SEANCE 1 : Du Haut Du Big Ben

Olivier soupira et s'assit dans le fauteuil que lui indiquait la dame face à lui.

« Bonjour, M. Dubois. Je suis ravie de vous rencontrer. Je me présente : je suis Kathy Molesay, et je vais... »

« ...vous occuper de ma psychothérapie. C'est bon, je suis au courant. » Soupira t-il.

Elle se borna à continuer de sourire:

« Vous n'êtes pas très enthousiaste, je crois? »

« Non, je ne le suis pas du tout. Ecoutez... pour moi, ça reste une formalité. J'ai eu ce stupide accident lors d'un match, et maintenant tout le monde est persuadé que je suis à deux doigts de me jeter du haut du Big Ben. On ma bassiné avec cette histoire de thérapie... Si c'est le prix de la tranquillité, je suis prêt à le payer. »

« Je vois. Vous n'attendez rien de plus de nos entretiens? »

« Non. Je veux juste prouver aux autres que je vais bien. »

Elle accorda un coup d'oeil à ses bequilles et remarqua :

« Mais vous n'allez pas bien. »

Il eut l'expression de quelqu'un qui vient de recevoir un cognard dans ses parties génitales.

« Vous voyez ! VOILA pourquoi je ne suis absolument pas enthousiaste... J'arrive à peine, et vous êtes déjà sûre de m'avoir assez bien analysé pour conclure que je vais mal. »

« Je faisais juste allusion à votre handicap aux jambes, M. Dubois. Vous êtes un joueur de quidditch, dans un grand club anglais. Qui plus est, vous êtes un sorcier. Rares sont les blessures qu ne peuvent pas être guéries par des médicomages. Si vous êtes dans l'incapacité de jouer, c'est que votre blessure est grave, et en conséquent, vous n'allez pas bien. Sans prendre en compte votre état psychologique. »

Il eut une moue de mauvaise foi.

« Philbert Deverill, votre entraîneur, m'avait prévenu que vous seriez loin d'être coopératif. Mais je pense que cela peut-être bénéfique pour vous de parler de tout ça durant quelques temps avec une personne totalement extérieure au monde du quidditch. »

« Ca ne me fera pas voler plus vite. »

« Peut-être que si. »

Il roula des yeux, agacé.

« Voulez vous me parler du jour où cet incident est arrivé? »

« Nous jouions contre les Faucons de Falmouth. Vous connaissez leur devise? »

« Je n'ai pas des connaissances très poussées en quidditch. Je préfère le football moldu. »

Il remua lentement la tête de gauche à droite, comme si elle venait de profaner un temple sacré.

« Leur devise est Remportons la victoire, mais si nous ne pouvons pas gagner, il y aura quelques crânes fêlés. »

Elle pouffa :

« Vraiment? »

« Oui, vraiment. L'un des supporters a lancé un sort de magie noire à mes jambes pendant le match. Vous savez comment c'est... Personne ne sait vraiment guérir ce genre de sorts, à part les mages noirs eux mêmes. Et il courent pas les couloirs de St Mangouste. L'état s'est amélioré, je peux maintenant me déplacer avec des béquilles, mais on m'a démandé d'être patient pour espérer une guérison totale. »

Il y eut un léger silence, et elle ajouta :

« Si guérison totale a lieu. »

« Elle aura lieu. »

« Que ferez-vous si ce n'est pas le cas, M. Dubois? »

« J'ai attendu des années en équipe de réserve pour avoir ma chance dans l'équipe première. Nous avons enfin une Dream Team et la coupe de la Ligue n'a pas été aussi proche de nous durant de longues années. Le quidditch, c'est toute ma vie. Il est hors de question que j'envisage une autre éventualité que la guérison complète. Si vous ne pouvez pas comprender ça, il est préférable que je sorte immédiatement de votre bureau. »

« Bien, bien... Si vous estimez que cette éventualité n'est pas pertinente, nous éviterons d'en discuter pour le moment. »

Il y eut un nouveau silence, et il parcourut les meubles du bureau du regard.

« Bien, et maintenant qu'est-ce qu'on fait ? C'est à vous ou à moi de parler? Est-ce que je dois commencer à m'étendre sur les blessures infligées par ma mère ou quelque chose dans le genre? »

Elle sourit.

« Si c'est ce dont vous avez envie, certes. »

Il pouffa.

« Ma mère est et a toujours été un ange. Mon père est un brave homme. Rien d'extraordinaire ne m'est jamais arrivé. Et puisqu'on a déjà fait le tour de l'incident... J'ai comme l'impression que je ne vais pas être votre patient favori. »

« Qu'est-il arrivé à ce supporter à l'origine de votre handicap? »

« Rien. Personne n'a pu le retrouver. Leur équipe a été disqualifiée de la course à la Coupe de la Ligue cette année, pour éviter d'autres incidents du genre. »

« Vous trouvez cette sanction satisfaisante? »

Il haussa les épaules mais ne dit rien.

« Quelle sanction auriez vous jugée plus adaptée? »

« Je... »

Son index tapotait l'accoudoir nerveusement.

« ...j'aurais aimé qu'on attrape celui qui m'a fait ça et qu'on le laisse seul avec moi dans une salle pendant quelques heures. »

« Mais vous allez bien » Sourit-elle.

Les mains d'Olivier donnèrent une tape sur le fauteuil.

« Vous avez gagné! »

« Je suis désolée, M. Dubois. Mais je pense que nos discussions seraient plus fructifiantes si elles étaient sincères. Vous n'avez rien à démontrer en venant ici. Il s'agit juste de vider votre sac, de parler de ce qui vous est arrivé, ou même parler d'autre chose si c'est ce dont vous avez besoin. »

« Vous avez vu le match d'hier? Frelons contre Catapults. Victoire écrasante des Frelons. Vous savez pourquoi les Catapults n'arrivent pas à rémonter la pente? »

Il tendit la main vers une plume et un parchemin posés sur son bureau, l'interrogeant sur regard pour savoir s'il pouvait les lui emprunter. Elle hocha la tête et il commença à effectuer un schéma :

« Voila, l'attaque des Catapults. Ils sont traditionnellement attachés à cette stratégie offensive, car c'est celle qui leur a permis de remporter la coupe il y a de ça 102 ans. Le problème de cette stratégie – outre le fait qu'elle soit terriblement prévisible – réside dans le manque d'équilibre que cela confère. Elle repose presqu'entièrement sur le poursuiveur le plus léger, et sa souplesse de vol. Mais il suffit d'avoir un batteur assez précis et moins robuste pour anéantir toute l'offense des Catapults. C'est basique, enfantin. Vous savez pourquoi Catapults ne fait rien contre ça? »

« Non, je l'ignore. »

Il s'adossa au fauteuil, pensif.

« Moi aussi. »

Elle sourit.

« Assistez-vous aux matchs de Flaquemare ? »

« Bien entendu. »

« Comment vous sentez vous en les regardant? »

« Handicapé. Inutile. Pathétique. »

« C'est intéressant. Vous auriez pu aussi bien vous sentir héroïque, martyre et assez important pour être celui qui a été victime des supporters adverses en colère. »

« Il faut croire que ça fait partie de mes rares élans de modestie. »

« Vous êtes quelqu'un d'orgueuilleux? »

« Vous ne l'aviez pas encore remarqué? »

« Non. A vrai dire, je ne l'avais pas remarqué. J'essaie de faire abstraction à tous les articles que j'avais lu à votre sujet avant de savoir que vous deviendriez mon patient. »

« C'est à dire ? »

« Oh, vous savez ces articles de magasines de gare... Glam'Witch, ou quelque chose dans le genre... Mais de toute façon, il y était plus fait allusion à votre vie amoureuse. Et je crois que c'est un sujet que vous n'aborderez pas. »

« Je n'ai aucune raison de l'aborder. »

« Il ne s'agit pas de raison, dans ce bureau, M. Dubois. »

« Je rêve. C'est ce dont vous espériez me faire parler? De mes déboires amoureux? »

« Pas du tout. Je viens de vous dire que je savais que vous n'en parleriez pas. »

« Mais vous aimeriez ça? »

« Pas plus qu'autre chose. Il ne s'agit pas de ce que j'aimerais non plus. »

« C'est terminé avec elle. »

« Il paraît, oui. »

« Bien. »

Il y eut un nouveau silence.

« Cela doit s'ajouter au malaise déjà présent, je suppose. » Remarqua simplement Kathy Molesay.

Il fit un mouvement de la main pour balayer la remarque.

« C'est mieux ainsi. »

« Pourquoi? »

« Elle... oh Merlin j'arrive pas à croire qu'on aborde ce sujet ! On dirait des filles de poufsouffle... »

« J'étais élève à Poufsouffle. Je ne me rappelle pas que nous en ayions parlé plus que les filles des autres maisons. »

« Peu importe » Soupira t-il.

« L'amour est un sujet récurrent et principal dans nos vies à tous, M. Dubois. Il n'y a pas de honte à en parler. La construction d'une vie familiale est l'un des aspects fondamentaux de nos existence. »

« Vous avez un mari? »

« Pas exactement. »

« Vous en aurez un ? »

« J'espère, oui. Et vous, aurez vous une femme? »

« Probablement. Un jour. »

« Avez vous une idée de qui ça pourrait être ? »

« Une femme que je n'ai pas encore rencontré, je suppose; »

« Pas une de vos anciennes connaissances? »

« Non. Je ne suis pas vraiment du genre à rester en bons termes avec mes ex. Je ne suis pas du genre à rester en termes tout court. »

« Vous etiez à Gryffondor, à Poudlard. Etes vous resté en bons termes avec vos amis de l'école? »

« Oui, certains. Il y a Marley, mon meilleur ami. Les joueurs de l'équipe de quidditch de l'époque. Il y a... »

Il s'humidifia les lèvres.

« ...pas tant de monde que ça, maintenant que j'y pense. »

Elle sourit.

« En grandissant, on oublie parfois de regarder en arrière. »

« Parfois, ce qu'il y a derrière n'est pas si... »

Il détourna les yeux.

« Ecoutez, quand je regarde derrière moi, tout ce que j'y vois, c'est la guerre. »

« La guerre a aspiré vos bons souvenirs antérieurs? »

« La guerre a tout aspiré, non? »

« Non, M. Dubois. »

Il eut un nouveau mouvement désinvolte de la main.

« On a parlé de nos amours, on peut en venir au tutoiement. »

Elle rit et rectifia :

« Alors non, Olivier. La guerre n'a pas tout aspiré. La preuve. Elle vous a laissé l'envie de jouer. »

« Je dis juste qu'il est difficile de se réunir entre copains et évoquer les bons souvenirs de l'école. Chaque année, il y a eu un drame, et de fil en aiguille, on en arrive toujours à parler de ceux qu'on a perdus. »

« Ca peut-être un bel hommage. »

« Franchement, à quoi servent les hommages? Une personne morte est morte, c'est tout. En parler, ou rendre visite à sa tombe ne sert à rien. Cela ne le ramène pas à la vie.»

« Vous n'aimeriez pas que l'on vous rende hommage ? »

« Si cela leur fait ressentir ce que je ressens en rendant hommage, alors non, je n'aimerai pas ça. »

« Leur? »

« Je...oui, leur, pourquoi? »

« Qui ça, leur ? »

« Ceux qui rendent hommage enfin! »

Elle sourit.

« Oui, j'avais compris l'aspect grammatical, Olivier. Je me demandais qui vous imagineriez en train de vous rendre hommage. »

« Ma famille, je suppose. Mes amis. Mes coéquipiers, mon entraîneur. Lila. »

« Lila est votre ex? »

« Oui. Elle est... c'est une fille sensible. »

«Ce sont donc les personnes les plus proches de vous ? Vos parents, vos coéquipiers, votre entraîneur, Marley, et Lila? »

« Lila beaucoup moins. »

« Vous détournez toujours le regard en mentionnant Lila. Pourquoi? »

« Ca me gêne de parler d'elle, c'est tout. »

« Pourquoi? »

« Toute cette histoire, c'est assez récent. »

« Cela vous préoccupe. »

« C'est... bien sur, enfin ! On vivait ensemble depuis quelques années, et aujourd'hui je suis seul, et je suis handicapé et... oui tout ça me préoccupe. Même si je vais bien. » ajouta t-il avec défi.

Elle sourit.

« Vous êtes préoccupé, Olivier. Je suis contente que l'admettiez enfin. Maintenant que ce pas est franchi...Nous pourrons converser plus librement, la prochaine fois que nous nous verrons. »

Il soupira en passant sa paume sur son visage.

« Bien, bien... A la semaine prochaine alors. »

Il lui serra la main, eut un mouvement de tête en guise de salut et sortit du bureau.


:) Merci d'avoir parcouru ce premier chapitre, la première séance est laborieuse ;). J'attends vos suggestions et critiques afin d'améliorer la suite - si suite cela mérite ^^