Epuisée par le dîner de début d'année, Hermione gravit les marches de la tour des préfets-en-chef pour gagner sa chambre, où elle savait que ses affaires avaient été transportées. Elle avait hâte de prendre une douche brûlante avant de se mettre au lit avec un bon livre, pour savourer sa première soirée de septième année à Poudlard. De toute façon, l'heure du couvre-feu était passée, et elle ne pouvait plus rejoindre ses amis dans la salle commune.

Lorsqu'elle fut arrivée en haut des marches, elle s'arrêta quelques instants pour reprendre son souffle, et sourit à la vue de la grande porte qui gardait l'entrée du sanctuaire des préfets. On aurait beau dire, noblesse de coeur ou pas, c'était tout de même satisfaisant pour l'ego de savoir qu'on était l'une des deux meilleurs élèves de l'école! Elle prononça le mot de passe et s'engouffra dans l'ouverture béante de la porte. La petite pièce dans laquelle elle se retrouvait était aménagée de façon neutre, et tout à fait charmante aux yeux d'Hermione: au centre de la pièce se trouvait un foyer que les elfes de maison avaient pris la peine d'allumer. Les murs étaient décorés non pas par des tableaux mais par diverses photographies des préfets en chef qui s'étaient retrouvés à sa place avant elle; celle de Cedric lui provoqua un petit pincement au coeur, et elle continua son exploration: des étagères, quelques unes remplies d'ouvrages à l'aspect vénérable, et quelques autres vides, longeaient les murs qui n'étaient pas recouverts de photos. De part et d'autre de la pièce se trouvaient les portes permettant d'accéder aux chambres des préfets, et face au foyer se trouvait le salon à proprement parler: un canapé aux armoiries de Poudlard face au feu, encadré par deux fauteuils de cuir, l'un rouge et l'autre vert. Sur le fauteuil rouge, son nom, Hermione Granger, était inscrit en lettres d'or; sur le vert, elle put lire en lettres d'argent "Draco Malefoy". La simple lecture de ce nom lui arracha un soupir de résignation: elle allait devoir passer l'année à cohabiter avec ce petit arrogant. Elle se promit de ne pas passer trop de temps dans leur salle commune et de ne pas se laisser aller à répondre à ses provocations; après tout, elle était assez grande pour pouvoir se contrôler. Il lui suffirait d'agir comme s'il n'existait pas...

Elle s'assit quelques instants dans son fauteuil rouge et or pour en tester le confort, et décida très vite qu'il était impeccable. A vrai dire, elle pourrait presque y passer la nuit! Mais justement, il se faisait tard, et si elle ne prenait pas sa douche maintenant, elle serait trop fatiguée pour lire avant de s'endormir. Hermione se dirigea donc vers sa chambre, décorée elle aussi aux couleurs de sa maison, pour sortir de sa valise ses affaires de toilette; elle aurait bien le temps de ranger le reste le lendemain matin. Un petit coup de baguette libéra Pattenrond de sa cage de voyage; qu'il était bon de pouvoir à nouveau user de la magie sans regarder à la dépense!

Se sentant d'humeur joyeuse, elle se déshabilla en chantonnant, les lèvres closes, puis s'enroula chaudement dans une immense serviette de toilette, son gel douche à la main, avant de sortir de la chambre pour aller - enfin - prendre sa douche.

Elle traversait la salle commune par grandes enjambées lorsque sa porte principale s'ouvrit, laissant apparaître un Malefoy essoufflé par les escaliers, et, juste à cet instant, surpris par ce qu'il avait sous les yeux. Sa mâchoire était même décrochée. N'attendant même pas qu'il retrouve suffisament ses moyens pour pouvoir lui jeter une réflexion désagréable à la figure, elle lança rapidement un "Bonsoir Malefoy" faussement naturel et s'engouffra dans la salle de bains, claquant la porte derrière elle. Pendant quelques secondes, elle garda son dos appuyé au battant de la porte, comme s'il allait entrer derrière elle pour la poursuivre avec son arrogance naturelle. C'était idiot. Hermione s'accorda quelques secondes pour souffler et se remettre de sa frayeur, puis elle se tourna enfin vers la salle de bains, pour en découvrir les installations.

Après un délicieux bain chaud avec des kilomètres de mousse parfumée, Hermione sortit de la salle de bains complètement revigorée. Cette salle de bains était un avantage incontestable de la condition de préfet en chef; Harry leur en avait bien parlé en quatrième année, mais elle était loin de se douter que la salle de bains atteindrait une telle perfection! Si Ron y entrait, il serait probablement capable d'y passer une semaine entière, rien que pour jouer avec la mousse. Lorsqu'elle poussa la porte de la salle de bains, une légère crainte l'étreignit, mais Malefoy était dans sa chambre et ne pouvait pas la revoir passer. Elle se promit qu'à l'avenir, elle se déshabillerait dans la salle de bains, et non pas dans sa chambre. La familiarité du dortoir de Gryffondor qu'elle partageait avec les mêmes amies depuis qu'elles avaient onze ans ne pouvait pas s'appliquer dans le cadre d'une cohabitation avec Malefoy.

Elle se mit donc au lit après avoir passé une grande chemise de nuit de soie très douce, qui convenait parfaitement à son humeur et sentait encore la lessive qu'utilisait sa mère. Mmmmh... Elle tenta de fixer ses yeux sur les lignes du livre qu'elle était en train de lire, mais elle avait passé plus de temps que prévu dans la salle de bains; le sommeil la rattrappait et n'allait pas tarder à avoir raisond d'elle. Résignée, elle posa le livre sur sa table de chevet, s'enfonça un peu plus dans les couvertures et murmura "Nox". La lumière s'éteignit, et elle ferma les yeux, prête à plonger dans un sommeil tout aussi délicieux que l'avait été la fin de sa soirée.

C'était compter sans les pas énergiques dont le bruit semblait révéler qu'ils se dirigeaient vers sa porte. Hermione, à demi-endormie, ne réagit pas immédiatement. Par contre, elle fit un bond dans son lit lorsque sa porte s'ouvrit avec fracas.

- Granger!

Malefoy se tenait dans l'encadrement de la porte, en sous-vêtements vert et argent (décidément!), relativement décoiffé et passablement furieux. Hermione, qui s'était dressée sur sa couche à cause de la surprise, se recoucha et poussa un grognement qui visait à faire comprendre à Malefoy qu'elle était en train de dormir.

- Granger, répéta le jeune homme furieux, je peux savoir ce qui t'a pris d'éteindre toutes les lumières de ma chambre?

Hermione grogna à nouveau. Elle n'avait aucune envie de jouer à la guéguerre avec Malefoy maintenant; tout ce qu'elle voulait c'était dor-mir. Et elle se retourna dans son lit pour bien le lui faire comprendre. Mais visiblement, le Serpentard ne semblait pas partager son point de vue. Il entra carrément dans sa chambre et la secoua.

- Si c'est encore une de tes ruses pour te moquer de moi, tu vas me le payer. Je te jure que cette année, ta vie va devenir un enfer.

- Oh, retourne te coucher, Malefoy. Je dors, répondit Hermione qui sentait le sommeil s'en aller et la mauvaise humeur la gagner.

Elle détestait se faire secouer - par Malefoy! - alors qu'elle était en train de s'endormir; la moutarde commençait à lui monter au nez. Malefoy non plus ne semblait pas satisfait de ce qu'il avait fait jusque là; il tira alors les couvertures pour sortir complètement Hermione de son lit. Elle se redressa en un clin d'oeil. Le sommeil, ça ne serait pas pour tout de suite.

- Mais... Mais tu es complètement cinglé, s'écria-t-elle en essayant de récupérer au moins un pan de drap pour couvrir la légèreté de sa tenue. Qu'est-ce que c'est que cette histoire? Je dors, moi, j'ai d'autres choses à faire que de me préoccuper de ta petite personne!

- Ah oui? Et pourquoi est-ce que toutes mes lumières se sont éteintes lorsque tu as prononcé la formule "nox"? rétorqua le jeune homme d'un air narquois.

S'asseyant plus à son aise sur le bord du lit, Hermione tenta de rassembler ses pensées.

- Je... Je n'en sais rien. Ah, si tu tiens à rester, assieds-toi, va ailleurs, ou fais quelque chose, mais épargne-moi le spectacle de tes dessous en gros plan, merci. Et puis tu m'as entendue prononcer le sort?

- Si tu savais comme c'est mal insonorisé, ici!

Avec humeur, Malefoy s'assit sur la valise que Hermione n'avait pas encore défaite. Il semblait attendre une réponse. Hermione tenta de réfléchir. Si cela n'était pas encore une mauvaise idée pour lui gâcher sa soirée, mais l'attitude de Malefoy, qui semblait vraiment fâché, lui démontrait plus ou moins le contraire, alors il devait s'agir d'une règle inhérente au fonctionnement du lieu.

Saisissant sa robe de chambre, elle s'en drapa et saisit sa baguette qu'elle pointa vers la chambre de Malefoy; sa propre porte ouverte donnait sur la salle commune à l'autre bout de laquelle elle pouvait voir derrrière la porte béante de la chambre du préfet. Elle en alluma toutes les lumières, puis fit de même pour sa propre chambre. Enfin, elle prononça la formule qui lui avait permis d'éteindre les lumières de sa chambre. De l'autre côté de la salle qui les séparait, les lumières de la chambre de Malefoy s'éteignirent. Il bondit, mais elle ralluma toutes les lumière, et, en étouffant un baîllement, elle lui demanda d'aller dans sa chambre et d'éteindre ses lumières à son tour. Ainsi que Hermione en avait déduit, tout l'appartement se retrouva à nouveau plongé dans le noir, à l'exception du foyer, au centre de la salle commune, qui illuminait la pièce d'une clarté orangée. Hermione avança jusqu'au centre de la pièce, où Draco la rejoignit. Cette fois, elle baîlla pour de bon.

- Bon, je crois avoir une explication. La lumière doit fonctionner d'un seul bloc, y compris les chandelles - j'ai vu que tu en avais, sur ta table de chevet. Je demanderai confirmation aux professeurs demain matin, mais visiblement, il va falloir nous entendre sur l'heure du couvre-feu...

Malefoy ne semblait pas du tout apprécier l'idée.

- Comment? Mais c'est impossible! Il doit bien y avoit un moyen de contourner ça, je ne vais pas me coucher tous les soirs à l'heure des poules!

Hermione soupira.

- Malefoy, ça n'est pas l'heure des poules, il est trois heures du matin. Et même s'il y avait une solution pour remédier à ça... Pas ce soir, par pitié, ce soir je dors.

- Mais je ne vais pas lire à la lueur du feu, dans un fauteuil pendant toute la nuit!

- Les fauteuils sont très confortables, et puis... oh, et puis tu n'as qu'à aller dormir, ça te fera le plus grand bien, et à moi aussi. Bonne nuit, Malefoy.

Alors qu'elle tournait les talons pour retourner se coucher, Malefoy l'apostropha.

- Donc ça signifie qu'à moins de trouver une solution, il va falloir qu'on s'entende?

Elle se retourna vers lui.

- Probablement. Je suis un peu trop fatiguée pour y réfléchir... On verra ça demain. Je suppose que de toute façon, en tant que préfets en chef censés donner l'exemple, en théorie ça ne devrait pas être difficile pour nous de nous entendre sur un simple petit couvre-feu, tu ne penses pas?

Malefoy s'avança jusqu'à se retrouver tout en face d'elle. Hermione frémit. Il sentait l'eau de toilette à plein nez, et c'était pour elle plutôt inhabituel. Ce n'était pas Harry, ou encore moins Ron, qui utiliserait de l'eau de toilette! Mais il semblait se préoccuper de tout autre chose, et alors qu'elle levait la tête pour croiser son regard et essayer de savoir quel mauvais coup il lui préparait, il déclara:

- Granger, autant s'entendre tout de suite. Je peux te mener la vie dure pendant toute l'année et te pousser à la démission si j'en ai envie, mais j'ai vraiment autre chose à faire.

- Tant mieux, parce que moi aussi, rétorqua la jeune fille du tac au tac.

Malefoy alla s'asseoir sur le dossier du canapé, l'air pensif. Après quelques instants, que Hermione avait trouvés interminables, assommée de sommeil qu'elle était, le jeune homme se leva enfin et déclara

- Je suis d'accord pour ne pas volontairement te gâcher la vie, tant qu'on sera ici, dans cet appartement. Si c'est ce qu'il faut pour avoir la paix.

- Un pacte de non-agression? s'étonna Hermione, surprise qu'une telle idée germe dans le cerveau d'un Malefoy. Ma foi, pourquoi pas... Si ça me permet d'aller dormir maintenant...

- Tu pourrais te sentir un peu plus concernée.

- Oh, je le suis, pas d'inquiétude Malefoy! C'est juste que... Je ne te vois pas le respecter, voilà tout. Et à vrai dire, ça risque d'être difficile de mon côté aussi.

- Comme tu veux Granger. En ce qui me concerne, ça m'est parfaitement égal, je peux très bien te mener la vie dure et répondre à chacune de tes provocations; ça me ferait perdre du temps, mais je n'y vois pas d'inconvénient majeur.

- Ce que tu peux être agaçant... Bon, je suis d'accord pour le pacte de non-agression. De toute façon, même si ça ne marche pas, ça vaut le coup d'essayer...

Draco tendit alors une grande main blanche à Hermione. Elle baissa les yeux pour la considérer, et son regard glissa vers le ventre du jeune homme, dont la peau semblait douce et les muscles puissants. Gênée de s'être laissée distraire, elle détournait le regard lorsque Draco s'écria:

- Bon, tu la serres, cette main, oui ou non?

- Oui, bien sûr...

Hermione tendit la main et serra celle que lui tendait le Serpentard. Il lui donna une vigoureuse poignée de main puis, sans la lâcher, il ricana avec un petit sourire:

- Une poignée de main sincère entre une Gryffondor et un Serpentard... C'est un moment historique.

- Tu l'as dit, bon, maintenant je vais me coucher, baîlla Hermione en tournant les talons, définitivement cette fois.

- Bonne nuit Granger...

Interloquée, elle faillit s'arrêter net, mais eut assez de ressource pour répondre:

- Bonne nuit, Malefoy, répondit-elle sans prêter attention à l'incongruité de ce qui venait de sortir de la bouche de son ennemi de toujours.

- Au fait, Granger...

- Moui?

- Plutôt sexy la nuisette!

Hermione claqua la porte de sa chambre, retira sa robe de chambre et se glissa à nouveau sous les draps; le sommeil l'emporta à l'instant même où elle fermait les yeux.