La Semaine des Sept Pluies
ShikaTema week : Tempête
Partie I :
Un rire balaya le palais. Enfantin, carillonnant, le bruit se répercuta sur chaque mur et arriva aux oreilles du Kazekage. Il passa une main dans ses cheveux et regarda autour de lui : pas un chat.
« Les préparatifs sont bruyants cette année, murmura-t-il en s'asseyant à son bureau.
- C'est la première fois que la Semaine des sept pluies n'est pas vue comme un événement de mauvais augure, lui répondit une voix. »
Assise sur le canapé de la pièce, Temari, seconde du Kage, leva le nez du dossier qu'elle lisait et fixa son frère.
« Tu peux être fier de ton village, Gaara. Les choses changent. »
Un sourire prit forme sur ses lèvres et elle revint à sa lecture. Il y avait de quoi être sincèrement fier. De Gaara, de Suna, du monde qui évoluait si positivement depuis la fin de la Quatrième grande guerre.
On toqua à la porte et Temari se leva pour ouvrir à l'un des secrétaires du Kazekage.
« Temari-sama, Kazekage-sama, commença le nouvel arrivant en se courbant par politesse. Un ninja de Konoha arrive tout juste avec une missive de la part du Hokage.
- Eh bien, invite-le à venir à ma rencontre rapidement, répondit le roux. »
Le nouveau venu quitta les lieux et Temari referma la porte. Un ninja de Konoha… Le Kage posa ses mains sous son menton et attendit. Ça ne devrait pas être très important pour qu'on décide de faire déplacer un ninja plutôt que d'envoyer un aigle-messager.
« Gaara ? »
Temari pensait apparemment la même chose. D'un œil sûr, il fit taire cette discussion et lui demanda d'ouvrir la porte : on n'allait pas tarder à venir frapper. Le temps qu'elle ouvre la porte, le ninja de Konoha se trouvait là, le bras levé, prêt à toquer.
« Bienvenue à Suna, Nara-san. »
Docilement, elle se pencha en avant et il fit de même, respectant les règles d'usage à Suna. Shikamaru se présenta alors au regard du Kazekage et tendit un rouleau à son attention.
« Kazekage-sama, Kakashi-sama vous fait ses hommages. »
Gaara se releva pour attraper le rouleau, le décacheta, puis passa son regard vert du texte qu'il lisait à son messager. Force était de constater que depuis qu'il avait été mis au pouvoir, le Hokage appliquait une politique qui changeait du tout au tout. Kakashi avait d'étranges idées…
D'un haussement d'épaules discret, le jeune roux replia le rouleau et se rassit à son bureau, les deux mains à plat sur le meuble.
« Je te remercie d'avoir fait si vite, Nara-san. »
Le brun hocha la tête et resta résolument muet, attendant probablement des instructions. S'il avait eu des sourcils, Gaara en aurait haussé un. Son visage resta cependant imperturbable tandis qu'il se faisait la réflexion qu'il n'avait encore jamais vu Shikamaru aussi laconique. Pas que le Kazekage ait déjà eu de longues et passionnantes discussions avec le ninja mais il y avait un monde entre le mutisme et la prolixe.
Revenant au sujet qui les intéressait, les pensées de Gaara vagabondèrent sur le sujet du message envoyé par le Kage de Konoha et se fixèrent définitivement sur ce qu'il allait advenir du missionnaire.
« Il n'y a rien que tu puisses faire si ce n'est retourner à Konoha, avoua alors le Kage. Temari ? »
Sa sœur, qui jusqu'à présent se gardait de tout commentaire, prise dans sa prise de note, redressa le cou et attendit Gaara, à l'écoute.
« Il se fait tard et les hôtels sont pleins. Ça ne te dérange pas d'accompagner notre hôte jusqu'à la suite ? »
La blonde leva un sourcil circonspect mais ne protesta pas ; Gaara devait avoir ses raisons pour le faire venir dans les chambres particulières de la famille du Kage.
« Je suis navré d'avoir à te le signaler, reprit le roux en revenant à Shikamaru, mais tu ne pourras probablement pas repartir demain ni même plus tard. Je laisse à ma sœur le soin de t'expliquer pourquoi. En attendant, je te souhaite un bon séjour, Nara-san. »
Le Kazekage se releva, s'inclina poliment et retourna à ses affaires. Le regard neutre, il invita Temari à faire ce qu'il lui avait demandé et se désintéressa des gens présents.
« Tu me suis ? »
Un sourire de connivence aux lèvres, Temari s'avança jusqu'à la porte du bureau et lança un regard au ninja de Konoha qui la suivit sans même un mot.
C'était bien rare que l'ancien ambassadeur de Konoha ne dise rien, pensa-t-elle en commençant sa marche. Elle qui avait toujours pensé qu'il existait une étrange relation entre eux deux… Ça ne devait être que le fait de son imagination.
« Hé. »
La voix rauque, Shikamaru calma l'allure de la blonde et passa les mains dans ses poches. Elle le regarda, vaguement intéressée et attendit qu'il lui dise ce qu'il avait en tête. Alors qu'il ouvrait la bouche pour lui parler, la concentration de la jeune femme se fixa sur l'allure du Nara.
Il avait un air triste. Il avait ce visage qu'elle n'avait vu qu'une fois auparavant et ça lui fichait des frissons dans le dos. L'appréciation qu'elle avait de lui, à savoir d'un garçon charmant avec qui elle avait eu des flirts innocents, se trouvait complètement brouillée. Ça n'avait rien à voir avec Suna. Encore moins avec sa mission. Temari s'en doutait bien, la vie reprenait difficilement son cours pour certains.
Pour Shikamaru Nara notamment qui, en plus de perdre son père à la suite de la guerre, devenait petit à petit un chef de clan. Depuis Suna, la jeune femme n'avait pas manqué de prendre note de ce qu'il se passait à Konoha par le biais des ninjas revenus de là-bas. C'est dans le courant d'une discussion avec un jounin de Suna qu'elle avait pris connaissance des répercussions qu'avait eue la guerre pour beaucoup de ninja du village caché de la feuille.
Si elle n'avait pas vécu la perte d'un proche durant ce conflit, Temari n'en était pas moins sensible. Voir Shikamaru et son air moribond ne lui plaisait pas. Mais ils n'étaient pas suffisamment intimes pour qu'elle puisse se permettre de le réconforter d'une grande accolade.
« -ce soir ? »
Mince. Temari n'avait rien suivi à ce que lui avait demandé le brun. Elle papillonna des yeux et l'autre se contenta de baisser les yeux. Il était assez intelligent pour comprendre qu'elle n'avait pas entendu un traitre mot. Il se racla alors la gorge et reprit : « Il y a du grabuge dehors, et les hôtels sont bookés ; vous avez une fête de prévue ce soir ? »
Voilà qui devenait plus clair. Quittant la peine qu'elle avait à repenser aux méfaits de la guerre, Temari balaya le couloir du coin de l'œil avant de se prononcer.
« Il y a la Semaine des sept pluies qui commence ce soir. C'est d'ailleurs la raison qui fait que tu ne pourras pas quitter Suna avant la semaine prochaine. »
La blonde le vit tiquer à cette déclaration mais n'y apporta pas plus d'importance quand on lui fonça dans le dos. Elle hoqueta sous la surprise et se retourna vers une petite tête brune qui venait de tomber à ses pieds.
« Pardonnez-moi, Temari-sama, lança alors le petit garçon en se massant le front. »
Prenant appui sur ses bras, le petit garçon se releva puis fit la révérence aux deux ninjas avant de s'en aller, une banderole voletante sous le bras. La blonde se prit à sourire à ce qu'il venait de se passer ; jamais avant la guerre, un enfant n'aurait eu la chance de venir se perdre dans le palais du Kazekage.
« C'est une célébration ? »
De sa voix qui sonnait toujours aussi terne aux oreilles de la blonde, Shikamaru reprit le cours de la discussion, les mains dans les poches.
« Une célébration ne devrait pas m'empêcher de rentrer chez moi.
- C'est un évènement. Tous les dix ans, durant sept jours, la pluie tombe sans discontinuité sur le pays du Vent. »
Il n'en fallut pas plus au brun pour comprendre pourquoi il n'était pas autorisé à quitter le village. Le village de Suna avait beau être limitrophe, il n'était pas exempt des aléas climatiques du pays.
Le regard rêveur, la blonde reprit sa marche jusqu'aux étages privés du Kazekage, imaginant du brun qu'il la suivrait.
« C'est ce soir que la première pluie commence, enchaina-t-elle en ouvrant une porte. On l'appelle la Rosée parce qu'elle est douce et légère. Tu pourras le constater par toi-même, c'est la plus belle des pluies que tu verras. »
Derrière elle, la blonde entendit le nez de Shikamaru siffler. Il n'y croyait pas vraiment et ça n'avait rien d'étonnant. Le climat tempéré de Konoha devait permettre des pluies plus régulières. Le pessimisme de Shikamaru n'entacha cependant pas l'attrait de la jeune femme pour l'évènement et, rapidement, elle présenta une porte à son invité.
« C'est ta chambre. Repose-toi, je viendrais te chercher ce soir. »
Shikamaru n'attendit pas de savoir si elle avait quitté les lieux qu'il rentra dans sa nouvelle chambre et referma la porte derrière lui. Il lâcha son sac de voyage sur le pas de l'entrée et déglutit.
Seul. Il était entièrement seul. Seul avec ce mutisme qui ne le quittait plus depuis trop de temps.
D'un pas lent, il avança dans la chambre pour découvrir la suite qu'on lui avait laissé. Démesurée fut le seul mot qui lui vint à l'esprit en découvrant l'ampleur du lieu. Des tapisseries couvraient les murs, le soleil perçait à travers la large porte-fenêtre qui menait au balcon, le lit lui criait de venir s'y blottir. Dans d'autres circonstances, il aurait été ravi de venir perdre son temps dans un endroit pareil. Mais ce n'était plus le cas.
Ronger par l'envie de quitter sa tenue de ninja, le brun se déshabilla et jeta ses affaires aux quatre vents avant de s'allonger sur le lit aux draps de soie. La route avait été longue et solitaire. Il avait eu mille fois le temps de penser à sa propre existence et d'incendier Kakashi mentalement.
Enchaîner mission sur mission ne plaisait vraisemblablement pas à son Kage. C'était pourtant la seule échappatoire que Shikamaru avait su trouver à son mal-être. Se battre, réfléchir à des stratégies, agir, courir.
Les mains derrières la tête, le jeune homme ferma les yeux tandis que son visage s'assombrissait. Il n'y avait plus que le calme qui l'entourait et, putain, il n'en voulait pas.
Rester une semaine à Suna c'était se plonger dans les méandres de son esprit. Il n'en voulait pas. Il n'en voulait plus. Rien que d'y songer, son cœur s'emballa.
« Hhh. »
Sa poitrine le tirailla et il se releva d'un coup, la respiration coupée. Comment allait-il tenir une semaine durant dans ce désert pluvieux ?! Ressasser le passé, il l'avait déjà expérimenté à Konoha.
Du bord de son lit, Shikamaru se tint la tête à deux mains en se recroquevillant sur lui-même. Quand son Hokage lui avait tendu le rouleau, il aurait du se douter que quelque chose se tramait. On n'envoyait pas un Jounin tel que lui pour faire le messager. Mais trop obnubilé à l'idée de s'éloigner de son village et de ses sombres pensées pour quelques jours afin de remplir une mission, le jeune Nara n'avait pas même prêté attention à l'intitulé de sa mission.
Il était bloqué. Délibérément coincé avec lui-même et avec tout ce qu'il avait tenté d'éviter jusqu'à présent. À peine prenait-il conscience de sa situation, qu'on frappa à la porte de sa suite.
« Nara-san, vous êtes convié ce soir à la cérémonie d'ouverture de la Semaine des sept pluies. Kazekage-sama vous fait porter cette tenue. »
À peine adulte, les sourcils épais, une servante blonde lui tendit un paquet à bout de bras et baissa la tête. Décidément, cette semaine ne serait pas sans encombres et réclamerait peut-être ses compétences de diplomate, tout compte fait. Rapidement, le brun attrapa le paquet et referma la porte après s'être incliné devant la jeune blonde.
Il était inutile de pronostiquer sur la contenance de ce colis ; le fait qu'il y ait une cérémonie réclamerait sûrement à ce qu'il soit plus présentable qu'un ninja lambda. D'une main sûre, Shikamaru ouvrit l'enveloppe et découvrit un yukata aux broderies fines et un obi aux couleurs du village. Le doute n'était plus permis, Kakashi comptait faire de cette semaine de blocage une bonne excuse pour occuper son ninja et resserrer les liens de Konoha avec Suna.
Même s'il n'avait pas la tête à ça, le Nara devait se l'admettre, vivre une semaine entière dédiée à une célébration pareille n'était pas entièrement pour lui déplaire. Pas de combat dangereux, de stratégie à fomenter, de rapport à écrire et, plus que tout, d'horaires matinaux à tenir. Il trouverait bien une manière de s'occuper l'esprit autrement.
Et justement, il avait déjà des choses à faire pour être fin prêt pour ce soir.
Dormir. Quelques heures seulement, histoire d'être présentable aux yeux de la population de Suna et de ne pas être irascible avec ses hôtes. Il en allait de la réputation de son village et de son clan.
Se laver. Se débarrasser des crasses accumulées pendant ses trois jours de voyage.
À la fin de sa sieste, Shikamaru ne ressemblait plus qu'à un vagabond couvert de sueur, de terre et de sable. Il n'était pas du genre à se pomponner mais il ne souhaitait pas non plus être moqué par ceux qui le connaissaient dans un cadre plus privé : la fratrie du Sable.
Kankurô avait déjà suffisamment lié de lien avec Kiba Inuzuka quand il était de passage ! Après ça, les rumeurs allaient de bon train aussi bien à Konoha qu'à Suna.
Levant les yeux au ciel, le ninja s'attela à s'habiller de sa tenue de cérémonie en voyant que le temps dehors s'assombrissait progressivement ; on ne tarderait pas à venir le chercher. Les deux coups toqués à sa porte alors qu'il enfilait son yukata lui confirmèrent ce qu'il pensait.
« Tu n'es toujours pas prêt, Nara ? soupira Temari en gonflant les joues. Il ne reste plus beaucoup de temps, dépêche-toi. »
Sèchement, la jeune blonde rentra dans la suite de son invité et attrapa le obi qui trainait sur le lit. Alors même que Shikamaru prenait la peine de refermer son habit, elle l'enserra dans la ceinture et la noua correctement. Sans aucune gêne, elle reforma le col de la tenue et attrapa les cheveux du brun pour les nouer comme à son habitude.
« Te-
- Pas de chichi, Nara. Tu avais tout le temps de te préparer. Maintenant il faut y aller, presse-toi. »
Un frisson lui parcourut la base de la nuque tandis qu'il se faisait la remarque qu'il n'avait jamais un contact aussi intime avec la blonde. Puis la réalité des choses les rattrapa un instant, l'idée de ne pas avoir de chaussures aux pieds le frappa mais à regarder la blonde, il semblait bien que ça ne soit pas nécessaire alors il mit de côté ses réflexions et entama de suivre la kunoichi à travers le dédale du palais.
Cette cérémonie devait avoir une valeur importante pour que la blonde ne s'embête pas à l'asticoter comme elle le faisait toujours. L'effervescence qu'il percevait dans le brouhaha du palais allait aussi dans ce sens. Les quelques employés du palais s'agitaient pour sortir du palais, habillés aussi fièrement que lui d'un kimono d'été, être ninja n'avait plus d'importance, la guerre n'était plus que dans le lointain. Seule comptait cette cérémonie.
« Vous voilà enfin ! clama Kankurô après que Temari eut ouvert les portes menant au bureau du Kage. Les experts prédisent que la pluie sera là d'ici peu. »
L'animation du petit bureau de Gaara était telle que personne ne faisait attention à la présence d'un étranger au village dans les bureaux du Kazekage. C'est à peine si chacun salua les deux nouveaux arrivants.
Les mains posées sur le balcon adjacent à la salle, Gaara du Désert saluait la foule en contrebas et les villageois le lui rendaient bien en criant leur joie. Une joie qu'après tout ce temps Shikamaru ne comprenait toujours pas.
« Viens. »
Une main ferme attrapa la sienne et Shikamaru se sentit happé vers le fond de la pièce avant qu'une nouvelle porte s'ouvre. Temari semblait déterminée à l'emmener partout avec elle sans prendre la peine de s'expliquer et ça lui courait doucement sur le haricot. Mais le fait que plusieurs ninjas les suivent de près l'empêcha d'être grognon. Il devait faire bonne figure et s'y tenir.
La porte menait au toit du palais, ovale, légèrement pentu, on y apercevait aussi bien le ciel qui semblait se rapprocher que les falaises bordant le village. Les bruits de la foule semblaient plus forts à mesure que le temps passait et que l'atmosphère s'alourdissait.
« Mes chers concitoyens ! entendit-il dans le lointain. Je suis ravi aujourd'hui d'avoir l'honneur de célébrer cette Semaine des sept pluies en votre compagnie. »
Nouvelle cohue dans le lointain, Gaara semblait être aimé de ses habitants et savait se faire entendre d'eux. Son discours continua tandis que Shikamaru observait les ninjas venus à sa suite se placer à divers endroit du toit et préparer quelque chose. Temari le poussa alors du torse pour les diriger vers l'un des bords du toit d'où l'on apercevait la foule et les cheveux brulant du Kazekage. Un pas de plus et Nara se jetait dans le vide.
« Regarde. Et imprègne-toi. »
Il y avait un certain émerveillement dans la voix de la blonde et Shikamaru se surprit à y sourire. Il ne connaissait encore rien de cette Rosée qu'il la vivait déjà.
« Que la Semaine des sept pluies commence ! »
La dernière phrase du Kage résonna dans l'air un instant avant qu'apparaissent avec lenteur les premières gouttes de rosée qu'il sentit contre ses joues.
« En avant ! »
Les ninjas postés aux coins du toit levèrent alors leurs poings chacun leur tour et réalisèrent une technique que Shikamaru ne connaissait pas. Une poussière de feu éclata alors dans les hauteurs et brilla au milieu des gouttes éphémères.
« On appelle ça un feu d'artifice, murmura Temari à l'oreille du brun. Ça fait des années qu'on travaille dessus. »
Un regard vers elle, en contre-jour de ce feu d'artifice, et Shikamaru oublia tout. N'existait plus que le tableau qu'il vivait et ressentait contre son épiderme. Il y avait bien trop de beauté à contempler dans un si petit endroit. Le ciel flamboyant. La délicatesse des gouttes contre ses joues mal rasées. La chaleur de l'environnement… Les cheveux scintillants d'eau de Temari… Son regard raffiné… Dans un si petit village qu'il n'avait jamais prit la peine de connaitre, l'atmosphère rayonnait de fraicheur, de clarté et de quelque chose qui lui serrait le cœur.
Combien de temps s'écoula entre le début de cette fine pluie et le moment où le ciel l'enveloppa dans sa noirceur ? Il n'en savait rien mais Shikamaru n'était plus capable de rien.
Temari le voyait bien. Le ninja était fasciné par ce tout nouvel univers qu'il n'avait encore jamais connu. Elle le lui avait pourtant déjà dit des années auparavant : Suna valait mille fois mieux que Konoha. Quand les ninjas des feux d'artifice s'éclipsèrent à la fin de leur spectacle, Shikamaru ne bougea pas, le nez obstinément pointé vers le ciel où scintillaient encore faiblement les dernières étincelles de feu. Ça ne dérangea pas Temari qui s'était vu confié la mission de veiller au bienêtre de leur invité de marque. Aussi, s'installa-t-elle à même le sol en attendant que Shikamaru quitte son émerveillement pour revenir à la réalité. À travers toute cette nuée d'eau, pointaient aussi les étoiles dans le ciel, et elle s'y perdit.
La fraicheur de cette nuit-là lui faisait du bien et, elle le sentait, en faisait aussi au brun.
« Temari. »
La voix résonnante, Shikamaru réveilla la blonde de ses songes tranquilles.
« Cette effervescence… Est-ce qu'elle était la même il y a dix ans. »
Le jeune homme n'était pas idiot. Que la Semaine des sept pluies crée une telle folie n'était pas sans raison.
« Il y a dix ans, mon père gouvernait encore le village et nous étions en guerre contre la Terre entière, souffla la blonde en plongeant son regard dans celui de son hôte. Ça n'avait rien de festif, ce n'était qu'un problème de plus pour les habitants du village. Inondation. Noyade. Destruction. Seul Gaara a su changer la donne. »
Elle ne s'épancherait pas plus à ce sujet mais Shikamaru savait le principal. Doucement, elle se mit sur ses pieds qu'elle avait nus et s'avança vers le brun.
« À présent, baladons-nous avant le repas. »
Sans prévenir, la blonde sauta du toit et se retrouva en plein milieu de la foule qui s'était dissipés depuis la fin des feux d'artifice. Les pieds enfoncés dans le sable froid, la blonde prit le chemin du centre-ville d'un pas calme. Elle n'était plus une kunoichi à présent, elle n'était qu'une villageoise de Suna. Un bruit sourd et Shikamaru se retrouvait à ses côtés, le regard perdu dans le vague.
Il y avait quelque chose chez ce pauvre garçon qui n'allait pas. Jamais auparavant, Temari ne l'avait vu aussi terne et muet. Il ne souriait pas, ne parlait pas, restait stoïque et n'essayait même pas de râler. Ça ne pouvait pas qu'être dû à son rôle de missionnaire étranger. Shikamaru Nara avait changé, elle en aurait mis sa main à couper. Mais depuis quand cela durait-il ? Elle n'avait eu que peu d'échange avec lui depuis la fin de la guerre…
« Pendant une semaine il n'y a que de la rosée ? »
Quel ingénu il faisait. S'il pensait pouvoir quitter les Terre du pays du Vent avant le lendemain soir, il se mettait le doigt dans l'œil.
« Ce n'est que la première nuit, déclara la blonde. Demain, aux alentours de midi, la pluie va s'intensifier et elle s'intensifiera encore tout au long de la semaine. Il n'est pas rare qu'on ait des coups de tonnerre et des vents forts durant cette période. C'est pour cette raison que tu ne dois pas quitter le village. Tu dépends de nous. »
Sortant un parapluie de nulle part, Temari l'étendit et se couvrit de la pluie sous le regard hébété du brun.
« À rester trop longtemps sous la pluie, tu risque d'attraper froid, tu sais ? »
Il n'avait rien du paresseux qu'elle avait toujours connu et, tandis qu'elle le regardait dans la pénombre de ce coin de la ville, elle se permit de le scruter plus longuement. Deux larges cernes défiguraient ses paumettes, ses lèvres avaient une pâleur moribonde… Shikamaru ressemblait plus à un cadavre fatigué qu'à un ninja de haut rang.
« Tu permets ? »
Dans toute sa politesse de gentilhomme, le brun attrapa le parapluie et les abrita tous les deux. Il était un cadavre, certes, mais il n'en restait pas moins un gentleman.
« Temari-sama ! »
La petite blonde aux épais sourcils qui avait apporté le yukata à Shikamaru, à l'abri sous une ombrelle en tissu, se jeta sur son ainée puis la salua poliment.
« Kankurô-sama vous fait chercher depuis un moment ! Vous n'avez pas le temps de vous balader ! »
Si à Shikamaru elle était apparue comme étant une docile servante, il n'en était rien en réalité : la jeune fille n'avait de docile que la chevelure tandis qu'elle agrippait la manche de la kunoichi pour l'inviter à la suivre. Temari et son convive avaient des choses à faire et il ne fallait pas faire attendre les autres.
Il était temps de ne plus s'intéresser qu'au repas donné à l'occasion de l'évènement. Le palais n'avait plus rien de calme alors que s'entassait le gratin des citoyens de Suna dans la grande salle de réception. Même en étant la seconde du Kazekage, Temari détestait toujours autant d'avoir à venir à ce genre de réception qui ne profitait toujours qu'aux autres. Gaara lui-même, alors qu'il n'était pas des plus expressifs, montrait à quel point ça le pesait d'être ici.
« Ça ne dure qu'une ou deux heures, ensuite libre à toi de faire ce qu'il te plait, lui avait chuchoté Baki en la saluant à son arrivée. »
Les regards n'avaient plus convergés que vers elle et son compagnon étranger. Shikamaru avait de quoi détonner dans une fête en comité restreint telle que celle-ci. Gaara avait bien fait. Et Kakashi aussi, tout compte fait.
De ce qu'en avait compris la jeune femme, si Shikamaru se trouvait à Suna, ce n'était pas pour porter un simple message à l'attention du Kazekage. Non, Kakashi et le roux avaient eu une idée bien mieux travaillée que ça : introduire un hôte de marque pour animer la soirée et éviter ainsi aux anciens de rabattre au Kage que le temps était encore à la guerre. Détourner l'attention sur un problème minoritaire comme tout bon politique.
Mais même si cette explication suffisait, Temari n'en semblait pas complètement satisfaite. Parce qu'alors que son frère lui exposait le plan, il s'était mordu la langue avant d'ajouter autre chose.
« Et ça changera les idées à Nara-san. Il en a bien be- »
Rien de plus mais ça avait suffit à mettre la puce à l'oreille de la jeune femme qui était à présent bien décidée à en apprendre plus. Peut-être pas de Gaara mais de l'intéressé lui-même. Rien qu'à l'observer, Temari avait compris nombre de chose, ne restait plus qu'à démêler les informations. Telle une décoration bavarde, la jeune fille fit les présentations entre Shikamaru et les personnes qui venaient les saluer. Il n'en fallait pas plus pour lui rappeler leur passé d'ambassadeurs. Rapidement, pourtant, elle délaissa son invité qui se faisait accoster de toutes parts ; la fatigue lui montait aux yeux. Il était temps de quitter les lieux.
Saluant ses frères et quelques invités, Temari disparu de la salle de réception. Elle aurait tout le temps de réfléchir au dessein de Shikamaru pendant sa nuit.
Debout aux aurores, Temari avait un planning très précis. Manger, se laver, s'habiller, préparer le bureau du Kazekage et commencer la lecture des rapports avant l'arrivée de son frère. Gaara, depuis qu'il avait perdu son Bijû, se trouvait être un jeune adulte encore pleinement capable de faire la grasse matinée et elle ne lui en tenait pas rigueur. Il avait suffisamment de responsabilité sur les épaules.
Mais ce matin-là, elle avait un autre plan en tête et n'en démordait pas : connaitre le contenu de la missive envoyée de Konoha. Sa curiosité était telle qu'elle déboula dans le bureau sans prendre la peine d'être discrète et se jeta sur le rouleau venu de Konoha.
« Restons calme. »
Avant d'avoir à lire le contenu, il fallait qu'elle fasse le point. Quel était cet engouement fou qui lui donnait envie d'en savoir plus ? Était-il seulement question de la mission ou plutôt de Shikamaru ? Il y avait un problème avec ce dernier et elle en avait assez de se demander pourquoi. Mais avait-elle le droit de s'introduire ainsi dans la vie du ninja ? il y avait un choix effroyable à faire entre son bon sens et sa raison…
« Nara-san a le comportement d'un dépressif. »
Sursautant, la blonde se retourna pour faire face à la fenêtre ouverte du bureau où se trouvait son petit frère.
« Il ne mange presque pas. Ne parle plus. Ne sort que quand il est en mission. Ne vit d'ailleurs que pour ses missions. Son Hokage s'inquiète. »
Gaara du Désert était un homme intelligent. Il savait quand faire la part des choses et avait vite compris que cacher des choses à sa sœur ne lui serait pas profitable. Surtout en ce moment où elle était la seule capable de s'intéresser au Nara.
« Son père est mort. Son mentor est mort. Ses coéquipiers ne le comprennent plus. Kakashi n'a pas le droit de refuser des missions à ses ninjas. C'est une question de quota. C'est pour ça qu'il nous l'a envoyé. Ici, Shikamaru n'a plus le choix. Il n'est qu'un invité et n'a aucun privilège si ce n'est de vivre dans nos appartements privés. »
Le Kazekage n'avait rien de quelqu'un qui s'épanche mais plus vite sa sœur aurait compris de quoi il en retournait et plus vite ils pourraient se remettre au travail. Avec ces quelques informations, Temari comprit où le problème se situait et son cœur se serra.
Mais il n'y avait aucun moyen d'aider ce pauvre bougre… Seul le temps saurait cicatriser ses peines et sans ses amis de Konoha, elle ne voyait pas bien de quelle manière le jeune homme serait capable de s'en sortir.
« À présent, peux-tu me relire le rapport de mission de l'équipe A. »
Il n'y avait plus de Shikamaru à l'horizon, c'était l'heure de se mettre au travail et de le laisser vivre sa vie.
-•-
Il n'avait pas dormi. En tout cas, pas beaucoup. Accompagné de son paquet de cigarette, il avait ouvert en grand la porte-fenêtre de sa chambre et s'était assit sur la moquette pour regarder la douce rosée qui ne s'arrêtait plus de tomber. Il avait mal au cœur, au ventre, aux yeux. Sans raison, pourtant. La soirée avait été bonne. Un peu d'alcool, beaucoup de discussion d'ordre diplomatique et politique. Mais même avec son esprit embrumé, une fois le pas de sa chambre passé, tout lui était revenu.
« Ils sont morts, putain ! »
Il avait été en larme, hurlant à la mort alors que la guerre touchait enfin à sa fin. Naruto et Sasuke perdaient leurs bras, Kakashi prenait les rênes du village, Neji était mort, le père d'Ino était mort. Shikaku Nara était mort. Dans les gravas, les mains pleines de poussière et le visage en sang, Shikamaru s'était recroquevillé sur lui-même, refusant qu'on s'approche de lui. Tout le monde semblait heureux de la fin de cette guerre mais son esprit ne convergeait plus que vers une chose : il ne restait plus rien. Le souffle court et les yeux douloureux d'avoir pleuré, il s'était finalement évanoui dans les bras de Chôji.
Puis plus une seule parole de lui pendant des semaines, ses coéquipiers avaient beau lui rendre visite, sa mère lui apporter de quoi manger, Naruto lui faire la conversation… Shikamaru était resté prostré dans sa chambre sans avoir idée du mal qu'il causait à son entourage.
Il lui fallut du temps pour comprendre que plus rien ne serait comme avant. Qu'il était désormais le chef de son clan. Qu'il avait des responsabilités. Qu'il n'était plus ce simple feignant de Shikamaru Nara. L'héritier devait à son tour prendre des décisions mais refusait de s'y soumettre. Aussi, les missions se firent plus nombreuses, plus difficiles, plus longues, pour lui éviter d'avoir à être celui qu'il se devait d'être à son retour.
La boule qui se logeait dans le creux de son ventre depuis qu'il avait réalisé tout ça ne le quittait plus. Pas même depuis qu'il observait cette rosée qui sentait frais et qui le rassurait. Mais il ne pleurait plus malgré ses yeux qui s'embuait et son visage qui se tordait de douleur. Ce stade, il l'avait dépassé depuis bien longtemps. Ne restait que la peine et les regrets. Et l'impression d'avoir manqué quelque chose.
Il n'était pas dupe, le Hokage et son plan avait raison de lui. Il ne pouvait que faire son introspection à Suna, il n'avait pas le choix. Tout ce qu'il s'était refusé jusqu'à présent lui sautait au visage avec férocité.
Sa mère à qui il ne parlait plus depuis des mois et qui se morfondait en attendant le retour de son fils.
Ino qui vivait la même chose que lui mais qui avait décidé de prendre le problème à bras le corps.
Chôji qui ne savait plus quoi faire pour retrouver son confident de toujours et retrouver leur complicité.
Kurenai qui attendait encore que le parrain de sa fille soit aussi fort que ce qu'il avait promis.
Naruto qui se faisait un devoir d'être un support pour lui malgré son incompétence…
Son clan…
SON clan.
Son putain de clan dont il était le chef tout désigné depuis que son père l'avait abandonné.
Voilà.
C'était ça. Shikaku l'avait abandonné. Merde ! Il l'avait abandonné, le laissant en proie à cette chose qu'il n'avait pas appréhendée. Et désormais.
Et.
Désormais.
« Putain ! »
Tant pis pour les voisins, pour le Kazekage, pour le bon sens !
Il avait été abandonné par son père et à présent c'est son propre village qui le laissait en berne ! L'enfermant dans cette atroce prison désertique au milieu d'inconnus ! Les nerfs à vif. Le visage tiré. La douleur lancinante. Il allait tout détruire. En commençant par cette chambre qui puait la bonté.
-Fin de la partie I-
-•-
-•-
« Bon. Bon. Bon-bon... J'étais franchement pas à l'aise avec l'idée de poster cette fic mais il faut que je me fasse une raison : Si je la poste pas aujourd'hui, je la posterai jamais. C'est bientôt la rentrée pour moi, alors autant faire ce qu'il faut avant d'être débordée.
Pour en revenir au vif du sujet : j'ai déjà fini cette fic depuis un bail. Depuis, genre... deux mois. :oskour je fer pitié: Sauf qu'à la base, ça devait être un OS. J'avais un super commentaire de fin d'OS à poster, d'ailleurs ! Mais, après relecture (trois jours que ça m'a prit, j'suis vnr !) et 37 pages j'me suis dit que, ouais, bon... J'allais pas imposer ça à la rentrée aux gens qui reviennent de vacances. J'avoue, j'suis un monstre mais quand même...
Bon.
Cela étant, coucou, voilà ma fic de la rentrée et je tenais à vous dire ceci : La Bouteille a achevé mes envies d'écrire et de lire des fics intelligentes pendant deux mois (ouais en fait ce message était adressé à ceux qui me suivent - koi koman sa ya personne - ma vi nul). Non, franchement, on sous-estime l'impact qu'a une fic écrite de nos mains ! Jusqu'à cette histoire-là, j'm'en étais jamais rendue compte et, franchement, ça m'a ruiné le moral ! (En pleine période d'exam, le top !)
Bon.
Je digresse, je dis graisse, mais je voulais en venir à un truc, moi, à la base :
Cette fic se divisera en trois ou quatre chapitres postés à intervalle aléatoire (ça veut dire jamais, parce que ma flemme de me recorriger va reprendre le dessus) mais, à la base, ce n'était qu'un OS (de 37 pages, certes). Et pas n'importe quel OS ! Non, monsieur, non madame ! Il devait faire parti de la suite d'OS consacré à la Semaine du ShikaTema (d'où le titre, tu l'as, tu l'as ?). Mais qu'à cause de ma démotiv' suite à La Bouteille... Bref, t'as compris l'délire.
Bon.
Il est temps pour moi de partir en vacances. En Bretagne. En septembre. J'vais m'enjailler à mort sur les ports d'Erdeven (j'suis même pas sûre d'avoir bien écrit le nom de la ville). Ca va être une sacrée smala. Si t'as lu jusque là précisément, je t'offre un bisous de plus en plus du bisous-fesses de fin de commentaire. Et si t'as pas lu jusque là... Ok, je commence à dire n'importe quoi, alors je vais y aller... Je t'aime d'amour, toi qui a lu jusqu'ici.
Bisous-fesses. »
Sandou-Soudy
