Coucou ! Me revoilà avec cette fic qui, j'espère, vous plaira. Bonne lecture !
Chapitre 1
La calèche s'arrêta, mon stress augmenta. J'avais peur de revoir François, Sébastien, le roi Henri II et sa reine, Catherine de Médicis. Ils devaient avoir tellement changé ! Voilà pas loin de six ans que ma demi-sœur, la reine Marie Stuart d'Écosse, et moi, étions partis dans un couvent pour être à l'abri de la menace que représentait les anglais. En effet, leur reine actuelle, Marie Tudor, voulait notre mort parce que nous étions ses héritières, puisque sa demi-sœur, Elizabeth était considéré comme une bâtarde, et que nous étions les petites-filles de la sœur de son père. Après, quant à savoir pourquoi elles ne voulait pas de nous sur le trône, la réponse est simple : elle ne voulait pas rattacher son pays au nôtre, l'Écosse, si ce n'était pas Elizabeth qui régnait. Autant dire qu'elle pouvait toujours courir ! Néanmoins, j'étais la dernière dans l'ordre de succession, étant donné que j'étais une bâtarde. En fait, Marie et moi partagions le même père, mais pas la même mère. La mère de Marie, Marie de Guise, n'était aucunement la mienne. Heureusement, d'ailleurs ! Cette femme était détestable ! Bref, rien que de penser à elle, je me sentais pas bien, alors il fallait mieux que j'arrête de repenser à cette femme.
Voyant que je peinais à rester en place, Marie me serra doucement la main.
- Tout va bien se passer, Anne Descendons, et sourions comme d'habitude.
J'admirais la façon dont elle gérait son stress, parce que j'étais sûre qu'elle était stressée. Voilà six ans qu'elle n'avait pas vu François, alors elle appréhendait forcément leurs retrouvailles.
- Tout va bien se passer, répéta t-elle en voyant que je ne bougeais pas.
- Qui essayes-tu de convaincre ?
Sans même répondre, elle attrapa ma main, et me poussa à l'entrée de la calèche. Bon, je ne pouvais plus reculer. Les serviteurs repoussèrent le rideau pour me laisser passer. L'un d'eux me tendit la main. Je la pris volontiers, et ai descendu les petites marches pour finalement me retrouver sur le sol poussiéreux si typique de la France. J'ai aussitôt scruté la foule pour trouver François et Sébastien, mais ils n'étaient pas encore là. Je me suis donc poussé pour pouvoir laisser Marie descendre.
- Anne ! S'écria une voix que je n'avais pas entendue depuis bien longtemps.
J'ai fait volte-face avant de retenir mon souffle en voyant la jeune femme devant moi.
- Kenna ! Mon dieu,c'est vraiment toi ?
La jeune femme sourit avant de se jeter dans mes bras. Kenna était ma meilleure amie d'enfance, et une très bonne amie de Marie. Je ne l'avais pas vu depuis bien longtemps et il fallait admettre qu'elle n'avait plus rien à voir avec la petite fille que j'avais côtoyé étant plus jeune.
- Anne, regardes-toi ! S'exclama t-elle avec un sourire éblouissant. Tu es magnifique !
Trois autres filles que j'ai eu du mal à reconnaître approchèrent : Lola, Greer et Aylee. Toutes des grandes amies de Marie. Ces trois-là, je les connaissais moins, puisque, plus jeune, j'étais toujours avec Kenna.
- Ravie de vous revoir les filles, leur souris-je de la plus amicale des façons.
Elles me rendirent mon sourire avec un certain respect et une affection particulière, ce qui me mit du baume au cœur. Au même moment, Marie nous rejoint, un magnifique sourire aux lèvres. Les filles firent immédiatement la révérence. Je les ai imité en arborant un sourire moqueur, qui n'échappa pas à ma sœur. Lorsque nous nous relevâmes, Marie tendit les bras aux filles, qui s'y engouffrèrent sans hésiter. Pendant ce moment, je me suis retournée pour voir le roi arrivé, en compagnie de... Diane de Poitiers, sa favorite et la mère de Sébastien. Le roi n'avait pas trop changé. Quant à Diane, je ne l'avais vu qu'une seule fois, mais je l'avais trouvé tellement belle que je ne l'avais pas oublié. Au coté du roi, elle rayonnait.
- Ce n'est pas Catherine, remarqua Marie qui vint se placer à coté de moi.
Les filles restèrent derrière, discutant entre elle. Marie et moi restâmes devant, attendant avec une certaine impatience l'arrivée de François et Sébastien. Impatience qui en valait la peine. Un jeune homme venait d'apparaître. Très séduisant, je n'ai pas pu le quitter des yeux en lançant à ma sœur :
- Ça ne peut pas être François.
Kenna, qui ne m'a pas entendu, s'empressa de demander à Marie si c'était son futur époux.
- Ce n'est pas lui, dit-elle en le regardant. Je le reconnaîtrais.
- Alors, ce doit être Sébastien, le bâtard du roi, intervint Lola. Le fils de Diane.
Aussitôt, j'ai de nouveau regarder le jeune homme. Etais-ce vraiment lui ? La dernière fois que je l'avais vu, il était à peine plus grand que moi malgré son plus âge. Il ne ressemblait en rien au Sébastien que j'avais connu i ans.
- On dit que c'est le fils préféré, chuchota Kenna.
Au même moment, j'ai croisé son regard. Ne sachant pas quoi faire, je lui ai souris. Il ne me le rendit pas, mais continua de me regarder avec attention. De loin, je pouvais voir qu'il avait des yeux très bleus, et les cheveux châtains. Il semblait mince, mais musclé. Étrangement, je su avec certitude qu'il s'agissait bien de lui.
- Vous iriez bien ensembles, me murmura Marie à l'oreille. J'ai entendu dire qu'il n'était pas marié.
J'ai quitté les yeux de... Sébastien pour scruter le visage de ma sœur. J'ai tout de suite compris en voyant son expression.
- Tu veux me marier avec lui !
- Chut, voilà la reine !
Tout le monde s'agenouilla sur le passage de la reine. Catherine de Médicis ne m'avait jamais semblé si impressionnante. Certes, je pensais que c'était le cas avant, mais pas à un tel point. Je ne l'avais pas vu depuis 6 ans. Physiquement, elle n'avait pas changé, mais il me semblait qu'elle avait plus de charisme qu'auparavant. Marie semblait totalement fasciné par la reine, qu'elle ne quittait pas des yeux. Seulement, elle était tellement concentré sur la reine, qu'elle ne remarqua pas le jeune homme qui arrivait par la droite. Je l'ai tout de suite reconnu à cause de sa chevelure blonde. François. Il ne marchait pas dans l'allée, comme il aurait dû le faire. Mince, et moins musclé que Sébastien, il semblait plus petit. Lorsqu'il remarqua Marie, il s'arrêta et esquissa un petit sourire. J'ai donné un petit coup de coude à Marie avant de lui montrer François. Dès qu'elle le vit, elle en perdit son sourire. J'ai dû me retenir de rire en la voyant réagir de la sorte. Se reprenant, François finit par continuer d'avancer vers nous. Une fois devant Marie, il la regarda pendant quelques secondes avant de faire une petite révérence que nous imitâmes aussitôt.
- J'ai du mal à y croire...
Oui, je pouvais facilement comprendre où elle voulait en venir.
- Votre altesse, fit François en inclinant la tête en signe de respect.
- Oh, non... Tutoie-moi, et appelle-moi Marie.
Au moins, elle commençait bien. J'ai toujours pensé que le vouvoiement entre (futur) mari et femme était étrange et inconvenant.
- François.
Il tourna enfin la tête vers moi, me souriant.
- Anne, tu as bien changé.
- Tes cheveux blonds ne m'ont jamais semblé aussi éblouissant, me moquais-je en souriant moi aussi. J'en étais tellement jalouse.
Il rit. J'avais toujours eu un don pour le faire rire. Une fois, il m'avait dit que mon humour était hors du commun. J'en avais été flattée.
- Désolée pour ça, m'excusai-je avant de faire une nouvelle révérence. Votre majesté.
- Ne t'excuses pas, voyons. Voilà bien longtemps que je ne t'avais pas entendu dire des bêtises.
Six ans... A l'époque, il avait à peine 6 ans. Cette époque me semblait si lointaine.
- Le château a l'air plus grand, affirma Marie. Est-ce possible ? D'ailleurs, toi aussi.
J'ai jeté un regard amusé à Kenna, qui fit de même avec les autres filles. Marie devait vraiment être anxieuse pour parler de la sorte.
- Est-ce que c'est une surprise ? Lui demanda François sans quitter son sourire.
- Non. D'autant plus que tu as toujours eu de grandes jambes. Je détestais ça quand on était petits, et que je devais te courir après, mais aujourd'hui...aujourd'hui, ça te va bien.
Il hésita l'espace d'une seconde avant d'hocher la tête. Bon sang, Marie ! Ce n'était pas la bonne manière de procéder. Pourtant, ils se sourirent. François lui proposa son bras, qu'elle prit sans hésiter. Je les ai regardés partir avant de croiser une nouvelle fois le regard de... Sébastien. Il détourna aussitôt le regard. Voyant que je ne bougeais pas, Kenna m'attrapa le bras, et me poussa à suivre Marie et François qui avançait rapidement. Je me suis mise à avancer, un peu en avant devant les filles, à cause de mon rang. J'étais quand même la demi-sœur de Marie, la reine d'Écosse. Bref, j'avançais donc seule. Je prenais soin de regarder chaque visage que je croisais pour les mémoriser. J'aimais connaître le plus de monde possible. Tout le monde me regardait avec une certaine attention, et je devais avouer que j'adorais ça. J'aimais être au centre de l'attention, et j'en profitais. Je marchais la tête haute, et de la manière la plus gracieuse possible, ma robe flottant au grès du vent. J'ai adressé un signe de tête respectueux à la reine, puis au roi, en passant près d'eux, avant que mon regard ne s'arrête sur Sebastien. Le roi lui chuchota quelque chose à l'oreille, lorsqu'il me vit regarder son fils. Je ne sais pas ce qu'il lui a dit, mais Sebastien ne m'a pas quitté des yeux jusqu'à ce qu'il me perdit de vue lorsque je suis entrée dans le château.
Là, j'y ai retrouvé Marie en pleine discussion avec François dans le couloirs. Et moi qui pensait qu'il allait lui montrer ses appartements ! Je les ai rejoint.
- Oh, François, crois-tu que ton père serait contre le fait que je porte des vêtements d'hommes ? Je déteste les robes.
- Hum... Je.. J'en sais rien. Ce n'est pas quelque chose que l'on voit souvent à la cour, mais si tu sens mieux dans des vêtements d'hommes, ne te gêne pas.
- Merci ! Faut que je me change parce que j'en peux plus. Marie, comment tu fais pour supporter les corsets ? On peut à peine respirer là-dedans.
Non, je n'étais pas comme les autres femmes. En fait, je faisais tout ce que seuls les hommes faisaient, parce que je détestais ce que les femmes devaient faire. La broderie, la courtoisie, et tous les trucs dans ce genre, c'était pas des choses qui me plaisaient. La chasse, l'équitation, et le maniement des armes, voilà quelque chose d'intéressant !
- C'est une question d'habitude, Anne, me répondit ma sœur. Si tu portais une robe plus souvent, tu t'y habituerais.
- J'ai pas envie de m'y habituer.
J'ai fait volte-face, m'apprêtant à partir pour pouvoir me changer le plus vite possible, mais, sans faire exprès, je suis rentrée dans quelqu'un. Levant la tête, j'ai reconnu...
- Oh, je suis désolé, Sébastien ! M'excusai-je en me reculant.
- Ce n'est rien, voyons.
Je me suis retournée brièvement pour jeter un regard à Marie qui me fit un sourire moqueur.
- Je suis ravie de te revoir...
- Je sais, le coupai-je en passant à coté de lui, m'enfuyant.
En regardant derrière moi, je le vis froncer les sourcils. Ravie de mon petit effet, j'ai éclaté de rire. Je devais passer pour une folle, mais je m'en moquais royalement. C'est en souriant que j'ai rejoint les appartements que l'on m'avait donné, situés à coté de ceux de Marie, bien évidemment. Je n'étais jamais loin d'elle. Ma suivante s'y trouvait déjà, m'attendant en s'occupant du mieux qu'elle pouvait : elle lisait. Cela m'étonna qu'elle sache lire, cet honneur n'étant réservé qu'aux personnes ayant assez d'argent.
- Bonjour, ma Dame, me salua t-elle en exécutant une belle révérence. Je suis Rebecca, votre suivante.
J'ai tout de suite remarqué l'accent particulier qu'elle avait. On aurait dit qu'il était .. germanique. En tout cas, elle était étrangère. Aucun doute, là-dessus. Je l'ai salué à mon tour.
- Que puis-je faire pour vous ? S'enquit-elle.
- J'aimerais changé de vêtements. Mes affaires sont-elles arrivés ?
Elle hocha la tête en allant ouvrir la cassette qui contenait tout mes habits.
- Que voulez-vous mettre, ma Dame ?
- Appelez-moi Anne, je vous prie. Une chemise et un pantalon, ça ira.
Rebecca me lança un regard abasourdi. Je ne saurais dire si c'était à cause du fait que je lui demandais de m'appeler par mon prénom, ou si c'était à cause des vêtements d'hommes. Un peu des deux, à mon avis.
- Bien, ma da... Anne.
Elle s'exécuta en sortant ce que j'avais demandé. Une chemise crème très moulante, et un pantalon noir. Elle m'aida à m'habiller, et coiffa mes cheveux en une longue tresse sur le coté. J'ai ensuite enfilé mes bottes noires pour aller avec le tout. J'avais l'air d'une guerrière habillé de la sorte, et ça me plaisait énormément. Ma tenue était provocante, j'en étais consciente. Une femme habillé en homme, et de manière aussi... Sexy ?, c'était très provocant. Pourtant, ça ne m'empêcha pas de sortir dès que je fus prête. J'avais envie d'aller dans les jardins. Je m'y suis donc rendue en souriant à ceux qui me lançaient des regards surpris et/ ou scandalisés. J'étais habillé comme un homme, et alors ? Pas de quoi faire une polémique. Malheureusement, tous ne partageait pas mon avis. La reine, par exemple.
- Que faites-vous habillé de cette façon ? S'exclama t-elle en me regardant de haut en bas, lorsque je l'ai croisé en passant dans un couloir extérieur.
- Je m'en vais me promener dans les jardins, ma reine. Et puis je déteste les robes ! Est-ce gênant pour Votre Majesté que je sois habillé de la sorte ?
- Je dois dire que c'est assez inconvenant. Allez donc vous changer ! Cette accoutrement n'est pas digne de la sœur d'une reine.
Alors là, je ne m'y attendais pas du tout.
- Je suis sa demi-sœur, répliquai-je vivement. Et une bâtarde de surcroît. Je suis inconvenante rien que par ma présence. Tout le monde se fiche de moi comme de leur première chemise, et l'on ne me remarque pas, alors qu'est-ce que ça peut faire la façon dont je m'habille ? Voyez-vous, je préfère le pratique à l'encombrant.
- Vous êtes bien insolente, Anne. Peut-être qu'un séjour aux cachots vous remettrez les idées en place. Cela vous...
- Mère, je m'occupe d'elle, intervint François qui venait d'arriver, accompagné de Sébastien.
J'ai tourné la tête vers eux, reconnaissante. Pas que j'avais peur de la grande Catherine de Médicis, non, je n'avais pas envie d'un petit séjour aux cachots.
- Nous réglerons ce problème plus tard, dit la reine en partant la tête haute.
Je l'ai regardé partir, impassible, tout en me disant que les rumeurs que j'avais entendus sur elle étaient bel et bien fondés. Lorsqu'elle fut hors de vue, je me suis tournée vers les garçons, et me suis approchée.
- Merci, François. Je sais qu'elle aurait été capable de me faire enfermer.
- Je ne l'aurais pas laissé faire, sourit-il.
Ils détaillèrent ma tenue avec attention, ce qui me fit sourire. Tout le monde faisait ça, et ça m'amusait. J'ai alors pris un air provocant, en arborant mon typique sourire en coin, un air de défi, et un regard séducteur.
- Tu ne pourras pas toujours me sauver, lui fis-je. Tu sais bien à quel point ma légendaire insolence sait me mettre dans les pires situations.
- J'y parvient pourtant avec Sébastien.
J'ai dévisagé l'intéressé, qui me fit un sourire charmeur. Je lui rendis volontiers, comme auparavant. Petits, on s'amusaient à faire croire à tout le monde que l'on étaient ensembles, et ça marchaient. C'était un jeu entre nous.
- Néanmoins, tu es bien pire que lui, affirma François, moqueur.
- Sans aucun doute.
La différence entre Marie et moi, c'était qu'elle était toujours sérieuse, compatissante, généreuse, alors que j'étais sournoise, insolente, et machiavélique. On était faite pour s'assembler, ce qui expliquait pourquoi on était si proche. Comme le feu et la glace, nous nous équilibrions. L'une sans l'autre, autant dire que c'était la fin pour nous.
- Heureusement que Marie est là pour me raisonner, sinon on m'aurait sûrement éjecté de ce maudit couvent, ricanai-je. Je ne suis pas du genre à.. à rester chaste, ajoutai-je plus bas.
François écarquilla les yeux alors que Sébastien éclatait de rire. Bien, j'avais toujours ce don pour surprendre.
- Qu'as-tu fait au couvent, Anne ? M'interrogea François.
- J'ai rendu les nonnes folles. Les pauvres... Heureusement que ma sœur m'a fait du chantage pour me calmer, sinon je serais revenue au château plus tôt. Ça n'aurait peut-être pas été plus mal si je n'avais pas promis à mon père de ne jamais laissé tomber Marie. Je ne regrettes pas cette promesse, mais j'aurais préféré n'avoir jamais mis les pieds au couvent. C'est un cauchemar pour une personne comme moi.
- Tu n'as pas vraiment changer? Me demanda subitement Sébastien
J'ai tourné la tête vers lui, surprise, puisqu'il n'avait pas encore pris la parole.
- Absolument pas. Je suis toujours la même... En plus grande, plus intelligente, et plus séduisante, bien entendu.
- Je dois admettre que c'est vrai.
Je souris tout en refrénant le rouge qui me montait aux joues. Sébastien était le seul capable de me faire rougir.
- Je parviens toujours à te donner des couleurs à ce que je vois, remarqua t-il en me pinçant doucement les joues.
- Tes jolis yeux bleus me font toujours craquer, c'est vrai. Je n'ai jamais pu oublier cette couleur si particulière. Parfois, au couvent, je me surprenais à y penser.
Il sourit tout en me laissant regarder à ma guise ces yeux qui avaient tant de fois hanter mes rêves.
- Bon, je dois vous laisser, nous fit François, gêné. Je vais aller bricoler un peu.
Je l'ai salué chaleureusement, imité par Sébastien. Il partit en nous lançant un sourire plein de sous-entendus, auquel je répondis par un clin d'oeil.
- Alors, Anne, où te rendais-tu ? M'interrogea Sébastien lorsque son demi-frère fut hors de vue.
- Dans les jardins. J'aime énormément la nature. Aimerais-tu m'accompagner ?
- Bien sûr. Je me dois d'assurer ta sécurité.
Je lui ai jeté un regard moqueur, qui l'intrigua.
- Je sais me défendre, lui appris-je. Mon père m'a appris le maniement des armes lorsque j'étais enfant, rappelles-toi. C'est pour cela que je suis la protectrice de Marie.
- Mais tu restes une femme.
- C'est d'un misogyne ! C'est d'ailleurs pour cela que je vais m'empresser de te défier en duel, rien que pour te prouver qu'une femme est capable de se défendre seule.
Il accepta immédiatement le défi, et m'entraîna par la main jusqu'à un endroit isolé, dehors, où personne ne pouvait nous voir.
- Armés ou à mains nues ? S'enquit-il en constatant que je n'étais pas armé.
- A mains nues, et hors de question que tu me ménages parce que je suis une femme. J'ai autant de capacités qu'un homme.
Il sourit avant de se jeter sur moi, commençant ainsi le combat. J'ai esquivé son attaque facilement et le prit au dépourvue en réussissant à l'atteindre au visage. J'ai profité de sa surprise pour tenter de lui faire un croche-pied. Seulement, au lieu de tomber, il m'attrapa par le bras, et me mit dos à son torse, m'emprisonnant dans ses bras. Coincée, je l'entendis ricaner. Malheureusement pour lui, j'avais plus d'un tour dans mon sac. J'avais remarqué l'arbre qu'il y avait derrière lui, alors j'ai mis au point un plan. Je me suis collée à lui, posant mes mains sur ses bras autour de moi, avant de nous pousser soudainement contre l'arbre derrière. Aussitôt, il me lâcha, comme je l'avais prévue, ce qui me permit de m'échapper. Immédiatement, je me jetai sur lui, essayant tant bien que mal de le mettre à terre, mais il était malin, et réussissait à esquiver mes attaques. Je l'ai donc attaqué de tous les cotés, attendant qu'il commette une erreur, qui ne fut pas longue à arriver. Il me quitta des yeux l'espace d'une seconde, me permettant de lui faucher les jambes. Je l'ai plaqué au sol sans difficulté. Ensuite, je me suis placé à califourchon sur lui, mes genoux sur ses bras, l'empêchant de bouger.
- Alors ? Souris-je, moqueuse.
- Je n'ai pas dit mon dernier mot.
D'un coup de rein, il inversa la situation à ma plus grande surprise. Il haussa les sourcils en me tenant fermement les bras au-dessus de la tête.
- Je suppose que j'ai perdu, soufflai-je en souriant.
- C'était bien essayé.
Je pouvais sentir son souffle sur mon visage tant il était près. Pourtant, en l'espace d'une seconde, il était déjà debout, m'aidant à faire de même.
- J'aurais ma revanche la prochaine fois, affirmai-je une fois debout.
- Je n'en doute pas.
Sur ce, il me conduisit jusqu'aux véritables jardins, où les fleurs se mêlaient aux arbres et aux fontaines d'eau douce. C'était magnifique ! J'ai tout de suite su que je passerais beaucoup de temps à m'y promener. Au centre, il y avait un étang immense qui semblait propre. J'ai eu envie d'une bonne baignade tout à coup.
- Je suis une grande folle, fis-je d'un air sérieux à Sébastien.
Il me jeta un regard interloqué auquel je répondis par un clin d'oeil. Après lui avoir pris la main, je l'ai tiré jusqu'à l'étang. Il a dû se douter de ce que j'allais faire puisqu'il tenta de se défaire de ma poigne. J'ai réussi à l'amener jusqu'au bord de l'étang, mais il réussit à se débarrasser de ma poigne, alors je suis tombée lourdement dans l'eau qui était peu profonde. Il éclata de rire en voyant mon air surpris.
- Ça, c'est pas juste ! M'écriais-je en me relevant.
Lui tournant le dos, je me suis enfoncée peu à peu dans l'eau jusqu'à ce qu'elle m'arrive à la nuque, avant de plonger sous le regard abasourdi de Sébastien. Presque aussitôt, je suis remontée à la surface, désormais mouillée de la tête aux pieds. L'eau était un peu fraîche, mais elle restait convenable. En fait, je m'y sentais plutôt bien, sauf que je n'avais pas envie d'y être seule. Je voulais qu'il vienne avec moi. Alors, j'avais un plan. Je suis revenue vers la berge en faisant semblant de grelotter. Comme je l'avais prévue, il me rejoint au bord pour m'envelopper dans ses bras afin de me réchauffer. Je m'y suis engouffrée avec un petit sourire sournois qu'il ne remarqua pas. Il me frictionna le dos pour me réchauffer alors que je tentai maladroitement de le faire se rapprocher de l'eau. Il remarqua mon petit manège, mais bien trop tard, puisque je me suis laissée tomber dans l'eau, l'entraînant dans ma chute grâce à mon poids. Lorsqu'il sortit la tête de l'eau, il fut surpris par sa température, et surtout, par ce que je venais de faire.
- Tu avais bien raison de dire que tu es folle, car tu l'es complètement, dit-il en souriant.
Je l'ai éclaboussé en faisant mine d'être vexé, mais devinant ce que je faisais, il se releva et contre toute attente, il me prit dans ses bras comme une mariée, et s'enfonça dans l'eau.
- Que comptes-tu faire ? L'interrogeai-je en m'accrochant à son cou.
- Tu vas bien voir.
Lorsqu'il eut de l'eau jusqu'à la taille, il s'arrêta et me regarda attentivement. J'allais lui demander ce qui n'allait pas quand il me lâcha subitement. En l'espace d'une seconde, je me suis retrouvée la tête sous l'eau, avant de revenir à la surface en recrachant toute l'eau qui m'empêchait de respirer correctement. J'ai souri en le voyant me jeter un regard inquiet, et quelque peu coupable, avant de lui jeter de l'eau à la figure. S'ensuivit alors une bataille qui fut épique. Tous ceux qui passaient par là nous lancèrent des regards surpris lorsqu'ils nous reconnaissaient, et parfois réprobateur, et/ou consternés. Mais, on s'en fichaient. Tous les deux, on s'amusaient comme des petits fous.
- Espèce de fou ! M'exclamai-je après qu'il m'ait plongé la tête sous l'eau.
- Tu n'es pas la première à me le dire.
- Ah oui ?
- François me le dit assez régulièrement.
Voilà qui ne m'étonnait pas du tout.
- Il a raison, ricanai-je en lui mettant un coup de poing amical dans l'épaule. Mais... je vais te confier un secret : Je suis pas mieux que toi. Peut-être même pire.
- Voilà pourquoi on s'entend si bien.
Nous nous sourîmes, complices. C'était comme si on ne s'était jamais quittés six ans auparavant.
- Nous devrions sortir de l'eau, sinon on va attraper froid, dit-il, sérieux pour une fois.
J'ai acquiescé, commençant à revenir vers la berge. Contre toute attente, il m'attira à lui, et me porta à nouveau. Automatiquement, je me suis accrochée à lui. Il nous ramena jusque dans l'herbe où l'on s'allongea côte à côte pour sécher. Détendue, j'ai fermé les yeux, un grand sourire aux lèvres. Nous sommes restés longtemps comme ça. Peut-être bien une heure, je ne saurais dire. En tout cas, l'air s'était rafraîchi, ce qui me fit vraiment grelotter cette fois-ci. J'ai alors ouvert les yeux. Je fus éblouie l'espace de quelques secondes avant de remarquer que le soleil avait disparu derrière quelques nuages. J'ai jeté un coup d'oeil à Sébastien qui avait toujours les yeux fermés. Constatant que sa respiration était plutôt lente, je me suis assise et penchée vers lui pour le réveiller, mais, au moment où ma main allait le toucher, il se releva subitement, me faisant sursauter. Un hurlement assez aigu sortit de ma gorge, bien malgré moi. Il rit de sa farce, alors que je tentai de ralentir les battements de mon cœur affolé.
- Tu as failli me tuer ! Soufflai-je, une main sur la poitrine. Bon sang, tu m'as prise au dépourvue.
- Je t'ai fait peur, avoue-le.
- Je n'ai peur de rien, sauf de la mort. Elle est trop douloureuse, et définitive pour moi.
D'un geste de la main, il me poussa à développer.
- En fait, quand mon père est mort, ça m'a fait un choc. Je n'arrivais pas à y croire mais... mais quand on m'a montré son cadavre, je me suis tout simplement évanouie. Pendant des années, j'ai fait des cauchemars où la mort emportait tous les personnes que j'aimais une à une. Ensuite, elle venait me chercher, moi. Je ne crois pas en la vie après la mort. Ça me paraît inconcevable. Comment est-ce que cela pourrait être concevable ? Alors, imaginer qu'il n'y aura plus rien de moi après ma mort, sauf mon cadavre, ça me fait peur. Ça me fait peur parce que j'aurais disparu dans le néant pour toujours. Et ce n'est pas ce que je veux. Ça me fait peur. Je ne sais pas trop comment l'expliquer. Je ne veux pas disparaître, je pense. Je sais, j'ai une façon très étrange de penser.
- Non, pas du tout. Je ressens la même chose, pour être franc. La mort est effrayant pour la simple et bonne raison qu'on ne peut lutter contre elle. Elle est irrévocable, et indestructible. On ne peut rien faire contre elle, à part l'accepter. C'est difficile d'accepter l'idée que l'on va mourir un jour, mais il faut se dire qu'il faut mieux mourir confiant que dans la peur.
- Je suis d'accord avec toi, Sébastien, mais je pense avoir encore du temps pour me décider à l'accepter.
Oh oui, des années et des années !
- Il faut y penser dès que possible, car la mort peut survenir à tout moment, affirma Sébastien, sérieux. Vu le monde cruel dans lequel nous vivons, il faut se préparer à affronter la mort dès que possible. C'est inévitable.
Il avait raison. Le monde dans lequel nous vivions ne faisait pas de cadeaux. Pour vivre convenablement, il fallait être noble, et encore ! Sinon, on vivait dans la crainte de se voir retirer tout ce que l'on possède dès que l'argent ou la nourriture manquent. Pour les bâtards, comme Sébastien et moi, c'était assez différent, puisque nous étions des bâtards de sang royal. Nous étions considérés comme plus noble que les autres. Ceux qui sont nés dans un famille modeste, ou plus ou moins riches, sont vus comme une honte aux yeux des autres, comme une preuve d'infidélité ou de débauche.
- Tu es intelligent, le complimentai-je.
- Merci, ça me touche. Ce n'est pas quelque chose que l'on a coutume de me dire. Par contre, toi, j'ai l'impression qu'on te le dit régulièrement.
- Ce n'est pas faux. J'ai profité de mon long séjour au couvent pour me cultiver le plus possible. Tragédies grecques, histoires de France, d'Angleterre, d'Écosse, les langues vivantes et mortes... Tout y est passé. Je dois être la bâtarde la plus cultivé du monde !
Et je ne mentais pas ! J'étais capable de lire et converser dans plusieurs langues différentes : anglais, français, gaélique écossais, espagnol, latin, grec, et portugais. Ça faisait beaucoup, mais après tout, j'avais passé 6 ans de ma vie au couvent, à ne rien faire de particulier, à part étudier, alors j'avais eu le temps d'apprendre beaucoup de choses.
- Tu vas pouvoir m'apprendre des choses, sourit Sébastien.
- Bien sûr.
Il se releva lentement, et s'épousseta. Je l'ai regardé faire attentivement, me demandant pourquoi je le regardais de cette façon. Secouant la tête, je me suis levée à mon tour, avant de remarquer que je n'étais pas sèche du tout, et que ma chemise était devenue transparente. J'en ai ris, bien évidemment, ce qui attira l'attention de Sébastien. Il me lança un regard interrogateur avant de comprendre en voyant ma poitrine. Il détourna immédiatement le regard.
- Oh, ça va, je suis pas pudique, souris-je en l'obligeant à me regarder dans les yeux.
Il sourit à son tour, avant de s'écarter de moi. Contre toute attente, il détacha sa cape, et me la mit. Son odeur m'assaillit. Je fus surprise de la trouver très agréable.
- Merci, Sébastien. J'ai fière allure comme ça.
Il me prit la main, et m'entraîna vers le château. Tous ceux que l'on croisait nous regardaient avec incompréhension. Pourquoi ? Je l'ignorais. Peut-être bien parce que j'étais proche de Sébastien. Allez savoir...
Au moment où l'on entraient dans le château, nous croisâmes Aylee et Lola.
- Anne, te voilà enfin ! S'exclama Lola en souriant. Marie te cherche depuis près d'une demi-heure. Il est temps de se préparer pour ce soir.
- Oh, je suis vraiment obligé d'y aller ? Je n'ai vraiment pas envie de porter une robe.
- Tu dois y aller, tu n'as pas le choix. Le roi a été formel.
J'ai soupiré. J'allais encore étouffer dans un maudit corset ! J'avais horreur de cette chose.
- Ah, et Marie nous a dit de te dire au cas où on te croiserait, que vous devez discuter toutes les deux d'une chose qui la contrarie grandement, reprit Lola. C'est à propos de...
Elle ne dit pas le nom de la personne puisqu'il s'agissait de François, et que son demi-frère était là.
- Je vois de qui tu parles, admis-je. J'irais lui parler.
- Attends qu'elle t'ai expliqué les raisons.
J'ai opiné de la tête, mettant au point un petit discours dans ma tête. Quoi qu'il se passe, François m'écoutera. Il m'a toujours écouté.
- Bon, nous devons y aller, Anne, dit Lola. Ne tardes pas trop.
- A tout à l'heure.
Lola et Aylee partirent en me lançant des sourires plein de sous-entendus auxquels je répondis par un clin d'œil des plus provocateurs. Sébastien, quant à lui, suivait la scène sans vraiment comprendre, ce qui me fit rire intérieurement.
- Est-ce que tu vas au mariage, ce soir ? Demandai-je à Sébastien avec une certaine curiosité.
- Non, je n'ai pas l'intention d'y aller. La reine en serait profondément désappointé. En plus, je n'ai pas ma place à cette fête. Je suis un bâtard.
- S'il te plaît, viens avec moi. Et n'invoque pas le fait que tu es un bâtard pour ne pas y aller, parce que j'en suis une, et on m'oblige quand même à y aller. Alors, je t'en prie, accompagne-moi, parce que je sens que Marie va me faire danser et j'ai horreur de ça. J'ai besoin d'un protecteur !
Il ne pouvait qu'accepter face à mes arguments. De toute façon, je ne lui laissais pas le choix.
- Je croyais que tu n'avais besoin de personne pour te protéger, dit-il en
m'entraînant dans les couloirs.
- Tu m'as battu, donc j'avais tord en disant que je pouvais me protéger seule. Par conséquent, j'ai besoin d'un protecteur. Et je te désigne pour ce poste que je viens d'inventer.
En effet, les bâtards ne disposaient pas de gardes du corps, parce qu'ils étaient moins important que les nobles, ou souverains. Néanmoins, mon cas était assez différent, en fait, parce que si Marie venait à mourir, c'est à moi que reviendrai le trône d'Écosse. Donc, ma vie était plus importante que les autres bâtards. Ainsi, je pouvais disposer d'un garde du corps si je le souhaitais, mais comme je n'avais pas envie qu'on me suive nuit et jour, je préférais me protéger seule. Si j'avais nommé Sébastien comme mon protecteur, c'était juste pour qu'il vienne avec moi au mariage. Ce n'était en aucun cas un vrai poste.
- Très bien, Anne. Je suis ton protecteur pour cette soirée, et à plus longue durée.
- A plus longue durée ?
- Oui, tu viens d'admettre que tu ne peux pas te protéger seule, et comme tu es plus importante que moi, je vais me faire un devoir de te protéger.
Il avait l'air sérieux ! Et moi qui ne voulait que m'amuser !
- D'accord, finis-je par accepter au moment où on arrivait devant la chambre de Marie.
Nous nous arrêtâmes devant la porte, et nous fîmes face, toujours les mains liés.
- Je ne m'étais pas autant amusé depuis des années, affirma t-il. Merci pour ce moment de folie.
- Et moi dont ! Je ne riais pas autant au couvent.
Non, au couvent, je ne riais presque pas, sauf parfois avec Marie, ou quand je m'amusais à provoquer les nonnes. Rire comme ça m'avait manqué.
- Je viendrais te chercher ici dans deux heures, me prévint-il en lâchant mes mains.
- A tout à l'heure.
Il partit, non sans me lancer un dernier regard. Lorsqu'il eut disparu, je suis entrée dans la chambre de Marie, qui vint aussitôt à ma rencontre.
- Où étais-tu, Anne ? ? Pourquoi souris-tu de cette manière ? Pourquoi tu as la cape d'un homme ? Pourquoi tu es mouillée ? Qu'as-tu donc fait pendant tout ce temps ?
- Hum... Je dois répondre à quelle question en premier ?
Elle me fusilla du regard.
- J'étais avec Sébastien, lui expliquai-je. C'est d'ailleurs sa cape que je porte, et que j'ai oublié de lui rendre. Je suis mouillée parce que .. j'ai fait un petit séjour dans l'étang, et que ma chemise est devenue transparente. Et, je souris parce que je n'ai jamais autant ri depuis bien longtemps.
- Dans l'étang ? Qu'as-tu fait dans l'étang ?
- J'ai voulu faire tomber Sébastien dans l'eau, mais ça s'est retourné contre moi. N'empêche, j'ai réussi à le mouiller !
D'un geste impatient, elle me poussa à développer. Je lui ai alors expliqué ce qu'il s'était passé, mais alors que j'en venais à lui expliquer la bataille d'eau, je fus interrompu par Kenna, Lola, Greer et Aylee qui rentraient dans le chambre. Marie me poussa à continuer. Je me suis exécutée, racontant le reste de l'histoire.
- C'est pour quand le mariage ? M'interrogea Kenna avec un petit sourire moqueur.
J'ai levé les yeux au ciel. Cela ne m'étonnait pas qu'elle me demande ça. Elle savait très bien que Marie voulait jouer les entremetteuses et me « caser »avec Sébastien.
- Kenna, nous sommes juste amis, lui affirmai-je. En plus, c'est mon protecteur attitré, ajoutai-je d'un ton moqueur.
- Vu tout ce que tu m'as raconté, Anne, vous ne serez pas amis très longtemps, intervint Marie.
J'ai de nouveau levé les yeux au ciel. Ce n'est pas parce que j'avais passé un bon moment avec Sébastien que ça voulait dire que l'on allait se marier ensemble ! Mais, allez convaincre ces cinq-là du contraire !
- Je.. Je vais prendre un bain, les prévins-je avant de sortir de la pièce.
Une fois sorti de la chambre, j'ai poussé un petit soupir avant de rire doucement. Elles étaient encore jeunes, et voyaient l'amour partout, même là où il n'y en a pas. C'est dingue !
J'ai rejoint ma chambre et ai appelé Rebecca pour qu'elle me prépare un bain. Elle partit chercher de l'eau chaude. Bon, j'avais un peu de temps devant moi. Je me suis donc assise sur mon lit, un livre que j'avais depuis l'enfance, en main. J'ai ouvert la première page, et ai lu ce titre que je connaissais par cœur : Tristan et Iseut, d'un auteur anonyme. Je connaissais cette histoire par cœur, et elle était de loin ma préféré. Mon père me la lisait avant de dormir. Ce livre me rappelait de bon souvenirs. J'ai eu le temps de lire deux pages avant que Rebecca ne revienne, et qu'elle ne prépare mon bain. Aussitôt prêt, je m'y suis plongé avec un plaisir immense, remerciant chaleureusement ma suivante. Elle sortit de la pièce une fois sa tâche achevée. J'ai dû rester une bonne demi-heure dans le bain avant que je ne me décide à sortir. Je me suis séchée, et suis sorti de ma chambre, seulement recouverte d'une serviette. Je suis entrée dans la chambre de Marie sans tocquer, et ai souri en la voyant s'habiller d'une belle robe noire.
- Anne, tu..., commença t-elle avant de s'arrêter en remarquant ma tenue.
Les filles me lancèrent un regard abasourdi.
- Marie, tu pourrais me prêter une robe, s'il te plait, lui demandai-je en venant l'aider à fermer sa robe.
- Bien sûr ! Sers-toi.
J'ai jeté un coup d'œil aux vêtements qu'il y avait dans sa petit commode en acajou. Il y avait une multitude de robes ! J'allais avoir du mal à choisir. Au bout de quelques minutes, j'ai finalement choisi une belle robe d'un beau bleu azur, à manches longues et marqué à la taille par un ruban noir. Elle était magnifique ! En plus, elle s'accordait bien à mes yeux, et mes cheveux.
- Celle-ci est faite pour toi ! S'exclama Marie, m'autorisant à la prendre.
Je l'ai remercié avant de m'habiller rapidement. Greer vint d'ailleurs m'aider à mettre ce maudit corset, puis à fermer ma robe, qui épousait parfaitement mes formes. Satisfaite, j'ai tourné sur moi-même à plusieurs reprises, souriante.
- Tu auras tous les regards sur toi ce soir, Anne, affirma Marie en me caressant les cheveux. Tu es si parfaite.
- Tu es mieux que moi, Marie. C'est toi qui va attirer tous les regards. Moi, je ne suis qu'une bâtarde.
S'ensuivit un long débat durant lequel chacune assurait que l'autre était mieux. Les filles en eurent marre et nous lancèrent sur un nouveau sujet : les hommes. Oh la !
- Vous avez déjà embrasser un homme ? Nous demanda Greer en me coiffant.
- Bien sûr, répondis-je immédiatement, aussitôt suivit par Lola.
Marie, Greer, Aylee et Kenna avouèrent alors ne l'avoir jamais fait. Déconcertés, Lola et moi nous regardèrent.
- Comment c'est ? Nous interrogea Aylee, curieuse.
- Quand c'est avec un homme qu'on aime, c'est magique, avoua Lola.
Elle avait raison. Malheureusement, j'avais eu peu d'occasion d'embrasser un homme que j'aime puisque j'étais coincé dans un couvent. En fait, ce n'était jamais arrivé.
- Voilà, sourit Greer après avoir fini ma coiffure.
Elle avait tressé deux longues mèches de chaque coté de mon visage qu'elle avait réunis derrière ma tête. Mes longs cheveux bouclés tombaient en cascade dans mon dos, ce que j'adorais. En me regardant dans un miroir, j'ai manqué de ne pas me reconnaître en me voyant en robe et ainsi coiffé. Ensuite, nous passâmes au maquillage.
- Comment Sébastien se comporte quand il est avec toi ? S'enquit Aylee.
- Il est... gentil, insolent, moqueur, compréhensif. D'un certaine manière, on se ressemble. On s'amuse bien tous les deux.
De concert, les filles tournèrent la tête vers Marie qui affichait un air satisfait.
- Cela ne veut pas dire que je vais me marier avec lui, Marie, lui expliquai-je en penchant la tête sur le coté pour la regarder.
Elle haussa les épaules. Aylee s'occupa de mon maquillage, puisque ce n'était pas quelque chose que j'avais coutume de faire, donc je n'avais aucune expérience. En premier, elle s'occupa de mes yeux où elle traça un fin trait noir, puis de mes joues qu'elle colora en rose, puis mes lèvres qu'elle recouvrit d'une rouge à lèvres oscillant entre le rouge et le rose. Au même moment, on toqua à la porte. Voyant que les filles étaient trop occupés pour aller ouvrir, j'y suis allée. Je ne fus pas trop surprise de voir Sébastien. Quant à lui, il écarquilla les yeux en voyant ma toilette. Il exécuta alors une magnifique révérence qui aurait fait pâlir d'envie n'importe quel noble.
- Votre majesté, je suis votre plus loyal serviteur, et je donnerais ma vie pour vous protéger, assura t-il d'un ton qui se voulait sérieux, mais qui ne me trompa pas.
Les filles nous regardèrent, interdites.
- Relève-toi, je te prie.
Il s'exécuta, et me fit le baisemain. N'y tenant plus, j'ai éclaté de rire, aussitôt imité par Sébastien. N'y comprenant rien, les filles froncèrent les sourcils.
- Tu aurais dû être comédien, affirmai-je en tentant de calmer mon fou rire.
- Et toi reine !
Prise au dépourvue, j'ai subitement cessé de rire, ce qu'il remarqua. Il voulut dire quelque chose, mais il fut coupé par Marie qui lui dit d'entrer. Je me suis poussé pour le laisser passer.
- Mesdemoiselles, salua t-il Lola, Greer, Aylee et Kenna, puis il se tourna vers Marie, et exécuta une révérence : Votre majesté !
- Sébastien, dit cette dernière. Ravie de te rencontrer. Anne nous a tellement parlé de toi.
Quoi ? C'est elle qui avait demandé à ce que je parle de lui ! J'hallucine ! Je lui ai jeté un regard noir que Sébastien remarqua ce qui le fit sourire.
- De même, votre majesté, répondit-il.
- Appelle-moi, Marie, et tu peux me tutoyer.
Il hocha la tête en arborant un large sourire.
- Marie, puis-je enlever ta sœur ? Sourit-il en osant un regard dans ma direction.
- Bien entendu, mais ce n'est pas un enlèvement si elle est consentante, ce qu'elle est assurément.
J'ai regardé cette dernière de travers avant d'offrir un sourire à Sébastien.
- Je te suis, acceptai-je en prenant son bras.
Il adressa un signe de tête aux filles avant de m'entraîner dehors. Kenna me fit un sourire plein de sous-entendus que j'ai choisi d'ignorer avec superbe. J'ai suivi Sébastien, la tête haute, en arborant un sourire satisfait. Il me guidait dans les couloirs familiers que je reconnaissait, sans pouvoir pour autant me repérer. C'est pour ça que je fus surprise lorsque nous nous retrouvâmes dans les couloirs extérieurs. Le vent léger soulevait mes cheveux et caressait doucement mon visage, tout en faisant flotter ma robe. J'adorais le vent, parce que ça me donnait l'impression d'être libre. M'offrir à lui, c'était magique, et tellement agréable ! Sébastien semblait ressentir la même chose puisqu'il souriait.
- Que faisons-nous dehors ? Lui demandai-je lorsque le vent s'est calmé.
- J'ai pensé que tu apprécierais une petite promenade avant le mariage.
Et il avait raison. J'allais pouvoir penser à autre chose que ce maudit mariage auquel je n'avais pas envie de me rendre.
Je l'ai remercié. Il allait m'offrir un peu de distraction. Malheureusement, on allait pas pouvoir se battre puisque j'étais en robe, et je ne devais pas me salir. Je devais être convenable.
- C'est dommage que je n'ai pas mon épée sur moi, et que je porte cette maudite robe, sinon je t'aurais fichu une pâtée ! M'exclamai-je en lui adressant un sourire moqueur.
- L'espoir fait vivre.
Dans un geste très mature, je lui ai tiré la langue, ce qui le fit doucement rire.
De tout façon, j'étais sûre de le battre à l'épée. C'était certain.
Ou pas.
Ça, c'était ma maudite conscience qui s'amusait à m'enquiquiner de temps en temps. C'est pour cela que je me considérais comme folle. Vous en voyez souvent, vous, des gens qui se parle à eux-même dans leur tête ? Non, il y a que moi. Par conséquent, je me considérais comme folle.
Depuis le temps que je te le dit ! Tu as mis du temps à t'y faire !
Intérieurement, j'ai poussé un long soupir.
Arrête de soupirer ! Tu sais que j'ai horreur de ça, idiote.
Tu sais ce qu'elle te dit, l'idiote ! Ai-je répliqué.
Pffff, j'ai pas peur de toi ! Tu serais incapable de faire du mal à une mouche.
Sois pas ridicule, maudite conscience. Tu sais autant que moi que j'en suis capable. Malheureusement, je ne peux rien pour toi, sauf si on me tue, ou que je me suicide, ce qui ne risque pas d'arriver.
Sérieusement, il n'y avait que moi pour faire ça. Discuter avec sa conscience... Ah, douce folie !
Tu ne ferais rien contre moi. Tu m'aimes trop pour ça.
C'est ça, l'espoir fait vivre ! M'exclamai-je.
Tu reprends les expressions de Sébastien, maintenant ?
La ferme !
Au même moment, Sébastien me secoua le bras. J'ai tourné vivement la tête vers lui, me demandant ce qu'il se passait. Il me jeta un regard interrogateur.
- Désolée, j'étais dans mes pensées, m'excusai-je.
Menteuse !
Boucle-la un peu, tu me déconcentres !
- A quoi pensais-tu ? M'interrogea t-il.
Ah, ah ! Qu'est-ce que tu vas lui dire maintenant, ricana ma maudite conscience.
C'est pas tes oignons !
- Je pensais à l'avenir de François et Marie. Ça va être dur pour ma sœur d'être reine de deux pays. Encore plus si elle revendique la couronne d'Angleterre.
Menteuse !
Cette fois-ci, je l'ai ignoré pour me concentrer sur Sébastien.
- Elle y arrivera, ne t'inquiète pas pour elle, me rassura t-il.
Il n'en est pas si sûr !
Qu'est-ce que tu en sais ?répliquai-je froidement. T'es devin ?
Pas le moins du monde. Fais attention à ses réactions, et tu verras.
J'ai pas que ça à faire, alors tais-toi.
Comme tu veux. Je m'en charge pour toi.
- Ça ne va pas ? Me demanda t-il subitement.
- Je vais bien. J'ai juste un peu mal à la tête, mais ça va passer.
Si tu veux mon avis...
Justement, je le veux pas ! Hurlai-je.
Mais si ! Si tu veux mon avis, il est intéressé par toi.
Ne sois pas ridicule.
Moi ? Jamais !
- Tu veux qu'on aille voir Nostradamus ? Me proposa t-il gentiment. Il connaît des plantes pour soulager les maux de tête.
- Merci, mais ça va aller.
Ce Nostradamus est le prophète de la cour, et le plus proche ami de Catherine de Médicis, la reine, assura ma conscience.
Tu ne m'apprends rien. Hum...
Oui ?
Tu peux dégager, s'il te plaît. Tu commences vraiment à m'irriter.
- Et si on allait voir les fontaines ? Lui proposai-je.
Il accepta immédiatement, et me mena jusqu'à la plus belle fontaine que François Ier, le père du roi, et le grand-père de François et Sébastien, avait érigé.
Et oui, petit-fils et fils de rois, commenta ma conscience.
Et alors ? C'est pas pour cette raison que je m'intéresse à lui.
Tu t'intéresses à lui ?
Pas dans ce sens-là. Je m'intéresse à lui amicalement. Est-ce mal ?
Tu sais, Anne, tu te mens à toi-même.
Comment ça ?
Elle ne me répondit pas. Pour une fois que ça m'intéressait. Maudite conscience !
- C'est magnifique, Sébastien ! M'exclamai-je devant la beauté de la fontaine.
Il sourit et me caressa doucement le bras. Des petits picotements me firent frissonner. Pourquoi cette réaction ? Étrange... Et si ma conscience avait raison ?
- Ma petite écossaise, sourit-il doucement. Je t'appelle comme ça dans ma tête.
- Je suis donc si petite ?
- Comparé à moi ? Sans aucun doute.
Un surnom ? Pourquoi pas ? Seulement, je devais lui en trouver un à mon tour. C'est pas amusant quand c'est à sens unique. Mais, j'hésitais...
Après une brève réflexion, j'ai décidé de le surnommer mon beau français. Il avait choisi d'insister sur ma petite taille, alors que moi, j'allais insister sur sa beauté.
- Je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas te donner de surnom, alors je vais dorénavant t'appeler « mon beau français », lui fis-je en le regardant dans les yeux.
- J'aime bien.
En même temps, c'est normal qu'il aimait bien ce surnom puisque je le qualifiais de « beau français ». Moi, j'étais juste petite...
- Dans ce cas, je vais effectuer une petite modification, reprit-il en osant un petit sourire. Si je suis ton « beau français », tu seras ma belle écossaise.
Il s'intéresse à toi ! M'assura ma conscience.
Cesse donc de prétendre qu'il s'intéresse à moi, parce que ce n'est pas le cas. Nous sommes juste amis.
L'amitié est un grand mot. On y regroupe souvent ceux qui savent ce qu'ils ressentent l'un envers l'autre, mais qui ont peur de le dire, ou de se l'avouer. Es-tu aveugle ?
Je n'ai pas répondu.
- Je préfère, admis-je. Au moins, tu admet ma beauté légendaire, ajoutai-je d'un ton qui se voulait sérieux, mais qui ne le trompa pas.
Néanmoins, il admit que j'étais belle, ce qui me flatta. Je rougis de nouveau, faisant sourire Sébastien qui me pinça de nouveau les joues.
- Viens, me dit-il quelques instants plus tard. Nous devons nous rendre à la fête. J'espère que tu vas danser.
- Moi, danser ? Même pas en rêve !
- C'est ce qu'on va voir.
Il n'allais quand même pas me forcer ! Ah, non ! La danse était quelque chose que j'abhorrais. Je préférais encore chanter.
- Je t'en prie, Sébastien, ne m'oblige pas à danser, le priai-je en lui prenant les mains.
- Danse avec moi, ma belle écossaise. J'ai consenti à t'accompagner à cette fête, alors que j'aurais pu rester dans ma chambre toute la soirée. Tu pourrais bien faire ça pour moi.
Tout en parlant, il arborait une moue absolument adorable qui aurait pu convaincre n'importe quelle femme de faire n'importe quoi. J'en faisais partie.
- Sébastien, je préfère chanter que danser, ce qui montre à quel point je détestes ça, vu que je n'aime pas chanter.
- Chante-moi quelque chose, ma belle.
Oh, j'aurais mieux fait de me taire ! Mais bon, je pouvais toujours me défiler.
- Je.. Je n'ai aucune chanson en tête, mentis-je.
Menteuse ! S'écria ma conscience.
Encore vivante, toi ?
- Tu es une bien mauvaise menteuse, sourit-il. Chante pour moi, je t'en prie.
Il arbora de nouveau sa moue adorable qui acheva de me convaincre. J'ai soupiré avant de me décider à chanter ma chanson préféré.
- A Dieu mes amours, a Dieu vous commant
A Dieu mes amours jusques au printemps.
Je suis en soucy de quoy je vivray ;
La raison pourquoy, je vous la diray :
Je n'ay point d'argent, vivray-je de vent ?
Se l'argent du roy ne vient plus souvent.
A Dieu mes amours, a Dieu vous commant.
Durant toute la chanson, Sébastien resta suspendu à mes lèvres, s'imprégnant des paroles. La chanson était courte, mais la façon dont je la chantais la rendait assez mélancolique. Apparemment, ma chanson lui a plu, parce que ses yeux étaient étrangement brillant.
- Je ne vois pas pourquoi tu n'aimes pas chanter, affirma Sébastien. Tu chantes très bien, et ta voix est douce.
- Je peux te confier un secret que tu ne répétera à personne ?
- Bien sûr. Je t'écoutes.
- En apparence, je peux sembler avoir une grande confiance en moi, mais ce n'est pas du tout le cas. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, j'ai très peu confiance en moi-même.
Il sembla surpris par ma révélation. Je pouvais comprendre pourquoi. Aux yeux de tous, je montrais une Anne qui n'était pas tellement moi. Sûre d'elle, intelligente, provocante... Cette Anne n'était pas celle que j'étais réellement. En vérité, j'étais plutôt sensible, sentimentale, et naïve, ce qui ne ressemblait en rien à ce que je montrais aux gens que je ne connaissais pas.
- Quand je t'ai vu tout à l'heure, je t'ai admiré pour ta prestance, m'avoua t-il, sincère.
- Tu me flattes. Je suis satisfaite de voir que le masque que j'arbore est toujours aussi efficace. D'ailleurs, que t'as dit ton père quand je suis passé près de vous ?
- Hum... Il m'a conseillé de t'épouser vu que l'on s'entendait bien étant petit, et que tu es un bon partie pour moi.
J'en ai tout simplement éclaté de rire à sa plus grande surprise. Apparemment, tout le monde voulait nous caser avec quelqu'un le plus vite possible. Après tout, on était plus qu'en âge d'être marier. En fait, j'aurais dû l'être depuis plus de cinq ans si j'avais trouvé un bon parti. Seulement, le mariage ne m'avait jamais intéressé.
- Désolée, m'excusai-je. C'est juste que Marie essaye de me convaincre d'épouser quelqu'un, et à peine arriver ici, elle essaye déjà de jouer les entremetteuses avec nous.
- Dans quel monde sommes-nous tombés, ma pauvre ? Ils ne vont jamais croire que nous pouvons n'être que de simples amis.
Une vive douleur survint dans mon cœur que je ne compris pas. Qu'est-ce qui m'arrivait ? Sébastien parut inquiet lorsque j'ai plaqué une main sur ma poitrine pour refréner la douleur. Il agrippa mon épaule, et me regarda dans les yeux, essayant de comprendre ce qui m'arrivait.
- Ce n'est rien, le rassurai-je. Juste une sensation que je n'ai jamais eu auparavant.
- Tu es sûre que tout va bien ?
- Oui, ne t'en fais pas.
Il ne parut pas convaincu, mais acquiesça tout de même. Quel était cette étrange sensation qui avait semblé serrer mon cœur ? Je n'avais jamais ressenti une telle chose. Que m'arrivait-il au juste ?
- Anne, j'ai une idée ! S'écria t-il subitement. Je suis sûr que tu aimes rendre chèvre tes proches, alors que penses-tu de reprendre ce jeu que l'on avait quand on était petit : faire croire à tout le monde qu'on est ensembles ?
- Je dois admettre que ça serait assez amusant. On commence quand ?
Nous nous sourîmes, complices.
- Je crois qu'il est temps de se rendre à cette fête, soupira t-il en me prenant la main.
J'ai soupiré à mon tour. Je n'avais pas plus envie que lui d'y aller, mais bon... Je n'avais pas tellement le choix. Nous rentrâmes dans le château où les domestiques s'activaient à finir de préparer la fête. A part eux, il n'y avait personne d'autres en vue. Bien entendu, tous était en train d'assister au mariage de la princesse Elisabeth. N'y ayant pas été convier, je ne vois pas pourquoi j'y aurais été. Je ne connaissais pas cette princesse. Certes, c'était la sœur de François, et la demi-sœur de Sébastien, mais je ne la connaissais pas assez pour me permettre d'assister à son mariage.
Nous entrâmes dans la salle de bal. Immense, elle pouvait sûrement contenir des milliers de personnes. Sébastien me conduisit immédiatement sur la piste de danse.
- Danse avec moi, me pria t-il.
- Hum.. non. Je.. Je n'aime pas danser.
- De quoi as-tu peur ? Nous sommes seuls, ma belle écossaise.
Il avait pas tord. Seuls quelques domestiques s'activaient à mettre en place le buffet. Résigné, j'ai accepté. Il enlaça ma taille et m'attira à lui. Sans que je comprenne pourquoi, mon cœur commença à battre fortement dans ma poitrine. J'ai posé doucement ma tête sur sa poitrine, alors que je nouais mes mains derrière son cou. Nous commençâmes à nous mouvoir lentement, savourant le moment. J'ai fermé les yeux, reportant toute mon attention sur le contact de ma tête sur son torse, et sa respiration lente et quelque peu irrégulière. Il remonta une de ses mains, qui était alors sur ma taille, jusqu'à ma tête pour me caresser les cheveux. Un soupir de bien-être m'échappa. Tout doucement, j'ai levé la tête pour rencontrer ses yeux bleus. Il me regardait, me détaillait. Je fis de même, mais je n'arrivais pas à quitter ses yeux plus de quelques secondes. Seulement, je fus vite attiré par autre chose. Ses lèvres. Ses lèvres qui semblaient si douces, soyeuses. J'ai commencé à les désirer si fortement que je me suis encore plus rapproché de lui. Je les voulais sur les miennes, dans mon cou... Je voulais les admirer, les sentir et les goûter. Je les voulais sur moi. Je les voulais pour moi. Sa main quitta mes cheveux pour caresser ma joue. J'ai glissé mes mains jusqu'à ses épaules que j'ai délicatement étreint. Puis, j'ai caressé ses lèvres avec mon pouce. Il l'embrassa avant de s'arrêter subitement. Il tourna la tête dans une autre direction, semblant avoir remarquer quelque chose.
- Écoute ! Murmura t-il.
Je me suis exécuté, tendant les oreilles. J'entendis alors des bruits de pas qui venait, et des voix. Elles se rapprochaient. Nous nous séparâmes à contrecœur. Me prenant la main, il me mena à l'autre bout de la pièce d'où débouchait un couloir.
- Regarde, les voilà ! S'exclama Sébastien en me montrant la princesse qui arrivait au bras de son nouveau mari, Philippe, roi d'Espagne.
Nous nous écartâmes pour les laisser passer. Le roi Henri, et la reine Catherine les suivait de près, le sourire aux lèvres. Évidemment, Diane de Poitiers, la mère de Sébastien, n'était pas loin derrière. Plus loin, il y avait Marie, et ses demoiselles d'honneur, Aylee, Kenna, Greer et Lola, nos amies. Elles vinrent à notre rencontre.
- Anne, Sébastien, vous voilà enfin ! Fit Marie en souriant.
Elle remarqua nos mains liés, ce qui la fit sourire encore plus. Il suffit d'un regard entre Sébastien et moi pour que le jeu commence. Tout d'abord, il caressa doucement ma main avec son pouce alors que je serrais la sienne plus fort.
- Qu'avez-vous fait pendant le mariage ? Nous interrogea Kenna, curieuse.
- Nous discutions dans les jardins, répondis-je d'un ton qui se voulait enjoué.
Les filles échangèrent un regard lourd de signification, ce qui me fit rire intérieurement. Apparemment, elles croyaient qu'on avaient fait plus que discuter dans les jardins. Vu la façon dont je l'avais dit, c'est vrai que ça pouvait porter à confusion. Ah, je commençais à bien apprécier ce jeu.
- Tu veux boire quelque chose ? S'enquit Sébastien.
- Oui, bien sûr. J'aimerais boire du vin, s'il te plaît.
A peine parti, les filles m'interrogèrent avec une grande curiosité, qui ne m'étonna pas le moins du monde. Elles voulaient tout savoir, tous les détails.
- Qu'est-ce qui se passe entre vous ?
- Êtes-vous ensembles ?
- Qu'avez-vous fait cet après-midi ?
Et bien d'autres questions que j'ai toute éludé facilement. Ainsi, personne n'a su la vérité. Lorsque Marie allait insister, Sébastien revint avec un serviteur qui tenait un plateau dans ses mains. Sur le plateau, il y avait plusieurs coupe de vin.
- Tiens, ma belle écossaise, dit-il en me tendant une coupe.
Je l'ai prise dans mes mains, et me suis hissée sur mes pieds pour le remercier d'un baiser sur la joue. Marie assista à ce spectacle avec un petit sourire satisfait. Le serviteur donna les coupes aux filles qui les acceptèrent avec joie. Au même moment, j'ai vu François arriver et se rendre au buffet pour se servir un verre. Je me suis excusée auprès de Sébastien et des filles, et je l'ai rejoint.
- Que se passe t-il avec Marie ? L'interrogeai-je avant de boire une gorgée de vin.
Il soupira longuement. Curieuse, je l'ai pressé de me raconter.
- J'ai été sec avec elle quand elle est venu me voir dans ma chambre, expliqua t-il. Je n'étais pas seul, tu comprends.
- Il y avait une femme avec toi ?
Il acquiesça. Bon sang, je peinais à y croire. François qui avait des maîtresses ! Où allait le monde ?
- As-tu seulement envie de l'épouser ? M'enquis-je.
Il ne me répondit pas, ce qui me fit comprendre.
- Tu n'as pas l'intention de l'épouser !
- Chut ! Ne parles pas si fort, Anne.
Il m'attrapa le bras, et m'emmena jusqu'à un endroit isolé, où l'on pourrait discuter sans être entendu des autres.
- Anne, je n'aime pas qu'on fasse des choix à ma place, et c'est exactement ce que mon père fait en m'obligeant à épouser Marie dans un futur proche. En plus, contrairement à ce que tu peux croire, la France n'est pas aussi puissante qu'elle le paraît. Une alliance avec l'Écosse pourrait détruire mon pays. Ce n'est pas ce que je souhaites. Comprends-moi, un jour, je serais roi. Je dois penser au bien-être de mon pays avant tout. Quand on est souverain, l'amour n'a pas sa place.
- C'est à Marie que tu devrais expliquer ça. Elle croit qu'un jour, tu vas l'épouser. Elle va être déçu quand elle va apprendre que tu n'en feras rien. Je comprends que tu veuille faire passer le bien-être de ton pays avant tout, mais, contrairement à ce que tu crois, une alliance avec l'Écosse pourrait être bénéfique à la France. Grâce à notre pays, vous pourriez attaquer l'Angleterre sur deux fronts, au lieu d'un. On pourrait vous aider à acquérir le trône de Marie Tudor ! Elle est malade. Elle va bientôt mourir. Sa demi-sœur, Elizabeth, est une bâtarde. Elle n'a aucun droit sur le trône. Cela fait de Marie l'héritière légitime ! Imagine ce que serait alors Marie. Reine d'Écosse, et d'Angleterre, et reine consort de France. Elle aurait un pouvoir inimaginable. Tu aurais pour épouse la femme la plus puissante d'Europe. Et après, tu dis qu'une alliance avec la reine d'Écosse pourrait détruire ton pays. Je ne te comprends pas, François. Est-ce dû à cette poulette qui ne cesse de te dévorer des yeux ?
- Ne parles pas d'elle comme ça, Anne ! Tu ne la connais pas.
- J'ai touché un point sensible ?
Il me fusilla du regard.
- Anne, je t'aime bien, mais ne me pousse pas à bout. Ce ne sont pas tes affaires.
- Tout ce qui concerne ma sœur sont mes affaires !
- Je m'expliquerais avec elle !
- Ne la blesse pas, je t'en prie. Elle vient à peine d'arriver.
J'étais agacé. Comment François pouvait-il faire ça ? Depuis qu'ils avaient 6 ans, Marie et François étaient fiancés. Tout ces années de fiançailles n'auraient servis à rien si, finalement, elle ne l'épousait pas. En plus, si le mariage n'avait pas lieu, même notre venu en France n'aurait servi à rien.
- Je ne le ferais pas si je peux l'éviter, m'assura t-il. J'irais lui parler plus tard dans la soirée.
- Je t'ai à l'œil, François.
Ça ne sonnait pas comme une menace ou autre, donc il a souri.
- Que se passe t-il entre mon demi-frère et toi ? M'interrogea t-il subitement, ce qui me prit au dépourvue.
- On s'amuse, on reprend là où on en était restés.
Un petit sourire sournois étira ses lèvres. Oh, ça ne disait rien de bon.
- Je vous ai vus danser ensembles quand il n'y avait personne, m'apprit-il.
Je ne savais plus quoi dire. Je ne pensais pas que quelqu'un ait pu assister à cette scène. J'étais affreusement gênée.
- Ne t'en fais pas, Anne, je n'en parlerais à personne.
Ça me rassurait un peu. Je ne voulais pas que Marie soit au courant de cette scène. Ça, ça ne faisait pas parti de notre jeu. Non, c'était bien réel. Enfin, c'est ce que je pensais. Avais-ce été la même chose pour Sébastien ? Bonne question.
- Sébastien est un homme bien, reprit t-il. Avec une femme, il sait se montrer doux, intentionné, passionné. Vous vous ressemblez. Vous êtes insolents, provocateurs, sournois... Vous êtes fait l'un pour l'autre.
Il n'allait pas s'y mettre lui aussi ! C'est dingue, ça ! Pourquoi est-ce qu'ils voulaient tous que je sois avec Sébastien ?
- Je sais, fis-je.
J'avais un plan.
- Tu sais ? Répéta t-il.
- On est déjà ensembles, mentis-je.
Il écarquilla les yeux, surpris par la fausse nouvelle. Intérieurement, j'ai ricané. C'est qu'il me croyait, en plus !
- Je.. Je suis surpris. Je ne m'attendais pas à une telle nouvelle. C'est assez.. incroyable. En tout cas, je suis heureux pour vous deux.
- Merci, François. Je... Je crois qu'il est temps que je rejoigne ma sœur.
Il me suivit jusqu'au buffet où Marie se trouvait. Seulement, au dernier moment, il prit une autre direction et rejoint Sébastien qui se trouvait à coté de la piste de danse.
- Que lui as-tu dit, Anne ? Me demanda ma sœur, intéressé.
- Il t'expliquera tout à l'heure. Un peu de patience.
Marie n'était pas connu pour faire preuve d'une grande patience. Malheureusement pour elle, elle n'avait pas le choix. Je n'allais rien dire tant que François ne lui aurait pas expliquer.
- Votre majesté ! Fit un homme que je reconnus comme étant Collin, le fiancé de Lola.
Il lui fit le baisemain, ce qui me fit rire. Marie, elle, était gênée, mais tentait de le cacher avec un petit sourire peu convaincant. Il lui tendit une coupe de vin qu'elle prit avec hésitation. Lorsqu'il rejoint Lola, Marie versa le contenu de la coupe dans le pot d'une plante juste à coté. J'ai froncé les sourcils, ce qu'elle remarqua.
- Chut, je t'expliquerai plus tard, me chuchota t-elle.
Elle me prit la main et nous rejoignîmes les filles, qui était réunis non loin de là. Lola fusillait Marie du regard, et semblait blessé. Elle était jalouse. Ma sœur le comprit très bien. C'est pourquoi elle poussa les filles à retirer leurs chaussures. Je ne compris pas pourquoi jusqu'à ce qu'elle les tire sur la piste de danse. Croyant y avoir échappé, j'ai poussé un petit soupir de soulagement, mais, Marie revint vers moi, et m'attrapa les mains, me tirant vers la piste. J'ai résisté.
- Je t'en prie, tu sais que j'aime pas danser ! M'exclamai-je en la priant du regard de me laisser tranquille.
- Anne, amuses-toi un peu avec nous.
Elle continua à me tirer jusqu'à ce que, résigné, je me laisse faire. Elle m'emmena jusqu'au centre de la piste où elle commença à nous faire tourner sur moi-même.
- Tu es une grande folle, soeurette ! M'écriai-je avant de rire aux éclats.
Au moment où elle me lâcha, j'ai manqué de glisser et de tomber. Elle aurait pu me prévenir quand même ! Elle commença à tourner sur elle-même, faisant flotter sa robe noire tout autour d'elle. Elle était magnifique. J'ai profité de ce moment pour m'enfuir de la piste, et rejoindre Sébastien et François, qui regardaient la scène avec un air amusé.
- C'est vraiment pas mon truc, la danse ! Affirmai-je en regardant ma sœur tournoyé.
- Ma pauvre,me plaint François, moqueur.
Marie s'arrêta subitement pour reprendre sa respiration, et regarda Sébastien qui l'observait. Elle lui sourit. La douleur au cœur que j'avais ressenti tantôt revint. J'ai posé la main sur la poitrine en poussant un petit gémissement, ce qui attira l'attention de François. Il posa la main sur mon épaule, et me dévisagea pour savoir ce qui n'allait pas.
- Ce n'est rien, tout va bien, le rassurai-je.
- Qu'est-il arrivé ?
- Une douleur à la poitrine, ce n'est rien. J'irais voir Nostradamus plus tard.
Il acquiesça et reporta son attention sur Marie qui regardait toujours Sébastien. Soudain, des plumes commencèrent à tomber du plafond. Marie les regarda alors tomber avant de tourner vivement la tête vers François. Je savais parfaitement à quoi elle pensait. Quand on était enfant, ils s'amusaient à sauter sur leurs lits et à détruire leur oreiller en plume pour jouer avec. C'était de très bons souvenirs que je n'oublierais pour rien au monde. Marie échangea un regard intense avec François. Il y avait une connexion entre eux qui les forçait à s'approcher l'un de l'autre. Seulement, ils ne purent se rejoindre puisque la princesse et son mari passèrent entre eux pour se rendre dans leur chambre pour la consommation du mariage. Déjà ! Ils n'étaient pas rester longtemps. Marie et François s'arrêtèrent net, les laissant passer.
- Viens ! Entendis-je Kenna dire à Marie en la tirant pour suivre les jeunes mariés.
Elle jeta un dernier regard à François, pleins de regrets avant de suivre les filles. Je voulu m'élancer pour les rejoindre, mais je fus retenu par une main qui me tira en arrière. Je me suis retrouvée coller au torse de Sébastien qui me serra dans ses bras.
- Bois avec moi, ma belle écossaise.
Je me suis dégagée de son étreinte et l'ai suivi jusqu'au buffet. Là, il me donna une coupe de vin épicé que j'ai bu d'un trait sous ses yeux ébahi. Il fit de même avant de nous resservir.
- J'ai fait croire à François qu'on est ensembles, lui appris-je.
- Ah oui ?
- Il commençait à tenir le même discours que Marie, disant que l'on est fait l'un pour l'autre. Il est allé jusqu'à faire ton éloge. Et... Il nous a vu danser ensembles tout à l'heure.
- Ah, François m'étonnera toujours !
J'étais assez gênée que François nous ai vu danser. Cette scène était assez... étrange, il fallait l'avouer. Et moi qui pensais que nous étions seuls. Si j'avais su que l'on était observer, je n'aurais jamais fait ça. Parce que ce moment-là ne faisait pas partie du jeu.
- Tu as envie de jouer ? Lui demandai-je en haussant les sourcils, provocante.
- Bien sûr. Que veux-tu faire ?
- A toi de trouver. Fais marcher ton imagination.
Il esquissa un petit sourire, signe qu'il venait d'avoir une idée. Je ne savais pas ce dont il était capable donc je ne pouvais pas dire si son idée allait surprendre tout le monde ou passer inaperçue. Cela dépendait de lui. J'avais hâte de voir ce qu'il allait faire. Je n'étais pas vraiment sûre de ce dont il était capable. Néanmoins, son caractère m'était assez familier pour que je devine qu'il était prêt à faire à peu près n'importe quoi.
- J'ai une idée, dit-il.
Il me prit ma coupe de vin des mains, et la reposa sous mon regard abasourdi. Je n'avais même pas eu le temps de boire une dernière gorgée ! J'allais la reprendre, mais il intercepta mes mains, et me tira à lui, me collant à son torse. Plus petite que lui, ma tête arrivait tout juste à son menton. Je devais donc faire un effort pour le regarder dans les yeux.
- Laisses-moi faire, me demanda t-il en me massant les épaules.
Qu'allait-il faire ? Je voyais bien qu'il avait une idée. Une idée que j'avais hâte de connaître, car je détestais ne pas savoir.
- Fais-moi confiance, ma belle, ajouta t-il tout en me touchant doucement le visage.
J'ai acquiescé. Aussi étonnant que cela puisse paraître, je lui faisais toujours confiance. Il m'inspirait confiance. Pourtant, je ne l'avais pas vu depuis 6 ans..
Il me tira jusqu'à l'endroit où François discutait avec des hommes qui m'étaient inconnus, et il fit une chose qui me surpris beaucoup. Lorsqu'il fut tout près de son père, il me souleva dans les airs, nous fit tourner, me fit redescendre doucement le long de son torse, et m'embrassa. Ce fut un baiser tellement doux et tendre que j'en fus tout retourné. Lorsque nous nous séparâmes, je n'ai pas pu m'empêcher de lui demander, en murmurant :
- Ça fait partie du jeu, ça ?
Il haussa les épaules, ce qui ne répondit pas vraiment à ma question. J'ai osé un regard vers François qui arborait un air satisfait.
- On se donne en spectacle, affirmai-je en voyant que tout le monde nous regardait.
- C'est bien le but.
Diane de Poitiers, la mère de Sébastien, nous lança un regard réprobateur, tandis que le roi affichait un air ravie.
- Ta mère n'a pas l'air de m'apprécier, constatai-je en tournant le dos à cette dernière.
- Elle ne te connaît pas. Et puis, même si elle ne t'aime pas, elle devra s'y faire parce que j'ai pas l'intention de te laisser tranquille, ma belle écossaise. Maintenant que je t'ai retrouvé, je vais t'enquiquiner jour et nuit !
- Jour et nuit ? Voilà qui est intéressant !
Quand on étaient enfant, on avaient pour habitude, de temps en temps, de se rejoindre dans la chambre de l'un ou de l'autre pour discuter, s'amuser ou dormir ensembles. Bien évidemment, cela ne plaisait pas aux autres, mais on s'en fichaient royalement, et on continuaient. J'avais de très bon souvenirs de certaines nuits d'hiver où il me réchauffait quand j'avais froid.
- Que ces moments où on se rejoignaient pendant la nuit me semblent lointain ! M'exclamai-je. Ce sont des souvenirs qui ne m'ont pas quittés au couvent. Parfois, Marie me surprenait la nuit à pleurer sur ton absence. J'ai mis du temps à m'y faire. Environ deux ans, pour être honnête. Je m'ennuyais tellement sans toi que j'ai trouvé un autre divertissement : rendre folle les nonnes !
- Toi aussi, tu m'as manqué. Pendant des années, je n'ai pas eu d'autres amis, à part François. J'ai passé des nuits entières à penser à toi, et à ce qu'on auraient pu se raconter. Je ne comptes même plus les insomnies que j'ai pu faire à cause de ton absence. J'en ai voulu pendant un temps à mon père pour vous avoir envoyer, ta sœur et toi, au couvent. Pendant longtemps, chaque jours, je me demandais ce que tu faisais, à quoi tu pensais, et si tu m'avais remplacé. J'ai souffert pendant très longtemps de ton absence. Tu étais la seule qui ne m'avait pas jugé pour ma bâtardise. On se ressemblaient tellement... Sans toi, je me sentais bien seul.
- Sébastien, si tu savais comme je suis heureuse de te retrouver ! J'ai imaginé ces retrouvailles des milliers de fois ! En même temps, je craignais que tu n'aie changé, mais tout ce que je remarque, c'est que tu as gagné en beauté, et en muscle.
- Et toi alors !Regarde la beauté que tu es devenue ! Tu vas attiré tous les seigneurs de la cour, sans aucun doute. Je vais en être jaloux.
Il accompagna ses propos d'un sourire.
- Tu n'as pas à être jaloux, Sébastien. Je ne suis qu'à toi, et tu le sais, lui murmurai-je à l'oreille d'un ton moqueur.
- C'est faux.
J'ai basculé ma tête sur le coté, tout en l'interrogeant du regard.
- Tu as dit, tout à l'heure, que tu n'étais pas du genre à rester chaste, me rappela t-il. J'en conclus donc que tu n'as pas été sage au couvent, et dieu seul sait comment tu as fais pour passer outre la surveillance des nonnes.
- Sébastien, viens avec moi. Je ne voudrais pas avoir ce genre de conversation en public.
Sans même attendre quelque réaction de sa part, je l'ai entraîné jusqu'à un endroit isolé. Là, j'ai vérifié que personne ne puisse nous entendre. Rassurée, je me suis tournée vers lui.
- Je n'ai rien fait au couvent, lui affirmai-je, sérieuse. Je ne vois même pas comment j'aurais pu. Il n'y avait aucun homme là-bas !
- Mais, alors... Je...
- Je n'ai connu personne d'autre que toi, Sébastien. Tu es le seul. Même si je n'avais que quatorze ans, je n'oublierais jamais ce soir de printemps où l'on a été un peu trop curieux. Mentalement, on se connaissaient par cœur. Il était logique que l'on veuille faire de même avec nos corps.
Je n'en avais jamais parler à Marie. C'était d'ailleurs le seul secret que j'avais pour elle. Qui sait ce qu'elle pourrait dire en l'apprenant ? C'était arrivé comme ça, naturellement, amicalement.
- Je m'en souviens très bien, admit Sébastien. J'avais un peu plus de quinze ans. Heureusement que personne ne nous a surpris, sinon on auraient passer un sale quart d'heure ! Crois-tu que François et Marie aurait fait quelque chose, eux aussi ?
- Non, elle me l'aurait dit. Elle n'a aucun secret pour moi.
- Pourtant, tu ne lui a rien dit sur nous, n'est-ce pas ?
Il avait raison. Marie aurait pu en faire autant, sans me le dire. Après tout, je lui avais bien caché.
- J'ai du mal à croire qu'elle aurait pu faire une telle chose, soufflai-je. Marie semble tellement innocente.
Non, Marie n'aurait jamais fait ça. Il allait falloir que je l'interroge.
- Mais si... Si tu n'as connu que moi, pourquoi as-tu dit que tu n'es pas du genre à rester chaste ? Me demanda t-il, les sourcils froncés.
- Tu sais à quel point j'aime être provocante !
- Oh, oui ! Et cet air te va à ravir !
Je l'avais toujours su.
- Est-ce Marie et François ? Dit-il en regardant derrière moi.
Je me suis retournée, et effectivement, c'était eux. Ils discutaient, comme François me l'avait dit. Sauf que la discussion était loin d'être calme. Ils se disputaient. Inconscients de notre présence, ils se fusillaient du regard, tout en se lançant des paroles qu'ils regretteraient sans aucun doute plus tard. Blessée, Marie finit par s'en aller, faisant semblant de ne rien ressentir, et la tête haute. Je savais pourtant qu'une fois seule, elle allait fondre en larmes. François allait avoir de mes nouvelles !
- Excuses-moi, Sébastien, mais je vais devoir jouer les sœurs protectrices, lui fis-je en lui désignant François.
Il ne chercha pas à me retenir. J'ai donc rejoint François, retenant la colère qui montait en moi. Il ne fut pas surpris de me voir.
- Oui, je sais pourquoi tu es là, Anne ! Vas-y, grondes-moi !
Déconcertée, j'ai froncé les sourcils. Il savait parfaitement qu'il avait commis une faute.
- Écoutes, Anne, je me suis excusée, mais ta sœur est du genre borné. Elle ne comprend pas !
- Évidemment qu'elle ne comprend pas ! Depuis qu'elle a 5 ans, elle s'est faite à l'idée qu'un jour, elle serait ta femme. Que crois-tu qu'elle ressente à cet instant ? Elle se rend compte qu'elle est en France pour rien, car si vous ne vous mariez pas, l'alliance entre l'Écosse et la France tombe à l'eau. Elle perd son temps ici ! Peut-être devrait-elle rentrer au pays ? Elle pourrait enfin gouverner sa patrie..
- Anne, tu ne comprends pas ! Que crois-tu que je ressente moi aussi ? On m'a fiancé alors que j'avais 5 ans à une inconnue sans même me demander mon avis ! On ne m'a même pas laissé décider de mon avenir. Tout a été tracé avant même que je ne sache ce qu'était un destin ! On s'est servi de moi comme si j'étais un objet. Je ne sers qu'à maintenir une alliance.
Là, franchement, François allait me rendre folle. Je ne devais pas avoir très bien entendu.
- François, ça fait des centaines d'années que c'est comme ça ! Les souverains ne doivent pas penser avec le cœur, mais avec la tête. Il faut réfléchir au lieu de se faire influencer par ses sentiments. Ton père, lui, en est conscient. Il a épousé ta mère, Catherine de Médicis, par intérêt, pas par amour. Il a fait des enfants pour assurer sa descendance, et faire en sorte que l'un de vous hérite de la couronne. Il vous donne des épouses pour former des alliances afin de consolider la position du pays. C'est comme ça qu'un souverain doit agir ! Si on t'a fiancé à Marie lorsque tu avais 5 ans, c'est pour former une alliance très importante qui pourrait changer beaucoup de choses dans l'avenir. Crois-tu que Marie soit ravie d'avoir été traité comme un objet sans qu'elle en soit consciente, du fait de son très jeune âge ? Elle a été vendue au plus offrant. Au début, c'était Edouard, le fils d'Henry VIII, et Jane Seymour, qu'elle devait épouser, puis toi, parce que l'offre de ton père était plus alléchante pour Marie de Guise. Tout ça sans son consentement, ni même son avis. On a voulu faire de même avec moi alors que je suis une bâtarde ! On a voulu me fiancer plus jeune à ton frère, Sébastien, pour se débarrasser de moi, Marie de Guise ne supportant pas ma vue. Ma sœur avait tout juste un an à l'époque. Comprends-tu là où je veux en venir ?
- Mais, je sais déjà tout ça ! C'est ta sœur qui ne comprends pas. Je sais que je dois l'épouser, mais je m'y refuse parce que nous n'avons pas besoin d'une alliance avec l'Écosse. La France est moins puissante qu'elle en a l'air, et il nous faudrait des alliés plus puissants. L'Écosse est un pays affaiblie...
- Ali-toi donc avec l'Espagne si ça te chante ! Ou bien le Portugal, ou bien même, le Saint-Empire Germanique ! On verra lequel de ces pays pourra t'apporter le trône d'Angleterre, petit malin ! Ton pays convoite l'Angleterre depuis des siècles. Marie en sera l'héritière légitime après la mort de Marie Tudor. Tu ne vas quand même pas abandonner une alliance qui pourrait t'apporter deux pays : l'Écosse, et l'Angleterre ? Ça serait vraiment idiot de ta part. C'est l'Écosse qui permet à LA France d'attaquer ce pays si convoité sur deux fronts. Et tout cela n'est pas suffisant pour éveiller ton intérêt ? Qu'ont donc les autres pays d'Europe de plus intéressant ? Je ne te comprends pas...
J'espérais avoir été convaincante. On m'avait déjà dit que je l'étais lorsque l'affaire me tenait à cœur, et c'était le cas ici. Il fallait vraiment que je le fasse changer d'avis.
- Anne, pourquoi est-ce que je discute de ça avec toi ? Soupira t-il. Tu sais te montrer tellement convaincante que tu pourrais me convaincre de n'importe quoi. Mais... Mais j'ai du mal à accepter qu'on ne me laisse pas vivre ma vie comme je l'entends. Parfois, j'ai l'impression que ma vie est déjà écrite, et que je n'ai qu'à suivre le chemin.
- Marie ressent la même chose, mais contrairement à toi, elle agit en souveraine, et le fait pour le bien de son pays.
- Je comprends pourquoi tu es sa conseillère. Avec ta manière de penser, tu aurais facilement pu être reine si on te l'avait demandé.
- Si Marie meurt sans descendance, je serais reine, même si ce n'est pas ce que je désire. Une bâtarde sur le trône... Imagine la réaction du peuple !
Ça entraînerait sûrement une guerre de succession, tout comme ça pourrait arriver en Angleterre pour les mêmes raisons. La guerre des deux roses opposant la maison Lancastre ( la rose rouge) à la maison York ( la rose blanche) a suffisamment marqué les esprits sans qu'on ait besoin d'en déclencher une nouvelle, même si ce ne serait sûrement pas de nouveau des roses qui s'affronteraient.
- Le peuple t'accepterait si tu en étais proche, et que tu les écoutes en répondant à leurs besoins, me rassura François.
- Mais je ne serais jamais reine, répliquai-je.
Rien que de penser à la mort de Marie, et au fait que je la remplace, j'avais envie de pleurer. J'allais tout faire pour que ça n'arrive pas. Marie ne devait pas mourir.
- Tu devrais peut-être retrouver Sébastien, me dit-il. Je suis sûr qu'il est en train de se languir de toi.
- Il survivra à quelques minutes d'absence. En attendant, dis-moi donc ce que tu as fais ces six dernières années ?
- Ah, j'ai grandi, et mûri. Je ne suis plus amoureux de toi, si c'est ce que tu veux savoir.
Effectivement, j'avais prévue de lui poser la question juste après. J'étais rassurée qu'il ne m'aime plus, car je ne voulais pas que Marie me voit comme une rivale pour gagner le cœur de François.
- Me voilà rassurée, soufflai-je. J'étais affreusement gênée lorsque tu me faisais tes grandes déclaration d'amour, lorsque tu avais 7 ans. Je n'aurais pas eu douze ans ans, et tu n'aurais pas été le fiancé de Marie, pourquoi pas ? Mais ce n'était pas envisageable du tout.
- Tu ne voyais que par Sébastien, de toute façon. J'en étais terriblement jaloux.
- J'étais plus proche de lui parce qu'on était pareil. Nous n'avons qu'un an d'écart, alors que j'en ai cinq avec toi. On se comprenaient en un regard, on ne se quittaient jamais. De toute manière, ta mère n'appréciait pas que je t'approche. Les bâtards n'ont pas leurs places aux cotés du dauphin. Alors, comme nous étions exclus tous les deux, on restaient ensembles, on se soutenaient mutuellement.
- J'ai toujours envié la relation que vous aviez, tous les deux. Vous étiez si proches l'un de l'autre. Tu aurais vu comment était Sébastien après ton départ... On aurait dit qu'il n'avait plus goût à rien. Il s'enfermait pendant des heures dans sa chambre, il ne dormait plus la nuit.. Sa mère ne savait plus quoi faire. Ce n'est que petit à petit qu'il est redevenu lui-même grâce à moi.
Je me sentais un peu coupable. C'est de ma faute si Sébastien s'était senti aussi mal. Je me demandais ce qui se serait passé si on ne s'était jamais rencontré... J'aurais probablement passé les pires années de ma vie en France, alors qu'en rencontrant Sébastien, ça a été tout le contraire.
- Je ne m'étais jamais rendue compte que mon absence pourrait autant le faire souffrir, fis-je en arborant un air triste. Certains jours, j'ai vraiment regretté de ne pas avoir résisté plus quand on m'a emmené de force au couvent. Si j'avais supplier le roi, peut-être m'aurait-il laissé rester ici ? Mais, je ne pouvais pas abandonner ma sœur. Je pense que Sébastien l'a très bien compris.
- Il l'a compris, mais ton absence n'en était pas moins douloureuse. Vous avez passés quatre ans ensembles ! Ce n'est pas rien, tu sais. C'était très douloureux.
Tout comme ça l'était pour moi.
- Excuses-moi, il faut que je vois ces seigneurs, me fit François, en me quittant.
Je l'ai regardé partir en me disant qu'il bel et bien changé. François n'est plus du tout comme il était il y a six ans. En même temps, c'est vrai qu'il a mûri.
J'ai rejoint Sébastien qui était alors en train de discuter avec sa mère. Comme elle ne m'appréciait pas beaucoup, je me suis dirigée vers le buffet. C'est là que Catherine de Médicis m'aborda.
- Alors, comment se déroule votre soirée ? S'enquit-elle en me donnant un coupe de vin épicé.
- Tout va bien. C'est une belle soirée.
Elle dû sentir que je n'avais pas envie de lui parler, mais soit elle fit semblant de ne pas s'en apercevoir, ou alors, elle s'en fichait.
- Je ne vois pas votre demi-sœur, dit-elle en cherchant Marie des yeux. Où est-elle ?
- Je l'ignore, Votre Majesté. Elle est partie sans me prévenir. Je pense qu'elle a rejoint sa chambre. Elle dort peut-être. Vous voulez que j'aille voir ?
- Non, c'est inutile. Je ne voudrais pas vous déranger pour quelque chose d'aussi futile. Dites-moi, comment était ces six ans au couvent ?
Quelle blague ! C'était elle qui avait envoyé Marie au couvent sous prétexte qu'elle serait plus en sécurité là-bas. Elle voulait juste se débarrasser d'elle, et peut-être bien, de moi aussi.
- Ce séjour au couvent était... très instructif, lui assurai-je. J'ai appris énormément de choses. Je suppose que je dois vous remercier pour ça.
- En tout cas, tu n'as pas appris à tenir ta langue. Ça va te causer de nombreux soucis. Je croyais pourtant que tu aurais retenue la leçon.
Pour qui se prend-t-elle ? Elle te tutoie maintenant ?
Tiens, te revoilà ! Soupirai-je.
Oui...
- Tu n'as pas trop changé en six ans, continua t-elle. Toujours aussi insolente, et provocante. Crois-tu que je n'ai pas remarqué votre petit jeu à toi et Sébastien ? Tout cela n'est qu'un jeu. Vous n'êtes pas ensembles. Vous voulez provoquer la mère de Marie en lui faisant croire que tu as pris compte du fait qu'elle voulait que tu épouses le bâtard du roi, n'est-ce pas ? Cela ne marcheras pas, et tu le sais très bien. Je ne suis pas du genre à garder un tel secret.
- Votre Majesté, j'ignore d'où vous vient cette certitude à propos de Sébastien et moi, mais je suis au regret de vous dire que ceci est infondé. Je ne joue pas. Et puis, si je voulais vraiment provoquer Marie de Guise, je m'y prendrais autrement.
Non, ce jeu n'était pas pour provoquer la mère de Marie. C'était juste un jeu entre Sébastien et moi, une manière de s'amuser en rendant chèvre tous nos proches. Néanmoins, je pensais qu'il y avait autre chose, mais difficile de dire de quoi il s'agit.
- Ne te moques pas de moi, Anne, c'est très insultant. Sébastien, lui-même, m'a avoué que tout ceci était un jeu pour vous moquer de Marie de Guise, insista t-elle.
- Je suis désolée, Votre Majesté, mais tout ceci est faux. Je sais ce que vous faites : prêcher le faux pour avoir la vérité. Excusez-moi, mais ce genre de choses ne marchent pas avec moi. Quand bien même ce que vous dites pourrait être vrai, Sébastien n'aurait rien dit, parce qu'il ne m'aurait jamais trahie. Chaque secret que je lui ai confié n'a jamais été divulgué.
- Tu lui fait bien trop confiance.
- Il est la seule personne, en dehors de ma sœur, à qui je confierais ma vie sans hésiter, alors oui, je lui fais confiance.
Je pouvais lui faire confiance, je le savais. Il me l'avait prouver tant de fois. Quand nous étions enfants, il m'avait protégé lorsque, accidentellement, j'avais brûler la robe de la reine, mais aussi, lorsqu'un anglais avait tenté de m'enlever, ou quand j'ai faillit tomber d'une fenêtre du château parce que je m'étais trop penchée. Il m'avait toujours écouté et conseillé lorsque je lui confiais mes secrets les plus noirs. Quand je faisais un cauchemar, il me rassurait et dormait même avec moi. Il m'avait sauvé de la solitude alors que personne ne voulait devenir mon ami à la cour à cause de mon statut de bâtarde. Je lui devais beaucoup.
- Votre Majesté, je suis consciente du fait que vous ne m'appréciez guère, et j'en suis désolée, mais j'aimerais sincèrement que vous cessiez de m'accuser d'avoir fait des choses que je n'ai même pas envisager de faire. Je vous en serais grès.
- J'ai horreur qu'on me dise ce que je dois faire, alors je te conseille d'arrêter.
- Comme il plaira à Votre Majesté. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, j'aimerais aller rejoindre Sébastien.
Sans même attendre son assentiment, je l'ai laissé seule. Je n'avais pas besoin de me retourner pour savoir qu'elle n'était pas très contente. Mais je m'en fichais royalement.
Tu ne devrais pas trop jouer avec elle, me fit ma conscience. Elle est dangereuse, et beaucoup plus puissante que toi. Un seul mot d'elle, et tu es morte.
Elle ne me tuera pour la simple et bonne raison que si elle le fait, l'alliance avec l'Écosse tombe à l'eau. Marie refuserait de s'allier avec mes meurtriers.
Ça, c'est ce que tu crois. L'alliance avec la France est très avantageuse pour l'Écosse. Marie ne laisseras pas passer ça.
Tais-toi, je t'en prie, maudite conscience !
Comme tu veux, mais tu sais au fond de toi que j'ai raison.
Je ne voulais même pas y penser.
J'ai rejoint Sébastien à l'autre bout de la salle, et qui semblait me regarder depuis un bon moment. Je lui ai souris en le voyant me rejoindre au milieu de la salle.
- Tu me regardais ? Lui demandai-je, curieuse.
- En effet. Je me demandais pourquoi tu tardais autant à revenir, et je t'ai vu avec la reine. Que voulait-elle ?
- Me menacer... Encore. Tu sais à quel point elle me déteste.
- Oui, je sais. Tu es sans doute la personne qu'elle déteste encore plus que moi.
Je n'en doutais pas. C'était même la raison du pourquoi elle a tant tenu à ce que Marie parte au couvent. Elle savait que je suivrai ma sœur. Elle croyait qu'en allant au couvent, je me calmerai, et que j'aurai retenu la leçon, c'est-à-dire, que je cesserais de la provoquer, mais il n'en était rien. J'étais peut-être même pire.
- Où sont-ils tous passés ? M'enquis-je en voyant qu'il manquait des gens dans la salle.
- Ils sont partis. Il se fait tard.
Tard ? Pourtant, j'avais l'impression qu'il était encore tôt.
- Nous devrions aller nous coucher, tu ne crois pas ? Me dit Sébastien.
- Oh, non ! Je t'en prie, restes encore un peu. Autrefois, on pouvait s'amuser jusqu'au petit matin.
- Ce n'est pas raisonnable, sourit-il.
- L'avons-nous déjà été ?
- Non. Nous sommes la définition même de déraisonnable.
De loin, je voyais la reine nous observer. A quoi pensait-elle ? Sûrement à un moyen de se débarrasser de moi avant que je ne créée de nouveaux problèmes.
- Je.. Je crois qu'on devrait quitter cette salle, soufflai-je à Sébastien. La reine nous observe, et j'ai horreur de ça.
- Allons dans ma chambre. J'ai quelque chose à te montrer.
- Ah oui ? Est-ce vrai ? Ou m'emmènes-tu dans ta chambre pour me sauter dessus ?
Sa réaction fut celle que j'attendais. Il fronça les sourcils alors que je riais.
- Je plaisante, Sébastien. Je te suis.
Il leva les yeux aux ciels avant de s'exécuter.
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- Voilà donc ta chambre, fis-je en regardant tout autour de moi.
La chambre était spacieuse, contenant un grand lit à deux places, deux tables de chevet, une commode, un fauteuil près du lit, en face de la porte, ainsi qu'une table et des chaises à ma gauche. La pièce était assez lumineuse grâce aux quelques fenêtres qui l'éclairait. Elle n'avait plus rien à avoir avec sa chambre d'autrefois.
- Que voulais-tu me montrer ? L'interrogeai-je en m'asseyant sur son lit.
Il sourit tout en sortant un livre de sa table de chevet. Je ne pu lire le titre que quand il l'approcha de mon visage. L'Odyssée d'Homère. Je connaissais cette épopée, et c'était une de mes préférées.
- Je connais, souris-je en lui prenant des mains le livre. Je l'ai lu au couvent. J'aime bien les épopées, mais j'ai une nette préférence pour les tragédies grecques. Connais-tu Antigone de Sophocle ?
- Bien sûr. Je l'ai lu il y a déjà quelques temps, mais je préfère Médée.
- Ah, la mère qui tue ses enfants ! J'aime assez, je dois l'avouer. Depuis quand lis-tu autant, dis donc ? Enfant, tu détestais les livres, et tu te moquais gentiment de moi quand j'en ouvrais un devant toi. Dès qu'on parlait d'auteurs grecs, c'est presque si tu t'enfuyais en courant.
Je me souvenais de la fois où je lui avais parlé de Platon. Il m'avait réduite au silence par un baiser. Notre premier baiser. Nous avions dix ans.
- Eh bien, quand tu es parti, je me suis raccrochée à toi en lisant toutes les œuvres dont tu m'avais parlé. J'ai même lu ton Platon. Le Banquet, notamment.
- Je suis impressionnée ! Je vais pouvoir discuter littérature avec quelqu'un d'autre que Marie. Mais... Dis-moi, en quelle langue les as-tu lu ? Parce que la langue originelle reste la meilleure.
- Je ne connais pas le grec, alors j'ai lu une traduction en latin. Quelque fois en français.
C'est vrai que les gens n'apprenaient pas toujours le grec. Le latin est plus important. Moi, j'avais appris les deux parce que j'avais soif de connaissance et que je préfère apprendre que m'ennuyer. Ainsi, j'avais appris le français, l'anglais, le gaélique écossais, l'espagnol, le latin, et le grec. Et je parlais ces langues couramment !
- Alors, verdict ! M'exclamai-je. Aimes-tu lire maintenant ?
- Oui, j'aime lire, aussi étonnant que cela puisse paraître. C'est toi qui m'as donné le goût de la lecture.
J'en étais flattée. Moi qui avait tant essaye de le faire lire autrefois, j'avais réussi.
- As-tu lu Chrétien de Troyes ? Me questionna t-il.
- Bien entendu ! Le Conte du Graal, Le chevalier à la charrette, et Le Chevalier au Lion. Tous ! J'aime énormément la légende du roi Arthur, alors j'ai dévoré tous les livres le concernant.
- Tu m'étonneras toujours, ma belle écossaise.
Je lui rendis son livre qu'il rangea immédiatement. Lorsque ce fut fait, il se tourna vers moi, et me prit délicatement les mains.
- J'ai du mal à croire que tout ceci puisse être réel, souffla t-il. Toi, devant moi, plus belle que jamais. Je dois sans doute rêver. J'ai imaginé nos retrouvailles des milliers de fois pendant des années, mais jamais je n'aurais imaginé te revoir de cette façon. Tu as tellement changé... physiquement, je veux dire. Tu es une femme, maintenant. Séduisante, qui plus est. Tous les hommes de la cour vont essayer de t'avoir. Je suis sûr qu'ils sont déjà en train de se demander comment te séduire. Je vais devoir jouer aux grands frères protecteur.
- Tu n'es pas mon grand frère, Sébastien, fis-je en levant les yeux aux ciels.
Avec tout ce qu'on avait fait ensemble, non, nous ne pouvions être frère et sœur.
- Alors... ton père ? Rit-il en se moquant de moi. Non, je plaisante, reprend t-il d'un air plus sérieux. Je vais devoir jouer le mari jaloux car sa femme est convoité par toute la cour.
Nos mains toujours liés, il m'attira à lui, et referma ses bras autour de moi. Prisonnière, j'ai levé les yeux pour le regarder.
- M'avez-vous trompé, ma dame ? Me demanda t-il avec un faux air sérieux.
- Que racontez-vous là, monsieur ? Jamais je ne pourrais faire ça, ni même l'envisager. Je vous suis fidèle, mon amour. Fidèle jusqu'à la mort.
- Quelle comédienne !
Un sourire étira mes lèvres.
- Qui te dis que je joue la comédie, mon cher mari ?
Mon expression n'était ni moqueuse, ni sérieuse, alors il ne put savoir si j'étais sérieuse ou non. Mais, après quelques secondes de réflexion, il sembla conclure que je plaisantais. Alors, il me chatouilla. Aussitôt, j'ai essayé de lui échapper, en riant sans pouvoir m'arrêter, mais il me poussa sur le lit. Il se plaça au-dessus de moi, et me chatouilla jusqu'à ce que je le supplie d'arrêter. Il consentit à ma demande, mais resta au-dessus de moi. Nous nous dévisageâmes intensément, nos visages à quelques centimètres l'un de l'autre. J'attendais qu'il m'embrasse. Je pensais qu'il allait le faire. Mais, il se releva tout simplement, puis m'aida à faire de même. Déçue, j'ai baissé les yeux aux sol. Qu'est-ce qui m'arrivais, bon sang ? Ma relation avec Sébastien est purement amicale, sauf près de nos proches, lorsque l'on s'amuse, mais là... Je ne savais plus du tout où on en étais. Cette danse, plus tôt, et maintenant, ça. Que se passe t-il, au juste ?
- Il faut que je vois, Marie. Elle m'avait dit de la rejoindre, mentis-je. Bon sang, j'avais oublié !
Il sembla croire à mon mensonge. En même temps, je savais être convaincante, il fallait l'avouer.
- Veux-tu que je te raccompagne ? Me demanda t-il.
- Non, ne t'inquiète pas. Ce n'est pas loin, et je connais le château par cœur.
Il hocha la tête distraitement. Je ne savais pas quoi faire. Devais-je partir sans rien faire ? L'embrasser sur la joue ? Sur la bouche ? J'en savais rien. Il dû le sentir car il prit les choses en main, et embrassa ma joue. Inconsciemment, mes lèvres s'étirèrent en un sourire.
- Bonne nuit, Sébastien.
- Bonne nuit, ma belle.
J'ai quitté sa chambre à regret. J'aurais dormir avec lui comme autrefois. Mais, ce n'était plus pareil. Nous étions plus âgés. Que dirait les gens ? Mais... Une minute ! Qu'est-ce que j'en ai à faire de ce que dise les gens ? Pfff, je déraille. Ça doit être la fatigue.
C'est en réfléchissant que j'ai atteint le couloir où se trouvait la chambre de Marie, et la mienne. Je pensais à Sébastien, à François à Marie. J'avais peur de ce qui allait se passer dans le futur.
C'est alors que j'entendis un cri provenant de la chambre de Marie. Aussitôt, j'ai couru jusqu'à sa chambre, prête à en découdre. J'ai ouvert la porte à la volée. J'ai pris quelques secondes pour assimiler la situation. Collin tentait de violer ma sœur. Mon sang ne fit qu'un tour. Je me suis jetée sur lui pour l'écarter d'elle. Nous atterrîmes lourdement au sol, mais ça ne m'empêcha pas de le frapper encore et encore. Jusqu'à ce que des gardes me tirent en arrière. Je me suis laissée faire, satisfaite. Collin avait le visage en sang, et était inconscient.
Je m'attendais à ce que les gardes l'emmènent et le jettent dans aux cachots, mais tout ne se passa pas comme prévu. Il y eut un petit cafouillage. Les gardes crurent que c'était moi qui avait voulu m'en prendre à Marie, alors ils m'embarquèrent.
- Mais, que faites-vous ? M'écriai-je en me débattant comme une furie. C'est pas moi qu'il faut emmener, abrutis, c'est lui ! Il allait violer Marie !
Ils restèrent sourd, et me traînèrent dans le couloirs.
- Marie ! Hurlai-je. Marie !
Une porte s'ouvrit alors que je passais devant. François en sortit, tout ensommeillé. Il me regarda être emmené sans comprendre ce qu'il se passait. Il fronça les sourcils en me voyant me débattre pour échapper aux gardes. J'en ai mordu un qui cria de douleur avant de raffermir sa prise sur mon bras. Il allait me laisser un bleu.
- Marie, criai-je à François en espérant qu'il comprendrait.
Je voulais qu'il aille la voir pour qu'il découvre ce qui c'était réellement passé, et qu'il me fasse libérer. Malheureusement, il n'en fit rien, et resta planter là, sans comprendre. J'aurais voulu lui crier « abruti », mais je ne voulais pas aggraver mon cas. Insulter le dauphin, c'est pas la bonne solution.
Le chemin jusqu'aux cachots fut mouvementé puisque j'ai presque réussi à leur échapper deux fois. J'ai sûrement dû réveiller la moitié du château avec mes cris, mais je m'en fichais royalement. Que tout le monde m'entende !
Les cachots étaient vraiment froid, et lugubre. Je n'aurais jamais imaginé m'y retrouver un jour. Encore moins alors que j'étais innocente ! On me jeta à l'intérieur comme si j'étais juste un vulgaire sac à patates. J'aurais vraiment voulu à ce moment-là pouvoir donner un bon coup de poings à ces brutes, mais j'en fus incapable puisqu'ils refermèrent la porte. Allongé sur le ventre, au sol, je me suis relevée doucement en grondant. Il n'y a qu'à moi que ce genre de choses arrivent ! C'est dingue ça !
Je te le fais pas dire ! S'exprima ma maudite conscience.
C'est vraiment pas le moment de venir me pourrir la vie !
Tu ne vas pas rester longtemps ici, alors calmes-toi.
Que je me calme ? Je suis emprisonné alors que je n'ai rien fait de mal ! Je protégeais juste ma sœur d'un abruti qui tentait de la violer pour je ne sais quelle raison. Et tu veux que je me calme ? Va en enfer !
J'étais consciente du fait que j'étais en train de m'énerver, mais je ne pouvais pas m'en empêcher. J'avais hâte de sortir pour me défouler, parce que j'en avais vraiment besoin. La colère était une émotion qui pouvait devenir vite incontrôlable chez moi, et dans ces moments-là, j'avais besoin de me battre ou de pratiquer un sport quel qu'il soit. Sinon, mes émotions et mes sentiments devenaient incontrôlable, et j'étais capable du pire.
- Qui êtes-vous ? Entendis-je dire une voix féminine non loin de moi
Surprise, ma colère retomba subitement. J'ai regardé tout autour de moi pour voir qui s'était adressé à moi, et c'est alors que je vis une forme recroquevillé dans un coin de la pièce dans le noir.
- C'est plutôt à moi de vous poser cette question, lui lançai-je. Néanmoins, j'ai pas envie de tourner en rond pendant un quart d'heure, alors je consent à répondre à votre question : je m'appelle Anne. Et vous êtes ?
- Je m'appelle Clara. Pourquoi vous a-t-on enfermé ici ?
Je ne pouvais décemment pas dire la vérité. Non, c'était inconcevable.
- Je l'ignore, répondis-je. Et vous ?
- Je suis accusée de vol. En effet, j'ai pénétré dans la chambre d'une noble pour lui voler ses bijoux.
Déconcertée par son honnêteté, j'ai froncé les sourcils. Je me suis assise à même le sol, juste à coté d'elle, afin de pouvoir mieux la voir.
- Pourquoi avoir fait ça, Clara ?
- Je suis kleptomane. Je ne peux pas m'en empêcher. Dès que je vois quelque chose qui m'intéresse, je me dois de l'avoir. C'est plus fort que moi.
Kleptomane ? Effectivement, ça devait être dur de résister à l'envie de prendre quelque chose que l'on désire, même s'il appartient déjà à quelqu'un.
- Je vois, soufflai-je.
- Ne me jugez pas, je vous en prie.
Elle s'était avancé de quelques centimètres pour me toucher le bras ce qui me laissa voir entièrement son visage. Elle avait la peau très blanche qui contrastait énormément avec ses cheveux d'un noir de jais. Ses yeux étaient apparemment blond, mais je ne pouvais en être sûre à cause de la faible luminosité. Son visage était fin, et ses traits réguliers, mais sa beauté était plutôt banale. Elle ne semblait pas très jeune, mais pas vieille non plus. Elle devait sûrement avoir la trentaine. Le peu que je pouvais voir de ses vêtements m'indiquait qu'elle n'était pas noble. Sûrement une domestique.
- Je ne vous jugerez pas, Clara. Ce n'est pas mon genre.
- Vous êtes une dame, n'est-ce pas ?
Je devais en avoir l'apparence à cause de la robe que je portais. Robe que je n'avais pas eu le temps d'enlever, malheureusement. Bon sang, j'aurais préféré me retrouver là en chemise de nuit plutôt qu'avec une robe.
- Non, je ne suis pas une dame, lui affirmai-je. Je suis une bâtarde. Avec un certain statut, il faut l'admettre.
- Une bâtarde ? Je n'en connaît pas beaucoup, excepté Sébastien, le bâtard du roi.
Qui ne connaissait pas Sébastien à la cour de France !
- Je le connais très bien, lui fis-je avec un petit sourire. Nous sommes très proches l'un de l'autre. En réalité, je suis la bâtarde du feu roi d'Écosse.
- Anne... Vous êtes Anne Stuart ! Comprit-elle tout à coup. Vous êtes la demi-sœur de la reine d'Écosse. Je me souviens de vous lorsque vous aviez quatorze ans. Vous étiez une jeune fille très énergique. Vous ne quittiez jamais Sébastien. Une fois, je vous ai surpris en train de vous embrasser dans un couloir.
- Je.. Je ne me souviens pas de vous. Quel poste occupiez-vous ?
- Ah, j'étais juste une simple domestique qui travaillait en cuisine. Parfois, on me demandait d'aller servir dans les chambres, ce qui explique le fait que je vous ai vus.
Je me souviens très bien du moment où elle nous avait surpris...
- Anne, cours plus vite, sinon tu ne me rattraperas jamais ! S'était écrié Sébastien, loin devant moi.
Nous courions à travers les couloirs, cherchant désespérément François et Marie qui avaient disparus depuis deux heures. Nous n'étions pas vraiment inquiet car ces deux-là pouvaient disparaître pendant des heures, mais on avait demandé à ce qu'on les cherche.
- Si tu veux que je ralentisse, il va falloir m'offrir quelque chose en échange ! Me lança t-il.
- Que veux-tu ? M'écriai-je, essoufflée. Je suis à toi.
Je n'entendis aucune réponse. Juste des pas près de moi. Je me suis arrêté net pour mieux entendre, et pour savoir d'où ça venait. Les pas se rapprochaient. Je pouvais clairement les entendre derrière moi. J'ai alors fait volte-face afin de voir de qui il s'agissait. Lui.
- Oui, tu es à moi, sourit-il avant de m'élever dans les airs, et de me faire tournoyer.
Un petit hoquet de surprise m'échappa lorsqu'il me fit doucement redescendre avant de m'embrasser. Au début, j'ai pas répondu à son baiser, trop surprise, mais au bout de quelques secondes, je l'ai fait, passant mes mains derrière sa nuque pour le rapprocher encore plus de moi. Il prit cela comme une invitation. Il me plaqua contre le mur le plus proche, tout en rendant le baiser plus féroce, plus passionné. Ce fut un fort raclement de gorge qui nous ramena à la réalité. Nous nous séparâmes à contre cœur pour faire face à la personne qui avait osé nous interrompre.
- Je pense qu'il y a d'autres endroits pour faire ce genre de choses, jeunes gens, s'exclama t-elle.
Nous hochâmes la tête, nullement impressionnée. Dès qu'elle eut disparu, nous recommençâmes, comme si de rien était.
C'était une semaine avant mon départ au couvent.
- Je m'en souviens, lui fis-je. C'était peu avant mon départ.
- Oui. D'ailleurs, le jeune homme supporta assez mal votre départ. Je fus obligée d'aller lui amener ses repas dans sa chambre, sinon il ne mangeait pas. Durant les premiers jours, il refusa carrément d'avaler quoi que ce soit. Je fus obligé de faire du chantage.
- Quel genre de chantage ?
- Celui de ne plus faire vider son pot de chambre s'il ne mangeait pas.
Ah, quand même ! Il ne me l'avait pas dit ça. En même temps, je pouvais comprendre pourquoi il ne l'avait pas fait. Un petit rire m'échappa en pensant à la réaction qu'il a dû avoir.
- Qu'a t-il dit ? Lui demandai-je avec une certaine curiosité.
- Que je ne pouvais pas comprendre ce qu'il vivait, et que, si je faisais ça, il me le ferait regretter. J'ai réussi à le convaincre en lui subtilisant les seuls objets qui lui permettait de se raccrocher à vous. Une belle robe bleu en soie, un collier d'émeraude, et une mèche de cheveux.
Je ne me rappelais pas lui avoir donné une robe et un collier, mais la mèche de cheveux, oui. Au moment de se quitter. On a échangé un baiser, et je lui ai donné une mèche pour qu'il se souvienne de moi. Lui m'avait donné une bague qui lui venait de sa mère, et que je portait tous les jours. D'ailleurs, il ne l'avait pas remarqué à mon doigt.
- Je ne savais pas qu'il avait autant de choses à moi, affirmai-je. Je lui avais juste donné une mèche de cheveux. Peut-être les avais-je oublié ici en partant ? Je ne m'en souviens pas.
J'ai fouillé dans ma mémoire pour voir s'il y avait une chance que je lui ai donné une robe et un collier, mais rien. Non, je ne lui avais pas donné ça. J'aillais devoir l'interroger.
- Clara, depuis combien de temps êtes-vous ici ? Lui demandai-je subitement.
- Une semaine. J'attends mon châtiment.
- Je peux essayer de vous faire libérer. Je connais le roi Henri, et ma sœur est la reine d'Écosse. Je peux faire quelque chose.
Je le voulais vraiment. Les châtiments pour vol étaient durs. Ça allait du coupage de main à la mort.
- Non, ne faites pas ça, Anne. Je mérite mon châtiment. Je ne veux pas avoir un traitement de faveur. Ce serait injuste pour les autres. Je vous en prie, ne faites rien.
- Très bien. Comme vous voulez. Je ne peux décemment pas le faire si vous n'y consentez pas.
Je l'ai regardé sans vraiment la comprendre. Pourquoi refusait-elle que je l'aide ? Je ne comprenais pas. A sa place, j'aurais sauté sur l'occasion. J'aurais fait n'importe quoi pour être libérer. Pourquoi pas elle ? Peut-être se sentait-elle coupable de ce qu'elle avait fait ? Je ne pouvais le dire.
Un bruit à l'extérieur de la cellule me sortit de mes réflexions. On venait de claquer une porte. Surprise, Clara et moi avons sursauté. On ne peut pas dire que les gardes étaient soigneux avec les portes, mais bon.. Une voix familière me fit soudain comprendre.
- Anne !
- François ? François ! M'écriai-je en me levant d'un bond pour aller à la porte.
Enfin du renfort ! Moi qui n'avait pas envie de finir la nuit dans ce trou à rat, me voilà satisfaite.
- Je vais te faire sortir d'ici, entendis-je dire François.
- Dieu, merci, te voilà enfin ! Tu ne peux pas savoir à quel point je suis heureuse de t'entendre dire ça. Merci de me faire sortir. Je te revaudrai ça.
- Non, ce n'est pas nécessaire. Je t'en devais une depuis longtemps.
Ah oui ?
Il mentionne la fois où tu lui a sauvé la vie, me rappela ma conscience. Tu sais, quand il a faillit tomber de la fenêtre de sa chambre, et que tu l'as rattrapé in extremis. Si tu n'avais pas été aussi rapide pour le rattraper ce jour-là, il serait mort.
- Tu es seul ?
En demandant ça, j'attendais une réponse particulière. J'espérais que Sébastien soit avec lui.
- Pourquoi tu me demandes ça, Anne ? .. Ah ! J'ai compris. Bash.
- Bash ? Qui est-ce ?
Un rire me parvint de derrière la porte. J'ai jeté un coup d'œil à Clara pour voir si elle avait compris, mais son expression m'indiqua que non.
- Pourquoi ris-tu, François ? Qu'est-ce qu'il y a de drôle ? Qui est Bash ?
Il rit de nouveau. J'ai soupiré d'agacement, avant de taper après la porte.
- Dis-moi, l'intimai-je d'un ton plus sec.
- C'est moi, me répondit une voix différente qui m'était familière, et que je reconnu immédiatement.
Sébastien. Quel était cette drôle de façon de le surnommer ? Je détestais ça. Son prénom lui allait bien mieux.
- Je préfère le surnom que je te donne, mon Sébastien, souris-je, rêveuse, en imaginant le sourire qu'il m'adresserai. Il te correspond parfaitement.
- Je dois admettre que j'ai une préférence pour celui-ci.
- Pourquoi souriez-vous de cette manière ? Fis-je à l'intention de Clara. Ce n'est pas ce que vous croyez.
Son sourire s'élargit. Agacé, j'ai levé les yeux aux ciel.
- Comment peux-tu savoir qu'on sourit ? Pouffa François. Une porte nous sépare, je te rappelle.
- Ce n'est pas à vous que je parle, c'est à ma compagne de cellule, leur expliquai-je. Hum... Quand comptez-vous me faire sortir ?
- Quand les gardes daigneront revenir, me répondit Sébastien. Ils sont partis je ne sais où avec la clé en leur possession. Tiens... Quand on parle du loup, on en voit la queue.
Des nombreux bruits de pas me parvinrent, prouvant que plusieurs gardes arrivaient.
- Messieurs, veuillez ouvrir cette porte, leur ordonna François.
Un cliquetis m'indiqua que les gardes obéissaient. Un soupir de soulagement m'échappa. Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit, me laissant enfin voir François et Sébastien. Je me suis jeté dans les bras de ce dernier, ne me préoccupant pas du fait s'il allait me rattraper ou non. Finalement, il me rattrapa, et me serra très fort contre lui. C'est limite s'il ne m'étouffa pas.
- Pourquoi l'avoir arrêter ? Demanda François.
- Elle s'est battue avec un homme dans la chambre de la reine d'Écosse, répondit l'un des gardes.
Mon sang ne fit qu'un tour. Je me suis détachée de Sébastien pour faire face à l'imprudent.
- Ce n'est pas moi qu'il fallait embarquer, abruti ! C'est Collin. Je protégeais juste ma sœur de lui. Il tentait de la violer ! Croyez-vous que je me battais dans la chambre de ma sœur parce que j'en avais envie ? Non, je la protégeais, parce que, visiblement, vous en êtes incapable ! Si je ne passais pas par là, ma sœur aurait probablement perdu ce qu'elle a de plus précieux, et elle n'aurait pu se marier avec François. J'ai fait ce que vous auriez dû faire, et l'on me met aux cachots juste pour ça. Êtes-vous débile ou juste incompétent ? Je pencherai plutôt sur les deux solutions au vue des événements.
- Calmez-vous, ma dame.
- Que je me calme ? Vous vous moquez de moi ! La prochaine fois, je vous éclate la tête. Me suis-je bien faite comprendre ?
Le garde resta silencieux, ce qui m'énerva au plus haut point. J'avais envie de le frapper de toute mes forces. J'allais le faire d'ailleurs, sans que je ne m'en rende véritablement compte, aveuglé par la colère. Ce fut Sébastien qui me retint par la taille. Il me colla à son torse, et me fit sortir des cachots. Une fois dans le couloir, il me plaqua contre le mur. Je ne pus retenir un hoquet de surprise.
- Calmes-toi, Anne, murmura t-il doucement.
- Que je me calme ? Pourquoi le ferais-je face à un tel comportement ? Ils m'ont enfermés dans ce trou à rat alors que je suis innocente. Ils m'ont enfermés, moi, alors que je protégeais juste Marie. Ce soir, j'ai dû faire leur travail. Si je ne l'avais pas fait, ils ne seraient jamais intervenu à temps. Bon sang, j'ai envie de les tuer ! Sébastien, il faut que je sorte dehors. Je sais qu'il est tard, et qu'il fait nuit, mais j'ai vraiment besoin de me défouler sur quelqu'un ou quelque chose, alors... Est-ce que tu accepterais de te battre avec moi ?
- J'ai une meilleure idée. Viens avec moi.
Il passa sa main dans mon dos, et me fit avancer. Je tremblais. De colère, sans doute. Néanmoins, en sentant sa main dans mon dos, je me suis calmée un peu, comme si son toucher m'apaisait. Je l'ai suivie sans discuter. Il me mena jusqu'à sa chambre, ce qui m'étonna un peu. Je m'attendais à ce qu'il me ramène dans ma propre chambre, ou bien qu'il me fasse sortir dehors.
- Viens, répéta t-il en me faisant signe d'entrer. Tu as besoin de te calmer. Tu trembles.
- Comment comptes-tu t'y prendre ? Parce que je ne suis pas du genre à me calmer facilement. J'ai envie de tuer ces maudits gardes !Tu te rends compte de ce qui aurait pu arriver à Marie si je n'étais pas intervenue ? Elle aurait été déshonorée, humiliée, et détruite ! Comment veux-tu que je me calme après ça ?
Il me tira dans sa chambre, voyant que je n'entrais pas. J'atterris contre son torse. Il me serra contre lui d'un bras, alors qu'il fermait la porte avec l'autre. Ensuite, il nous fit asseoir sur son lit.
- Que fais-tu pour te calmer, d'habitude ? Me demanda t-il.
- Je me défoule en faisant du sport. Ou alors, je pense à toi et à François. Ça me rendait tellement triste de ne pas être avec vous que je pleurais, oubliant ainsi la colère.
- Maintenant, tu es avec nous, avec moi. Tu n'es pas heureuse ?
- Si, je suis heureuse d'être avec toi, mon Bash.
Un petit sourire lui échappa. Prise d'une envie subite, je me suis mise dans ses bras. Ma tête au creux de son cou, j'ai respiré son parfum. Ce parfum que j'avais cru sentir parfois, certaine nuit d'hiver, au couvent.
- Rien que ta présence me calme, lui appris-je. Le sentiment que je ressens en ce moment même prend le dessus sur ma colère. Je suis tellement heureuse que j'ai du mal à croire que cela puisse être vrai. J'ai du mal à croire que tu puisses être devant moi, que je puisse être contre toi. Tu es tellement beau. Encore plus que dans mes souvenirs.
Je le sentis me serrer plus fort contre lui. Ses mains se faufilèrent dans les cheveux, les caressant, les tirant, passant les doigts dedans. C'était quelque chose qu'il faisait tout le temps quand nous étions plus jeunes.
- Concentres-toi sur le moment présent, pas sur ta colère, ma belle, me conseilla t-il.
J'ai appliqué son conseil, me concentrant sur son contact, sur ce que je ressentais. Au bout de quelques minutes, ma colère s'évanouit. Un soupir de bien-être m'échappa lorsque j'ai fermé les yeux et que j'ai posé ma joue sur son épaule. J'entendais son cœur battre, et sa respiration. Je sentais sa main descendre le long de mon dos pour s'arrêter un peu au dessus de ma taille. Je ne pus retenir un frisson.
- Tu as froid ? S'inquièta t-il.
- Non. Non, je n'ai pas froid.
Il dû comprendre alors que ce frisson était dû à son contact, et non au froid. Pourtant, il ne dit rien. Il posa juste sa joue sur le somment de ma tête.
- Tu te sens mieux ? S'enquit-il.
- Oui. Sébastien... Je ne veux plus qu'on soit séparés. Plus jamais.
- Ma belle. La prochaine fois que quelqu'un tente de nous séparer, je le lui ferais payer cher. Ensuite, je t'enlèverai, et t'emmènerais au bout du monde.
Je me suis délogée de ses bras, et l'ai regardé attentivement. J'avais envie de me coller à lui jusqu'à ne faire plus qu'un. Je voulais vraiment que l'on ne soit qu'une même et seule personne. Mais, je devais d'abord être sûre de son attachement. Je me suis alors précipitée vers la fenêtre. Je l'ai ouverte sous son regard abasourdi. J'ai grimpé sur le rebord de la fenêtre, alors qu'il accourait pour m'empêcher de faire une bêtise. Il allait dire quelque chose, mais je l'ai coupé en posant un doigt sur ses lèvres.
- Et si c'est moi qui nous sépare ? Souris-je, taquine. Que me feras-tu donc ?
- Je te convaincrai de ne pas faire ça, répondit-il en repoussant mon doigt. Je ne te laisserais pas partir comme ça. Je te rattraperai.
- Rattrapes-moi...
Je fis mine de basculer dans le vide. Comme je m'y attendais, il me rattrapa, et me fit descendre du rebord de la fenêtre. Son souffle était rapide, ce qui prouvait bien qu'il a eu peur.
- A quoi joues-tu, Anne ? S'écria t-il en fermant la fenêtre.
- Je ne joue pas. Je m'assurais juste que tu ne me laisserais pas tomber, dans un sens comme dans l'autre. Tu ne l'as pas fait.
- Je ne te laisserais jamais tomber. Jamais.
Je l'ai longuement dévisagé pour décrypter son expression, mais, même si je le connaissais mieux que quiconque, je n'arrivais jamais à savoir vraiment à quoi il pensait, ou ce qu'il ressentait.
- Sébastien... Que nous arrive-t-il?
Il fronça les sourcils, ne comprenant pas là où je voulais en venir.
- Que nous arrive t-il ? Répétai-je. Ce n'est pas comme avant. Je ne ressens plus la même chose. Je ne comprends pas... C'est comme si les choses avaient changés entre nous,
- Alors, toi aussi, tu ressens ça ! Je ne comprenais pas non plus, et je me demandais si tu ressentais la même chose. Quand je touche ton visage, tes cheveux, tes lèvres, tes mains, je ne ressens plus la même chose. C'est comme si... Je sais pas... C'est comme si ma peau me brûlait à ton contact, comme si il y avait une sorte d'électricité. Je n'ai jamais ressenti ça auparavant. Et pourtant, je n'ai jamais rien connu de si agréable. Rien que le fait de te voir réveille tout mes sens. Je ne comprends rien à tout ça... Je ne ressentais rien de tel lorsque l'on était plus jeunes. Je n'ai jamais ressenti ce genre de chose. Que m'as-tu fait, Anne ?
- Je n'en sais rien, et je pourrais te poser la même question.
Il posa une main dans mon dos, hésitant, et me rapprocha de lui doucement. Sa chaleur m'enveloppa aussitôt. J'ai levé la tête pour le regarder dans les yeux, et me suis noyé dans cet océan bleu. Avide de contact, j'ai posé ma main sur sa joue. Mon cœur battait plus fort, comme si je faisais un effort. J'ai posé mon autre main dans son cou pour vérifier son rythme cardiaque. Son cœur battait autant, voire plus, que le mien. J'ai froncé les sourcils, ne comprenant pas pourquoi nos cœurs s'affolaient pour si peu.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda t-il en voyant mon expression.
J'ai attrapé sa main pour la poser sur ma poitrine, à l'endroit exact où mon cœur se trouvait.
- Tu sens mon cœur ? Soufflai-je en pressant un peu plus sa main contre ma poitrine. Le tien bat tout aussi vite. A quoi est-ce dû ? Je ne comprends pas. C'est... étrange.
- Anne, je.. j'ai lu dans un livre – je ne sais plus lequel – que quand un cœur bat aussi vite, c'est parce qu'on ressent de l'amour pour l'autre personne.
- De l'amour, dis-tu ? Tu y crois ? Tu m'aimes ?
Inconsciemment, un sourire étira mes lèvres. Cette idée semblait me réjouir, sans que je sache pourquoi. Qu'est-ce qu'il m'arrivait ? Je n'avais jamais ressenti un telle confusion dans ma tête. Une confusion de sentiments.
- Bien sûr que je t'aime, Anne ! Tu es la personne la plus importante dans ma vie !
Il n'avait pas compris là où je voulais en venir. C'était logique puisque nous n'avions jamais parler des sentiments amoureux que l'on serait susceptible de ressentir l'un pour l'autre. Cela nous semblait presque inconcevable. Nous n'avions jamais ressenti d'amour pour qui que ce soit, alors il nous était presque impossible de savoir ce que c'est exactement d'aimer. Pour ma part, je savais à peu près ce que c'était grâce à mes lectures, notamment grâce à Aristote, Socrate, et Platon, dans Le Banquet. Et encore, on explique par clairement les ressenties ! Non, ça peut paraître étrange, mais jamais je n'ai ressenti d'amour pour qui que ce soit, à part ma famille, mais ce n'est pas le même genre d'amour.
- Non, Sébastien, pas de cette manière. Je ne te parle pas d'amour fraternel, ni d'amour amical. Je te parle d'amour physique, du réel sentiment amoureux. L'amour, c'est un sentiment très intense englobant la tendresse et l'attirance physique entre deux personnes.
- Je vois. Peut-être … Je ne sais pas exactement. Tu sais, tout est toujours compliqué entre nous. On a jamais eu une relation semblable aux autres. Tu n'as jamais eu la même relation avec François, ou qui que ce soit d'autres. Notre relation est unique, exceptionnelle, mais incompréhensible pour les autres, et même pour nous.
- Pour être franche, je ne saurais dire qui tu es exactement pour moi : mon meilleur-ami, mon confident, mon amant, l'amour de ma vie ? Je peux te désigner de multiples façons, sans savoir réellement qui tu es pour moi.
Il parut surpris par mes propos.
- Tu sais, Anne, on est tellement similaire,parfois, que j'ai l'impression que l'on est qu'une seule et même personne. Il arrive qu'on pense la même chose au même moment, que l'on se comprenne sans même se regarder... On est tellement similaire.
- « Chacun de nous est la moitié complémentaire d'un homme […] un être unique dont on a fait deux êtres ». Voilà ce qu'a écrit Platon. Ensemble, nous nous complétons.
Tu te rends enfin compte de ce qu'il se passe entre vous depuis bien longtemps, même à distance ? Me fit ma conscience.
Je ne comprends rien. Voilà ce que je vois !
Ma chère, tu as tout les éléments pour répondre à tes propres questions. Il te suffit juste de les rassembler pour comprendre. Lui, et toi, vous n'avez jamais été amis. Vous êtes beaucoup plus, et tu le sais bien. Quel genre d'amis s'embrasse ? S'amuse à faire croire à tout le monde qu'ils sont ensembles ? Couche ensemble ?
Je t'en pris, tais-toi..
- J'ai besoin d'air, soupirai-je...
Et j'ai quitté la chambre aussi vite que je le pouvais. Il tenta de me rattraper, mais, rapide, je lui ai échappé avant de disparaître dans la nuit sombre...
Alors, que pensez-vous de ce premier chapitre ? De mon nouveau personnage, Anne ? De sa relation particulière, voire bizarre avec Sébastien ? Dites-moi tout !
