Disclaimer : l'histoire initiale et les personnages appartiennent à cette femme géniale qu'est Joanne Rowling.

Assis en tailleur, Harry observait les mots gravés sur la pierre taillée qui pointait vers le ciel, au milieu du parc de Poudlard, non loin de la tombe de marbre dans laquelle reposait Albus Dumbledore. « À la mémoire des résistants tombés pour la paix ». Ses yeux parcouraient les noms qu'il aurait pu citer dans l'ordre dans lequel ils étaient énumérés, tant il avait passé de temps à les observer. Colin et Deny Crivey, Remus Lupin et Nymphadora Tonks, Fred Weasley, chacun de ces noms lui donnait invariablement l'impression d'avoir la gorge enserrée dans un étau.

« Encore ici, Harry. »

Harry n'eut pas besoin de se retourner pour reconnaître cette voix abrupte et familière. Il se leva. Hagrid lui tapota l'épaule, lui donnant l'impression que ses pieds s'enfonçaient dans le sol. Ils se mirent en route vers les grandes portes de chêne. Ils entrèrent dans la grand hall, passèrent devant l'escalier de marbre à nouveau intact puis se dirigèrent vers la Grande Salle qui semblait n'avoir jamais été dévastée par la plus grande bataille magique des temps modernes.

Quatre mois s'étaient écoulés depuis le 2 mai 1998. Une fois n'était pas coutume, Harry se trouvait déjà à Poudlard avant le 1er septembre. En réalité, lui et une équipe d'une trentaine de sorciers et de sorcières avaient travaillé avec acharnement pour que la remise en route de l'école soit si rapide. Certaines parties du château n'étaient pas encore réhabilitées, mais tout était prêt pour que les cours puissent reprendre. Les parties communes ne gardaient aucune trace des événements dramatiques survenus en mai, si ce n'est celles qui étaient volontaires, les tours abritant les salles communes de Gryffondor et de Serdaigle avaient été remises en état, tout comme la plupart des salles de classe, et les cachots n'avaient presque pas subi de dommage.

Minerva McGonagall, nommée directrice de Poudlard par le ministère une fois reprit en main par Kingsley Shacklebolt, avait envoyé à tous les élèves qui étaient censés être en train d'achever leur septième année d'études en ce moment-même, un hibou postal leur proposant de retourner à Poudlard pour une exceptionnelle « huitième année » durant laquelle ils pourraient passer leurs ASPICs. Harry avait reçu la sienne un matin de mai dans la cuisine du Terrier, à peine quelques semaines après la chute de Voldemort. Sa première impulsion avait été, sans hésitation, de répondre un grand oui. Poudlard avait toujours été sa maison, son lieu de réconfort, de chaleur. Et puis, il l'imagina sans l'idée (révoltante ! dirait Hermione) d'un Dobby s'affairant au milieu des autres elfes de maison dans les cuisines et susceptible de lui faire une de ses visites impromptues, sans les sollicitations incessantes et souvent agaçantes de Colin ou de son frère Deny, sans le redoutable cours de potion de Rogue dans son cachot sinistre, Rogue qu'il était d'ailleurs parfois agréable de détester. Sans l'insouciance relative dans laquelle il vivait avant de voir Albus Dumbledore s'abattre sur le sol du haut de la tour d'astronomie. Son Poudlard existait-il toujours ?

« Sans ASPIC, on ne peut pas espérer faire de grandes carrières, remarqua Hermione.

Tu as détruit toi-même un fragment de l'âme de Voldemort, tu peux être ministre la Magie si tu veux », répliqua Ron.

Elle lui adressa un regard septique.

Observant la scène, Harry pensa que, certes, il avait toujours ses deux meilleurs amis. Il avait Ginny. Il avait Hagrid. Si tant est qu'ils décident tous de retourner à l'école.

La vie au Terrier n'était plus exactement ce qu'elle avait été jadis. Les choses, les gens, semblaient tourner au ralenti. Mrs Weasley s'agitait plus encore que d'habitude. Elle ne passait pas un seul instant sans occupation. Elle s'arrangeait pour que la maison soit toujours pleine de monde et cuisinait, rangeait, lavait, triait, sans ménagement. Mr Weasley passait beaucoup de temps au ministère, organisant sa restructuration, et lorsqu'il était présent, il semblait souvent perdu dans ses pensées, désorienté. Bill était celui qui prenait les choses en main, il était le fil solide qui tentait de décharger, comme il le pouvait, ses parents de leurs responsabilités. George ne faisait que peu d'apparitions au Terrier, préférant la solitude de sa boutique du chemin de Traverse. Lorsqu'il arrivait que l'un de ses frères ou sa mère arrivent à le convaincre de se joindre à l'un des fréquents repas surpeuplés au Terrier, il n'était que l'ombre de lui-même et sa présence, bien que personne ne le formula à haute voix, emplissait l'air ambiant d'une intense tristesse, à peine supportable.

Ron tentait d'être fidèle à lui-même. Mais Harry surprenait parfois son regard se perdre dans le lointain et son visage perdre toute expression. Hermione le remarquait aussi et lui prenait la main en serrant doucement. Ron lui souriait et reprenait contenance. Quant à Ginny, elle apparaissait souvent les yeux discrètement rougis et le sourire forcé.

Harry avait passé des heures entières avec Ginny, à lui raconter le moindre détail concernant les Horcruxes, les Reliques de la mort et tout ce qu'ils avaient fait durant l'année qui avait précédé. Elle en fit autant, lui expliquant Poudlard sous le contrôle des Mangemorts. Il semblait à Harry qu'elle était plus spontanée dans les moments qu'ils passaient seuls ensembles, plus sincère. En ce qui le concernait, elle arrivait à lui faire oublier les morts qui l'habitaient.

Et au milieu de cette douleur, que chacun assimilait et extériorisait à sa façon, le Terrier semblait être devenu le carrefour des festivités liées à la chute de Voldemort. Presque tous les soirs, cinq ou dix convives, invités ou non, s'attablaient autour des tables de bois usées alignées dans le jardin aux côtés des Weasley, devant un repas préparé par Mrs Weasley. Parmi les visages qui défilaient, on retrouvait fréquemment Hagrid, Luna ou Neville, mais aussi parfois d'anciens membres de l'Ordre tels qu'Elphias Doge ou Arabella Figg. Même Mr et Mrs Granger avaient fait le déplacement après qu'Hermione ai levé le sortilège d'Amnésie qu'elle leur avait jeté.

Elle avait attendu une journée après la Dernière Bataille. Sa nervosité et son appréhension étaient montés progressivement et elle avait passé une nuit à errer dans le Terrier, qu'ils avaient tous rejoint le jour même. Ron l'avait trouvée dans le petit salon vers 2h, à faire les cent pas en suivant les motifs du tapis ovale au tour de la table basse.

« Le somnambulisme se soigne très bien à Ste Mangouste, tu sais. »

Hermione sursauta et se figea. Quelques secondes passèrent sans que l'un d'eux ne bouge.

« Et si je n'y arrivais pas, dit Hermione d'une voix anxieuse. Et si je ne pouvais pas leur rendre leurs souvenirs.

Bien sur que tu vas y arriver, tu es la meilleure pour ces choses-là, répondit Ron sans l'ombre d'un doute.

Et s'ils ne se rappellent jamais plus de moi », ajouta-t-elle en baissant les yeux sur le tapis.

Une larme s'écrasa à ses pieds, puis un flot coula sur l'épaule de Ron qui s'était avancé pour la tenir serrée contre lui.

Le matin suivant, Ron insista pour l'accompagner. Ils transplanèrent ensemble dans une ruelle dont Hermione savait qu'elle était souvent déserte. Ils marchèrent sans un mot pendant quelques minutes, puis Hermione s'arrêta brusquement devant la façade d'une maison de pierres coincée entre deux autres, identiques. La peur se lisait sur son visage. Ron lui prit la main pour l'entrainer doucement vers le perron, puis, voyant qu'elle ne se décidait pas à le faire, frappa trois coups sur la porte de bois verni. Mrs Granger ouvrit et Hermione laissa échapper un léger soupir.

« Bonjour, que puis-je faire pour vous ? » demanda Mrs Granger aimablement.

Ron jeta un coup d'oeil à Hermione, toujours tétanisée.

« Oui, heu... Voilà, nous sommes... » balbutia-t-il.

Il n'avait pas réfléchi à la façon dont ils entreraient dans la maison. Cependant, Mrs Granger observait sa fille de manière perplexe.

« J'ai l'impression que nous nous sommes déjà vues. Nous connaissons-nous ? »

Hermione sembla ragaillardie par cet encouragement.

« Oui, je suis la fille de l'un de vos cousins éloignés, Henri, se reprit-elle. Nous ne nous sommes jamais vues, mais mon père m'a beaucoup parlé de vous. Et voici mon... compagnon », ajouta t-elle.

Ron retint un sourire.

« Henri ! s'exclama Mrs Granger. Incroyable ! Mais entrez donc ! » les invita-t-elle en ouvrant grand la porte.

Les laissant une minute dans le hall, elle se hâta d'aller chercher son mari.

« Ton ''compagnon'' ? » rigola Ron.

Hermione lui répondit par une sourire de défi et un haussement d'épaule. Puis elle sortit sa baguette et, au moment même où ses parents réapparaissaient avec un sourire accueillant, elle prononça d'un ton assuré la formule : rapellare.

Quelques secondes plus tard, Mr Granger, sonné tout comme sa femme, demanda :

« Hermione, ma chérie, mais que s'est-il passé ? »

Celle-ci se jeta dans les bras de ses parents étonnés.

Ginny descendit dans la cuisine, ce fameux matin de mai, et jeta un regard interrogateur sur Harry, Ron et Hermione, et sur les lettres identiques qu'ils tenaient à la main.

« Qu'est-ce que c'est ?

Une lettre de Poudlard, répondit Ron. On nous propose d'y retourner. »

Le regard de Ginny se focalisa sur Harry.

« Et qu'est-ce que vous avez décidé ? demanda-t-elle sans le quitter des yeux.

Eh bien moi, je trouve que c'est une bonne idée, répondit Hermione. Après tout, nous n'avons pas fini d'étudier, la septième année est l'une des plus importante.

Oui, mais si on a le droit de refuser, c'est qu'on en sait suffisamment, non ? dit Ron.

Pas nécessairement, c'est simplement que l'école n'est plus obligatoire après la majorité. Fred et George ont bien quitté l'école avant de passer leurs ASPICs... »

Elle s'interrompit.

« Oh, pardon », dit-elle confuse.

Quelques secondes passèrent pendant lesquelles chacun regardait le sol.

« Je vais y retourner », dit soudain Harry.

Ginny releva brusquement la tête et lui jeta un regard pénétrant.

« De toute façon, qu'est-ce qu'on pourrait bien faire d'autre ? » acheva Ron.