A force de les voir vêtus tels des business men, j'ai fini par céder à la tentation... les Juges modernes... avec un arrière-goût des Enfers...
Warning : récit à la première personne - ça plaît ou non - et un OC féminin.
The Hades Team
Chapitre 1 : Wy. Gri. Ga. Ltd
Aujourd'hui est un grand jour. Depuis le démarrage de la startup voilà maintenant 2 mois, nous allons enfin voir nos patrons. Toutes sortes de bruits circulent déjà à leur sujet : ils seraient frères, jeunes, de véritables requins qui apprécient la nage en eaux troubles.
Il avait été convenu à l'origine qu'il ne s'agirait que d'une simple "visite de courtoisie". Or, nous avons assisté à l'aménagement de 3 bureaux séparés, ce qui signifiait clairement qu'ils comptaient soit s'installer, soit avoir un pied-à-terre au siège même de leur société.
Le premier bureau était décoré au moyen de multiples couleurs, bariolé.
Le second, tons plus neutres, limite pastels.
Le troisième, tons sombres.
Nous étions limite au garde-à-vous pour les accueillir ce matin-là...
Quelle ne fut pas notre surprise en actionnant l'éclairage en arrivant : nos hôtes s'étaient installés dans la salle de détente, investissant fauteuils et canapé.
Fauteuil de droite : Rhadamanthys, 1,89 m pour 84 kilos, 23 ans, cheveux blonds, iris d'un mélange d'or fondu. Originaire d'Angleterre. Signe astrologique : Scorpion.
Canapé du centre : Minos, 1,84 m pour 72 kilos, 23 ans, cheveux argentés, regard améthyste. Natif d'Oslo, Norvège. Né sous le signe du Bélier.
Fauteuil de gauche : Aiacos, 1,86 m, 85 kilos, 22 ans, cheveux noir de jais, yeux d'un violet profond. Népalais. Adorable petit Cancer de juillet.
Ces messieurs, confortablement installés, l'un avec le pied ramené sur la jambe opposée, l'autre avec le bras le long du dossier, le troisième mains jointes et buste penché en avant.
Ils étaient, l'un comme l'autre, magnifiques. Dégageant une prestance démesurée.
Nous nous étions habitués à leur présence - plutôt irrégulière vu qu'il partaient "en clientèle", assurant cette dernière eux-mêmes. Aucun commercial donc.
Chacun avait un animal totem : la Wyverne pour Radamanthys, le Garuda pour Aiacos et le Griffon pour Minos. Entre eux, ils se donnaient de petits surnoms adorables : Rhada, Cos et Nos. Parfois, la mauvaise humeur ou un sujet de discorde les faisaient s'appeler par leur symbole tutélaire sur un ton froid. Celui qui possédait les insultes les plus fleuries était sans conteste Sir Rhadamanthys.
Les styles vestimentaires étaient également très différents : si Aiacos et Minos soignaient le look, la Wyverne était plus détendue, préférant un chandail sur un col de chemise ouvert.
Il arrivait régulièrement que la lourde voix de la Wyverne tonne dans un des bureaux, sous les ricanements du Griffon et/ou du Garuda, habitués aux éclats de leur bien-aimé frère. Ce dernier finissait en général cloîtré dans son bureau à siffler une bouteille de whisky - sans virer ivre, s'il vous plaît ! - tout en fumant un paquet entier de cigarettes !...
Lorsque Minos trouvait le temps long en réunion, écoutant d'une oreille distraite le rapport du comptable - la larve, comme ils l'appelaient entre eux - il sortait plusieurs élastiques blancs de ses poches qu'il faisait jouer entre ses doigts fins, traçant des figures géométriques improbables.
Aiacos, lui, passait le plus clair de son temps devant la machine à café. Son regard semblait très porté sur la gente féminine et il ne laissait en général jamais passer une paire de belles jambes. Il aimait mâcher du chewing-gum - les tiroirs de son bureau contenaient leur pesant en paquets qu'il ramenait de différents pays. En outre, il raffolait des origamis. Il parvenait à reproduire son animal totem à la perfection au moyen de quelques pliures sur le papier.
Le point commun entre Wyverne, Garuda et Griffon était un perfectionnisme absolu et une réprimande facile. Etrangement, lorsqu'un membre du staff se faisait reprendre par l'un de ces messieurs - ou par les trois en même temps pour plus d'effet - la démission suivait. Il courait le bruit que nos patrons semblaient très bien renseignés sur nos vies à tous et se servaient des points les plus humiliants pour les tourner à leur avantage.
Ce matin-là, Monsieur du Garuda occupait son temps en empilant les gobelets de café vides sur la table basse de la salle de repos, belle grosse montre de poignet s'échappant de sa manche gauche. Son regard glissa instantanément le long de mes jambes et il émit un sifflement discret. J'en souriais.
"Dois-je conclure qu'elles sont plutôt à votre goût ?..." joueuse.
"En tout cas, elles font monter la barre très haut." sur un double-sens supposé.
Je m'installais en face de lui, gobelet à la main, jambes croisées.
A sa tenue, Monsieur s'apprêtait à aller en clientèle : costume ouvert, donnant sur une fine cravate cuir.
"Rappelle-moi juste lequel d'entre nous t'a recrutée ?..."
"Votre ami Griffon."
"Par exemple !..." rieur.
Un sifflement strident de la Wyverne depuis l'entrée le fit se lever, remettant sa tenue en ordre dans des gestes négligés.
"Tu pourras garder un oeil sur le Griffon en notre absence ? il me semble un peu dépressif ces derniers temps... je ne voudrai pas qu'on le retrouve à jouer de la marionnette à toute heure du jour et de la nuit ; cela l'épuiserait."
"Compte sur moi."
Ce jour-là, j'ai échappé à une belle tape sur le derrière !...
Une fois revenue à mon bureau, je regardais la carte de visite laissée par Aiacos : "The Three Judges - Hades Team." avec leurs animaux totem en argent incrusté.
"Café ?" demandais-je en me présentant devant l'entrée du bureau de Minos.
Ce dernier pianotait sur son portable dernier cri, semblant s'amuser d'un rien.
"C'est Aiacos qui t'a demandé de garder un oeil sur moi ?..."
Sans même attendre la réponse, il afficha un petit sourire de l'ordre de l'indéfini.
"Qu'importe. Café ?"
"Ramène ça ici et ferme la porte derrière toi." sur le ton de l'ordre.
Humpf... mais c'est qu'il est vraiment d'humeur maussade, le beau Griffon !...
Je m'exécute à la lettre, déposant le gobelet sur le bureau. Penché en avant, il observe le liquide sombre flotter au fond du pot cartonné. Son regard me jauge sous la lourde frange argentée qu'il balaye d'un petit souffle vers le haut.
"Starbucks pas loin..."
"Abandon de poste ?"
"Demande d'un de tes patrons. Après tout, n'as-tu pas pour mission de me surveiller ?..."
Je découvris ce jour-là que le bureau disposait d'une sortie des artistes dont seuls les patrons possédaient la clé. Ingénieux !... et me voici sur le trottoir bondé avec le Griffon, mains dans les poches, attitude détachée mais sourire de rigueur.
Commande rapidement prise, salle du haut, petite table à l'écart.
"J'ai parcouru le fichier de la prochaine commande. Du lourd." amène-t-il sans commenter la météo.
"J'en ai entendu parler. Le client des îles Caïmans ?..."
"Tes yeux ne devraient pas traîner de ce côté-ci. Un des rares amis de la Wyverne, riche à millions. Fortune estimée, évidemment."
"Il est vrai : ne nous embarrassons pas de quelques zéros !..." rieuse.
"Ce serait superflu, en effet." ton amusé.
Il se sert généreusement en sucre. Je ne peux m'empêcher de fixer ses mains ; hypnotiques. Leur mouvement ressemble à un ballet orchestré. Les doigts sont d'une finesse de dingue !... il me semble extrêmement agile à les diriger.
"Tu as fait parapher le dernier bon par Rhada ?"
"Je l'ai posé sur son bureau ce matin, oui."
"Ca traîne. Je n'aime pas ça."
"Impatient ?..."
"Joliment posé. Pas une généralité. J'ai pour point commun avec le Sagittaire de ne décocher la flèche qu'en étant certain qu'elle fasse mouche."
"Pas de flèche perdue donc ?..."
"Rarement. Question de principe ; horreur du gaspillage."
"Au fait : très jolie la carte de visite."
"Merci. Aiacos a un sens certain de l'esthétisme même si je trouve que son bureau est du genre surchargé. J'aurai vu les animaux totem moins grands avec les noms en-dessous mais j'ai été contré à deux voix contre une. L'union ne fait pas obligatoirement la force, tout dépend du lien utilisé. D'ailleurs... en parlant de lien..." en sortant un élastique de sa poche.
Il est magnifique avec ses pans de cheveux sur le devant, façon écharpe argentée, regard accrocheur sous la lourde frange. Et ses mains !... a-t-on déjà vu pareilles splendeurs ?...
"La larve a été priée de joindre notre nouveau cabinet comptable, sous l'égide d'un proche parent de notre cercle."
"Oh... petite entente familiale ?"
"Un bien grand mot pour un si petit service. Chacun y tirera du bénéfice. Et notre larve sera sous contrôle et protection. Que demander de plus ?"
"Vous avez vu le nouveau formulaire d'entrée en vigueur ? les taxes induites sont énormes."
"L'écrasement des plus faibles par les puissants. Rien de nouveau sous le soleil. Je préfère m'en amuser."
Les doigts filent entre les lignes immaculées, dressant une multitude géométrique.
"Dîner aux chandelles ce soir ?..." lance-t-il soudain.
"Proposition ?"
"A peine déguisée."
Retouche maquillage devant le miroir ; lèvres d'un rouge profond. Décolleté d'une finesse de dentelle. Robe sobre.
La berline attend dans la ruelle ; Audi au ronronnement sourd.
Le restaurant est évidemment une grande adresse.
Petits plats dans les grands avec serviettes estampillées d'un Griffon et service discret.
Il recule une chaise, attend que je m'y installe et prend place.
Magnifique costume sorti tout droit d'un grand couturier. Col immaculé noué par une fine cravate.
"Pourquoi le Griffon ?..."
"Comme si j'avais pu choisir !..." amusé par la question "... un penchant pour les êtres faits de plumes et de poils ?..."
"J'ai quitté le bureau avant leur retour..."
"Grand bien te fasse. Il n'est pas nécessaire de leur réserver un comité d'accueil." petite pause " J'ai cependant signalé à Cos combien tu as su prendre soin de moi. Un soin jaloux."
"Roooh !..."
"Vérité ou réalité arrangée ? je m'en questionne..."
Sans plus hésiter, je pose ma main sur la sienne, douce, regard ne devant pas fouiller longtemps avant de trouver les deux améthystes brillantes, perçant de la frange négligemment taillée. Il relève la main, doigts venant croiser les miens dans un appel érotique.
"Oui ? Non ?..."
"Réalité arrangée ?..."
"Tout à fait à mon goût." en venant poser ses lèvres fines sur mon grain de peau.
