Malgré les cris stridents de cette chère Madame Jones, je ne réussis pas à me réveiller - il faut reconnaître que les cours de philosophie de terminale ne sont pas des plus intéressants - du sommeil qui me maintenait couchée sur mon bureau. C'est un autre cri qui parvint à me réveiller : celui de la sonnerie. Je me levais brusquement et fut la première à sortir de la salle. Il n'était que 10h et pourtant la journée s' annonçait d'ores et déjà longue et d'une pénibilité extrême. J'ouvris la poche supérieure de mon sac et en tirais avec frayeur mon emploi du temps. Ce morceau de papier effrayait tous les étudiants mais je dus lui faire face pour connaître mon prochain cours. Soudain mes sourcils se redressèrent, mes yeux se remplirent d'espoir et d'un coup, je poussais un cri - la vieille prof de philo aurait été fière de moi - : le cours que j'avais à présent était le sport ! C'était la matière que tout le monde aimait dans le campus et c'était mon tour d'y aller ! Je me dirigeais vers le stade en remettant la terrible feuille dans mon sac quand d'un coup je sentis quelque chose de dur me toucher et au moment où je levais la tête, j'étais assise par terre, mes feuilles de cours m'entouraient, et une autre fille était assise en face de moi.
- Que s' est-il passé ? demandais-je en la regardant.
- Je ne sais pas. répondit la blonde. Je regardais mon téléphone et j'ai senti quelque chose et puis... plus rien.
- Je pense que nous nous sommes rentrés dedans. continuai-je avec un léger sourire.
- Oh, mince alors ! reprit-elle, l'air affolé. Je suis navrée, vraiment, je...
- Hé c'est rien ! lui dis-je en riant. T'inquiètes, ça arrive à tout le monde.
Il y avait quelque chose qui me perturbait chez elle. Alors, je feins de vouloir l'aider à ramasser ses affaires et volais discrètement une de ses feuilles.
- Merci. dit-elle en souriant.
- Heu... de... de rien ! repris-je en bégayant. Salut !
Je m'en allais rapidement avec sa feuille dans la poche. J'arrivais enfin au stade - avec 7 minutes d'avance au lieu de 11 minutes d'habitude - et sortis le papier de ma poche. Par chance - ou par intuition - j'étais tombé sur un contrôle. "Wow ! 19 sur 20 en dissert' de philo !" ...Désolé, c'est plus fort que moi de regarder les notes. Le plus important était le nom écrit sur la copie : Stéphanie Brown. Dans un espace de dix secondes, j'attrapais mon agenda et l'ouvris à la dernière page qui portait la mention "Mes p'tites enquêtes". Ça peut paraître un peu 'gamin' mais depuis le collège je recopie des données, des indices quelconques - j'ai même collé un chewing-gum une fois mais je me suis vite rendu compte qu'il ne s' agissait pas d'un indice de quoi que ce soit - et des photos. Prenez moi pour une psychopathe si vous voulez mais j'ai attrapé une paire de ciseaux, ais découpé son prénom et l'ai collé sur la dernière page... Enfin, bref. Le cours s' est passé à merveille, le reste de la journée fût d'un ennui mortel - à part le cours de physique - et je suis rentrée chez moi avec ce même ennui. Toutes mes journées se ressemblaient et je... attendez ! J'ai oublié de me présenter ! Ok, j'y vais. Je suis Barbara Gordon, étudiante en "section police" à Harvard, un grand lycée très impressionnant. Bon alors, là, c'est le moment où je dois me décrire physiquement donc je vais essayer de rester objective. Je suis mat de peau, j'ai des cheveux rougeâtres que je coiffe toujours en une queue de cheval, des yeux marrons, je suis assez fine et pas très grande - mais 1,68 mètres, ça se respecte ! Je rêve de devenir flic et j'ai 17 ans - et oui, j'ai sauté une classe. Mes résultats scolaires sont bons en maths, physique, sciences et sport. Que dire de plus ? Je suis extrêmement intéressée par les enquêtes - on l'aura compris -, je dors 3 heures par nuit et... ah oui, je carbure au Coca-Cola. Voilà, ça c'est moi. Nous sommes au mois de juin, le bac a lieu dans 8 jours et je ne stresse pas plus que ça - à priori. On sonna à la porte.
- Jim Gordon ?
Un colis pour mon père ! Génial ! J'ouvris la porte, le jeune homme qui portait le paquet me dévisagea quelques secondes.
- Vous n'êtes pas Jim Gordon ?
- Hum... eh bien... en fait...
- Où est Jim Gordon ?
- Justement... dis-je en balbutiant.
- Ce colis est pour Jim Gordon.
- Je suis sa femme ! déclarais-je en le coupant.
- Signez ici. dit-il en tendant un papier, un stylo et le paquet.
Une petite signature - en fait j'ai fait un dessin de licorne vu que je ne sais faire que ça et j'ai écrit Gordon dessus - et voilà !
- Bonne journée.
- Pareillement ! répondis-je.
Je claquais la porte et vérifiais que personne ne regardait depuis l'extérieur. J'ouvris le colis. Ma surprise fût grande. Revolvers, menottes, torches, talkie-walkies et polystyrène - du polystyrène, trop bien ! Je comptais les armes et pris un exemplaire de chaque. J'emmenais mes "cadeaux" dans ma chambre, à l'étage, et les déposais sur mon lit. J'avais fait un trou dans le mur derrière l'armoire. C'est là que je rangeais tous les gadgets que je... comment dire... que j'empruntais à mon père. C'était la caverne d'Ali Baba ! Des armes en tous genres, des balles, des seringues - des seringues ? -, des grenades, des tasers, des baïonnettes, des jumelles, des jumelles infrarouges, des jumelles à rayons X et des tas d'autres jumelles toutes plus inutiles et plus bizarres les unes que les autres - j'adore les jumelles à boules puantes ! Voilà. Je replaçais le placard quand on sonna de nouveau à la porte.
- Chérie ? C'est moi !
Et m...ercredi ! Papa venait de rentrer ! Si il me voyait en train de m'amuser au lieu de travailler il... me... ferait certainement quelque chose ! Vite, je dévale les escaliers, balance des affaires de cours dans le canapé, m'y installe et pose les écouteurs sur mes oreilles au moment où il rentre. De cette manière, je fais mine de ne pas l'avoir entendu mais surtout, de travailler !
- Barbara ?
- Hein ? dis-je en enlevant mes écouteurs. Papa !
Je lui sautais au cou et l'embrassais. Il fît de même.
- Comment s' est passée ta journée ? demandais-je en attrapant une bouteille de Coca.
- Bof, la routine habituelle, un type qui agresse un vieux et de la paperasse à longueur de journée.
- Dis, Papa. continuais-je après avoir avalé une première gorgée de Coca. Tu te souviens de ce Monsieur Brown ?
- Le criminel ? dit-il en souriant. Bien-sûr ! Ce vieux coquin avait essayé de cambrioler le Manoir Wayne mais nous l'avions arrêté et depuis, il pourrit au fond de sa cellule !
- Tu aurais les dossiers le concernant ?
Son visage d'un coup se ferma. Il ne souriait plus et prit un ton sévère.
- Non.
- Comment ça, "non" ?
- Tu ne peux pas les consulter.
- Mais je...
- Barbara. J'ai dit "non".
Ma journée était définitivement pourrie. Je retournais dans le canapé et bus mon Coca en lisant mes dernières pages d'agenda. Il tenta un changement de sujet.
- Tu ne révise pas ?
- Je connais mes cours de physique par coeur. répondis-je sèchement.
- Et les sciences ?
- Je sais analyser un cadavre humain. Je ne vois pas en quoi ce serait plus dur avec une grenouille.
- Les maths ?
- Il n'y aura pas de maths.
- Quand j'étais jeune, il y avait des maths au bac et...
- Je fais un bac spécialisé, papa. Il n'y a que le sport, les sciences et la physique au bac.
Il n'arrivait pas à me parler mais il faut dire que je voulais vraiment ce dossier et que j'étais très froide pour cette raison.
- Tu as révisé le sport ? demanda-t-il avec un air innocent.
Je tournais la tête vers lui et souris.
- Pas encore... répondis-je.
- Il y a une bonne pizzeria à 12 kilomètres d'ici... déclara-t-il en souriant encore un peu plus.
- Il est 19h. dis-je en regardant ma montre. C'est l'heure des révisions.
Nous sortîmes dehors et nous allions là où le GPS nous l'indiquait. C'était souvent le soir que nous partions courir ensemble - et quel meilleur prétexte que les révisions pour se faire une bonne pizza ?
Dans un hangar au sud de Gotham City...
- Jim ! cria-t-elle.
- Tiens, tiens, tiens... on dirait que quelqu'un a fini par venir vous sauver, commissaire...
Le hangar était vide. Il n'y avait que le commissaire Gordon, attaché à une chaise, le malfrat qui l'avait enlevé, et la jeune femme.
- Emparez-vous d'elle !
Une horde d'hommes de main sortit de l'ombre et ils attaquèrent la jeune femme tour à tour. Elle parait leurs attaques, les frappait, les esquivait, et les envoyait au tapis, assommés. Il ne restait debout que le kidnappeur de Jim qui dégaina un canif et la menaça avec. Elle était à quelques mètres de lui quand elle se mit à faire des acrobaties pour le rejoindre. D'un coup de genou habile, elle frappa son poignet, ce qui le fit lâcher son arme qu'elle poussa avec force loin d'eux aussitôt. Il ne lui restait que ses poings pour se défendre. Elle fit une sorte de soleil et attrapa son large cou avec ses pieds et le renversa violemment. L'homme était à présent allongé, immobile. Elle détacha le commissaire et d'un coup, le mur droit du hangar s' effondra, laissant entrer des milliers de civils qui hurlaient son nom.
- Merci, merci ! criait-elle. Merci ! Merci, merci ! Merci, merci...
- Merci...mmmh... merci. Merci beaucoup...merc...ouaaaah !
"Aïe." Je viens de tomber de mon lit. C'est pas vrai, il y a que à moi que ça arrive, j'suis sûre ! Le sol est froid. Très froid. Un peu trop, je ferais mieux de me relever vite fait. Mon lit est un bazar sans nom. Je descends les escaliers à une vitesse de - environ - 14m/h. J'arrive - enfin ! - en bas au bout de 10 minutes. Papa est réveillé, il a préparé les céréales et le jus d'orange. Il m'attend à table.
- Papa...?
- Barbara ! Tu as bien dormi ? lança-t-il. Je crois que tu es tombée du lit...
- Ah... merci pour le déjeuner mais...
- Mais ? demanda-t-il en levant ses sourcils.
- Mais je vais prendre du Coca...
Il a vraiment dû me prendre pour une folle. J'ai rangé le jus d'orange comme si c'était normal de boire du Coca-Cola au petit déj' et j'en ai avalé deux gorgées avant de m'installer à côté de lui. Je regardais le calendrier accroché au frigo. Nous avions mangé des pizzas il y a tout juste 7 jours. Ce qui signifiait donc que ... quoi ? I jours !
- Papa !
- Oui ? dit-il en me regardant bizarrement.
- C'est aujourd'hui, le bac ! m'exclamais-je affolée.
- Oui.
- Mais c'est terrible !
- Oui.
- Attends deux secondes, c'est tout l'effet que ça te fait ? demandai-je.
- Oui.
Son air indifférent ne réussit qu'à m'exaspérer. Il se leva de table, enfila son manteau - j'ai cru qu'il devenait barjo -, ouvrit la porte, me souhaita une bonne journée et la referma sitôt. Je devais être en train de rêver. Il m'avait - encore - laissée avec mon paquet de céréales et était parti sans se soucier de moi. Bon, alors. Qu'il le fasse d'habitude, ok. Mais là ! On est pas n'importe quel jour quand même ! Enfin, je finis mes céréales - je vous épargne les 10 minutes de déprime où j'ai écouté des musiques tristes en regardant par la fenêtre -, courut à la salle de bain - bla, bla, préparation, bla, bla, bla - et m'habillais de manière assez chic. Le bus passa à l'heure pour une fois et le trajet fût rapide. J'arrivais enfin à l'université. Dans tous les coins il y avait des étudiants qui révisaient. Finalement le stress disparut. Je me disais qu'il n'y avait pas de quoi s' inquiéter. La sonnerie retentit, il fallait rentrer dans les salles.
- Rachel Goldstein ?
- Oui !
- Barbara Gordon ?
- Euh... Oui ! répondis-je au surveillant de la salle.
- Paul Green ?
- Oui.
Nous nous installons tous dans le calme. Les sujets furent distribués. Ils consistaient de 6 pages : 3 pour les sciences et 3 pour la physique. Le sujet m'émerveilla - je sais, c'est très bizarre. Chaque page était faite de sujets plus difficiles mais plus intéressants que les précédents. Dans ma tête résonnait des tas de voix à chaque nouvel exercice. "Facile !" ; "Le programme de première..." ; "Je me souviens !". Je me sentais vraiment dans mon élément. Je finis chaque exercice sans hésitation et en peu de temps. J'arrivais enfin à la dernière phrase de ma justification et... point final ! Au bout de 2 heures et 42 minutes précisément, j'avais bouclé l'épreuve écrite du bac. Il ne restait que l'épreuve sportive à laquelle je me rendis directement à la sonnerie. Je fonçais vers les vestiaires, changeais de tenue et ressortis en short et débardeur. L'épreuve était simplement un parcours qui devait dure heures. Enfin 'simplement' était un bien grand mot... La course s'étendait sur environ 20 kilomètres et - petit bonus - il pleuvait. Il fallait donc d'abord passer un mur en l'escaladant. Je m'agrippais aux prises avec facilité et atteris de l'autre côté sans me faire mal. Puis, il y avait des roues de voiture qui flottaient sur la boue. Il fallait sauter dessus sans tomber dans la boue - j'en ai vu deux à qui c'est arrivé, ils ont dû s' éclater à remonter. Je réussis à passer cette épreuve au bout d'une quinzaine de minutes - sans patauger dans la terre. Ensuite, des cordes suspendues à des arbres permettaient de traverser un sentier de rochers et caillous assez pointus. Je montais sur une pierre assez haute et sautais sur une corde en évitant de toucher les autres. Il fallait faire preuve de force si on passait par les airs ou d'agilité si on préférait passer par la terre. J'en atteins finalement le bout en passant de corde en corde - telle un petit ouistiti. Maintenant, il fallait courir une douzaine de kilomètres avant le dernier obstacle. La route était couverte de pièges. Il y avait des morceaux de bois au dessus des fossés sur lesquels il fallait passer pour en atteindre le bout. Je parvins à m'en tirer en un seul morceau. La fatigue m'envahissait lentement mais l'envie de réussir tentait tout de même de prendre le dessus. Le dernier obstacle était là : une étendue d'eau couverte par une bâche. Le seul moyen de passer était de plonger pendant une ou deux minutes et de nager le plus vite possible jusqu'à la sortie. Je reculais de quelques mètres, pris ma respiration, courus puis sautais et plongeais dans l'eau sale. J'eus du mal à ouvrir les yeux tant il y avait de terre dans cette eau. Le peu d'air qui me restait s' enfuyait rapidement. Je sentis enfin la terre ferme. J'avais enfin atteint la fin des épreuves et n'étais qu'à quelques mètres de l'arrivée. Je me remis à courir, dans mes derniers souffles. Une personne surgit de derrière la ligne d'arrivée : c'était mon père - mon papounet était venu juste pour moi ! Il écarta les bras pour me recevoir et je finis ma course serré contre lui.
- Le parcours du combattant ? Tant que ça ?
- Je t'assure que j'ai cru y rester !
Il rit. Nous étions le 24 juillet, la remise des diplômes du bac avait lieu dans une heure. Nous étions installés à la terrasse d'un café situé à une trentaine de mètres de l'université. J'avalais mon Coca avant de continuer.
- Et dire que c'était il y a un mois. Tu crois que j'ai réussi ?
- Si je crois que tu as réussi ? lança mon père en riant. J'en suis persuadé !
Les minutes passèrent. Je regardais ma montre et lui dis que nous devions nous rendre au campus. Tous les anciens élèves étaient présents.
- Hé ! Barbara !
- Stéphanie ! dis-je en me tournant vers elle.
- Quoi d'neuf ? Prête à recevoir ton diplôme ?
- Tu parles, je suis surexcitée !
Une voix provint de l'escalier central. C'était la principale, madame Walters, qui allait remettre les diplômes. J'ai cru qu'elle ne m'appelerai jamais !
- Les élèves ayant obtenu la mention 'Très Bien"...
Et après une liste d'une vingtaine d'élèves...
- Et Barbara Gordon ! Mes plus sincères félicitations à tous !
C'est officiel, je venais d'avoir mon bac ! Mon père courut à l'embrassade. Ils me félicita mille fois puis s'écarta un peu de moi. Une femme, blonde, habillée d'un joli costume bleu s' approcha de moi. Elle me tendit la main pour me la serrer.
- Madame le maire...
- Barbara. reprit-elle. Toutes mes félicitations.
- Merci beaucoup... répondis-je en rougissant.
- Barbara, j'ai une question d'une grande importance à vous poser.
- Heu... oui, je vous en prie.
- Vos résultats sont simplement sensationnels, et... je désirais savoir si vous vouliez devenir policière pour la ville de Gotham City.
- Je... j'en serais très honorée...
- Il vous suffit d'une petite signature ici.
Et hop, une petite licorne ! Elle regarda ma signature d'un oeil étrange avant de reprendre.
- Eh bien c'est fait. Vous intégrerez les locaux du département de police en septembre.
- Merci, merci mille fois !
- Mais de rien. À bientôt.
- Au revoir !
Je me tournais vers mon père, émerveillée. Il me regardait en souriant.
- Alors ? demandais-je.
- Alors quoi ?
- Prêt à faire équipe avec la meilleure élève de toute sa promotion ?
- Pour devenir flic, rétorqua-t-il, il faut commencer par se débarrasser de son ego surdimensionné, jeune fille !
- Oui, chef !
Nous partîmes tous les deux vers Gotham. C'était officiellement le plus beau jour de ma vie.
