Chapitre n°1 Au Commencement

Le jour venait à peine de se lever. Dans une chambre minuscule, une brume de lumière éclairait un corps endormi, recroquevillé, comme un enfant, fragile. Les cheveux noirs, ébouriffés, tombaient sur des yeux clos sans doute gonflés par les larmes.

Des pas lourds montèrent rageusement l'escalier. Le dormeur ne sembla pas troublé outre mesure, remua un peu, le drap glissa, dévoilant le torse, pâle, finement musclé, totalement imberbe. Quelqu'un frappa à la porte avec force et hurla :
- Potter ! Réveille-toi !! Il est déjà neuf heures, Marge ne vas pas tarder à arriver ! Lève-toi ! Bon à rien !
Un autre que Harry Potter aurait sans douté obéi, la tête baissée, mais lui bondit de son lit comme une furie, ouvrit la porte violemment et la baguette brandie, menaçant.
L'oncle Vernon, surpris, recula, ses bajoues tremblaient, tandis que ses mains s'agrippaient à la rampe d'escalier. L'espace de deux secondes, il observa son neveu, sans croiser ce regard, habituellement envoûtant, qui était présentement vert sombre et orageux.

Enfin il se reprit :
- Pour qui te prends-tu ? Nous t'avons nourri, logé et vêtu pendant toutes ces années, malgré la folie qui émane de toi et des tiens, et tu oses te montrer violent ? Le vieux croûton est mort à présent, tu n'as plus d'avenir, personne là-bas ne voudra de toi, tu es fini !! Tu vas finir comme ton cher père, alcoolique, asséna-t-il avec un plaisir évident.
- Personne ne veut de moi ? Mais détrompez-vous !!C'est la dernière fois que vous me voyez, vous n'entendrez jamais plus parler de moi ! N'espérez même pas que je vous sois reconnaissant pour votre générosité, vous n'avez fait que me pourrir la vie pendant toutes ces années ! Et vous savez quoi ? Si vous voulez manger, démerdez vous ! Je ne suis pas votre esclave ! Et pour votre gouverne, Albus Dumbledore était un grand homme, plus grand que vous ne le serez jamais !
Harry recula et ferma la porte d'un coup de pied. Il s'adossa au mur, tremblant de tout son être. Des larmes coulaient sur ses joues blêmes.
Dumbledore était enterré depuis à peine deux jours, mais le chagrin qu'il ressentait était toujours aussi profond, aussi lourd.
Il savait qu'il ne pourrait plus jamais lui parler, recevoir ses conseils, plus jamais le vieux mage ne le regarderait de ses yeux bleus pétillants de malice. Il se sentait incapable, plus personne ne lui expliquerait ce qu'il avait à faire. Bien sûr il avait le soutien de l'Ordre, de l'ensemble du corps professoral du collège, et de ses amis, il le savait, étaient près à donner leur vie pour lui, mais rien ne serait plus comme avant.
Son seul but dans la vie était à présent de tuer Voldemort.

Harry ouvrit sa malle, et y entassa vêtements, livres, ingrédients de potion, plumes, encre et son balai au préalable magiquement rétréci. Lorsqu'il arriva au bas des escaliers, la malle flottant qui le suivait de près, la tante Pétunia poussa un cri perçant, et l'oncle Vernon, affolé, arriva au pas de course au secours de son épouse. Ce qu'il vit le stupéfia : sur le pas de la porte, un tas de vêtements de grande taille gisait, seule trace du passage de son neveu.

Quand Harry arriva devant le Terrier, après deux heures de voyage, il ressentit une joie profonde. Il allait enfin retrouver sa vraie famille, des personnes qui l'aimait pur ce qu'il était, et qui ne voyaient pas seulement en lui le sauveur du monde sorcier.

A peine eut-il poussé le portail que Molly Weasley sortit en trombe de la cuisine, presque aussitôt suivie de Ron et Hermione, main dans la main, et Ginny, qui resta sur le seuil, tandis que les autres se précipitaient sur Harry, heureux.

-Harry, mon chéri, tu aurais dû nous prévenir, nous serions venus te chercher, lui reprocha Molly en le serrant contre elle.
-Harry, comme je suis heureuse de te voir, renchérit Hermione en l'embrassant chaleureusement.
-Mais lâchez-le vous deux, on dirait des poules qui se battent pour une graine !! Harry, mon frère, ça fait du bien de te revoir !!
-Moi aussi je suis heureux de vous revoir, même si ça ne fait que deux jours qu'on ne s'est pas vus !! Mais … Ron ! Hermione ! Rugit-il.
-Quoi ?! Demanda Hermione timidement.
-Il était temps !!
-Oh Harry je sais à quel point on a pu t'embêter avec nos disputes mais …, s'écria Hermione, visiblement rassurée, pour être aussitôt coupée par Ron :
-On te racontera plus tard.
-Pas de problème, ça fait six ans que j'attends ça, je peux encore patienter un peu ! Mais où est Ginny ? s'enquit-il, car il ne l'avait pas vue, immobile sur le pas de la porte.

Lorsque enfin il la vit, il courut la prendre dans ses bras. Il embrassa son nez, son cou, son front et enfin ses lèvres, doucement. Ginny, au bord des larmes, le serrait contre elle de toutes ses forces. Il enfouit le visage dans ses cheveux, et murmura à son oreille :
- Gin', je ne veux plus jamais être séparé de toi ! Je te veux avec moi, toujours ?
- Je t'aime, répondit-elle seulement.

Il ne répondit pas, mais Ginny ne s'en aperçut pas, trop heureuse de ces retrouvailles. Il est vrai qu'ils ne s'étaient quittés que depuis deux jours, mais l'idée de ne se revoir qu'une fois que Voldemort serait mort était pour elle un idée insupportable.

Elle l'entraîna dans la cuisine où les rejoignirent bientôt Molly, Ron et Hermione. Les amoureux s'assirent autour de la table, pendant que Molly s'affairait autour du petit déjeuner.
- Où est Arthur, madame Wesley ?
- Oh il est au ministère. La mort de Dumbledore a provoqué beaucoup de remous, d'autant que Scrimgeour est un incapable. Il ne sait absolument rien des affaires du ministère, pesta Molly.
- On dit pourtant que c'est un très bon Auror et un excellent stratège, s'étonna Ron.
- Pour foncer dans le tas, ça oui il est doué. Mais il n'est pas diplomate pour un sou ! Et si il continue comme ça, il va nous mettre les gobelins à dos !! Cracha Molly.
- Il ne m'aime pas, grommela Harry, le visage sombre. Il m'en veut d'avoir refusé de faire de la publicité pour le ministère. Mais je lui ai bien fait comprendre que je resterai fidèle à Dumbledore jusqu'à ma mort !
- Je ne sais pas si tu as eu raison de réagir ainsi, Harry, maintenant tu as le ministère contre toi, souffla Hermione.
- Je ne pense pas qu'il ose faire la même bêtise que Fudge. Il n'a pas trop le choix, il est obligé d'aider l'Ordre, où la population se retournera contre lui, répliqua Molly.
- Aider l'Ordre ? Ce n'est pas plutôt l'Ordre qui aide le ministère, et pas l'inverse, intervint Ron.
- Non Ron, je sais ce que je dis. C'est bien le ministère que aide l'Ordre. Réfléchit un instant tu veux !
- Quelle belle image pour le ministère ! s'exclama Ginny.
- Tu imagines peut-être qu'il s'en vante ? Non pas du tout, il tente plutôt de garder une bonne réputation, de se faire aimer. Cela dit, nous avons de plus en plus d'alliés au sein du ministère. Grisielda Marchbank par exemple, nous a apporté une aide précieuse ces deux derniers jours, expliqua Molly en servant à chaque adolescent une assiette remplie d'une généreuse portion de lard grillé, d'œufs au plat et de toasts grillés tartinés d'une généreuse couche de marmelade.
- Dommage qu'il ait fallu que Rogue assassine Dumbledore pour que ces gens nous rejoignent, dit Harry, le regard noir.
- Harry, je sais qu'il a tué Dumbledore, mais jusque la il avait toujours été loyal, osa Molly.
- LOYAL ?! Oui c'est certain, il était loyal, jusqu'au moment ou il a tué Dumbledore, malgré ses supplications ! Oui c'est évident, il était loyal !! Hurla Harry, ivre de rage.
Il se leva brusquement, repoussa son assiette, renversant au passage son jus d'orange, et sortit de la pièce, sans un regard en arrière.

Mrs Wesley, effondrée, tremblait de tout son être, Hermione était blottie dans les bras de Ron, dont les oreilles étaient écarlates, et Ginny sanglotait doucement, des larmes tombaient dans son assiette, mais ça n'avait pas d'importance.

Harry, dehors, s'était assis contre un vieux chêne. Le regard dans le vide, il n'aurait su dire combien de temps il resta ainsi, immobile, lorsque deux ombres familières se dessinèrent à ses pieds. Il leva les yeux, et vit Remus Lupin et Minerva McGonagall, tout deux lui adressaient un sourire bienveillant.
Tout cela sonnait tellement … faux. Ils auraient pu venir rendre une visite à Molly, mais il lui paraissait invraisemblable que ce ne soit qu'un hasard. Il était sûr que Molly les avait appelés pour le raisonner.

- Salut Harry, dit Lupin.
- Bonjour Harry, renchérit Minerva.

Pas de réaction

- Molly nous a appelés en urgence, reprit Lupin.
- Il faut que tu retournes chez ton oncle et ta tante, il n'y a que la-bas que tu sois en sécurité.
-Je. Refuse. D'y. Retourner !! Explosa Harry. Dumbledore est mort et tout ce que vous trouvez à me dire c'est que je devrais retourner chez les Dursley ? C'est hors de question ! Je veux apprendre à me défendre, à me battre, et être capable de vaincre l'autre serpent avant la fin de l'année !!

Les regards de Remus et Minerva se croisèrent un instant, et cette dernière déclara d'un ton sec :

- Je suppose que vous n'avez pas l'intention de revenir à Poudlard cette année …
- Non, je veux m'installer chez Sirius. Si ça ne pose pas de problème bien sûr.
- Tu en as hérité, et visiblement nous n'avons pas notre mot à dire …
- Non, effectivement, votre avis m'importe peu ! Chaque sorcier de ce pays compte sur moi pour le débarrasser de Voldemort, alors le minimum serait de me fournir les armes nécessaires, tu ne crois pas Remus ?
- Effectivement, mais nous voulons aussi assurer ta sécurité et …
- Je compte m'installer dès la fin de la semaine, l'interrompit Harry.
- Nous allons faire notre possible pour t'aider, Harry, je te le promets.
- Merci . Avez-vous réussi à trouver quelque chose depuis la mort de Dumbledore ?

Chacun en cet instant savait à qui Harry faisait allusion : Drago Malefoy, et Severus Rogue, qui avait tué Dumbledore sans la moindre pitié.

- Non, rien de très concluant. Mais le ministère s'est enfin réveillé et je ne sais pas si c'est une bonne chose. - Pourquoi ? demanda Harry.
- Remus … l'avertit Minerva.
- Non, Minerva, il a le droit de savoir ! Vous cherchez à le protéger, je le sais, mais c'est lui qui va tuer Voldemort et comme il le dit, il ne pourra jamais y arriver si on ne lui fait pas un minimum confiance .
- Le ministère cherche avant tout à regagner la confiance du peuple. Depuis qu'Albus est mort, tout le monde doute : si le grand et puissant mage Albus Dumbledore n'a pas été en mesure de se protéger, qui protégera le peuple ? Scrimgeour déploie des forces énormes à la moindre broutille. Nous lui avons conseillé d'agir discrètement, et lui avons même proposé de mettre certains de nos agents sur le terrain, voir de leur donner les informations que nous avons pu récolter jusqu'ici. Il s'est vexé et ne veut plus entendre parler de l'Ordre.
- Si seulement Albus était encore parmi nous, soupira Minerva, les yeux brillants.

Quand elle avait réalisé que Dumbledore était mort, elle s'était jurée de ne pas pleurer, de pas être faible, mais c'était plus fort qu'elle.
Il avait été son mentor. Son héros . L'homme qu'elle avait aimé en secret.

Harry, décontenancé, finit par se lever et salua Remus, puis Minerva, qu'il prit dans ses bras pour la première fois. Cette grande femme, que tous connaissaient comme sévère, était à présent abîmée par le chagrin, et semblait avoir dix ans de plus.
Pour autant qu'il put en juger, Minerva apprécia le geste, mais repoussa Harry en douceur, sans doute se sentait-elle coupable de sa faiblesse.

- J'ai été heureux de vous voir, déclara Harry maladroitement. Je vais préparer mes affaires au plus vite pour pouvoir emménager Square Grimmaurd.

Ils s'éloignèrent en silence. Leur tache serait rude : ils devaient préparer Harry à battre Voldemort, et éventuellement à mourir.

Remus ne se sentait pas la force de perdre Harry, il s'y était tellement attaché. Il avait l'impression de revoir James dans tous ses gestes, et Lily dans ses regards désemparés. Il le considérait à présent presque comme son propre fils, mais pour rien au monde ne l'aurait avoué.

Minerva, de son coté, était aussi attachée à Harry que pouvait l'être Albus, mais, elle n'y pouvait rien, il lui était très difficile de montrer ses sentiments. Le geste de Harry lui avait brisé le cœur, ce serait sans doute le souvenir qu'elle emporterait dans la tombe. Elle s'était obligée à le repousser, ni lui ni elle ne devait être faible, surtout en ce moment, où leurs vies étaient tellement menacées.

Quand Harry entra dans la cuisine, Molly était assise sur une chaise, occupée à raccommoder magiquement un robe de sorcier rapiécée. Lorsqu'elle prit conscience de sa présence, elle leva la tête :
- Harry, mon chéri … Remus et Minerva sont-ils déjà partis ?
- Oui, grogna Harry. Ils sont d'accord pour que j'arrête mes études, et je vais m'installer chez Sirius, sans doute dès demain.
- Ah … bien … Je respecte ton choix, Harry, et tu seras toujours le bienvenu ici, murmura Molly.
-Merci.

Il rejoignit Ginny, seule dans sa chambre. Elle sursauta quand il entra. Ses yeux étaient rouges, elle avait beaucoup pleuré.

- Gin', je suis désolé. Jamais je n'aurais du te parler comme cela.

Elle se précipita dans ses bras, et il la serra contre lui.
Il aurait voulu ressentir du bien-être, de l'amour, mais il se crispa à son contact ; ses gestes sonnaient faux, il pensait pourtant qu'il l'aimait. Sans doute était-ce dû aux émotions de la journée. Lorsqu'elle l'embrassa, il se laissa faire, mais ne ressentit aucun plaisir, ou très peu. Ginny ne s'aperçut de rien, heureusement.

Ils retrouvèrent Hermione et Ron dans la chambre de celui-ci, et passèrent le reste de la matinée à discuter, à rire, comme à l'époque où ils n'avaient pas peur de mourir, avec insouciance.

- Harry, je sais que ça peut paraître bête, mais tu ne nous as toujours pas dis pourquoi tu était partis de chez ton oncle et ta tante, dit Hermione.
- Vous ne me l'avez pas demandé, répliqua Harry, sur la défensive.
- Et bien voilà, nous te le demandons ; pourquoi es-tu parti de chez eux ? demanda Ron, malicieux.
- Une dispute. Je n'ai pas supporté que mon oncle traite mon père d'alcoolique, et c'est tout juste si il ne me traitait pas en esclave, sois disant que parce que Dumbledore est mort personne ne voudra plus de moi ici.
- …
- Vous pensez que c'est vrai ? Après tout la plupart des sorciers me voient comme un égocentrique qui ne pense qu'a attirer l'attention sur lui . Ca a toujours été comme ça. Est-ce qu'une fois que je les aurai débarrassés de l'autre serpent ils ne voudront plus rien savoir de moi ?
- Harry, ne dis pas ça, s'il te plait…
- Comment peux-tu penser ainsi ? s'indigna Ron. Tu es mon meilleur ami, alors écoute : même si il est vrai que certains sorciers s'imaginent que tu es une sorte de Lockhart, la plupart savent que leur vie est entre tes mains, Harry, tu es le seul à pouvoir changer le cours des choses, et la plupart des personnes le savent. Si tu tues Voldemort, alors ils te respecteront, tu seras aussi célèbre que Merlin, et on louera ton nom dans les siècles à venir . Si tu meurs en essayant de le sauver, saches que tu ne seras pas le seul, je peux te promettre que l'on te suivra sans doute de près, bref si tu échoues, on se souviendra de toi comme de celui qui aura donné sa vie pour combattre le plus vil sorcier de tous les temps .
- Merci Ron, murmura Harry, les larmes aux yeux.

Ron, ému, le prit dans ses bras. Chacun des deux savait ce que signifiait les paroles de Ron : Hermione et lui étaient prêts à donner leur vie au même titre que Harry.

Quelques instants plus tard, ils furent interrompus par Molly qui frappait doucement à la porte. Elle passa la tête par l'entrebâillement et dit avec un air d'excuse :

- Désolée de vous déranger, mais Arthur voudrait te parler Harry. Hermione et Ron vous pouvez venir, mais Ginny j'aimerais que tu restes ici.
- Mais … maman, je veux venir …
- J'AI DIS TU RESTES ICI !!

Arthur Weasley était assis devant la table. Son dos étais courbé, comme si il portait un poids dans la conscience. Harry, Ron et Hermione, quand ils l'aperçurent, devinèrent aussitôt qu'il s'était passé quelque chose d'important.

- Monsieur Weasley, bonjour, dit Harry en s'asseyant à sa droite.
- Bonjour Harry, bonjour mes enfants.
- Monsieur, que se passe-t-il ? demanda Hermione timidement.

Arthur prit le temps de finir son assiette, de boire son verre d'eau, et répondit enfin d'une voix grave :
- Mes enfants, il s'est passé aujourd'hui quelque chose de décisif pour les mois à venir.
- De quoi parles-tu papa ? demanda Ron.

Arthur répondit en regardant fixement Harry :
- Harry, mon garçon, je sais que ton cœur est rempli d'un désir de vengeance, mais promets moi d'écouter attentivement ce que je vais te dire.
- Je vous le promet, dit-il, méfiant.
- Aujourd'hui s'est passé ce que nous n'aurions jamais imaginé. Drago Malefoy et Severus Rogue se sont rendus.