Si elle avait du décrire sa relation avec le docteur Jonathan Crane, Daphnée Greyhound aurait été très embêtée. A dire vrai elle n'avait pas la moindre idée de comment ils faisaient pour se supporter. Bon, si à la rigueur elle était absolument certaine que ça n'avait rien de sexuel ou de romantique, son mari n'aurait certainement pas été d'accord. Elle l'avait rencontré avant qu'ils ne deviennent tous deux des criminels connus mais ça ne voulait pas dire qu'ils s'étaient entendus tout de suite. C'était même plutôt le contraire en fait, leur premier rendez vous s'était soldé sur une fuite précipitée pour l'une et un rire de psychopathe pour l'autre. Pourtant les mots de l'ex psychiatre l'avaient hanté. Il ne se passait pas un mois sans qu'elle n'y repense.
Elle aurait pu l'oublier entre temps, mais le destin en avait voulu autrement. Au moment où sa santé mentale était partie par la fenêtre elle s'était remémorée ses mots elle avait mis ses conseils en application. Mais ce qui avait probablement amorcé leur… rapports… étranges, ça avait été qu'elle lui envoie une lettre de remerciement plus d'un an après que son père l'aie forcée à aller le voir.
A sa grande surprise le professeur avait répondu. Ils s'étaient échangé quelques lettres, mais rien de très impressionnant. Il était toujours froid et mesuré, de son côté la jeune femme s'en méfiait comme de la peste. En un an de correspondance écrite ils s'étaient vu quelques fois pour prendre un café mais n'avaient jamais été proches. Après la découverte de sa seconde vie, l'Epouvantail avait été enfermé à Arkham et elle n'avait pas essayé de le recontacter. Ceci dit ce n'était pas bien grave puisqu'elle l'avait rejoint quelques mois plus tard. Les grands esprits se rencontrent et tout ça.
C'était peut être cruel pour le reste de Gotham mais la folie ça lui allait bien à Crane. Pour l'avoir connu avant Daphnée savait qu'il était beaucoup plus chaleureux depuis son incarcération. Sauf que bon, ça restait un homme froid, sociopathe, cruel et sadique alors ça ne voulait pas dire grand chose. Mais il lui arrivait de sourire en pensant à détruire l'esprit de centaines d'innocents, de rire en expliquant à un psychiatre qu'il voulait envoyer en thérapie comment il s'était débarrassé de ses derniers sujets d'expériences et il s'était même fait un ami de Jervis Tetch avec qui il parlait de comptines, de drogues et de manipulation mentale. Comme quoi, il restait humain.
Il s'était même trouvé des hobbies autres que les expériences comme s'amuser à envoyer les nouveaux docteurs en dépression, monter ses petits camarades les uns contre les autres pour les regarder se crier dessus comme Harley et Daphnée regarderaient des dessins animés à la télévision. Elle s'était beaucoup rapprochée de lui en étant à Arkham, même si c'était à double tranchant parce qu'elle n'était pas immunisée contre ses vacheries. La pire qu'il lui ai faite ? Un jour le docteur s'ennuyait dans la salle de recréation. Daphnée n'avait pas encore été envoyée à Blackgate car un médecin voulait voir si elle était réellement saine d'esprit et lui avait injecté un médicament qui avaient des effets secondaires inattendus. Hallucinogène. Elle ne se souvenait plus de grand chose à part son sourire mauvais et le fait qu'elle ait léché le visage de Black Mask parce qu'il lui avait dit que c'était du bacon mais ça n'était pas grave parce qu'elle s'était vengée. Elle avait révélé au Joker que son anniversaire avait lieu le premier avril et depuis tous les ans il se surpassait pour organiser une superbe fête pour ce bon vieux Docteur. La tête qu'il faisait à chaque fois valait très largement la semaine qu'elle avait passée en tête à tête avec lui et sa toxine.
Quand ils se voyaient c'était donc soit pour prendre le thé avec le Chapelier fou et son gang du pays des merveilles, soit pour se cacher l'un dans la planque de l'autre, soit pour se faire des vacheries. Daphnée était pas tout à faire sure que ce soit une relation très saine, mais toutes les personnes avec qui elle s'entendait étaient complètements tarées alors elle n'était plus à ça près. Pour le moment, sa pseudo amitié avec Crane l'avait amenée là où elle était actuellement, c'est à dire seule dans la planque qu'elle partageait avec Edward et étalée sur le divan. Elle envoya un énième message avec son sourire le plus machiavélique.
Depuis quelques temps Daphnée avait apprit l'existence de le fixeuse de l'Epouvantail. Dans le jargon, une fixeuse c'était la personne qu'il fallait aller voir si on souhaitait avoir un entretient avec une personne très haut placée dans la chaîne alimentaire. C'était souvent des femmes discrètes avec un énorme carnet d'adresse et des réputations de requins. Bref, des supers secrétaires pour criminels. Or pour l'avoir aperçue une fois elle la savait plutôt jolie et en posant les bonnes questions aux bonnes personnes elle avait aussi apprit qu'elle n'était pas farouche. Comme Seshat devait se venger de Jonathan pour avoir fait courir une rumeur comme quoi elle avait fait un changement de sexe et était un homme à l'origine elle avait vu là une occasion en or. La blonde lui avait offert un téléphone avec une carte prépayée mais ne lui avait pas donné le mode d'emploi. Vicieuse, elle était revenue la veille pour cacher son téléphone sous une latte du plancher, mettre la sonnerie à fond et payer un de ses hommes cent dollars pour qu'il l'appelle quand sa fixeuse viendrait le voir. Il l'avait fait trois quart d'heures plus tôt. Elle avait patienté une demi heure, estimant qu'ils auraient eut le temps de se rapprocher d'ici là, puis avait commencé à envoyer des messages toutes les cinq minutes.
Son seul regret était de ne pas avoir pu voir sa tête quand il avait été interrompu dans ses ébats par les cris stridents de Renée La Taupe. Ca faisait maintiennent vingt minutes que ça durait.
Alors qu'à la télévision, Jack Rider et Vicky Vale faisaient le commentaire des différentes statistiques sur la criminalité ce mois ci, elle n'écoutait que très peu et regardait plutôt l'horloge dans le coin en souriant. Vingt cinq minutes maintenant. Elle envoya un autre message. Son excuse pour lui en envoyer autant ? Elle avait eut un petit passage de fatigue dernièrement et s'était évanouie deux fois, donc elle en profitait pour jouer les hypocondriaque en lui posant des tas de questions sur des virus trouvés sur doctissimo. Sauf le dernier où elle lui demandait si c'était pas plutôt lui qui était malade parce que le nombre de disparitions avait baissé.
Tandis qu'elle regardait une analyse d'une portion du mariage de Bruce Wayne en s'imaginant Crane en train d'arracher son plancher son téléphone se mit à vibrer. Son sourire s'agrandit tellement en voyant que c'était Crane qu'on eut cru qu'elle avait avalé une bouffée de smilex. Elle attendit deux sonneries avant de répondre sur le ton le plus faussement innocent qu'elle pouvait réaliser.
« Allo oui ?
- Je vais t'assassiner.
Elle inspira vivement en entendant ce qui ressemblait plus à un grondement qu'à une voix humaine, son air surpris accompagnant son mauvais numéro d'actrice.
- Quoi moi ? Mais qu'est-ce que j'ai fais ?
- Tu sais très bien ce que tu as fait. Es tu seule actuellement ?
Elle reprit son sourire. S'il était prêt à venir la gazer là de suite c'était qu'elle devait bien avoir interrompu quelque chose d'important. Elle serra les dents en éloignant le combiné le temps qu'elle puisse contenir son fou rire. Elle le remit contre son oreille après plusieurs grandes inspirations.
- Il est une heure du matin vous savez ?
L'épouvantail fit un petit bruit agacé avec sa langue.
- Ne me prends pas pour un idiot, les voleurs sont toujours debout à une heure du matin. Mais j'en conclu que Nygma n'est pas avec toi.
Elle aurait probablement du nier en bloc pour ne pas passer sa nuit à éviter un fou furieux caché dans sa maison, mais c'était tout à fait vrai et elle s'ennuyait comme un rat mort. Le Sphinx était partit recruter des macaques supplémentaires pour son prochain plan. Il y avait une exposition de bijoux en ville. La collection comportait entre autres une couronne en émeraudes splendide qui avait été fabriquée pour un prince indien. Pas question qu'il passe à côté. Cependant comme monsieur le génie voulait toujours garder certaines étapes de ses plans complètement secrètes elle ne pouvait pas toujours l'accompagner à l'entrepôt où il recevait les hommes de mains engagés pour les grosses occasions. Seshat et les quatre Marks devaient venir à l'appartement pour recevoir leurs ordres. Elle répondit à Crane sans perdre son sourire.
- Non il est partit faire un tour mais c'est gentil de vouloir me tenir compagnie ! Je prépare du popcorn, à tout à l'heure ! »
Elle coupa la connexion et s'étira comme un chat sur le canapé Alors ça, c'était fait. Maintenant il allait falloir qu'elle sorte ses pistolets, ses couteaux de chasses et les pots de beurre de cacahuètes. Si elle se souvenait bien il était allergique aux arachides, ça mêlé aux pièges de Nygma, ça devrait le ralentir. Oh elle ne s'inquiétait pas pour sa santé, depuis le temps elle savait qu'il résistait à tout.
Tandis qu'elle mettait en place son piège ultime, modèle d'ingéniosité et de technologie, Edward choisit ce moment pour rentrer. Il ouvrit la bouche pour la saluer avant de s'arrêter en la voyant assise sur le sol devant sa mixture. Il haussa un sourcil, une expression perdue sur son visage. Puis il leva les yeux au ciel.
« Je suppose que l'individu actuellement en train de s'attaquer au labyrinthe est en réalité l'Epouvantail ?
Elle pressa un pot en plastique pour le vider de son contenu avant de lui répondre.
- Tout juste. Tu voudrais bien me passer l'huile s'il te plait ?
Il laissa tomber son sac en bandoulière rempli de gadgets et croisa les bras en s'appuyant nonchalamment contre le mur.
- Il est hors de question que je t'aide à organiser une de vos querelles puériles. Ce genre de comportement ne sied guère à un génie tel que moi. »
Elle esquissa un sourire. Non c'est vrai il préférait admirer le spectacle. Daphnée se retourna vers lui, ses yeux passant de son expression condescendante à son sac d'où l'on pouvait voir une peluche de batman recouverte d'aiguilles. Voyant la direction de son regard, il donna un coup de pied pour éloigner les preuves. Seshat se contenta de se relever et de passer à côté de lui en sifflant quelque chose qui ressemblait très fort à une chanson de disney sur le déni amoureux « non non, jamais, je n'le dirais nooon ». Heureusement pour elle la culture générale de Nygma ne s'étendait pas aux films pour enfants de dix ans alors il se contenta de passer ses bras au tour de sa taille et de la serrer contre lui. Agréablement surprise elle rendit l'étreinte et l'embrassa doucement. C'était étrange pour lui d'agir ainsi. Elle s'éloigna, une expression suspicieuse sur son visage.
« T'es vachement câlin depuis que je suis malade. T'aurais pas mis un truc dans mes pralines pendant que je regardais pas ?
Parce que lui n'était pas malade, et à part pour le fait qu'il était souvent moins fatigué qu'elle car il ne faisait pas beaucoup d'entraînements au combat l'une des rares choses qu'ils ne partageaient pas c'était les pralines de Daphnée. Mais ça c'était surtout parce qu'elle les finissait trop vite. Il retira une de ses mains pour se tapoter le menton.
- Hmm… Pas que je sache. Mais il se trouve que j'ai effectivement retiré quelque chose.
Elle s'éloigna un peu alors qu'il faisait sa pause dramatique. Comme il ne continuait toujours pas elle baissa les bras.
- Et qu'est-ce que tu as retiré ?
A en voir la façon dont ses doigts pianotaient et son sourire en coin qui n'engageait rien de bon pour la blonde, ça faisait un certain temps qu'il se retenait.
- Œstrogène et Progestérone.
Le nom lui disait vaguement quelque chose. Vu son grand sourire il s'attendait à ce qu'elle sache.
- Ce sont des hormones.
Ce qu'elle s'empresserait d'oublier car elle n'y comprenait rien à la biologie et n'avait jamais écouté au lycée. Mais pour le moment elle ne comprenait rien du tout. Le sourire de Nygma menaçait désormais de faire le tour de son visage et il se décida enfin à finir sur le ton le plus exagéré que sa gorge pouvait supporter.
- Plus précisément les hormones qui font que ta pilule contraceptive fonctionne. Celles qui viennent de la boîte cachée dans le ventilateur de la salle de bain. Tu n'es pas souffrante Daphnée, juste enceinte.
Il y eut un silence. Ca par contre elle comprenait. Mais à la surprise de Nygma sa partenaire se contenta de sourire. Lui qui s'était attendu à un caprice…
- Je suis ravi de voir que la situation te plaise.
Sans répondre, elle mit ses mains dans ses poches, cherchant visiblement quelque chose. Elle sortit une petite plaquette de médicaments et la lui tendit. Le sourire de Nygma fondit. L'autre était un leurre.
- Je les garde sur moi. »
La simplicité, c'était la kryptonite du Nygma. A force que Batman le batte tout le temps comme ça elle aurait pu croire qu'il retiendrait la leçon mais non. L'expression de son employeur s'assombrit et il ramassa son sac avant de tourner les talons sans rien lui dire. Daphnée poussa un profond soupir. Et pourquoi elle ne pouvait pas s'énerver pour sa tentative de la mettre en cloque sans lui demander son avis ? Parce qu'il fallait bien que l'un d'eux soit patient. Seshat partit à sa suite et le prit dans ses bras par derrière. Il s'arrêta mais ne sembla pas être attendrit pour autant. Bon, il allait encore falloir qu'elle arrondisse les angles.
« Tu m'en veux pour te les avoir cachées ?
- Ton sens de l'observation me laisse pantois, tu t'es entraînée avec Killer Moth ?
Elle grimaça à cause de son ton acide. Ouuuh ! Comparaison avec Killer Moth, là Edward lui en voulait vraiment. Au moins il ne s'était pas encore enfermé dans son bureau, ça lui laissait une occasion de le faire changer d'avis, ou au moins de gagner du temps. Parce que non, l'archère n'était pas du tout d'accord pour devoir rester enfermée quelque part pendant neuf mois. Pour avoir eut un petit frère et avoir réussi à tuer un cactus, elle n'était pas certaine de vouloir se reproduire ou même d'être capable de garder un poisson rouge en vie. Elle fit une pause de quelques secondes pour choisir ses mots.
- Tu veux qu'on en parle ?
- De ta trahison ?
- Non des enfants qu'on pourrait avoir mais si tu as déjà changé d'avis…
Avant qu'elle n'ait pu finir sa phrase il se retourna et la serra dans ses bras en écrasant ses lèvres contre les siennes. Seshat soupira mentalement. Elle avait évité la tornade, elle pouvait se féliciter pour le moment. Maintenant pour le faire changer d'avis ça allait être plus dur. Elle passa ses bras autour de son cou et entrouvrit sa bouche pour approfondir le baiser. La négociation se ferait plus tard. Sans prévenir il recula vivement sa tête, la laissant embrasser le vide pendant un court instant.
- Je veux une fille. Sinon c'est que tu fais mal ton travail.
Daphnée éclata de rire.
- Ah parce que c'est écrit dans mon contrat ?
- Oui, article 416 alinéa deux.
Elle resta silencieuse un instant avant de murmurer pour elle même.
- Un jour il faudra vraiment que je le vois ce contrat.
Mais apparemment Edward entendit car il lui répondit en enfouissant sa tête dans son cou.
- Ma chère je suis trop adroit pour te laisser faire quelque chose de la sorte.
Effectivement, si jamais elle le voyait il ne pourrait plus rien ajouter. Laissant là ces questions peu importantes il commença à embrasser son cou. Il avait réussi à la convaincre d'avoir des enfants avec lui, s'il avait de la chance ils pourraient même commencer à essayer dès ce soir.
Soudainement, des coups répétés contre la porte d'entrée interrompirent le moment d'intimité. Ah. Il avait oublié Crane. Nygma baissa les yeux vers Daphnée.
- Qu'est-ce que tu as bien pu lui faire pour le mettre dans une telle rage ?
La blonde lui fit un sourire radieux, comme s'il n'y avait pas un épouvantail enragé derrière la porte et que le métal de celle ci ne commençait pas à grincer à cause de l'attaque.
- Tu veux une liste ? »
Cinq secondes plus tard, le Docteur Jonathan Crane, après avoir torturé un indicateur, traversé la moitié de la ville et être passé à travers les pièges plus compliqués, dangereux et tordus que l'esprit malade du Sphinx avait pu mettre au point en moins de temps que cela avait jamais prit à Batman, fut vaincu par le seau de beurre d'arachides liquidifié que Daphnée lui jeta à la figure et le choc anaphylactique qu'il l'accompagna.
MAIS il réussi tout de même à la gazer avant de tomber.
Nygma les regarda se tordre à terre sans bouger d'un pouce en enfonçant une aiguille dans la tête de sa poupée Batman.
Parfois il se demandait s'il était le seul à avoir atteint l'âge adulte.
