Première fiction à la première personne, et surtout, que je travaille autant.

Il s'agit là d'un AkaixAkemi. L'histoire nous est racontée par la jeune demoiselle, prisonnière de l'Organisation, non loin de ses 21 ans. Shûichi ne dépasse pas 25, et Shiho tourne sur 13 ans.

J'ai tenté d'élargir un peu mes horizons pour avoir une pleine liberté, mais je respecte au maximum le manga. Voilà voilà.


Chapitre 1 - Regard émeraude


Il s'inclina lentement avec un air innocent face à ma seule autorité parentale.

Une fois déconcentrée il était difficile pour moi de continuer la lourde tâche que l'on m'avait demandé et c'est avec curiosité que mon regard se posa fatalement sur l'homme qui venait de saluer mon père.

Depuis des années, des semaines après le décès de celui qui m'avait conçu, au sein de l'Organisation, l'homme à la tête de l'aile scientifique du syndicat s'était proposé pour veiller sur les deux prodiges que nous étions, moi et ma sœur.

Son genou à terre, muni d'une simple chemise et d'une casquette, je surgis dans la salle constatant avec surprise qu'il n'avait pas l'air plus vieux que moi, sans doute âgé de quatre ou cinq années de plus. Il était tout à fait charmant, ayant une posture droite, un regard vif et sérieux, sans sentiment ou émotion ancrée sur son visage étonnement serein et fermé.

- J'ai pris la décision de vous assigner au poste de garde du corps, déclara le gérant. J'ai l'intime conviction que vous avez toutes les qualités requises pour mener à bien les futures missions qui vous seront accordées. Aussi, mes filles sont régulièrement en sortie, et il est toujours bon d'avoir une ou deux protections supplémentaires.

Que venait-il de lui dire ?

Besoin de protection ? N'avais-je pas eu ma majorité depuis quelque temps ? Je savais parfaitement comment me défendre, et le tempérament de Shiho aidait beaucoup en ce sens.

Peut-être aurais-je dû éviter d'afficher cette grimace sur mon visage. Remarqués par d'autres hommes en noir travaillant pour le projet de notre groupe, certains sourires n'étaient pas passés inaperçus, et c'est mal à l'aise que je me décidai à ignorer les sarcasmes des collègues scientifiques.

- Bien évidemment que vous êtes le meilleur, ajouta-t-il me faisant sortir de mes pensées. J'ai assisté aux tests, théoriques comme pratiques, et le résultat sans appel m'a définitivement convaincu. Il n'est pas rare pour nos chimistes d'être en mauvaise posture, votre présence pourra certainement n'apporter que du bon.

- Père, est-ce vraiment raisonnable ? soupirai-je en m'approchant davantage. Et qu'en dit Shiho ? Je ne suis pas la plus impliquée dans tout cela.

- Tu l'es. Suffisamment en tout cas pour nécessiter des services de nos hommes, dont ce cher Dai. La protection de nos scientifiques est un élément clé.

Si l'on devait éliminer l'une des sœurs afin de garder la meilleure dans les domaines que l'Organisation privilégiait, c'était bien moi qui y passerais. Je n'avais aucun talent ni don, rien qui pourrait les servir et qui m'autoriserait à dormir au fond d'un lac accroché à une ancre.

C'en était de trop. Comment pouvait-il agir de la sorte sans me consulter, moi ou Shiho. À le regarder, bien que son visage m'était vaguement familier, il me faisait peine.

Ses aptitudes n'étaient plus à en douter, aussi douées que l'était Gin, selon les rumeurs. Je devais être forte pour affronter le regard noir des hommes qui travaillaient avec nous, pour la plupart du moins, ou face à l'adversité, comme les autorités de certains pays. Et ce n'était pas et homme, dont le talent lui avait été apparemment confié dès la naissance, qui allait se moquer de moi et remplir des tâches que j'aurais pu achever haut la main. Mais était-il possible de contester une décision du tout puissant ?

Bien sûr que non.

C'était toujours comme ça.

Je me tenais à présent au rebord de la fenêtre. C'était mon quartier, celui des Miyano précisément, mais mon appartement qui plus est. Le calme et l'air frais ne faisaient pas de mal, et il était indéniable que la pleine lune qui me faisait face contribuait à mon bien-être actuellement. C'était mon seul plaisir qui m'était accordé, pouvoir prendre du temps le soir venu pour me relaxer.

Mais je le sentais. Malgré sa récente nomination, la tâche que lui avait confiée mon père commençait dès sa libération. Chaque groupe ou famille de scientifiques possédait son garde du corps ou chauffeur, et je ne pouvais m'en échapper.

Dai était là. Derrière le lampadaire, me scrutant de son regard vide de sens et sans émotion.

Quel calvaire.

Nos yeux se rencontrèrent tandis qu'il écrasa une énième cigarette contre la colonne de pierre qui lui faisait dos. Il leva discrètement la tête, admirant la lune qui se reflétait sur chacune des flaques d'eau sur les terres humides, dernières traces de la précédente pluie qui s'était abattue dans la région en début d'après-midi. Outrée, je n'avais plus d'autre choix que de m'enfermer dans mon cocon.

C'est assis sur cette chaise, plutôt confortable malgré tout, que je pouvais retranscrire mes pensées, mes envies et mes sentiments depuis le bout de ce stylo, lui arrachant l'encre de force pour compléter les lignes vierges du journal que j'avais acheté il y a bien longtemps.

Voyons. Depuis quand n'avais-je pas écrit dedans. Je devais être enfant.

Elena était encore vivante quand j'avais dessiné un portrait de famille. Si j'en étais fier en étant gamine, désormais je le voyais comme un véritable torchon qui ne représentait là que des bonshommes à peine mieux détailler qu'une tâche sur une toile blanche.

L'envie de dormir me quitta. Comme à mon habitude. Depuis des jours il m'était difficile de trouver le sommeil, tant les cauchemars s'accumulaient, toujours étrangement similaire et connecté.

Mais il le fallait. Demain, très tôt, je devais me rendre avec Shiho sur le terrain, afin d'aider à la fouille d'une résidence suspecte dont le propriétaire avait été victime par un poison de notre laboratoire.

C'est à ce moment-là que la concernée se montra, toujours à sa grande habitude dans un éternel silence, par la porte d'entrée sans prendre le soin de toquer pour avertir de sa présence.

Tiens donc. Étonnante coïncidence tant elle était proche de cet homme à la casquette d'un point de vue comportement. Aussi renfermé et ténébreux.

- Pourrais-tu me confirmer que c'est une erreur.

- De quelle erreur parles-tu ?

Elle croisa les bras, levant un sourcil avant de déposer le plateau télé sur la commode au fond de la pièce. Elle releva la tête par-dessus son épaule pour me fixer d'un regard que je n'appréciais pas toujours, mais dont il fallait s'habituer.

De par ce geste, elle souhaitait répondre, mais les mots ne venaient sans doute pas, il fallait souvent les lui arracher.

- Chaque famille ou groupe ici a un garde du corps. Nous n'avons pas le choix et devons respecter cette décision.

- L'idée d'être suivi et épiée ne me plait guère, et je suis prête à parier que mon avis n'est pas si différent du tien grande sœur, dit Sherry en levant légèrement le ton.

Elle n'avait pas tort.

Mais il n'était pas possible de faire autrement. Les rares survivants ayant désobéi de plein gré à des ordres venant de supérieur hiérarchique n'étaient plus de ce monde pour témoigner de l'atrocité de leur voyage vers un paradis perdu dans les nuages et au-delà.

Son air fatigué ne manqua pas de se voir d'un simple coup d'œil. Sa main ne suffit plus à cacher le bâillement qu'elle poussa avant de s'étirer en long.

- C'est vraiment ridicule. Ridicule d'autant plus qu'il ne pourra pas nous apporter une main-d'œuvre supplémentaire lors de nos inspections, ou travaux en intérieur. Il n'est pas capable de combiner des éléments.

Ce qui était ridicule ce devait être cette manière de se plaindre et de râler.

- Et c'est tout à fait normal quand on sait qu'il est doué en tant que protecteur ou attaquant. Rien en rapport avec la chimie.

- Je ne vois pas ce que ça change. On est déjà accompagné.

- Il faut croire qu'il est suffisamment bon pour remplacer plusieurs de nos hommes.

Je ne pouvais pas être indifférent à l'avis de ma sœur, tant elle avait raison sur le fond.

- Il n'a rien de spécial. Absolument rien. Visuellement en tout cas, et c'est suffisant pour le savoir. De ce que j'ai entendu, ses exploits sont proches d'autres sujets qui étaient eux aussi très doués. Pourquoi lui aurait-il des privilèges comme il en reçoit, et surtout, pourquoi nous devrions nous nous farcir sa présence.

- Laissons-lui le temps de faire ses preuves. Peut-être serons nous agréablement surpris en voyant ce qu'il nous réserve. Tu ferais mieux aussi d'aller te coucher, nous nous levons tôt .

- Il ne m'impressionnera pas en tuant des ennemis de l'Organisation. Un garde du corps est souvent résigné à le faire, chez nous. Et tuer n'est pas un acte prodigieux. Ô que plus grand bien lui fasse si cela lui fait plaisir, mais je ne me laisserais pas être épiée de la sorte.

Son geste de la main pour me souhaite une douce nuit me laissa indifférente tant j'étais absorbé par ces paroles.

Tuer des ennemis de l'Organisation était-il vraiment considéré comme un crime ? Non, à quoi pensais-je, bien sûr qu'il s'agissait d'un crime. Mais je n'étais pas aussi bien placé pour en discuter, tant ma présence parmi les Hommes en Noir était en partie un atout sur le terrain, le chantage comme l'assassinat d'un tiers dans la discrétion et la sûreté.

Chaque matin depuis des années je m'obligeais à faire des dévotions. Je n'ai jamais cru en quoi que ce soit, mais si je pouvais essayer de me faire comprendre par une entité qu'importe sa position, cela me suffisait.

Demain la journée risquait d'être longue, et bien plus que la normale, tant la présence de cet homme n'allait pas faciliter la tâche. Shiho était plutôt du genre à exprimer ses émotions à haute voix et il serait difficile de faire face à une crise en pleine séance à l'extérieure. Maitriser ma soeur relevait d'un miracle ou d'expérience.

C'est sur ces pensées, un poil négatives mais tout de même réalistes, que je pris place dans mon lit.

Une couverture bien chaude suffisait à apaiser mes tensions. Sentir le drap frais et l'oreiller tendre sous sa nuque était une sensation qui manquait beaucoup lors des journées de travail.

Mais tout ce que j'espérais, en ce moment, c'était qu'il n'était pas en train de m'observer, ma fenêtre étant ouverte pour profiter de la fraîcheur de la nuit...