Bien, on continue dans le genderbending. Cette fois c'est le personnage principal qui y passe. Son caractère est donc différent, même si j'ai tenté de garder le côté rebelle de Yuuichiro. Peut-être plus que lui tiens ...
Bonne lecture !
Sanguinem.
Elle courait, aussi vite que lui permettaient ses jambes dans ce tunnel. Elle courait avec la peur au ventre, avec l'impression que le vampire la poursuivait. Pourtant, l'enfant venait de lui tirer dans la tête. Mais était-ce suffisant pour tuer un vampire ? Elle n'en savait rien. Tout en courant, elle sentit les larmes embuer ses yeux, l'empêcher de voir. Tout devenait flou. Comment … pourquoi … sa famille … sa nouvelle famille … tuée, morte sous ses yeux. Alors qu'elle en avait enfin une, cet espèce … de monstre, d'ordure venait de l'en priver. Et elle n'avait rien pu faire. Absolument rien. Si ce n'est regarder, assister totalement impuissante au meurtre de chacun des siens. Tous, tous tués les uns après les autres en un très court laps de temps. Aussi facilement qu'on abattait une chaussure sur un insecte.
Soudain, elle avisa la sortie. Le soulagement envahit brièvement son cœur. Elle avait réussi à fuir, et visiblement le monstre n'était pas sur ses talons. La petite s'y précipita, et glissa sur la neige. Elle tomba et roula sur quelques mètres avant d'atterrir sur les fesses.
« Ah ! La voilà, exactement comme la prophétie l'annonçait. » entendit-elle.
L'enfant sursauta. Relevant ensuite lentement la tête, écartant des mèches noires de son visage elle découvrit trois adultes. Des humains ! De vrais humains. Les vampires avaient menti. Il y avait eu des survivants. Sur quoi d'autres avaient-ils trompé les enfants ? Aucune idée. Elle avait autre chose à penser pour le moment.
« Petite, tu vas nous aider à … » fit un homme vêtu d'un uniforme qui s'avançait vers elle.
Sans lui laisser le temps de terminer, une crise de larmes affluant, l'enfant se leva d'un bond puis se jeta contre l'homme, le renversant au passage.
« Wouf ! »
« UWAAAAAAH ! »
Stupéfait, Guren Ichinose se redressa appuyé sur ses coudes, regardant sans savoir comment réagir cette petite fille pleurer toutes les larmes de son corps sur son torse, le tout accompagné de cris de désespoir.
« Hé mais ne pleure pas comme ça enfin ! » dit-il désemparé.
Les deux femmes qui l'accompagnaient s'approchaient. L'une d'elles à la chevelure marron s'accroupit.
« Pauvre petite ! Il a dû se passer quelque chose de grave. » dit-elle.
« Ça on s'en doute. Hé ! Hé gamine ! » appela Guren.
Toujours pas de réponse.
« Attendez qu'elle se calme. » conseilla l'autre personne, Shigure Yukimi.
Guren soupira doucement. Franchement, il n'avait pas imaginé cela. Il demanda à Sayuri de défaire, enfin si elle pouvait, son manteau et de le poser sur l'enfant. Sayuri s'approcha de son supérieur, puis entreprit de dénouer les boutons. Elle tira ensuite doucement pour écarter les pans du manteau, les descendit sur les bras dont elle ôta les manches une par une. Finalement, Sayuri étendit le manteau sur l'enfant. Deux minutes plus tard, cette dernière cessa enfin ces cris. Tant mieux se dit Guren, parce qu'il commençait à fatiguer à rester en appui comme ça. Enfin, l'enfant releva la tête. La première chose que l'homme remarqua, ce furent ses incroyables yeux verts.
« Ça y est ? Tu es calmée, je peux me relever ? » demanda-t-il.
La petite le dévisagea un instant, puis se frotta les yeux d'une main et roula sur le côté. Guren se releva aussitôt. Se tournant ensuite vers l'enfant, il la regarda s'essuyer les yeux à genoux sur la neige. Les larmes coulaient toujours. Le manteau apposé par Sayuri glissait de ses épaules. Poussant un soupir, Guren s'approcha de l'enfant et se mit à sa hauteur.
« Comme je le disais, tu vas nous aider à exterminer les vampires. Yuuko Hyakuya. » dit-il en rajustant le manteau noir.
Elle le fixa un instant. Guren songea que l'enfant lui faisait penser à un chaton perdu.
« Les … tuer ? » articula-t-elle enfin.
« Parfaitement. »
« On peut … les tuer ? » reprit Yuuko.
« Oui. Grâce à des armes spéciales. Vois-tu je suis le lieutenant-colonel Ichinose Guren, de l'Armée Impériale du Japon. Et je te propose aujourd'hui d'intégrer cette armée. » continua l'homme.
Yuuko resserra l'habit autour d'elle, les yeux sur la neige. Ainsi, d'autres êtres humains avaient survécu à l'Apocalypse. Ils avaient même constitué une armée afin de lutter contre ces maudites sangsues. Et ils y parvenaient. Avec des armes spéciales. Yuuko nota à ce moment-là le sabre autour de la taille de Guren. Avec ça, elle pourrait tuer les vampires et venger sa famille. Mika, Akane, Taïchi … mais …
« Qui ? »
« Hm ? »
« Qui vous a dit qui j'étais, et où j'étais ? » demanda Yuuko en fixant Guren dans les yeux.
Ce dernier cilla. Oh, intelligente la petite.
« Nous surveillons les vampires qu'est-ce que tu crois. Nous savons que Sanguinem est la capitale du Japon. Ainsi, nous avons établi après enquête que certains vivant ici ont amené des enfants de l'orphelinat Hyakuya. Il restait des fiches à vos noms là-bas, avec des photos. Voilà comment je sais qui tu es et où tu étais. » expliqua Guren.
Yuuko parut convaincue. L'officier se releva puis lui tendit la main.
« Alors ? Es-tu des nôtres ou pas ? » demanda-t-il.
« Et comment ! » répondit Yuuko, des flammes dans les yeux.
Elle attrapa la main de Guren qui l'aida à se relever. Ce fut debout que Yuuko remarqua ses pieds gelés. Ils commençaient même à virer au bleu.
« Guren-sama ! Je crois qu'il faut la porter. » intervint Sayuri.
« Non. » dit l'enfant.
« ? »
« Pas besoin, je peux marcher. » répondit Yuuko.
Guren afficha un sourire, et commença à avancer. Yuuko suivit bravement sans montrer un quelconque signe de douleur. Soudain, Guren s'arrêta devant elle puis posa un genou à terre. Il l'enjoignit à grimper sur son dos. Yuuko eut un mouvement d'hésitation. L'homme fit alors valoir que sans pieds, elle ne saurait se battre. Aussi la petite passa-t-elle ses bras autour de son cou pendant qu'il attrapait ses jambes. Le quatuor fit ainsi route vers une voiture. Yuuko fut installée à l'arrière, à côté de Sayuri.
Une heure et demi plus tard, ils arrivèrent dans la dernière base humaine du Japon. Les soldats descendirent de voiture et commencèrent à marcher en direction d'une entrée. Yuuko resta derrière, tête levée sur l'impressionnant bâtiment. Elle se sentit écrasée par sa taille, et recula d'un pas. Guren, qui avait remarqué qu'elle ne les suivait plus fit demi-tour et s'approcha.
« Eh bien qu'est-ce que tu attends ? Dépêche-toi de venir te mettre au chaud. » dit-il en lui tendant à nouveau la main.
Yuuko s'en saisit puis le suivit. Partout autour, des gens en uniforme. Plein d'humains. Alors qu'à Sanguinem il n'y avait qu'enfants et vampires. Yuuko se sentit toute petite, intimidée. Elle se rapprocha de Guren dont elle attrapa la manche avec son autre main. Celui-ci se contenta de lui jeter un regard en coin.
« Ah là Guren ! Tu es de retour. » entendit-il.
Un homme aux cheveux très clairs, presque blancs s'avança vers lui.
« Major Shinya. » salua Guren.
Shinya baissa les yeux sur Yuuko, qui se cacha presque derrière l'officier. Il ne put s'empêcher de trouver mignon la façon dont elle s'accrochait à lui.
« Tu nous ramènes un chaton ? » sourit-il.
« Voici Yuuko Hyakuya. Yuuko, je te présente le Major-Général Shinya Hiiragi. » lança Guren.
« Bonjour Yuuko-chan. Enchanté de te connaître. » salua le blond en tendant une main gantée.
Yuuko l'observa un instant avant de lui serrer la main.
« Bonjour. » dit-elle.
« Je te verrais plus tard, il faut que je la mette au chaud … »
Un grondement de ventre l'interrompit.
« Et que je lui donne à manger visiblement. » compléta Guren.
Shinya hocha la tête, puis les laissa passer. Il plissa les yeux. Hyakuya avait-il dit. Il regarda son ami s'éloigner avec cette enfant, pensif.
Guren arriva à son appartement. Il entra puis lâcha la main de Yuuko avant d'aller dans la salle de bain. Il revint avec une serviette qu'il jeta sur elle, occupée à regarder autour.
« Sèche tes cheveux. Je vais tâcher de te trouver d'autres habits, en attendant je n'ai qu'une chemise à t'offrir. » dit-il.
« Merci beaucoup. »
Guren déposa une chemise sur une chaise, puis fila en cuisine. Il demanda ce que Yuuko désirait manger. Elle garda le silence.
« Ce que vous voulez. » finit-elle par répondre.
Guren haussa les épaules. Yuuko enfila ensuite la chemise, s'étonnant de ne plus sentir l'uniforme du bétail humain. La chemise était bien trop grande et devenait presque une robe. Yuuko s'attela à retrousser les manches. Ceci fait, elle rejoignit l'officier dans sa cuisine. Guren lui jeta un coup d'œil.
« Elle me parait bien frêle pour faire un soldat. Enfin, je suppose qu'avec une bonne alimentation cela ira mieux. » songea-t-il.
En tout cas, Shinya avait raison : Yuuko ressemblait à un chaton. Pensée qu'il avait lui-même partagée en la découvrant. Le repas fut prêt. Guren lui servit une assiette de riz avec de la viande en sauce. Yuuko piocha une bouchée. La saveur explosa sur ses papilles. De la bonne nourriture. De la vraie bonne nourriture. Sa gorge se serra, les larmes mouillèrent ses paupières. Sauvée, elle était sauvée … mais pas les autres. Les autres étaient morts. Ils auraient dû être là, à ses côtés, à manger. Tant bien que mal, Yuuko termina son assiette.
« Tu en veux d'autre ? » proposa Guren.
« S'il vous plaît oui. »
L'officier remplit à nouveau son plat. Lorsqu'elle fut rassasiée, il débarrassa la table. Yuuko de son côté, alla se pelotonner sur un canapé et ferma les yeux. Elle avait eu assez d'émotions pour la journée.
« Je te laisse je vais … ah elle s'est endormie. »
Guren partit dans sa chambre, puis revint avec une couverture qu'il déplia sur elle. À présent, il était temps de lui trouver un logement pour ce soir. Demain, il s'occuperait de lui fournir des vêtements, l'inscrire à l'école puis débuter son entraînement. Laissant la petite se reposer, il quitta l'appartement. Retrouvant ensuite ses aides, il les envoya accomplir les formalités administratives pour la scolarité de Yuuko ainsi que de lui dénicher des fournitures. Lui s'occupait du logement.
Le jour suivant, Guren emmena Yuuko prendre ses mensurations puis la conduire dans son appartement. Shigure déposa des courses qu'elle entreprit de ranger, et Sayuri les premiers vêtements qu'ils avaient acquis. Leur tâche accomplie, les jeunes femmes s'éclipsèrent.
« Bien. Je te revois cet après-midi pour commencer ton entraînement. » annonça Guren.
Yuuko se contenta de hocher la tête. Mais elle n'était pas ravie de rester ici toute seule. Néanmoins Guren s'en alla.
Quinze jours passèrent. Guren avait initié Yuuko au maniement du sabre.
« Alors Guren, tu en es où avec ton chaton ? » demanda Shinya ce midi.
« Eh bien elle a son logement à présent. Mais elle est petite et encore un peu maigre pour son âge. Je surveille son alimentation, d'ici peu ça devrait aller. Elle demeure encore un peu farouche aussi. » répondit l'officier en prenant un plat.
« Hm hm, et son entraînement, tu l'as commencé ? » reprit le Major.
« Bien sûr. De ce que je constate, elle en veut vraiment. Je dois souvent lui ordonner de se reposer autrement elle tomberait par terre. » continua Guren.
« Donc elle s'adapte bien. Tu ferais un bon père tu sais. » taquina Shinya.
« Et puis quoi encore. Enfin, elle a des cauchemars toutes les nuits. Je verrais ce soir ce qu'il en est. »
Tous deux s'assirent ensuite à une table du réfectoire. La conversation roula sur un autre sujet. De temps à autre, Guren jetait un œil à l'ensemble du lieu. Il finit par repérer Yuuko, toujours assise au même endroit. Et toujours seule. L'homme lui avait pourtant déjà spécifié de commencer à se trouver des amis. Mais elle ne voulait rien entendre à ce sujet.
« Au fait, si je me souviens bien son nom est un peu particulier. » reprit Shinya.
« Ah ? » répondit innocemment Guren.
« Ne te moque pas de moi. J'aimerais savoir ce que tu as derrière la tête. » reprit son ami.
« Des cheveux tout comme toi. »
Shinya roula des yeux. Guren n'avait certainement pas oublié ce que le nom Hyakuya signifiait. La secte responsable de l'état du monde actuel. Le major n'aurait pas cru que des survivants de cette organisation existaient. Et voilà que le brun venait d'en ramener une. Que manigançait-il ? Était-ce un nouveau pion pour renverser les Hiiragi ? Shinya porta les yeux sur la brunette assise quelques tables plus loin. Elle semblait toute menue au milieu des vigoureux militaires.
« Mouais. Je me demande ce que ça va donner. Le chaton va-t-il se transformer en fauve ? » pensa-t-il.
Et vu son nom de famille, Shinya était prêt à parier son grade qu'elle recélait quelques secrets.
Guren la vit terminer son repas et s'en aller aussitôt. Yuuko rentra chez elle se plonger dans ses livres. Les vampires ne prenant pas la peine d'éduquer les enfants, elle avait accumulé du retard. Aussi s'exerçait-elle à l'écriture et la lecture entre ses entraînements, parfois la nuit quand elle ne parvenait pas à dormir.
Parlant de cela, cette nuit fut comme les autres. Guren vint lui rendre visite.
« Yuuko ? Il parait que tu fais encore des cauchemars. » dit-il en arrivant dans sa chambre.
« Non, je hurle par plaisir la nuit. Surtout lors des pleines lunes. » répondit la concernée.
Guren afficha un sourire puis tira une chaise.
« Toujours le même rêve ? » demanda-t-il en s'installant.
« Oui. Ma famille … tuée par ce maudit vampire. » répondit-elle, dos vers lui.
« Je vois. Bien, je vais rester ici jusqu'à ce que tu t'endormes. Donc tâche de ne plus mouiller ton lit. » annonça Guren.
Yuuko attrapa son oreiller qu'elle lui lança à la tête.
« Hé ho ! » fit Guren, touché.
Il croisa les prunelles métalliques de Yuuko, encore humides. Guren lui relança son oreiller.
« Il est tard, alors rendors-toi. Cesse de me causer des soucis. »
« Et vous soyez aimable ! » rétorqua Yuuko.
Elle se tourna avec humeur. Guren poussa un soupir. Cette gosse avait un de ces caractères. Quelques minutes plus tard, Yuuko reprit la parole. Elle lui demanda pourquoi il l'avait sauvée.
« Veux-tu bien dormir ? »
« Pourquoi … je n'ai plus de famille. J'en ai jamais eu. Mes parents ont essayé de me tuer, ça m'a conduit dans cet orphelinat. Et quand enfin j'ai trouvé des gens qui voulaient bien de moi, on me les a pris. Alors pourquoi ? » demanda Yuuko d'une voix tremblante.
Guren la regarda un instant. Cette enfant n'avait jamais reçu d'affection semblait-il.
« Cela te fait-il mal de vivre ? » questionna Guren.
« Affreusement. »
Guren referma le dossier qu'il avait amené puis se leva.
« Moi aussi. Moi aussi ça me fait mal de vivre. J'ai perdu quelqu'un de très important il y a longtemps, pourtant je suis toujours là. » révéla-t-il.
Yuuko tourna la tête.
« Alors comment vous faites ? » demanda-t-elle.
« J'attends le jour où quelqu'un aura besoin de moi. Tu devrais en faire autant. Si cela ne suffit pas, rappelle-toi de ta vengeance. Vis jusqu'à ce que tu trouves une raison pour aller de l'avant. » répondit l'adulte.
Yuuko le regarda avant de baisser la tête. Une raison de vivre. Techniquement elle en avait une : bousiller le plus de vampires possible. Mais le moment pour cela n'était pas encore venu, elle n'était pas prête. Elle le savait. Yuuko revoyait toutes les nuits la terrible scène où elle perdait tout. Et elle ne savait que trop qu'elle n'était pas encore assez forte pour tuer un vampire. Le serait-elle un jour ? Elle l'espérait. La brunette travaillerait dur pour que ce jour vienne.
« Allez endors-toi. » reprit Guren en s'installant sur le rebord du lit.
« D'accord. »
Guren reprit sa lecture. Il sentit soudain un contact sur sa manche. Yuuko venait refermer ses doigts dessus, et avait clos ses paupières.
« Hmmm ! Et comment je vais tourner mes pages moi maintenant ? » soupira-t-il.
Toujours est-il qu'il ne chercha pas à se libérer. Naturellement, Guren eut du mal à tourner ses pages et faillit même échapper son dossier, qu'il rattrapa entre ses genoux. Comprenant qu'il n'arriverait pas à lire dans ces conditions, il referma le dossier puis le posa à côté. L'officier tourna ensuite la tête vers Yuuko, plongée dans le sommeil. Il eut un fin sourire, puis tout doucement, dégagea sa manche. Il resta un instant de plus, s'assurant qu'elle dormait toujours, puis quitta l'appartement à pas de loup.
Durant les semaines qui suivirent, Guren revint chaque soir veiller sur le sommeil de Yuuko. La brunette s'endormait désormais en serrant la manche de l'adulte, et s'il s'avisait de mettre ses mains hors de portée, c'était au niveau de sa taille que sa main trouvait une prise.
« Faudrait quand même pas qu'elle me prenne pour son doudou. » se dit Guren un soir.
Seulement il semblait que c'était trop tard. Le sommeil de Yuuko redevint paisible grâce à la présence de Guren.
Le temps fila. Yuuko s'améliora dans le maniement du sabre. Elle dormait enfin normalement, et n'avait que peu de cauchemars. La jeune fille avait bien grandi également. Par contre, question discipline ce n'était pas encore ça. Guren parvenait à se faire obéir, mais il voyait bien poindre des envies de rébellion. En outre, elle ne suivait pas souvent les ordres lorsqu'elle partait en mission. Ce qui occasionnait quelques prises de bec entre eux.
« Yuu, la discipline est une composante essentielle de l'armée. Donc quand on te dit d'obéir tu le fais sans discuter. » rappela Guren ce soir-là.
« Et moi je préfère penser par moi-même. J'ai été un mouton docile pendant quatre ans chez les vampires, c'est bien suffisant. » répliqua Yuuko.
« Navré, mais dans l'armée c'est ainsi que cela marche. » insista Guren.
« Mmmgrrr. J'y penserais à l'occasion. »
« Que dalle ! Tu y penses maintenant et constamment ! »
Mais Yuuko ne l'écoutait déjà plus. Elle se dirigeait vers la salle d'entraînement.
« Yuu, tu as entendu ce que je viens te dire ? » appela Guren en la suivant.
« Oui, tu viens de me demander si j'avais écouté. »
Yuuko examina le tranchant de son arme. Guren prit une inspiration.
« Alors tâche de faire en sorte que je n'ai plus de plaintes à ton sujet. »
Yuuko marchait à présent vers les vestiaires, ignorant totalement son supérieur. Ce dernier leva les bras au ciel, exaspéré, puis quitta les lieux. Il se rendit dans un petit bar réservé aux militaires, où il retrouva son escouade ainsi que Shinya.
« Ouhlà, tu me parais bien grognon toi. » constata Goshi.
« Encore un problème avec le chaton Guren ? » demanda Shinya.
« Le chaton ? » releva Mito.
« Yuuko-chan. Tu n'as jamais eu l'impression qu'elle ressemblait à ce petit animal ? » précisa Shinya.
Mito parut y réfléchir. Guren se laissa tomber sur sa chaise, puis commanda une bière.
« Alors ? » demanda Goshi.
« Toujours la même chose. Cela fait trois ans qu'elle est là et c'est toujours une tête de pioche. Elle n'écoute rien. » soupira Guren.
« Tiens donc. C'est bizarre elle me rappelle quelqu'un. » sourit Shinya.
« Oui, maintenant que vous le dites lord Shinya … une personne qui n'écoute qu'elle, du genre solitaire et têtue, où a-t-on déjà rencontré quelqu'un comme ça ? » demanda Mito.
Guren échappa un grognement en guise de réponse. Le serveur apporta sa bouteille ainsi qu'un verre, décapsula puis versa le liquide doré.
« Bref, si elle désobéit encore je l'envoie à l'école civile. » décida Guren.
« Pourtant, j'ai comme l'impression qu'elle n'écoute que vous, Guren-sama. Quand moi ou Yukimi nous adressons à elle en dehors d'un entraînement, Yuu-chan nous fixe un moment et n'obéit qu'une fois sur deux. » annonça Sayuri.
Guren vida son verre. Peut-être avait-elle raison. S'il s'arrêtait pour comparer un instant, il remarquerait que Yuuko obéissait davantage avec lui. Sauf pour cette fichue discipline. En attendant, la jeune fille apprenait le lancer de kunais avec Shigure. La brune aux yeux vert envoya deux couteaux en même temps.
« Bien. Tu arrives à te servir de tes deux mains correctement à présent, et tu sais viser de manière correcte. » annonça son professeur.
Yuuko eut un petit sourire. Elle avait demandé de manière spontanée à apprendre auprès de la jeune femme quand elle avait su quel type d'arme elle utilisait. La brune désirait également posséder plusieurs cordes à son arc afin d'avoir le maximum de chances face à ses ennemis. Car après tout, si une balle n'avait pas suffi à en tuer un, alors autant être prévoyante.
« À présent, montre-moi ce que tu vaux en combat rapproché. » annonça Shigure.
Elle sortit deux kunais, Yuuko fit de même. En garde, chacune jaugea l'autre. Enfin, elles s'élancèrent. Les lames s'entrechoquèrent avec vivacité, créant parfois de minuscules étincelles. Shigure ayant plus d'expérience, finit par désarmer son adversaire. Mais elle ne s'arrêta pas pour autant. Yuuko travaillait ainsi son esquive. La brune finit par arriver là où une de ses armes étaient tombées. Envoyant un coup de pied afin d'éloigner son opposant, elle ramassa ensuite un kunai. Juste quand Shigure revenait à la charge. Le combat dura encore plusieurs minutes, Yuuko récupérant puis perdant à nouveau ses lames. Son maître mit fin au combat.
« Très bien. Continue comme ça. » dit-elle.
« Je demande une revanche, maître. » répondit Yuuko.
« Repose-toi d'abord. » fit Shigure.
« Les vampires ne me laisseraient pas le temps de récupérer. » contredit Yuuko.
Shigure allait répondre, quand l'adolescente passa à l'attaque. Poussant un soupir, Shigure s'apprêta à la recevoir.
« Doucement, économise ton énergie. » rappela l'adulte.
Yuuko s'appliqua à envoyer des coups pas forcément rapides mais efficaces et imprévisibles. Shigure approuvait ses techniques, donnait quelques conseils.
« Apprends à ne pas laisser tes émotions transparaître sur ton visage. »
Hélas, la défaite fut encore sienne. Mais son mentor la félicitait pour ses progrès.
« Le maniement des dagues, s'il vous plaît maître. » répondit Yuuko.
« Récupère d'abord ou ton exercice sera désastreux. Tu dois savoir te ménager si tu veux durer Yuu-chan. »
Yuuko se résigna à plier. Elle marcha afin de récupérer. Shigure prit une bouteille d'eau qu'elle lança à son élève. L'entraînement reprit lorsque que l'adulte jugea son élève apte à poursuivre. Elles restèrent ainsi jusqu'à l'heure du repas où Shigure annonça son départ. Yuuko la remercia puis rentra chez elle prendre une douche. Après le repas, la jeune fille se plongea dans ses leçons. C'est ainsi que Guren la trouva, à genoux sur son lit prête à passer au lit les cheveux cascadant sur ses épaules. L'officier la fixa un instant.
« Dis donc, c'est pas la chemise que je t'avais prêtée à ton arrivée ? » demanda-t-il.
« Si fait. » répondit Yuuko en tournant une page, un crayon en bouche.
« Je me disais bien qu'il m'en manquait une ! Comment oses-tu me piquer mes affaires ? » s'exclama Guren les poings sur les hanches.
Pas de réponse cette fois, Yuuko se contentant de prendre des notes.
« Tu comptes dormir avec ? » reprit l'officier.
« Oui comme d'habitude. »
« Comment ça comme d'habitude ? Tu dors avec tous les soirs ? Puis-je au moins savoir pourquoi ? »
Yuuko releva la tête, sans le regarder puis afficha un sourire.
« Parce que … je me sens bien avec. J'ai l'impression que quelqu'un veille sur moi. C'est grâce à cela que je dors mieux. »
Guren arrondit les yeux, et en resta muet. Yuuko l'assura qu'elle en prenait soin et la lavait régulièrement.
« Tu veux la reprendre ? » demanda l'ado, cette fois un peu inquiète.
« Non … non c'est bon. Garde-la. » répondit-il un peu dans le vague.
« Merci ! » répondit Yuuko avec un grand sourire, et cette expression enfantine de joie.
Guren se gratta la tête, perplexe. Il était venu la sermonner au sujet de son indiscipline et la prévenir qu'à la prochaine incartade elle irait en école civile, et le voici complètement désarçonné à cause d'une simple chemise.
« Tu voulais quelque chose sinon ? » questionna Yuuko.
« … »
Elle le regarda à nouveau, interrogatrice.
« Bonne nuit sale gosse. » soupira Guren.
« Eh ben merci ! » répondit Yuuko avec une moue.
Guren lui jeta un sourire et quitta son appartement. Yuuko secoua la tête, puis continua son apprentissage.
