tranchant, il dit :
- Raison de plus. Si l'autre blaireau a fait quoi que ce soit de…
La voix douce de Kurama se fit entendre :
- Elle plaisante, Hieï.
Shizuru fit un discret clin d'œil au démon-renard, puis disparut de sa fenêtre. Quelques instants plus tard, elle ouvrait sa porte. Après la traditionnelle bise de bienvenue, elle les fit entrer, prenant quelques nouvelles :
- Et alors, que se passe-t-il dans le monde des ténèbres ?
- Comme toujours. Il y a les imbéciles, et les puissants.
Shizuru sourit à la réponse de Hieï. Kurama voulut ajouter quelque chose, mais une petite forme aux cheveux bleus venait d'arriver en courant. Sans autre cérémonie, Yukina se jeta au cou de son frère et lui souhaita la bienvenue. Shizuru rit encore. Dans ces cas-là, Hieï, plus ému qu'il voulait bien le laisser paraître, était embarrassé, et c'était toujours très amusant. Kuwabara ne tarda pas à arriver, tout aussi content de revoir ses amis.
- Héhé ! Comment vont les deux potes de baston ?
Kurama répondit de son ton égal, mais réjoui :
- Pleine forme, comme tu peux le constater.
- Vous avez déjà vu Yusuke et Keiko ?
- Non, répondit Kurama. Nous sommes directement venus ici en arrivant.
Shizuru écrasa sa cigarette dans le cendrier et proposa :
- Je vais les appeler, comme ça tout le monde sera là.
- Bonne idée.
Quelques instants plus tard, la bande était réunie. Il ne manquait que Botan. Mais ils savaient qu'elle ne serait pas des leurs. Le fleuve dont elle était la maîtresse lui causait bien des soucis, et elle était littéralement débordée. En l'absence de celle qui d'ordinaire se chargeait de cuire quelque chose de potable, Shizuru décida de s'atteler à la tâche. Elle était contente de tous les revoir. Surtout Kurama. Elle l'appréciait particulièrement. Tout en coupant quelques légumes qu'elle ferait cuire tant bien que mal pour accompagner des pâtes, Shizuru voulut dégager une casserole, qui resta fermement coincée entre deux autres ustensiles de cuisine. Sans même prendre le temps de réfléchir à ce qu'elle faisait, ni même aux conséquences, presque inconsciemment, Shizuru libéra sa force spirituelle. La casserole se débloqua, mais la jeune femme, peu habituée à ces pertes de forces occasionnées par cet usage, perdit l'équilibre. Au moment où elle se rattrapait, Kurama et Yusuke étaient à la porte.
- Shizuru ?
Elle les regarda et, tentant de paraître normale, répondit :
- Tout va bien.
- Quelle était cette force ?
Shizuru savait qu'il était inutile de nier, surtout en présence de ses amis, qui étaient des spécialistes en la matière. Il ne lui restait plus qu'à dévier la vérité.
- Je ne sais pas. Quelque chose est apparu, j'ai ressenti sa force et puis… j'ai perdu l'équilibre et quand je me suis redressée, tout était redevenu comme avant.
Yusuke, soulagé, dit :
- Il faudra en parler à Botan. Nous sommes en zone sécurisée, comment se fait-il qu'une esprit de la force que nous avons ressentie ait pu apparaître comme ça ? Encore heureux qu'il ne t'ait pas attaquée, Shizuru !
- Oui…
Kurama se fit plus insistant :
- Mais… tu l'as vu, ou pas ?
- Je l'ai ressenti, mais pas vu.
- Et à quel niveau estimes-tu sa force ?
Shizuru s'affola. C'était un de ses points forts, pourtant. Si elle ne répondait pas, Kurama percevrait le problème. Il devinerait ce qui lui posait problème depuis de si longues semaines, il comprendrait tout. Mais que faire ? Elle n'avait aucune idée de la réponse. Sans rien laisser paraître à Kurama, hormis une intense réflexion, Shizuru répondit :
- Je n'en ai aucune, mais vraiment aucune idée.
Kurama la regarda, surpris. Puis, il répéta, médusé :
- Aucune idée ? Mais… tout le monde a ressenti à côté que c'était un esprit très puissant !
Shizuru haussa les épaules. Puis, elle se remit à la préparation du repas. Repas qu'ils passèrent intégralement à parler de cette mystérieuse force qui avait réussi à rendre Shizuru confuse, et à pénétrer sans problème, sans se faire repérer à l'avance par personne, la maison des Kuwabara. Heureusement pour elle, Shizuru donna facilement le change, s'étonnant avec tout le monde. Mais elle avait l'affreuse impression que Kurama ne la croyait pas. Elle connaissait ses extraordinaires capacités mentales, et elle prit peur. Et s'il avait deviné ?
Bien plus tard, Shizuru fut la dernière à se coucher, comme toujours. Elle dormit mal, retournant encore et encore l'épineuse situation dans laquelle elle s'était mise toute seule. Ce n'était pas qu'elle considérait ce qui lui arrivait comme quelque chose de néfaste, mais malgré tout ce qu'elle avait vécu, malgré son affinité avec les esprits, Shizuru avait toujours envisagé son avenir dans le monde des humains. Dans un salon de coiffure. Et voilà qu'elle se retrouvait avec quelque chose qui risquait de lui valoir une interdiction de séjour dans le monde dans lequel elle était née. Si seulement Genkai avait été là, elle aurait pu lui dire comment s'en défaire… Mais Shizuru n'était pas idiote : elle savait que tout le monde finirait par s'en rendre compte. Jusqu'à l'épisode dans la cuisine, elle avait cru, folle qu'elle était, pouvoir le dissimuler au regard des autres. Elle réalisait à quel point sa pensée avait été infantile, et son espoir insensé. Et si elle allait parler à Kurama ? Ou à Hieï ? Par simple logique, elle aurait choisi Kurama, car il était le plus réservé, le plus consciencieux aussi. Mais le sentiment qu'elle éprouvait à l'égard de Kurama était comme celui qu'elle entretenait vis à vis de la lune : ambigu. Elle était consciente d'être à mi-chemin entre l'amitié et autre chose, qu'elle se refusait de nommer. Le problème de s'adresser à Hieï, c'était qu'il risquait de ne pas ne montrer compréhensif et de lui dire de se débrouiller, tout en assurant qu'il ne dirait rien. Et Shizuru avait besoin d'aide. Désespérément besoin d'aide. Sa situation lui semblait plus lourde de minute en minute. Dire qu'elle aurait voulu rester Shizuru, la sœur de Kuwabara, tranquille, nonchalante, impassible, flegmatique, aux airs faussement désespérés, ce qu'elle avait toujours été. Et ce qu'elle serait toujours. Mais avec une valeur ajoutée. Dont elle voulait se débarrasser, tout en se doutant que ce serait difficile, voire impossible.
Très tôt le matin, Shizuru descendit pour se faire un café. C'est sans surprise qu'elle remarqua que Kurama l'avait précédée. C'était souvent le cas. Quand ils participaient au tournoi des ténèbres, c'était généralement Hieï, Kurama, Genkai et elle qui se levaient en premier. Mais Hieï n'était pas là ce matin. Avant même que Shizuru ne pose la question, Kurama dit :
- Il était fatigué avant d'arriver, il a un combat à récupérer…
Shizuru sourit :
- Bonjour tout de même…
Pour toute réponse, Kurama lui tendit une tasse de café. Noir, avec un demi-sucre. Exactement comme elle les aimait. Touchée par cette manière de saluer quelqu'un le matin, Shizuru prit la tasse en murmurant :
- Ça valait la peine de se lever…
Un long silence les enveloppa tous les deux. Ils n'éprouvaient pas spécialement le besoin de parler. Ils auraient toute la journée pour le faire. Le petit-déjeuner était un moment de calme, de repos avant le début des activités. Shizuru savoura son café, avant de se rendre compte que Kurama la regardait bizarrement. Il faillit dire quelque chose, puis se retint. Shizuru, sentant que si elle restait près de lui, la conversation allait déraper, et sans doute sur l'incident de la veille, se leva et alla mettre sa tasse dans l'évier. Puis, elle ouvrit la fenêtre et s'y accouda, cherchant son paquet de cigarettes. La lune pâlissait et était sur le point de disparaître. Le soleil ne tarderait pas à se lever.
Kurama s'approcha de la jeune femme. Il en était sûr, maintenant, quelque chose n'allait pas. Il s'accouda à ses côtés et regarda la lune avec elle, toujours en silence. Puis, d'une voix douce, il demanda :
- Il y a quelque chose ou quelqu'un qui te dérange, Shizuru ?
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