Titre : Le Cerisier Guérisseur

Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent pas, cependant, le monde dans lequel je les fourre est à moi ~. Je ne touche aucune somme d'argent. Bien que les reviews peuvent être considérées comme une sorte de salaire. (Moi, vénale ? Pas du tout !)

Rating : M.

Genre : UA, Fantasy, Adventure.

Note : Fic participant au CONCOURS One Piece proposé par Nathdawn, par le biais de sa fiction Cigarette et Mélancolie Chap.2. Je vous recommande d'y faire un petit tour, c'est pas mal du tout, la compétition est ardue ! Le style du monde dans lequel se trouve l'histoire s'inspire de plusieurs films et séries, tels que Game of Thrones, Wakfu, Blanche Neige et le Chasseur, Hansel et Gretel : Chasseurs de Sorcières. Le fantastique au pouvoir mouhahaha ! L'image de couverture a été réalisée par mes soins et encrée à ceux de ma chère Bêta ҉. Bonne lecture !

Note 2: Crédit musique :
Brand X Music : World without end
Florence + the machine: Breath of life


Il marchait depuis suffisamment longtemps maintenant, pour ne plus savoir exactement depuis combien de temps il cheminait. Dans son dos, son village natal, sa chaîne de montagnes et ses sommets enneigés avaient disparu bien trop vite à son goût. Le cuir de ses bottes était tout proche de se déchirer et la boue du chemin les recouvrait jusqu'au-dessous des genoux, imprégnant ses pantalons. La prairie autour de lui ne lui offrait aucun abri contre la pluie battante qui s'acharnait depuis le matin, détrempant la route au point d'en faire une véritable pataugeoire. Transi et trempé jusqu'aux os, il rajusta sa cape en peau de couguars sur ses épaules et sa tête, maudissant les cieux d'une si mauvaise fortune et reprit sa marche, malgré ses jambes percluses de courbatures et de fatigue. Ses cheveux blonds ruisselaient d'eau devant ses yeux, cependant il n'avait pas vraiment besoin de voir pour continuer à avancer.

Arriver jusqu'ici n'avait pas été simple, une fois hors de l'ombre bienveillante des montagnes. Trouver son chemin à travers celles-ci n'avait pas été bien difficile, mais ne les ayant jamais quittées, se retrouver sur la plaine fut quelque peu éprouvant. Plusieurs pleutres et couards lui avait volé son cheval alors qu'il marchandait en ville le prix de ses vivres ; il s'était confronté à moult êtres malveillants, devant sauver sa vie -et sa bourse- à bien des reprises. Les esprits frappeurs d'une forêt l'avaient tourmenté le temps que dura la traversée de celle-ci ; il fut contraint à danser toute une nuit de pleine lune pour amuser des korrigans, alors qu'il s'était imprudemment aventuré, le soir tombé, sur leurs landes ; il dû également « croiser le fer » avec un troll avant de lui crier dessus, remportant la joute phonique ainsi qu'une extinction de voix monumentale.

Et tout ça pour quoi ? Se retrouver ici, à des miles de chez lui, pour trouver un cerisier légendaire, qui, hypothétiquement, devait sauver son oncle, atteint d'une maladie étrange, peu connue des montagnes et de ses habitants. Alors comment pouvait-il savoir que les fleurs de ce cerisier pourraient éventuellement le sauver, si dans sa montagne, personne n'avait eu vent de cette maladie ? Simplement parce qu'un sage-guérisseur un peu shaman sur les bords avait ausculté la fièvre et les douleurs de son oncle lors de son pèlerinage, et avait décrété qu'une décoction de cette fleur le sauverait. Et qui avait-on envoyé pour accomplir cette quête, hein ? Le bon, le vaillant, le jeune neveu, tout pétillant de fougue ! Et va-y que je te traverse monts et vallées pour une fleur qui n'existe peut-être même pas… ! Pour la tante encore oui, mais l'oncle…

Son avancée devenait de plus en plus laborieuse sous cette pluie et dans cette gadoue grumeleuse. Il s'arrêta, expirant longuement l'air de ses poumons, créant un gros nuage de condensation, qui, quand il se dissipa, lui permit de voir la lisière d'une forêt, plus accueillante que celle qu'il avait déjà traversé. On va essayer d'éviter les esprits ce coup-ci. Reprenant légèrement espoir quant à trouver un endroit plus ou moins sec, il reprit sa marche d'un pas vacillant mais déterminé malgré la fatigue.

Le couvert des arbres stoppa quelque peu les trombes d'eau, lui permettant de relever la tête. Il s'essuya les yeux, évacuant le flot qui l'empêchait de voir correctement. L'odeur des pins mouillés s'infiltra dans ses poumons, ainsi que l'air frais qui émanait des arbres. Le chant de la pluie et du vent sur le feuillage attira un instant son attention, l'apaisant quelque peu avant qu'une bourrasque ne le fasse violement frissonné. Brrr … ce que je donnerais pour un endroit sec, des vêtements secs, un lit ! Et une charmante compagnie !…

Il s'enfonça plus avant sous la ramure, slalomant entre les larges troncs de chênes et de pins facilement tricentenaires, se perdant dans le flot de ses désirs inassouvis. Il distingua alors une sorte de paroi rocheuse entre les larges colonnes de bois noircis par l'eau, semblables aux flancs de montagnes qu'il connaissait si bien. J'aurais quand même pas tourné en rond … ?! Le doute, une once de panique et un chouïa de colère le firent s'élancer vers la roche grisâtre couverte de mousse. Il dérapa sur le tapis de feuilles archi humides, rétablissant son équilibre de justesse. Il palpa la pierre à pleine mains et soupira de soulagement : il n'avait pas tourné en rond, la pierre était trop poreuse pour être celle qu'il connaissait. L'élan dont il venait de faire preuve l'étonna et le dérouta ; cheminer seul l'aurait-il rendu parano ? … Fou ? Sa montagne lui manquait-elle tant que cela ? Pourquoi je panique comme ça ? C'est n'importe qu…

_ …AAAAAAHH !

La terre gorgée d'eau et son soudain élan avaient provoqué un glissement de terrain, favorisé par la caverne qui se trouvait juste aux pieds du blond. Celui-ci glissa vivement sous la pierre, emporté par la boue et l'eau, manquant s'étouffer sous cet amalgame. Il atterrit lourdement sur un sol dur et humide, dans un écoulement de tourbe, qui acheva de le tremper, de le salir et qui l'étourdit férocement, lui coupant un instant la respiration. Les pierres qui l'avaient accompagné dans sa chute lui avaient ouvert la peau à plusieurs endroits, cependant il ne vit pas tout de suite le sang qui commençait à s'écouler de ses quelques blessures, trop sonné pour cela. Il pesta, ses yeux ayant du mal à s'accoutumer à l'obscurité de la grotte, puisqu'apparemment, c'est là qu'il était tombé.

Reprenant son souffle sans bouger, toujours étendu tel que sa dégringolade l'avait déposé, il perçut peu à peu le bruit d'une chute d'eau, non loin. Sa gourde était vide depuis deux jours si ce n'était plus, et la pluie ne l'avait pas hydraté comme il l'aurait voulu… sa gorge sèche se rappela à lui, le forçant à se redresser, avec précaution ; pas question qu'il se casser la figure une deuxième fois. S'assurant de son équilibre, rajustant sa besace bien trop plate sur son dos et essuyant le plus possible la gadoue sur son visage, il entreprit de suivre son ouïe pour trouver l'eau si bienfaitrice, quand une sensation chaude et poisseuse le fit s'arrêter et porter une main à son front, qu'il retira couverte de sang.

_ Merde… La chute…

Il soupira et se contorsionna pour retirer de sa besace un linge détrempé par la pluie. L'opération lui révéla que sa tête n'était pas la seule touchée. Il maugréa quelques insultes à l'attention des cavernes cachées et de ce temps de chien tout en prenant soin de ses blessures ; ses mains et son cou avaient été également atteints. Une fois ces premiers soins plus que primaires effectués, il reprit son chemin.

Ses rétines désormais accoutumées à l'obscurité et aux faibles rays de lumière passant par l'endroit de sa chute, lui permirent d'éviter plusieurs crevasses, qu'il enjamba d'un pas à peu près assuré. Suivant le bruit de l'eau, il atteint une autre excavation. Une large et longue chute d'eau jaillissait d'un sombre trou dans la pierre, et créant à son pied un étang d'eau limpide et pure.
La lumière, arrivant par une haute trouée dans la roche, sous laquelle une végétation luxuriante avait investi la déclinaison, jetait sur l'eau des reflets, qui eux-mêmes se répercutaient sur la voute, la faisant miroiter. Un faible arc-en-ciel vivotait dans la brume de la chute.
Le chant d'un oiseau se répercuta contre les pierres, claire et argentin. Il faisait sec et bon dans cette cavité, ce qui ravit le blond, lui redonnant un peu de vigueur. Eh bah voilà, fallait juste demander ! Il se précipita au bord de la pierre, tomba à genoux et plongea ses mains dans l'onde pour boire avidement l'eau fraiche. Il avait subi la flotte toute la journée, et pourtant celle-ci avait des allures d'apparition divine !

Il reprit sa respiration, s'essuyant la bouche d'un revers de manche. La belle étoile, c'est pas pour ce soir. Inspirant à fond, il leva la tête et observa la cavité qui l'entourait. Son regard vagabonda sur la cascade, puis se figea soudainement.

Merde ! …Comment j'ai fait pour pas le voir avant… ? C'est quoi ça !?...

Sur le côté de la chute, immergé jusqu'aux cuisses dans l'eau de l'étang, ce qui ressemblait de loin à un homme était attaché par les mains et le cou, ligoté par de lourds liens d'un bleu luisant dans la pénombre. L'homme avait la peau étrangement hâlé pour quelqu'un qui ne devait pas avoir vu le soleil depuis longtemps… De très longs cheveux d'un vert complexe s'étendaient de part et d'autres de son corps, qui semblait inerte.

Le blond déglutit, figé. C'est quoi ce truc… ? C'est vivant ? … Pourquoi … il est attaché ici… ? Se remettant doucement debout, il fixa l'humain à plusieurs mètres. Mais qu'est-ce que c'est ? La curiosité prit le pas sur la surprise et la peur, comme on pourrait s'en douter, et il s'approcha avec précaution, ses yeux discernant plus de détails au fur et à mesure.

Il n'était pas humain : quatre cornes d'un vert abyssal ornaient le haut de son front, prenant naissance au travers de ses cheveux ; quatre courbes noires étaient dessinées sur son front ; et une perle d'émeraude était située sur chaque tempe. La ligne de ses cils était d'un noir de jais, soulignant son visage endormi. Une fine cicatrice barrait verticalement son œil gauche, et à son oreille, trois pendants d'or figuraient, attirant faiblement la lumière. Un lourd et large collier de cuir brun, auquel étaient reliés les cordages, lui ceignait le cou. Son corps était nu, musculeux, sec et souple. D'aucun dirait également qu'il était bien membré. C'est quoi ce…

_ Est-ce la première fois que tu vois un dragon sous sa forme humaine pour que tu me fixes avec autant d'insistance ?

Le jeune blond sursauta avec une telle violence qu'il tomba à la renverse, la panique lui tordant les tripes, lâchant un cri étranglé qui passa ses lèvres sans autorisation. Il recula sur les coudes quelques instants avant de s'arrêter, les yeux grands ouverts sur la créature de légende qu'il avait devant lui. Un dragon… Un vrai dragon… comme dans les histoires… Il le dévisagea de plus belle, médusé. Le regard argent mate du dragon se plissa d'un amusement moqueur, un coin de ses lèvres relevé.

_ On dirait bien oui… Quand tu te seras remis du choc, aurais-tu l'obligeance de me détacher ? J'ai une folle envie de me gratter l'oreille.

Le jeune garçon déglutit et se redressa en le fixant, pas très rassuré par la perspective de le libérer. Il s'approcha cependant, hypnotisé, centimètre par centimètre et tendit la main, très lentement, pour s'assurer qu'il était bien réel. La pulpe de ses doigts rencontra la peau douce de sa joue, chaude et matérielle. Un frisson électrique remonta le long de son bras, se diffusant dans tout son corps. Il déglutit et le regarda dans les yeux.

_ Vous allez me manger si je vous détache.

Il y eut un blanc… puis le dragon éclata d'un rire profond et sincère, qui résonna dans toute la grotte, dévoilant ses dents blanches et acérées. Le jeune homme retira vivement sa main et rougit, soudainement mal à l'aise.

_ Quoi ?! J'ai dit une bêtise !?

Des petites larmes perlaient aux coins des yeux de la créature attachée, qui eut du mal à calmer son fou rire.

_ En effet, tu m'as l'air très appétissant ! Si je ressentais encore la faim, je serais mort depuis très longtemps déjà. Quand bien même, pourquoi mangerais-je la première personne que je rencontre depuis une centaine d'année et qui, de surcroit, m'offre mon premier fou rire ? Bien que tu aies l'air succulent, je ne te mangerais pas.

Le blond plissa les yeux, suspicieux.

_ Avec toutes les histoires qu'on raconte sur vous, vous pensez que je vais vous croire comme ça ? Si ça fais cent ans que vous êtes ici, vous devez forcément avoir faim …

Le dragon sourit, amusé par la prudence de l'enfant face à lui.

_ Je n'en n'ai ni l'envie, ni le besoin : quand je te dis que je ne ressens plus la faim, je suis sérieux. Du moins, pas cette forme de faim… Ajouta-t-il pour lui-même. Comment t'appelles-tu ?

_ … Sanji…

_ Enchanté.

_ Et vous ? Demanda-t-il, toujours sur la défensive, bien qu'apparemment, il n'ait pas l'air de lui vouloir du mal.

_ Je me nomme Roronoa Zoro, je suis le premier fils bâtard de Kengard, dernier Roi Dragon légitime. Zoro, c'est plus court. Il resta silencieux quelques secondes, avant de reprendre. Toi qui as entendue maintes histoires sur les miens, pourrais-tu me dire ce que tu as entendu exactement ? Pour savoir si ce sont des fables, ou des faits.

Sanji le jaugea du regard, les yeux plissés. Vachement civilisé pour une race réputée violente et barbare… Il ne va peux être pas me manger au final… Il se détourna en gardant quand même un œil méfiant sur lui, pour se laver le visage, où la boue avait commencé à sécher. Il retira également ses vêtements gorgés d'eau, pour les faire sécher sur une pierre, gardant seulement son pagne sur lui ; comme il faisait bon dans la grotte, il ne souffrait pas trop de sa nudité. Il vint ensuite s'assoir à une distance respectable en face du dragon, qui avait attendu patiemment tout en suivant ses gestes du regard.

Le premier humain qu'il voyait depuis des décennies le fascinait. Ses réactions, l'aura de sensation qui émanait de lui, l'odeur du soleil et du grand air sur sa peau, ainsi que toute une existence complexe cachée derrière ses prunelles bleues attisaient sa curiosité, et réveillaient à son insu des envies et des désirs enfouit depuis une éternité.

Le gamin fixa le dragon, yeux dans les yeux, le menton sur les genoux.

_ On dit que vous êtes violents, cruels, avares et sans pitié. Que d'un simple coup de queue, vous détruisez des bâtiments entiers, et que votre souffle incendie des forêts en un rien de temps… Que vous adorez faire la guerre et vous battre et que la chair humaine est l'un de vos plats préférés. Que certains dragons étaient tellement grands qu'ils passaient pour des collines quand ils dormaient… On dit aussi que vous êtes méchamment intelligents et que vous pouvez prendre forme humaine pour duper vos proies… Certains conteurs disent aussi que vous avez un don inné pour manipuler la magie… Que votre sang guérit les blessures, que vos cornes renferment de l'aphrodisiaque et que les pierres sur vos corps rendent celui qui les détient immortel. … C'est vrai ? Demanda-t-il à la fin, terminant avec une touche de curiosité semi-incrédule dans la voix, contrairement au début, un peu plus accusateur.

Le sourire du dragon s'était élargi à certains moments du récit. Ah les conteurs… Il changea de position, des fourmis reprenant leurs assauts sur ses membres.

_ Non, les pierres ne rendent pas immortel, elles procurent une santé plus solide à celui qui les possède ; nous-mêmes ne sommes pas éternels. Tes conteurs ont oubliés de préciser que nous avons un appétit insatiable, quel qu'en soit l'objet : combats et batailles, comme tu la mentionné, mais aussi nourriture, or, gloire, puissance, sexe. Tout ce qui apporte du plaisir est propice à la naissance d'un appétit chez les dragons. Pour le sang et les cornes, c'est vrai. Pour la forme humaine, juge par toi-même ... La magie, c'est également vrai. Nous possédons en effet une force de destruction massive. Quant à la cruauté…nous sommes tous différents, bien qu'avec une propension bestial de base. Il sourit en plongeant son regard à nouveau dans le sien. La question de la chair humaine te tracasse on dirait. Pour ma part, je n'en ai jamais mangé jusqu'à présent... Cependant, à te voir, je me demande si je ne vais pas commencer… Dit-il pour le taquiner, s'amusant de l'expression indigné du gamin. Ils ont également omis de préciser une chose, mais cela ne m'étonne pas, peu d'Hommes le savent.

_ …C'est-à-dire ? demanda le blond, un peu moins sur la défensive.

Le dragon sourit face à la curiosité du jeune homme.

_ Tu cherches une fleur, qui devrait sauver ton oncle d'une maladie étrange. Tu descends de lointaines montagnes exprès pour lui, même si tu ne l'apprécie pas. Il a fallu que ta tante te le demande pour que tu acceptes. Tu as un don particulier avec la nourriture et tu admires les femmes.

Les yeux de Sanji s'écarquillèrent au fur et à mesure de la description que lui faisait le dragon. Mais j'ai absolument rien dit !

_ …Vous lisez dans les pensées ?!

_ Non, je perçois ton aura, qui véhicule tes idées, tes sensations, rectifia calmement Zoro. Ce cerisier, je sais où tu pourras le trouver. Si tu me détaches, je t'y emmènerais. Je t'en donne ma parole.

Le blond plissa les yeux, soupçonneux.

_ Comment pourrais-je vous faire confiance ? Qui me dit que vous n'essayez pas de m'avoir par un tour de magie ? Ou en me racontant des mensonges ?

_ Moi, je te le dis. Te mentir ne servirait strictement à rien. Ton but est louable, et ton oncle mourant. A pieds, tu ne reviendras jamais à temps ; à vol de dragon, tu gagneras un temps précieux. Même sans cela, le chemin menant à ce cerisier est semé d'embûches, les korrigans et les esprits que tu as rencontré ne sont rien à côté de ce qu'il t'attend. Malgré toutes les tares dont nous sommes affublés, quand nous donnons notre parole, nous la suivons. En échange de ma libération, je t'emmènerais à cette fleur…

_ Et vous me ramènerez, intervint le jeune homme. Parce que si je reste coincé là-bas, ça ne servira pas à grand-chose.

Zoro sourit intérieurement face à cet esprit pragmatique et un poil impertinent.

_ Je te ramènerais. Libère-moi, et je saurais me rendre utile, voir indispensable.

_ Ça va les chevilles ?

_ Mouillées, mais elles vont bien.

Sanji se détourna pour cacher son léger sourire. Il se releva et commença à faire des allers retours sur la roche, réfléchissant. Est-ce que je peux vraiment lui faire confiance ? Même s'il dit ne pas vouloir me manger, il reste quand même super dangereux… Un dragon… c'est juste incroyable ! Ils ne voudront jamais me croire au village !… Et si jamais il ne tenait pas sa promesse ? Les conteurs disent que les dragons avaient quand même une forme d'honneur... ramener mon cadavre chez moi remplirait sa part du marché… Merdeuh !... Et puis s'il est attaché là, c'est qu'il y a une raison non ? … Une peine de cent ans… elle a dû expirer depuis… ils ont dû oublier de venir le libérer…

Il tournicota un petit moment sur la roche, avant de se tourner vers lui, poing sur les hanches.

_ Supposons que je veuille bien vous détacher, je m'y prends comment ? Parce qu'avec un couteau, je parie que ça ne fonctionnerais pas : elles n'ont pas l'air normales ces cordes. Avec le temps, elles auraient dû se détériorer, et elles sont en parfaites état.

_ Il faudrait du feu pour les faire céder. Elles m'empêchent d'en produire, ajouta-t-il en voyant le blondinet ouvrir la bouche.

Sanji retourna à ses affaires et chercha dans sa besace son briquet et son amadoue, qui, par un miracle absolument miraculeux, n'avaient pas été atteint par la pluie torrentielle de la journée. Mais même avec ça, il doutait que des étincelles puissent incendier les liens. Et trouver du bois sec avec cette averse… Chapeau !

Il se redressa et regarda aux alentours si, tel un prodige surgissant des flots, un morceau de bois ne s'était pas échoué sur la rive. La lumière venant de la trouée s'était quelque peu amenuit depuis son arrivée, il dû s'approcher plus près de l'eau pour bien voir. Quelques branchages, une bûche détrempée, et deux morceaux de bois sec, rien de bien couillu.

Il soupira et revint sur ses pas avec les deux morceaux, et son matos pour faire du feu. S'installant près de ses vêtements, il essaya plusieurs fois sans y parvenir : le bois était trop humide pour sortir une flammèche. Il grommela des jurons à l'intention d'une pluie des plus emmerdantes et de morceaux de bois contrariants.

_ Essaye d'enflammer la corde, proposa Zoro, qui le voyait s'énerver et se crisper sur l'amadoue.

Sanji haussa un sourcil, puis s'approcha avec son briquet à la main, entrant dans l'eau en prenant bien soin de le tenir éloigné de l'onde. Arrivé à son niveau, il déglutit ; la proximité du dragon semblait faire vibrer l'air de sourdes, chaudes et presque imperceptibles pulsations, chose qui lui parue des plus étranges et inhabituelles. Jamais auparavant il n'avait ressenti pareilles sensations. Il resta un instant sans bouger, sentant sur sa peau comme des vagues invisibles, léchant ses membres par intermittence. Il leva les yeux et se perdit dans les iris gris métalliques de Zoro, qui lui rendit son regard.

La profondeur des yeux bleus du gamin lui rappelait le ciel qu'il traversait, plus jeune, à vive allure, ne se souciant de rien d'autre que du vent sous ses ailes. Ce ciel qu'il n'avait pas vu depuis cinq siècles… il le revoyait à nouveau, dans ces yeux.

Sanji, troublé, se détourna pour ne pas montrer sa gêne, oubliant que le dragon était capable de ressentir son aura. Il se mit sur la pointe des pieds et réitéra l'opération qui avait royalement foiré avec le bois.

Il n'y eut qu'une étincelle… Qui embrasa instantanément la corde dans un grand jet de lumière ! Le blond se recula vivement quand le feu se répandit à une vitesse folle sur les deux sens de la corde. Toutes les cordages furent touchés et commencèrent à fondre. Le feu atteint le dragon, s'infiltrant à travers sa peau. Il se mit à briller de l'intérieur, tel une torche humaine ; ses veines devinrent des torrents de lave incandescente sous son derme. Le collier de cuir se fendit et tomba dans l'eau, suivit rapidement par les liens. Le jeune homme recula avec précaution, mettant son briquet à l'abri.

La lumière interne du dragon s'éteint peu à peu, avalé par son organisme. Il baissa les yeux sur ses mains, qu'il n'avait plus vues depuis longtemps, enfouit sous le lin enchanté. Il serra et desserra ses doigts, les frottas l'une contre l'autre, retrouvant la sensation du toucher, observant ses griffes d'un vert sombre, puis leva la tête et fixa le blond, qui recula d'un pas par réflexe. Ouhla… qu'es ce qu'il va me faire ? Merde j'aurais pas dû le détacher il va me…

Une étreinte chaude et assurée l'arrêta dans le court de ses pensées. Le dragon venait de le prendre dans ses bras, le pressant contre les muscles de son torse encore brûlant du feu qui l'avait traversé… C'est câlin un dragon ?! Premier nouvelle ... Il déglutit et se sentit bête de ne pas lui répondre, c'est donc un peu hésitant qu'il passa ses bras autour de sa taille, lui tapotant l'épaule. Le visage de la créature de légende s'enfouit dans son cou et il l'entendit inspirer à plein poumons.

_ Zoro… ?

Il frissonna involontairement quand une main tiède se plaça au creux de ses reins, les doigts pressés contre sa chair, et que l'autre passa dans ses cheveux, caressant le haut de sa nuque. Il déglutit et rougit, rendue confus par la sensation de chaleur qui commençait à le submerger. Il ferma fort les yeux, espérant que le dragon ne s'en rendrait pas compte.

C'était la première fois qu'on l'étreignait de cette manière et l'impression qu'il en avait le troublait. Il déplaça ses mains et se recula, pour mettre fin à l'étreinte qui commençait à devenir bizarre. Mais qu'est ce qui se passe bordel ? Pourquoi je me sens bizarre ? Je ne devrais pas être gêné comme ça… Il leva la tête, son iris bleu se perdit dans celle argent métallique, à l'expression complexe. Le dragon se pencha doucement vers son visage, qui prit une couleur significative.

_ J'aimerais te remercier pour m'avoir libéré de mes liens, dit-il à voix basse.

_ Emmenez-moi au cerisier… lâcha le blond dans un souffle.

_ C'est ce dont nous avons convenu. J'aimerais te remercier d'une autre manière, murmura-t-il avant de poser ses lèvres sur les siennes et de goûter son innocence.

A suivre…