Un jour comme les autres

(ou chroniques de l'ennui)

Note : en fait, chaque chapitre ne sera qu'une partie d'une journée de chaque personnage… en clair, il n'y a pas vraiment d'histoire, j'ai écrit ces textes juste parce que j'aime écrire pour écrire et surtout pour me faire plaisir…

Bon, ben voilà… Enjoy the show !


Dans la tête à Sasu…

Sasuke tourne en rond comme un lion en cage.

Pas qu'il soit désœuvré : il a décidé qu'il devait faire un grand ménage…

Mais, bon. Le vide. Rien. Pas envie.

Il est deux heures et il ne sait pas ce qu'il veut faire.

Il se lève, allume la chaîne Hi-fi et lance un C-d. c'est une compilation qu'il a sorti de son ordinateur : une trentaine de chansons plus ou moins tristes. Il appuie sur un bouton avec un dé dessus. Un dé à jouer qui signifie : « lire les pistes dans le désordre ».

Il sait que dans trois heures, il éteindra l'appareil, et, les yeux humides, il ira dans le jardin et criera un bon coup. Puis il reviendra dans la maison, ouvrira toutes les fenêtres et il lavera tout à grandes eaux.

En attendant, il ferme les yeux et écoute le début de chaque chanson, cherchant celle qu'il veut écouter en premier, appuyant sur « piste suivante » quand l'intro lui déplaît.

Ça fait cinq minutes qu'il cherche. L'écran orange affiche successivement :

« piste 20 » : 0'20'' - « piste 30 » : 0'12'' - « piste 12 » : 0'02'' - « piste 15 »…

etc…

Sasuke sourit. Il aime bien dire « etcetera » puis se demander comment ça s'écrit.

Il fronce les sourcils, revient sur la « piste 12 ».

Une chanson de Gorillaz. Il se dit : « si la prochaine, c'est la n°1, je laisse le C-D en mode normal. »

Sasuke, il aime bien se lancer des défis débiles que personne ne l'entend se lancer ou ne le voit réaliser.

Des défis comme : « si le prochain oiseau que je vois est gris, je change de trottoir » ou encore marcher sur un rythme : « un pas, deux pas, trois pas : stop. Un pas, deux pas, trois pas : stop. ». Etcetera…

La chaîne lance la piste 1, faisant relever le bras de Sasuke. Il ré appuie sur le dé, permettant au C-D de passer normalement. Il regarde par la fenêtre.

Se relevant, il va chercher une feuille blanche et des feutres dans son bureau.

Il habite toujours la maison traditionnelle de son enfance, avec les murs en papiers de riz, le petit jardin bien propre avec la fontaine-bambou et son toc-toc régulier.

La chaîne Hi-fi est sur son bureau, dans le salon. Un bureau en deux parties, une où il a la musique, l'ordinateur, et tout son bordel pour enregistrer sa musique sur le p-c. De l'autre côté s'entassent papier, stylos, cahiers, feutres et même ses partitions.

Collé contre le mur, le bureau. Tellement en bordel qu'on voit à peine le bois bleu et les montants en fer du meuble, en dessous des objets.

Il pose la feuille sur la table basse, s'assied en tailleur devant celle-ci, pose ses feutres et réfléchit. Il prend le feutre noir et le pointe sur le milieu de la page. Il lui fait parcourir des lignes sinueuses, des courbes, formant une figure étrange, sans qu'elle représente quoi que ce soit. De quoi s'occuper l'esprit un moment.

La chaîne peine un peu, Sasuke se lève pour lui donner un petit coup sur le capot. La machine repart. Une voix un peu comme une plainte, malgré un air entraînant… Sasuke chantonne : c'est de l'allemand…

« Der Blick zurück ist schwarz
und vor uns liegt die Nacht
es gibt kein zurück - zum glück
zum glück - kein zurück
kein zurück »

(la vue, derrière nous, est noire

devant nous se trouve la nuit

pas un ne revient - heureusement

heureusement - aucun retour

aucun retour)

Plissant les yeux, coloriant les parties encore vides, Sasuke se dit qu'il aime autant la version originale que celle en anglais.

Feutre rose, feutre vert, feutre orange.

Il se lève à nouveau, prend une autre feuille, note dessus : « Sakura » en rose, « Lee » en vert, « Naruto » en orange.

Il reprend son coloriage, puis son décompte : « Kakashi » en gris clair, « Iruka » en marron et « Naruto » en bleu viennent s'ajouter à la liste.

Il continue : « Neji », en noir, bien que l'emplacement soit resté blanc, « Kiba » en rouge, « Shino » en gris foncé…

« Hinata » en violet clair, « Kankuro » en violet foncé, « Naruto » jaune-doré…

Feutre bordeaux, feutre rose foncé, feutre beige.

Il termine toutes ses couleurs, puis reprend sa liste et note en noir le nom sur la couleur correspondante.

-Sakura

-Lee

-Naruto

-Kakashi

-Iruka

-Naruto

-Neji

-Kiba

-Shino

-Hinata

-Kenkuro

-Naruto

-Gaara

-Temari

-Tenten

-Shikamaru

-Chôji

-Naruto…

Etc…

Sasuke sourit. Encore un « etc »… il trouve que « etcetera » est « obsolète ». C'est un joli mot, peu « usité ».

Sasuke aime bien utiliser ce genre de mots, un peu poussiéreux. Il a l'impression de penser comme une grand-mère qui apprendrait à ses enfants la signification de chaque mot du dictionnaire, comme si elle leur lisait un compte. Sasuke aime bien le dictionnaire, on apprend plein de trucs.

Il accroche la feuille sur le mur, regarde autour de lui. Il écrase une larme naissante et se force à sourire.

Un sourire faux. Comme tant d'autres dans son entourage. Comme celui de Naru…

Il traverse la pièce et prend sa guitare. Entre les traces de feutre sur ses doigts et l'instrument dans ses bras, il songe que personne ne le reconnaîtrait si on l'espionnait.
Sasuke regarde la chaîne. Un chanteur anglophone lui souffle quelques phrases :

« Look at the stars

look how they shine for your

and everything you do

yeah they were all yellow… »

(« regarde les étoiles

regarde comme elles brillent pour toi

et tout ce que tu fais

oh, elles étaient toutes jaunes… »)

Sasuke appuie sur le bouton On/Eco et éteint l'appareil. Il pense alors que c'est pas à lui qu'il faudrait chanter cette chanson…

Calée contre sa hanche, les cordes légèrement caressées par les doigts longs et fins, la guitare ressemblait plus à un gros chat qu'à un instrument de musique.

Sasuke fait sonner deux accords : Do Majeur (do, mi, sol, do, mi) puis Mi mineur (mi, si, mi sol, si mi).

Dehors, les oiseaux chantent. Une cigale s'est aventurée sous la fenêtre en face du canapé où Sasuke joue. Son cri-cri incessant retentit avec force dans la pièce. Un vent léger agite les fleurs.

Les arpèges pleuvent dans le salon. Sasuke en est à son trente-sixième accord. Il sourit. Sa voix grave se mêle au son clair est doux de l'instrument.

Un coup de vent passe par la fenêtre ouverte. Les feuilles sur la table s'envolent. Les feutres roulent à terre. Les cheveux de Sasuke voltigent. Une feuille d'arbre se pose sur le canapé, à côté du jeune homme. Qui sourit. Se lève. Pose la guitare. Range ses papiers, son bureau, fait son ménage. Enfin.

C'est le printemps. Des oiseaux chantent dans le jardin, et un peu dans la tête à Sasu, aussi.