Ses yeux bleutés observaient avec passivité le corps endormi de Tommen. Elle contemplait sa petite poitrine se soulever régulièrement, doucement, à mesure que le nouveau roi respirait. Sa main caressait machinalement les cheveux d'or de son fils, tandis que son visage n'exprimait qu'amertume.
Joffrey.
Le prénom de son aîné lui revenait en tête, incessamment, peu importe ce qu'elle faisait pour l'éloigner de son esprit. Comme si, même mort, il était toujours présent quelque part à Castral Rock, malgré l'alcool, malgré les affaires chamboulées du Royaume, malgré les paroles politiques quotidiennes, malgré l'arrestation de son meurtrier…
Tyrion.
Un autre nom qui la hantait quotidiennement, cependant, il ne lui évoquait ni amertume ni tristesse. Seulement de la colère. Celui qui avait autrefois assassiné sa mère, avait désormais enlevé ce qui lui était le plus cher. Sa chair. Si Jaime n'avait pas aussi souvent joué l'intermédiaire entre sa rancune et son affreux nain de frère, ce dernier serait déjà enterré depuis longtemps. Nul besoin d'un procès. Nulle besoin de condamnation. Nul besoin des services de Ser Payne.
Mais pourtant… Tyrion avait vécu, comme un Lannister, auprès de Jaime et elle. Injustement, certes. Cersei ne pouvait comprendre les motivations de son père, qui aurait dû le tuer le jour-même de sa naissance. Ce qu'elle interprétait comme une lâcheté certaine de la part de son géniteur se retournait désormais contre elle. Joff était mort.
Elle repensait au regard que lui renvoyaient ses yeux bleus, lorsqu'ils l'observèrent pour la dernière fois. Ce n'était plus les yeux du jeune homme robuste et intraitable qu'il était. Mais des yeux d'enfant, qui appelait à l'aide sa mère. Sa vanité mêlée à sa fierté Lannister s'était tue. Sa prestance avait disparu lorsqu'il sortit de ses entrailles son repas de mariage. Ses traits d'habitude si délicats étaient défigurés par la douleur et la panique, alors que ses doigts se tordaient dans le funeste effort de désigner son coupable. Tyrion.
Elle revoyait cette abomination ramasser la coupe qui avait été fatale à Joff. Il le revoyait la regarder, avec satisfaction. Satisfaction de ne voir en elle que peine et désespoir, tandis que Jaime tentait, en vain, de ranimer son fils leur fils…
Son petit garçon était mort. Son Roi.
Sa main se stoppa dans les caresses qu'elle faisait à Tommen, tandis qu'elle ressentit une brûlure au niveau de sa cornée.
Puis, un liquide salé dégoulina le long de son visage, traçant le dessin de ses joues, finissant par se rejoindre à son menton.
Une Reine ne pleurait pas. Non.
Mais là, Cersei n'avait plus rien d'une Reine.
C'était une Mère. Et elle pleurait la perte de son enfant.
