Coucou tout le monde ! :D
Me revoilà cette fois ci avec une nouvelle petite fic, une fois encore sur Assassin's Creed :D
J'écris ici sur le sixième jeu de la saga c'est à dire "Assassin's Creed IV Black Flag", portant sur l'Âge d'Or et la piraterie. Il y a un personnage très secondaire qui m'a énormément marquée et que j'ai adorée instantanément, et sa mort trop rapide m'a brisée le coeur, il s'agit du Templier Julien Du Casse. Et à force de réfléchir sur lui m'est apparu une petite histoire d'amour pour son personnage que j'ai finalement mis sur papier :)
La fic sera normalement entièrement aux yeux de mon héroïne imaginaire, Charity donc, mais je n'exclue pas la possibilité d'écrire un passage voir un chap entier aux yeux de Julien si l'inspiration m'en dit. Dans cette fic, je mettrais aussi en avant Woodes Rogers et Laureano Torres, et on apercevra brièvement Edward Kenway :)
Cette fic ne devrait pas être trop longue, bien que je ne peux pas donner le nombre de chapitres exact qui vont sortir mais cela devrait rester en dessous des dix, voir des cinq, cela dépendra vraiment de comment je vais faire évoluer l'histoire au fil des chapitres.
J'espère de tout coeur avoir rendu justice à ce jeux magnifique et à cette période complexe et forte avec ce début et j'espère surtout pour que cela vous plaise et que vous ayez envie de continuer ! :D
Sur ce, je vous laisse et à vous dis à très bientôt et bonne lecture ! :D Si cela vous plait... Une petite review ? ;)
A bientôt, Roza-Maria.
« Quand on souffle sur les braises,
Voilà que le vent rôde,
Tourne contre la falaise,
Que la marée taraude. »
(« Juste Pour Me Souvenir » de Nolwenn Leroy).
Mer des Caraïbes, juillet 1715.
Elle s'appelait Charity Greyson. Fille d'un riche corsaire anglais, lord Arthur Greyson, propriétaire d'une plantation de sucre en Jamaïque, ainsi que d'une de tabac à Cuba. Il possédait en plus de cela des villas un peu près partout dans les Caraïbes et en Angleterre, allant de Kingston passant par La Havane jusqu'à Londres. Arthur Greyson était l'un des nombreux corsaires à avoir refuser de se lancer dans la piraterie après le traitée de paix entre l'Espagne et l'Angleterre, signant la fin des attaques autorisés des corsaires sur les navires espagnoles et faisant perdre ainsi aux marins anglais une énorme somme d'argent, eux qui s'était habitués à rentrer au pays un peu plus riche à chaque voyage. Beaucoup en avait été terriblement contrariés. Et ceux là étaient devenus des pirates.
Mais lord Arthur Greyson n'avait pas cédé à cela, non, il était resté fidèle à la reine Anne puis plus tard au roi George 1er. Il n'en avait amassé que plus de richesses, du moins c'était ainsi qu'il présentait les choses à son épouse Elizabeth et à leur fille, Charity. Elle avait grandit dans leur immense maison en plein cœur de Londres, qui s'agrémentait de voyages occasionnels à la campagne. Quand elle eut quinze ans, elle eut même droit à une visite à Paris. Elle était tombée amoureuse de la Ville Lumière, et rêvait encore de Versailles dans le navire qui les ramenait en Angleterre. Son père n'était pas l'homme le plus aimant qui soit. Quelque part, Charity sentait bien qu'il était déçu de ne pas avoir de fils mais Elizabeth n'avait eu des que des enfants morts nés avant et après Charity. Elle était la seule qui ait survécu et en tant que fille, était une déception aux yeux de son père toujours plus avide de pouvoir et de richesse.
La jeune fille en avait toujours eu conscience, bien que son père était passé maître dans l'art de dissimuler ses émotions. Malgré sa politesse et sa gentillesse apparente, elle avait compris, à l'âge de 13 ans, qu'elle serait malgré son statut de fille, un atout pour lui, une pièce importante pour sa monté au pouvoir. Car Charity était une véritable beauté, on s'en était rapidement rendu compte, et lord Greyson le premier. Pas de fils héritier pour lui, mais une jolie fille à marié avec un beau parti, c'était mieux que rien.
On disait d'elle qu'elle avait un visage de poupée de porcelaine. Une peau si blanche qu'elle faisait pâlir d'envie toutes les dames de la haute société de Londres. Une chevelure de couleur blond vénitien dans sa jeunesse, qui avait ensuite viré au roux à l'adolescence. Des yeux aussi bleu que la mer des Caraïbes, une sirène des océans disait les marins qui s'extasiait sur elle quand elle prenait le bateau avec sa famille, quand ils ne faisait pas de commentaires pervers sur d'autres parties de son corps.
Elle était belle, oui, et regardée des hommes. Mais Charity s'en moquait éperdument. En fait, c'est à peine si elle le remarquait. Quand elle voyait des hommes, elle s'intéressait davantage aux récits qu'ils pouvaient lui raconter qu'à leurs regards sur elle où à leurs intentions. Elle préférait se perdre dans les grandes bibliothèques des plus riches familles de Londres plutôt que de pavaner dans les réceptions remplies d'hypocrisie qu'elle trouvait insupportable. Elle avait l'impression qu'elle devait toujours mentir, toujours jouer un rôle, celui d'une jolie fille souriante et stupide, qui riait à n'importe quel phrase idiote du premier imbécile venu, et c'était apparemment cela le comportement de l'épouse idéal. Charity ne parvenait pas à comprendre. Quel plaisir les hommes tiraient de la compagnie de telles pimbêches ? Mais de toute évidence, ils n'appréciaient pas les filles trop instruites où qui cherchaient à l'être. Elle l'avait déjà constater en essayant de parler politique où navigation avec des corsaires travaillant avec son père. Ils s'étaient de toute évidence retenue de lui rire au nez par respect pour lord Greyson.
Combien de fois ce genre de comportement l'avait mise hors d'elle ? Ils l'a prenait tous pour une fille stupide mais peut-être l'était-elle, après tout. Elle avait reçu l'éducation d'une jeune fille convenable de Londres, elle savait danser, chanter, coudre, jouer de la harpe et lire des poèmes à la perfection. Elle savait se tenir droite, et porter des corsets, car oui, messieurs, porter des corsets était un art vu la souffrance qu'il faut subir pour les supporter ! Elle parlait aussi couramment français. Tant de choses que Charity trouvaient aussi inutile qu'ennuyeuses. A part peut-être les cours de français. Son père avait eu la bonté de lui apporter quelques romans qu'il avait trouvé dans ses voyages mais jamais il ne l'avait autorisé à recevoir des cours où elle apprendrait ce qu'elle désirait vraiment apprendre. Il n'approuvait pas son mode de pensé, bien sur, comme tout le monde. Il en avait même honte, des fois, avait-elle l'impression. Seule sa beauté rattrapait ce caractère désastreux, voilà ce qu'il devait penser.
Sa mère la trouvait amusante, elle et ses lubies et ses rêves. Mais elle ne la prenait pas aux sérieux. Lady Elizabeth Greyson ne jugeait pas utile de la priver de ce qu'elle aimait mais s'attendait à ce que Charity y renonce d'elle-même le jour où elle ferait un mariage convenable. Mariage qui ne saurait tarder, d'ailleurs. Aujourd'hui, alors qu'elle venait d'avoir dix-huit ans et que son père était en mission royale à Kingston, il avait écrit une lettre à sa famille pour ordonner que sa fille, lady Charity, prenne un navire sur le champ afin de le rejoindre dans les Caraïbes. Il aurait, apparemment, trouvé plusieurs partis intéressant pour sa fille unique qui pourrait lui apporter une alliance grandiose.
Lady Elizabeth en avait presque hurlé de chagrin. Que sa fille se marie, oui, elle le désirait mais pas qu'elle épouse un homme qui vivait de l'autre côté de l'océan, pas que sa fille unique et chérie aille s'installer à Kingston où elle ne la reverrait probablement jamais ! On pouvait entendre la dame pleurer et maudire son mari dans toute la maison pendant que Charity, elle, ne savait quoi penser de tout cela, seule dans sa chambre. Elle regardait les servantes faire ses malles, prendre ses plus belles robes et bijoux, et leur avait ordonné distraitement de ne surtout pas oublier ses livres. Les robes, elle s'en fichait bien, c'était les livres qu'elle voulait.
Elle avait beau savoir qu'elle allait en Jamaïque pour se marier avec un de ses grands crétins qu'elle détestait tant, elle n'en était pas moins folle d'excitation. C'était un long voyage en mer, le plus long qu'elle n'avait jamais fait et l'idée de découvrir Kingston et les jungles et les plages de sables fins des Caraïbes lui donnait envie de courir dans les rues de Londres pour prendre la mer immédiatement. De nouveaux lieux ont visités, de nouvelles cultures à découvrir, de nouvelles langues à entendre, elle s'en réjouissait tant ! Après tout, si elle devait absolument se marier, autant épouser quelqu'un qui vivait dans un lointain endroit, lui permettant de découvrir de nouvelles choses plutôt qu'un londonien qui l'aurait simplement placée dans une autre maison de Londres, s'attendant à ce qu'elle accueille les invités avec grâce et dignité, à ce qu'elle lui donne des enfants, et à ce qu'elle lui obéisse à toute épreuve, comme devait le faire une bonne épouse… Peut-être était-elle vraiment naïve, après tout, car elle avait beau savoir que son destin ne serait guère différent de l'autre côté de la mer, elle ne pouvait s'empêcher de voir cela comme une excitante aventure.
Charity avait fait ses adieux à sa mère, le cœur serré certes mais elle était trop enthousiaste pour être réellement peinée. Elle avait embarquée trois jours après avoir reçu la lettre de son père, dans le navire qu'il avait fait préparer pour elle, une frégate lui appartenant qui avait pour nom le Legendary, il disposait de quelques navires bien qu'encore trop peu à ses yeux. Charity ne parvenait pas à ne pas se moquer du nom du bateau. C'était une belle frégate, certes, mais elle n'avait rien de légendaire. Mais elle monta sur ce navire sans se retourner et l'aima déjà pour le simple fait de sa destination.
Le début du voyage se passa fort bien. Elle n'aimait rien de plus que naviguer. Après la lecture et s'instruire, c'était sa plus grande passion. Elle aimait sentir le vent de la mer sur son visage, ainsi que son odeur salé, elle aimait voir les marins se chamailler et se dire des grossièretés pendant qu'ils travaillait sur le pont. Souvent, le capitaine Richard Updawn, qui avait été chargé de l'escorter, elle ainsi que d'autres précieuses marchandises pour le lord, priait Charity de rester dans sa cabine, que le pont n'était pas un endroit pour une jeune demoiselle. Mais elle finissait toujours par y revenir. Elle aimait tant se balader sur le pont, surtout au couchée du soleil, la où la mer prenait cette teinte dorée et illuminée si belle et où tout semblait si paisible. Même l'équipage se calmait à ses heures là, après une dure journée de travail, les cris diminuait et elle se sentait alors tellement en paix tandis qu'elle regardait la mer. Le ciel était si bleu, ici ! Et la mer si pure ! On ne pouvait pas avoir cette vue à Londres, là où le ciel était gris plus de la moitié de l'année et où l'eau des ports de la Tamise était sales et puants.
Une inquiétude cependant gagna l'équipage lorsqu'ils arrivèrent enfin dans les Caraïbes. Tandis que Charity s'extasiait sur les petites îles qui était si colorés, elle entendait les marins parler entre eux. Elle apprit ainsi qu'ils n'étaient pas loin de Nassau, une petite île où les pirates qui s'étaient rebellés contre la couronne s'y était réfugiés et en avait fait la capitale de leur « République des Pirates » comme ils le disaient. Ils craignaient une attaque car ils étaient contraints de passer à côté de cette île si ils voulaient arriver rapidement à Kingston. Le capitaine lui-même semblait nerveux, scrutant les eaux avec sa longue vue, guettant de toute évidence un navire pirate. Charity s'en inquiéta quelque peu, mais finit par se laisser à nouveau distraire par la vue.
Un jour après qu'ils aient longé Nassau, le Legendary fut attaqué. Charity s'était assoupi en lisant un roman dans sa cabine quand elle fut réveillée brutalement par une énorme explosion qui détruisit le mur de sa chambre et la projeta contre le mur. Elle se cogna violemment la tête et mit quelque secondes à se relever et à comprendre ce qui se passait. Mais une fois le coup passé, inutile d'être un génie pour savoir ce qui les avait attaqué : des boulets de canon lancés par un autre navire. Un navire pirate. Sur le coup, elle fut prise de panique. Son instinct lui hurlait de sortir de la pièce, que les boulets de canons allait tout détruire et elle avec mais si elle allait en haut et que les hommes abordaient leur bateau, que se passerait-il alors ? Elle avait du mal à réfléchir, ses pensées contaminés par la peur, mais elle finit par décider de ne pas bouger, c'était les consignes d'ailleurs : rester dans sa cabine si ils était attaqués, c'était ce qu'avait dit le capitaine Updawn.
Elle s'assit dans un coin de la cabine en priant pour que plus aucun boulet de canon ne l'atteigne et attendit en écoutant, le cœur battant. Plusieurs explosions eut lieu dans plusieurs parties du navire mais sa cabine fut épargnée. Une immense secousse la bouscula au bout de quelques temps et elle comprit que le navire pirate avait heurté le Legendary. Rapidement, des cris se firent entendre au-dessus de sa tête et des épées s'entrechoquèrent alors. Ils étaient passés à l'abordage. Tremblante, elle joignit ses mains et commença à prier pour que le capitaine Updawn et ses hommes parviennent à les repousser. Elle ne s'était jusqu'à aujourd'hui jamais trop intéressée à la religion, si ce n'est pour son histoire captivante mais à cet instant, elle pria Dieu de les épargner avec plus de ferveur qu'à n'importe quel messe auquel elle avait assisté.
Au bout d'un moment, le silence se fit jusqu'à des hurlements de victoire et des tapements joyeux de pieds firent secouer le navire. Quelqu'un l'avait emporté sur l'autre, enfin. Mais qui ? Etait-ce le capitaine Updawn ? Si oui, il allait venir la trouver pour la rassurer, c'était certain. Mais si c'était les pirates ? Alors ils allait fouiller tout le navire pour en prendre toute les cargaisons possible, soit ils l'a trouverait et l'emmènerait avec eux sur leur navire, soit ils ferait couler le navire avec elle dedans. Et si elle restait cachée, c'est ce qu'ils feront, assurément. Elle préférait une chance de survie à rien du tout. Même si l'idée d'être prisonnière sur un navire pirate la terrifiait et lui faisait regretter la chaleur ennuyeuse mais rassurante de sa grande maison à Londres.
C'était de l'aventure que tu voulais, te voilà servie au-delà de tes espérances !
Les semaines qui ont suivi cela, elle aurait préférée les oublier, les enterrer dans un trou et ne plus jamais les sortir, même si elle s'estimait chanceuse de ne pas avoir subi le sort que certaines jeunes femmes ont pu subir entre les mains des pirates. Quand elle était montée sur le pont, la première chose qu'elle avait vu, c'était le cadavre du capitaine Updawn, la gorge tranchée, gisant sur le sol, ses yeux ouverts observant le vide. Elle avait retenu son hurlement d'horreur qu'avec beaucoup d'efforts et rapidement, les pirates la remarquèrent, bien sur.
Ce navire pirate se nommait le Lady Lavinia, nommé apparemment en l'honneur d'une mystérieuse femme jamaïcaine dont le capitaine pirate était fou d'amour. Le capitaine en question était apparemment pirate depuis peu et il n'avait pas l'air franchement ravi de sa position. James Hollens était son nom, un homme d'environ quarante ans aux cheveux brun sombre qui commençait à grisonner aux tempes et aux yeux de faucon. Il n'avait pas dit un mot en la voyant, mais ses hommes si, et les commentaires lubriques l'avait fait frissonner de terreur. Elle allait certainement être violée par toutes ses brutes. Quand cette pensée lui traversa l'esprit, elle regretta amèrement d'être sorti de sa cabine. Mourir noyée valait mieux que le sort qu'ils allait lui infliger. Elle avait regardé le capitaine, tremblante, pendant un temps qui lui sembla une éternité avant que sans un mot, Hollens la prit par le bras avant de la traîner sur son navire, de descendre dans la calle et d'ouvrir une sorte de grand placard ou on entreposait de toute évidence la nourriture, vide alors, et il l'y avait jeté avant de l'enfermer.
Elle était restée des semaines dans ce petit trou noir, sans jamais pouvoir voir la lueur du jour, à pleurer et à se détester d'avoir pris si joyeusement ce voyage, à haïr son père qui l'avait fait venir. Cinq semaines au total, elle compta chaque jour. Dans un sens cependant, elle avait de la chance. Elle ne pouvait pas sortir de ce petit espace clos et obscure, mais aucun homme ne venait la voir pour la toucher comme elle l'avait tellement craint. Il n'y avait que le capitaine qui venait pour lui apporter à manger, une fois par jour, de l'eau pour se laver, une fois par semaine, deux par moments et elle avait même eu droit à un pot de chambre qu'il vidait sans se plaindre. Il ne disait jamais rien et personne ne venait à sa place. Sincèrement, elle n'aurait su dire pourquoi le capitaine Hollens la traitait ainsi. Les choses auraient pu être pires, elle en était parfaitement consciente. Peut-être avait-il découvert qui était son père dans des papiers perdus du capitaine Updawn et qu'il espérait obtenir une rançon contre elle. Elle ne voyait pas d'autre possibilité. Mais il ne fallait pas cinq semaines pour atteindre Kingston. Alors elle n'était pas certaine de ce qu'elle avançait.
Si elle était plus ou moins nourrie et plus ou moins propre vu la situation, il n'empêche qu'elle mourrait de froid chaque nuit. Le sol dur était infesté d'insecte qui lui grignotait le sang chaque nuit et elle craignait d'attraper une fièvre où une quelconque autre maladie à force d'être piqué et de trembler de froid chaque soir jusqu'à tard dans la journée, quand le soleil chauffait tant que même au plus profond de la calle du bateau, elle pouvait parfois le sentir et se réchauffer quelque peu. Mais ce qui l'effrayait le plus, c'était de devenir folle. Quelque fois, elle avait l'impression que les murs allaient se refermer sur elle et la presser tel un citron. Elle les voyait même s'avancer lentement, pour l'emprisonner, pour la tuer… Dans ces moments là, elle savait qu'elle délirait mais sur le coup elle ne pouvait s'empêcher d'y croire et de hurler de terreur. Personne ne descendait jamais. Au pire un cuisinier frappait à la porte en lui disant de la fermer. Elle s'y efforçait car elle craignait ce qu'on pourrait lui faire mais alors sa respiration se bloquait dans sa poitrine et elle commençait à manquer d'air. Elle allait étouffer. Mourir étouffé dans cette boite obscur.
Pour se calmer, elle se mettait la tête entre les genoux et se balançait rapidement, tachant de reprendre sa respiration et de calmer ses tremblements et surtout à ne pas penser aux murs étroits dans lequel elle était close. Elle s'obligeait à penser à la vue de la mer sans fin qu'elle avait tant aimée sur le navire en venant ici avant que tout ne tourne au cauchemar. Aux charmants jardins de sa maison à Londres. A n'importe quel grand espace pourvu que ce soit éclairé, chaud et immense. Un endroit où elle pourrait courir sans jamais s'arrêter. Alors, doucement, elle parvenait à se calmer.
Charity faisait ses crises toute les nuits, voir plusieurs fois par nuit. Elle arrivait à dormir quelques heures après chacune d'entre elles, mais c'était pour faire des cauchemars. Et à chaque fois qu'elle se calmait, elle fondait en larmes, épuisée. A cet instant, elle aurait donner n'importe quoi, se serait couper un membre si il le fallait pour retrouver son père où sa mère et sentir leurs bras la serrer très fort, même ceux froids et antipathique de son père. N'importe qui mais que cette solitude prenne fin.
Elle ignora où ils naviguaient mais elle savait que le navire faisait plusieurs arrêts, des fois pour attaquer d'autres bateaux, des fois pour rester quelques jours sur place. Etait-ce à Nassau ? Elle l'ignorait et n'avait aucun moyen de le savoir. Elle se sentait affaibli, épuisée, ses crises augmentant chaque jour. Elle se demandait si son père la cherchait. Il devait avoir appris la disparition du Legendary – a tout les coups la perte de la frégate fraîchement payée allait lui faire plus de peine que celle de sa fille… -, ils aurait du être à Kingston depuis si longtemps ! Avait-il envoyée des hommes et des bateaux à sa recherche ? Il était si avare, dépenserait-il son or en grande quantité ainsi pour la retrouver ? Peut-être après tout, elle pourrait lui apporter encore plus avec ce mariage qu'il prévoyait. Et il n'allait tout de même pas laisser son unique enfant disparaître sans rien faire… c'est ce qu'elle se répétait, nuit et jour, pour se convaincre et se rassurer autant qu'elle le pouvait.
Après cinq longues semaines passées ainsi, où Charity commençait à penser qu'elle allait mourir ici, sans plus jamais revoir la lueur du jour ni sentir la chaleur du soleil sur sa peau, elle sentit que le bateau s'attaquait à un autre navire, encore. Et il ripostait, encore bien sur. Comme toujours, ce pauvre bateau allait couler par le fond. Ils devaient être riches à force de voler tellement de navires. Elle se demandait comment ces pirates arrivait à ne pas se faire attraper par personne, il devait bien y avoir des autorités en mers tout de même… était-ils donc si nombreux et si puissants ?
Une explosion dans la coque du navire le fit se secouer brutalement et la fit voler de son petit coin où elle se réfugiait avant de retomber lourdement, sur le menton où elle sentit le coup passer. Sonnée, elle entendit un autre boulet de canon transpercée la coque juste au-dessus de sa tête et faire un grand trou dans le navire où un jet de lumière s'échappa, qui l'aveugla littéralement pendant plusieurs secondes, secondes où le navire attaqué heurtait le Lady Lavinia de plein fouet. Lentement, elle cligna des yeux, s'habituant au jet de soleil violent et laissa promener son regard autour d'elle, le cœur battant. Le trou fait dans la coque était trop petit pour qu'elle puisse passer et trop haut pour qu'elle puisse monter mais l'impact avait été si puissant qu'il avait fait sauté la porte qui la retenait prisonnière.
Elle revivait la même situation que sur le Legendary, mais cette fois la situation était inversée. Quel que soit le navire qu'ils attaquaient, elle priait pour qu'ils l'emportent. Cela devait sûrement être un navire marchand anglais ou espagnol, les plus courants dans ses coins des mers, voir un navire français où portugais. Seigneur, elle s'en moquait éperdument, pourvu que ce quelqu'un puisse la sortir de là. Charity regarda la porte ouverte, et elle dut résister à l'envie d'y courir et de fuir, de fuir le plus loin possible, de sauter à la mer si nécessaire. Ce qui serait totalement stupide car si ils était en haute mer, ce qu'elle soupçonnait vu depuis le temps qu'ils naviguait sans s'arrêter, elle ne pourrait pas tenir indéfiniment dans l'eau à moins de tomber sur un navire prêt à l'aider. Si elle n'est pas tuée par des requins avant. Enfin, pour cela, il faudrait aussi qu'elle sache nager. Ce qui n'était pas le cas.
Elle s'était précipitée dehors la première fois et cela ne l'avait pas réussie. Cette fois, elle attendrait. Attendrait que les coups d'épées et les coups de pistolet cesse sur le pont, et attendrais de voir ce qui se passe. Si cela se trouve, le capitaine Hollens allait survivre et l'enfer recommencerait. Mais il est aussi possible que ce navire auquel ils s'en sont pris et qui, de toute évidence, avait durement riposté, l'emporte et que tout prenne fin. Cette perspective la fit presque pleurer de bonheur. Celle d'en finir avec ce cauchemar.
Cette attente fut la plus longue de sa vie. Bien plus longue que celle sur le Legendary. Elle ne pouvait quitter la porte ouverte des yeux, comme si elle craignait que cette unique échappatoire s'évapore tout à coup et qu'elle soit à nouveau cloîtrée dans cette espace sombre. Elle ne pourrait plus. Seigneur, elle ne pourrait plus. Enfin, au bout d'un moment, le silence se fit et elle se figea, tendant l'oreille. Plusieurs minutes s'écoulèrent, une vingtaine elle dirait, sans qu'elle ne bouge d'un centimètre, totalement paralysée par l'incertitude : qui allait descendre ? Alors qu'elle se dit qu'elle ne pourrait plus tenir longtemps et qu'elle allait céder à l'envie de jeter un coup d'œil par la porte, elle entendit l'entrée de la calle s'ouvrir brusquement et la voix d'un homme donnant des ordres durement :
- Fouillez-moi cette calle de fond en comble, et ramenez tout sur le pont ! Si il y a quoi que ce soit qui permette de réparer le Déserteur, vous le prenez. Ces maudits bâtards…
Elle ne reconnut pas la voix de l'homme, mais il avait un fort accent français. Elle comprit immédiatement que vu ce qu'ils disaient, l'autre équipage avait gagné. Charity se retint de hurler de joie et de sortir en courant. Si elle s'écoutait, c'est vraiment ce qu'elle ferait, pour aller embrasser l'homme à l'accent français. Mais quelque chose en elle la retint et lui dit d'être prudente. Elle ignorait encore qui était ces hommes. Doucement, à pas de loups, elle sortit de sa cachette et cligna des yeux pour mieux voir. Ses yeux n'étaient plus habitués à la lumière et la calle était éclairée par sa trappe grande ouverte. Elle se faufila et se cacha derrière un tonneau de rhum posté juste l'entrée du placard et regarda à qui elle avait à faire.
Plusieurs hommes fouillaient brutalement la calle. Ils était habillés comme des marins normales, aucun signe d'une quelconque appartenance à la Royal Navy ou la flotte espagnole. Charity en remarqua un habillé différemment, au centre de la pièce. Il ne cherchait pas avec les autres mais lisait un carnet entre ses mots, concentré, le carnet de bord certainement. Sa tenue était étrange. Il portait un imposant chapeau marron agrémenté d'une longue plume d'oiseau, de perroquet aurait-elle dit. Si sa chemise et son pantalon n'avaient rien d'exceptionnel, une cape rouge écarlate était accrochée à son cou et se balançait tandis qu'il marchait en lisant. Quand elle vit son visage, elle découvrit des traits d'une beauté certaine, une peau bruni par le soleil et des cheveux bruns pas suffisamment courts pour qu'ils ne se voit pas sous le chapeau. Il portait une barbe de plusieurs jours mais elle était incapable de voir ses yeux. Qui était ces hommes ? Ce n'était ni la Royal Navy, ni les troupes espagnoles… Et si c'était d'autres pirates ? Les pirates pouvait-il s'attaquer entre eux ? Seigneur…
Elle ne sut ce qui lui prit exactement à cet instant précis. Quand elle y repensera plus tard, ce sera flou dans son esprit, elle sera incapable de dire ce à quoi elle avait pensée. En fait, elle ne pensait pas. La peur la gagnait tout simplement, enflammait ses membres un à un et l'empêchait tout simplement de pensée. Charity ne vit qu'une chose à cet instant : la bouteille de rhum vidée posé sur le même tonneau qui la cachait encore aux regards des pirates, car ils était des pirates, que pouvait-il être d'autres ? Des ennemis. Elle en avait assez, des pirates. Elle les détestait ! En ayant à peine conscience de ce qu'elle faisait, elle prit la bouteille dans sa main et, la peur ayant soudain laissé place à une colère qui la brûlait encore davantage, elle se précipita vers le Français qui lui tournait alors le dos, toujours plongé dans son carnet et l'un des hommes l'a vit s'approcher mais prévint le Français trop tard.
- Capitaine, derrière vous ! S'écria-t-il tandis que Charity frappait de toutes ses forces la tête de l'homme avec la bouteille.
Il faut croire que la colère donne de la force – à moins que ce Français avait vraiment le crâne dur – car jamais autrement la bouteille n'aurait ainsi éclatée en morceaux entre ses mains, juste avec la force de ses petits bras maigrichons. L'homme chancela sous le coup, faisant tomber le carnet à terre en grognant de douleur. Elle ne se préoccupa absolument pas du mouvement des autres autour d'elle et se mit à frapper le capitaine Français à coup de poings acharnés sur le dos, pensant à chaque maudite nuit qu'elle avait passé dans ce placard infernale, à ne pas savoir si elle reverrait la lumière du soleil un jour. C'était la faute de ces infâmes pirates. Tout était de leur faute ! Alors elle continua de frapper mais ne dut pas donner plus de quatre ou cinq coups avant que l'homme se reprenne et que sa propre main se leva à toute vitesse, giflant Charity avec une telle force qu'elle tomba au sol, la joue brûlante. Cela eut l'effet de l'éveiller de la torpeur dans lequel elle avait inexplicablement plongée. Regardant autour d'elle, se tenant la joue de la main, elle vit les six hommes qui était entré avec le Français sortir leurs armes et les pointer sur elle. Elle sentit les larmes de peur et de désespoir monté mais pas question de leur montrer. Si elle devait mourir, qu'importe à quel point elle était terrifiée en réalité, elle mourrait la tête haute.
- Allez-y, tuez moi, satanés pirates ! Vous irez tous brûler en enfer ! S'écria-t-elle, sa voix se brisant malgré elle.
- Baissez vos armes, bandes de bons à rien, grogna le Français, les yeux fermés, la main derrière tête tâtant la blessure qu'elle lui avait infligez. Ce n'est qu'une putain de gamine.
Charity tourna leva les yeux vers l'homme qui l'avait frappée – bon, elle l'avait peut-être méritée – et vit qu'il n'avait pas du tout l'air inquiet ou furieux, simplement très exaspéré par la situation. Il avait toujours les paupières clauses, le visage grimaçant et il se pencha en avant en secouant la tête. Sans savoir vraiment pourquoi, cela agaça Charity mais son chagrin à l'idée de mourir – elle ne pouvait s'empêcher d'en avoir la conviction, malgré l'ordre que le Français avait donné à ses hommes. Qu'est-ce qu'elle avait été stupide ! Au lieu de le frapper sans réfléchir, elle aurait du chercher à fuir, à courir le plus loin possible, à sauter du navire. Bon, ils l'auraient probablement rattrapé ou tiré dessus avant qu'elle n'ait le temps de faire dix pas et même si par bonheur elle avait réussi à sauter à l'eau, elle se serait noyée avec les vagues. Mais bon, cela valait tout de même mieux que de se condamner ici en frappant au hasard. Elle aurait presque félicité le Français de l'avoir giflé, ne pouvant le faire elle-même.
- Allez-y, finissez ce que les autres ont commencés, ne put-elle s'empêcher de lancé à l'homme en face d'elle. Tuez-moi vous-même, sale pirate répugnant !
Il ouvrit alors les yeux et deux prunelles vertes lui jetèrent un regard noir emplis d'agaçant en marmonnant :
- Nous ne sommes pas des pirates, maudite furie.
Il se pencha vers le livre de compte qu'il ramassa en secouant la tête avant de jeter un regard dur à ses hommes :
- Remettez vous au travail, vous autres ! Je ne veux pas m'attardez ici.
Les hommes s'empressèrent d'obéir tandis qu'il se relevait, dévisageant Charity pendant un petit moment avant de rire doucement. Charity n'osait plus bouger, ne le quittant pas des yeux. Il disait ne pas être pirate, mais il pourrait mentir. Bien qu'elle n'en voyait pas l'intérêt, elle serait à sa merci de toute façon. Non, c'était ridicule qu'il mente… Oh, elle ne savait plus que penser. Sa tête était dans le coton, elle voulait juste que cela se termine enfin, que ça s'arrête.
L'homme s'approcha d'elle et s'accroupit pour se mettre à sa hauteur, un sourire sardonique toujours cloué aux lèvres. Elle recula d'instinct, lui jetant un regard meurtrier mais cela ne le fit que sourire davantage. De si près, elle vit mieux ses traits et elle ne put s'empêcher de se dire qu'il avait quelque chose de vaguement aristocrate dans le visage, bien que son regard et son aptitude lui faisait davantage penser à un bandit avec sa barbe et ses vêtements qu'à un gentilhomme. Il ne ressemblait en rien aux nobles Français qu'elle avait pu rencontrer à Paris. Aucun d'eux ne dégageait cette espèce… d'aura animale qui venait de cet homme. Il lui sourit ainsi quelques secondes, secondes durant elle se tortura à se demander ce qu'il comptait faire d'elle, puis il finit par tendre une main pour l'aider à se relever.
Charity regarda la main tendue, hésitante. Il avait toujours le même sourire aux lèvres, mais semblait plus amusé que rancunier. Mais elle refusa de se fier aux apparences. Il avait l'air d'un prédateur et même si il n'était pas un pirate, tout en elle lui criait que cet homme était dangereux. Et elle mourrait d'envie d'écouter son instinct. Cependant, vu la situation, elle n'avait pas beaucoup d'autres choix que d'accepter cette main tendue car elle n'était même pas certaine de réussir à se relever toute seule. Elle se sentait faible. Elle avait faim, froid et se sentait sale. Et surtout, elle était plus épuisée qu'elle ne l'avait jamais été.
Elle saisit la main tendue et le Français la releva d'une poigne forte, comme si elle ne pesait rien. Lorsqu'elle fut debout sur ses pieds, elle chancela, toute force l'ayant abandonné mais retira néanmoins rapidement sa main, et s'éloignant de quelques pas, ne le quittant pas des yeux. L'homme remarqua son geste et eut un rire moqueur.
- Je vous fais peur, mademoiselle ? Vous avez pourtant l'air de savoir vous défendre. Ma tête s'en rappellera.
- Je…
- Julien, cessez donc de la torturer, voyons, dit une voix masculine derrière eux, dont le ton était à la fois exaspéré et amusé.
Charity se retourna vivement et découvrit un homme bien différent que ce Français qui s'appelait apparemment Julien. Il était le typique Anglais de convenance, propre sur lui, élégant, avec une coiffure courte impeccable. Il avait quelque chose de séduisant avec ces cheveux bruns et des yeux gris clair qui paraissaient presque blanc, seulement son regard était d'acier comme leur couleur, et une cicatrice affreuse le défigurait sur une joue. Mais Charity n'avait pas la force de s'attarder sur cela. Plus les secondes s'écoulait, plus l'abattement prenait place à la colère qu'elle avait ressenti. Elle craignait de s'effondrer à tout moment.
- Si vous appelez ça de la torture, Woodes, cela montre bien que vous ne m'avez jamais vu torturer quelqu'un, répondit Julien d'un ton qui se voulait joyeux mais qui avait quelque chose de dure.
Il n'avait de toute évidence pas apprécié la remarque de ce Woodes, prénom qui ne laissait pas de place aux doutes quand à l'origine de ce second homme : un Anglais, comme elle. Un homme de sa patrie qui avait tout d'un gentilhomme. Ce n'était vraiment pas des pirates, alors. Elle ne put s'empêcher de ressentir un intense soulagement l'envahir et leva les yeux vers ce Woodes, retenant ses larmes à grande peine.
- Monsieur, je vous en prie, dîtes-moi que vous pouvez m'emmener chez mon père. Je vous en prie…
L'Anglais baissa les yeux vers elle, le regard froid mais un sourire amical apparut sur ses lèvres qui se remplaça vite par une grimace d'horreur en la regardant davantage.
- Dieu, regardez dans quel état vous êtes, s'alarma-t-il en enlevant rapidement sa veste pour la placer sur les épaules de Charity. Ces pirates sont des sauvages. Venez avec moi, mademoiselle, nous allons vous mettre en sûreté. Qui est votre père, dîtes-moi ?
- Lord Arthur Greyson, répondit Julien en s'approchant d'eux avant qu'elle ne puisse répondre en agitant de la main le carnet de bords. Ce foutu pirate était peut-être un sauvage mais il savait tenir les compte de sa cargaison, tout y est parfaitement noté. Cette fille est Charity Greyson. Trouvée sur un navire nommé le Legendary aux abords de Nassau il y a cinq semaines, ainsi que cinquante caisses de sucre, vingt de tabac et trente tonneaux de rhum et la somme de plus de 5000 livres. Un bien joli butin. Tout a déjà été revendu à Nassau, et l'argent dépensé bien évidemment. Il comptait sans doute demander une rançon pour elle.
- Certes, acquiesça Woodes en secouant la tête, regardant Charity dans les yeux, une vague expression de pitié sur le visage. Cinq semaines, dîtes vous ? Cela à du être un cauchemar, lady Greyson. Mais c'est terminé. Je suis Woodes Rogers, corsaire au service de Sa Majesté le roi George. Et voici Julien Du Casse. Je vous promets de faire des recherches sur votre père dès que nous serons arrivés à La Havane. Venez, je vous prie.
Charity, qui avait de plus en plus de mal à se concentrer et n'écoutait qu'à moitié ce que les deux hommes disait, sursauta néanmoins à ces derniers mots et regarda ce Woodes Rogers, sentant la panique la gagner tout à coup.
- La Havane ? Non, non, je ne dois pas aller à La Havane, mon père m'attends à Kingston… Je dois aller à Kingston. Kingston, oui… Vous devez m'emmener à Kingston !
- Chut, chut, calmez-vous, mademoiselle, calmez-vous, dit Woodes Rogers d'un ton apaisant, en levant les deux mains devant lui. Nous sommes loin de Kingston. J'ignore si ces pirates voulaient vraiment vous échanger contre une rançon mais si c'était le cas, ils n'étaient pas pressés, car nous sommes à côté de La Havane. Monsieur Du Casse et moi-même avons affaire là-bas et nous devons nous y rendre. Rassurez-vous, il ne vous sera fait aucun mal, vous pourrez reposer quelques temps là bas et je contacterais votre père. Vous serez bientôt à Kingston, d'accord ? Tout ira bien. Je le jure sur mon honneur. Suivez-moi, je vous prie.
Elle ne répondit pas, l'esprit trop embrouillé, sa vue commençant à faiblir, et elle devait bien avouer qu'elle n'avait pas tout compris ce qu'il venait de dire à part que tout irait bien et qu'il lui demandait de le suivre. Dans l'état dans lequel elle était, elle n'aurait même plus songé à désobéir. Tout irait bien, disait-il… Si seulement elle pouvait dormir… Elle essaya alors d'avancer de quelques pas mais perdit l'équilibre et manqua de s'effondrer mais elle sentit deux bras chauds la rattraper, et ses bras dégagèrent une telle force que sur le coup, elle ne résista pas et se laissa aller contre le corps à qui ils appartenaient. C'est à peine si elle était consciente lorsqu'elle entendit l'homme qui l'avait retenu grogner et dire à son compagnon :
- Bon sang !
- Ce n'est qu'une enfant, soupira la voix de Rogers. Le navire que j'ai emmené est trop petit pour l'accueillir, à moins de la faire dormir par terre. Vous allez devoir l'emmener sur le vôtre. Avez-vous trouvez quelque chose ?
- Rien qui ne vaille la peine qu'on ne reste une seconde de plus ici, rétorqua Du Casse, de toute évidence encore amer quand au Lady Lavinia.
D'autres mots furent encore échangés mais Charity ne parvint pas à les capter ni à dire combien de temps passa. Cela aurait pu être aussi bien des secondes que des heures. Sa vision était flou, des points noirs apparaissait dans son champ de vision et ses pensées ne ressemblait plus à rien. Elle n'entendit que quelques bribes de phrases de Rogers et Du Casse, notamment un à un moment donné de la part de Rogers :
- Elle ne pourra pas marché jusqu'au Déserteur.
- Merci de me le faire remarquer, Woodes, ricana Du Casse en passant alors ses bras sous les jambes de Charity pour la soulever contre lui.
Elle crut entendre la voix de sa mère s'écrier « Mon Dieu, c'est inconvenant, inconvenant ! Cessez immédiatement » comme elle le faisait à chaque fois que Charity faisait quelque chose qui lui déplaisait et elle rit doucement, alors que sa joue alla se poser contre une chemise légèrement humide qui sentait l'eau de mer et la poudre à canon. Elle apprécia cette odeur et blottit son nez contre, fermant les yeux inconsciemment. Woodes Rogers soupira une fois encore et lorsqu'il reprit la parole tandis qu'ils remontait les marches qui les menait au pont, sa voix était bien plus dur et déterminé qu'avant :
- Pauvre petite. Regardez donc l'œuvre de ces animaux, Julien. Ils ne sont que cela. Des bêtes, qui agissent par pure sauvagerie, n'écoutant que leurs instincts. Cette vermine doit à tout prix être éradiquer de Nassau avant qu'elle ne contamine toute les Antilles.
- Chassez les pirates si vous en avez envie, je vous fournirais les armes, ria doucement Du Casse. De mon côté, je chasserais de plus gros gibier.
Woodes Rogers répondit à Du Casse mais elle ne les entendit pas car ils venaient d'ouvrir la calle et tout à coup le soleil la frappa en visage de plein fouet. D'instinct, elle ferma encore davantage les paupières, agresser par cette lumière forte mais sa chaleur fut le plus doux des réconforts. Pour la première fois depuis cinq semaines, elle sut que son cauchemar était vraiment terminé. Le soleil et les bras forts qui la portaient en étaient la preuve. Elle ne connaissait pas ces hommes mais à cet instant, elle les aima plus que n'importe quel être sur Terre. Ils l'avaient sorti de l'enfer et, enfin, elle revoyait le soleil. « Enfin, je peux lâcher prise… me reposer, juste un petit peu… » pensa-t-elle avant de perdre connaissance.
