Titre: Baptême
Genre:
Crime ou policier (si, si!), romance
Rating: M
Personnages: Xemnas/Aqua, mais d'abord du Terra/Aqua, et puis la plupart des persos de BBS

Note: Texte écrit pour le défi Xemnas/Aqua. J'ai voulu transposer la problématique de nos jours, à Montréal. Évidemment, vous verrez certaines différences (quand même, c'est pas évident de faire ça!), mais j'essaie de rester le plus fidèle possible, tout en faisant une histoire plausible. Je vais mettre aussi des notes culturels pour qui ça intéresse. Tous les lieux cités sont des endroits qui existent et que je connais. Aussi, ça va être révélé assez vite, mais le narrateur est Aqua. Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture!


L'histoire que je m'apprête à vous raconter n'est ni belle, ni joyeuse. Sa seule qualité, c'est qu'elle est vraie, et qu'elle me touche de très près. Je n'en sais étonnamment pas beaucoup malgré tout, ce que mon lecteur pourrait trouver dommage. Dites-vous que moi aussi j'aimerais avoir ces réponses que vous me quémanderez et que de les inventer serait tout à fait indigne de ma part. J'aimerais que vous me croyez sur parole : je ne raconte que la stricte vérité. Autant je n'omettrai aucun détail, autant je n'en inventerai aucun.

Je peux vous tutoyer? Je tiens à avoir un contact plus intime avec toi. C'est peut-être juste un moyen de me donner l'impression que ce que j'écris sert à quelque chose... vais-je même publier ces mots que je tape sur l'ordinateur, alors que le soleil plombe à l'extérieur et que les gens vivent leur propre vie? Ont-ils une quelconque utilité? Je me le demande.

J'ai décidé de coucher cette histoire sur papier pour y mettre un peu d'ordre et déceler le vrai du faux. Dans mes périodes de troubles, j'ai toujours fait ainsi, mais cette fois, je veux vraiment tout raconter, du début à la fin. Rendre tout cela compréhensible pour moi et pour toi.

Par où débuter? Quel est le commencement de cette histoire?

Je vais commencer par parler de moi, je crois que c'est le meilleur point de départ. Je m'appelle Aqua Lafontaine[1], nom qui m'a plus d'une fois valu des blagues douteuses – comme le fameux «ah quoi?». J'ignore l'inspiration de ma mère biologique, ce jour fatidique où elle a décidé de me donner un prénom qui n'a de québécois que la personne qu'il affuble. C'est d'ailleurs tout ce qu'elle m'a légué, avant de me faire adopter et ainsi couper tous les ponts avec moi.

Ma relation avec mes parents adoptifs a toujours été... tendue. C'est un euphémisme pour désigner qu'ils m'ont toujours cordialement haït. Plus jeune, je n'avais de cesse de chercher leur amour, que je n'ai jamais trouvé. Maintenant, je sais bien que je ne le trouverai jamais. Ce fil qui rattache les enfants à leur parent n'a jamais été tissé entre nous; il serait trop tard pour prétendre y parvenir. Nous sommes des étrangers.

Ma véritable mère était une prostituée. Mon père me traitait de fille de pute – c'était la vérité après tout, et c'est ce qui me faisait le plus de mal. Elle le lui avait avoué, parce qu'elle ne pouvait pas me désigner de père – une centaine de candidats possibles au moins – et qu'il avait exigé une explication. Il m'a tout de même adopté, ce qui, bien franchement, m'a toujours étonnée. Pourquoi adopter une fille de putain pour la traiter de fille de putain par la suite? C'est encore un mystère pour moi.

Je suis enfant unique. Après le fiasco qu'a été mon adoption, mes parents ont décidé de ne plus commettre la même erreur. Ma mère a toujours refusé de tomber enceinte, car elle voulait garder sa ligne et sa peau intactes. J'ai arrêté de lui demander un petit frère le jour où elle m'a dit :

«Tu n'en as pas assez de gâcher ma vie, tu veux en plus gâcher mon corps!»

J'ai réalisé à ce moment-là qu'elle tenait plus à son physique qu'à sa propre vie. Et la mienne, bien évidemment.

Mon père, lui, n'était pas si méchant. Il était même plutôt gentil, généreux, sociable. Le seul hic : il l'était avec tout le monde, sauf moi. J'étais son point faible, en quelques sortes. C'est la seule consolation que j'aie maintenant. Il ne me traitait pas si mal, au fond. Il ne m'a jamais battu. Son passetemps, c'était de m'insulter. Tout ce que je faisais n'était jamais assez bien à son goût. J'étais laide, moche, mauvaise à l'école – avec mes 80% de moyenne[2] –, idiote, bref, j'étais de la merde. Je n'étais «qu'une fille de pute», après tout.

Mes parents n'étaient pas riches. Mon père était employé de bureau, mais il s'agissait du seul salaire qui rentrait à la maison. Ma mère, en plus d'être femme au foyer, sortait régulièrement, ce qui nous laissait que peu d'argent. Mon père devait donc compenser en travaillant plus d'heures. Je ne les voyais que peu, l'un comme l'autre. Je n'ai jamais manqué de nourriture, à tout le moins, mais je dois dire que j'ai plus que manqué d'attention.

J'ai donc grandi dans la haine de mon père et l'indifférence de ma mère. En plus, j'ai toujours été une enfant spéciale, ce qui ne m'a vraiment pas aidé. Je n'avais d'intérêts que le dessin, la musique et l'écriture. J'étais imaginative et je ressentais souvent le besoin de mettre les choses sur papier, de communiquer. Je me demande aujourd'hui si mon manque d'attention n'est pas à l'origine de cette nécessité. Bref, j'avais mon monde à moi et m'y immergeais complètement, jusqu'à oublier la réalité.

Si j'avais eu une toute autre famille et une toute autre vie, je serais probablement devenue une artiste. Mes parents ne m'ont jamais encouragé dans cette voie. Ils voulaient que j'aie un vrai travail, qui rapporte de l'argent quotidiennement. Nul besoin de mentionner qu'au Québec, les chances de vivre de son art sont minces, voire inexistantes[3].

Par conséquent, je n'ai jamais seulement envisagé de devenir artiste, car pour moi c'était impossible. Je n'ai jamais pu m'en plaindre, parce que j'ai vite trouvé un autre but – j'en parlerai plus tard. J'ai continué d'écrire, un tout petit peu, par-ci par-là. Surtout dans les moments durs, ça me permettait de mettre de l'ordre dans mes idées. Cette histoire, c'est le premier projet d'envergure que j'entame.

J'ai oublié de le mentionner : j'ai trente ans. J'ai depuis longtemps quitté mes parents, mais les circonstances sont particulières et je dois expliquer plusieurs choses avant d'y arriver. Je me demande encore si je vais arriver au bout de cette histoire, mais je dois le faire, c'est important. Pour Terra, ou plutôt Xemnas – je ne m'habituerai jamais à ce nom. Pour moi aussi, et pour toi peut-être, si tu lis ce texte.

Je fais tout à l'envers. Je n'ai tellement pas l'habitude de construire des histoires – bien que celle-ci soit vrai, cela ne rend que la tâche plus ardue. Je dois d'abord présenter Terra, puisqu'il est au centre de tout.

Terra est né sur le Plateau Mont-Royal[4], comme moi – à quelques rues à peine de chez moi. Son nom de famille, c'est Kirouac[5]. Il est d'origine québécoise aussi, malgré son nom un peu spécial. D'ailleurs, j'ai toujours trouvé étrange que nos prénoms s'associent si bien – lui, la terre, moi, l'eau. Le prénom de Ventus, que nous avons connu plus tard, symbolise le vent. Il ne manquait que le feu pour avoir les quatre éléments.

Terra et moi, nous nous sommes connus très tôt, si tôt en fait que je ne m'en souviens plus. Je sais qu'à cinq ans, nous étions déjà amis. J'allais souvent au Parc La Fontaine[6] et il y venait me rencontrer. Tous les jours de l'année ou presque, nous nous retrouvions à notre petit endroit favori, près de la statue de Félix Leclerc[7].

Mes parents étaient laxistes, de même que ceux de Terra, ce qui nous permettait de nous voir très souvent. Cependant, autant mes parents ne m'aimaient pas, autant ceux de Terra étaient... absents. Ils étaient toujours ailleurs que chez eux, ou alors complètement inaccessibles. Son père, un historien apparemment assez reconnu, habitait presque littéralement la bibliothèque, ou sinon il passait ses journées dans son bureau, le nez dans des livres poussiéreux. Ce n'est pas pour rien qu'il a choisi un prénom du latin pour son seul fils – il s'intéressait à l'Antiquité à l'époque. Sa mère, quant à elle, était une mathématicienne supposément connue elle aussi. Elle voyageait fréquemment de par le monde pour assister à des conférences.

Terra était pour eux une nuisance, on pourrait dire. Bien sûr, ils l'aimaient, à peu près une fois par année. Le reste du temps, ils l'oubliaient ou soupiraient parce qu'il les dérangeait. Il existe vraiment des parents inconséquents. On dirait qu'ils croient que de vouloir des enfants suffit pour les élever. Des fois, je me demande si les couples n'ont pas des enfants simplement parce qu'il faut avoir des enfants dans la vie – raison qui motive plus que la moitié de la population à faire plus de la moitié des choses qu'elle fait.

Toujours est-il que, sous les arbres du parc, dans le chaud de l'été ou le froid de l'hiver, je racontais à Terra toutes mes histoires, je lui montrais mes dessins, je lui chantais des chansons. Il m'écoutait, les yeux brillants. Lui n'a jamais été un artiste, mais il a été de loin mon meilleur public à vie. Il me posait des questions pertinentes qui me mettait à l'épreuve et savait me complimenter lorsque nécessaire.

C'est une des plus belles époques de ma vie. Je m'en souviens encore si bien, ce tout petit Terra, sérieux et émerveillé à la fois, qui me parlait, me rectifiait... j'aurais continué à écrire seulement pour le voir ainsi.

Évidemment, tout a fini par changer. Tout change.

Nous avons grandi, bien évidemment. Nous sommes rentrés dans la même école primaire et le même secondaire[8]. Nous n'étions pas toujours dans la même classe, mais au moins nous nous voyions le midi et après les cours. Mon primaire n'est pas vraiment digne de mention. J'ai vécu comme la plupart des enfants, je crois. Je n'ai pas énormément de souvenirs de l'époque et les seuls que j'ai concernent Terra.

C'est à mes treize ans que remonte le premier souvenir réellement important de cette histoire. Il s'agit de notre rencontre avec Ventus Beauchemin, que nous avions l'habitude d'appeler Ven. Quand je dis «nous», j'inclus la grande majorité des personnes qui l'ont côtoyé. Je ne crois pas que je connaisse quelqu'un qui l'appelait par son prénom complet.

Ven avait aussi un frère jumeau, qui s'appelait Vanitas. J'ignore pourquoi ses parents ont décidé de prendre ce nom étrange, mais en tout cas, il le représentait bien. Autant Ven m'a toujours apparu comme la lumière, autant Vanitas était son ombre. Égocentrique, manipulateur, dès son plus jeune âge il était un danger public. Il n'avait même pas la même apparence : Ven avait les cheveux cendrés et les yeux bleus; Vanitas les avait noirs et marrons virant sur le doré. Ils étaient jumeaux différents, mais si différents qu'ils étaient difficilement associables.

Je me souviens de notre rencontre comme si c'était hier. Nous étions au parc, Terra et moi. Ven est passé avec ses parents et son jumeau. En fait, j'ai appris par la suite que tous les quatre, ils venaient toujours le dimanche. Cette fois-là, un dimanche donc, ils ont décidé de passer saluer la statue de Félix Leclerc – c'est quand même l'un de nos héros. Le petit Ven, alors âgé de huit ans, nous a repéré, Terra et moi. Il est venu vers nous, tout guilleret, pour nous dire bonjour.

J'étais en train de dessiner, alors que Terra me regardait faire. Nous discutions également, bien que depuis le temps j'ai oublié de quoi – c'est sans importance. Quand Ven a vu mon cahier, il a demandé à voir mes dessins. J'ai accédé à sa demande face à son sourire et sa réelle curiosité. Il est resté ébahi; je peux le voir encore, les yeux brillants et un sourire ornant son visage. Le courant a tout de suite passé entre nous trois. Il a demandé à ce que je lui fasse un portrait. Je m'apprêtais à accepter, mais ses parents l'ont appelé.

À contrecœur, il s'en est retourné. Juste avant de ce faire, il m'a fait promettre de dessiner son portrait la prochaine fois. J'ai accepté avec un sourire. Il me plaisait déjà : il était comme le frère que je n'avais jamais eu. En jetant un coup d'œil à Terra, j'ai pu voir à son sourire qu'il pensait à peu près comme moi. Je crois que nous étions destinés à nous rencontrer.

Je lui ai demandé son prénom, juste avant qu'il parte, et il s'est retourné, tout sourire, pour me le dire. Je lui ai donné le mien et Terra s'est joint à moi, avant que le petit ne parte en sautillant rejoindre sa famille.

Cette fois-là, je n'ai seulement qu'entrevu Vanitas. Pourtant, j'ai étrangement senti quelque chose émaner de lui. Je redoutais le pire, et je n'allais pas être déçue. Si je m'attendais à ce qu'il a fait...

Durant la semaine, j'ai lu dans un journal qu'un enfant de huit ans venait de tuer ses parents et de plonger son frère dans l'inconscience. L'histoire était en soit macabre et je me demandais bien où allait le monde si un enfant de cet âge tuait déjà. Cela dit, je n'en aurais pas fait plus de cas qu'à l'habitude si je n'avais pas vu qui était sur la photo.

Oui, il s'agissait bien de Vanitas, le petit garçon aux cheveux noirs pour qui j'avais eu un mauvais pressentiment. Sur la photo, il souriait à la caméra de toutes ses dents, comme s'il était fier de son coup.

~xxx~

Notes :

[1] Aqua Lafontaine : C'est bel et bien un jeu de mots. C'est aussi un nom de famille très courant au Québec.

[2] 80% de moyenne : Ici les notes se comptent en pourcentage, surtout au secondaire (collège/lycée pour les français) et au cégep (équivalent du lycée).

[3] Au Québec, les chances de vivre de son art sont minces, voire inexistantes : C'est tout à fait vrai. Tous les auteurs ont un deuxième métier. La population est trop petite pour espérer bien vivre. Il faut viser un plus grand publique, par exemple les États-Unis ou la France, mais les québécois snobent les artistes qui le font parce que ce sont des «vendus».

[4] Plateau Mont-Royal : Arrondissement de Montréal, qui contient le Mont Royal et le Parc La Fontaine. Il y a plus de dix ans, c'était un quartier très populaire, voire pauvre, habité par des québécois pure laines. Depuis une décennie, ce quartier se développe de plus en plus, et les loyers augmentent drastiquement. De nos jours, c'est un quartier huppé, habité par des français de France et/ou des anglophones surtout (bien que certains québécois comme moi l'habitent quand même). Les gens plus pauvres migrent donc vers Hochelaga-Maisonneuve, qui est devenu le nouveau quartier populaire. Dans le temps de la jeunesse d'Aqua, c'était encore un quartier assez pauvre.

[5] Kirouac : Pas très courant comme nom de famille, mais assez pour se retrouver dans le top 1000 des noms de familles au Québec.

[6] Parc La Fontaine : L'une des plus grands parcs de Montréal et l'un des plus connus aussi. En plein cœur du Plateau, c'est un lieu de rendez-vous très prisé pendant l'été et en hiver on peut y patiner.

[7] Félix Leclerc : Auteur-compositeur-interprète et poète québécois qui a marqué le Québec de par sa position souverainiste et patriotique. C'était un artiste engagé pour la politique et la protection du français au Québec. Il a marqué notre pays et est l'un des chanteurs québécois les plus connus à ce jour.

[8] École primaire et secondaire : Au Québec les niveaux scolaire obligatoires sont comme suit : une année de maternelle, six années de primaire, cinq années de secondaire. L'école est obligatoire jusqu'à seize ans, mais le secondaire cinq n'est pas nécessaire; une secondaire trois ou quatre peut être suffisant. Toujours au niveau du secondaire, il y a les DEP qui peuvent remplacer les dernières années et qui forment à certains emplois : pâtissiers, plombiers, etc.