Résumé : L'inachevé des sentiments. Le boulet du cœur. C'est moi. Oups. Pas fait exprès.
Disclamer : Rien n'est moi, tout à J.K.
Petite note :
Pour Cissaspae en premier. Parce que c'est avec elle que ce texte a débuté. Même si on a du mal à prendre le temps de se parler, ces derniers temps, je pense à toi Nookie.
Pour les malades d'amour en second. Parce qu'il y en a plus que l'on ne le croit.
Pour les gens heureux, enfin. Ce n'est pas parce qu'ils sont derniers qu'ils sont moins importants.
Prologue
Tout a commencé naïvement. On n'y était pas préparés. On ne nous avait pas prévenus. Je ne savais pas que le jour de ma naissance, une bonne fée s'était penchée sur moi en déclamant, qu'en plus de me faire poursuivre par un mégalomane psychopathe pour finir par en venir à bout 17 ans plus tard, je la rencontrerai, elle, pour en tomber amoureux et tout envoyer en l'air. Elle ne savait pas que ce jour-là, c'était moi, et pas un autre, à qui elle devrait faire face par un curieux hasard. Personne ne nous l'avait dit. Personne ne le savait.
Parce que ce n'était pas sensé arriver.
Chaque jour, mille et une possibilités s'offrent à nous.
Ce matin-là, si Harry s'était levé un peu plus tôt, il aurait pu s'attendrir devant le spectacle offert par un jeune garçon tentant de s'extirper de la poigne aimante de sa mère, le serrant de toutes ses forces contre elle, presque pour l'empêcher de partir à l'école. Ce matin-là, si Harry n'avait pas fait tomber sa serviette par terre en la rapportant dans le placard de la cuisine, il aurait pu s'indigner en apercevant par la fenêtre une voiture rouler à tombeau ouvert.
Enfin, ce matin-là, s'il n'avait pas pris la peine de prendre son petit déjeuner et de ramasser sa serviette, prétextant un bon café au bureau des Aurors en compagnie de ses collègues, les vapeurs du sommeil aurait obstrué sa vue au moment où il aurait posé le pied sur le rebord de la chaussée, trébuchant. Sa cheville aurait craqué, sa jambe aurait cédée, il serait tombé à genoux sur le bord du trottoir, se tenant avec fureur le pied douloureux. Ce matin-là, il se serait retrouvé irrémédiablement en retard au travail s'il n'avait pris le temps de préparer son petit-déjeuner, prenant le risque d'arriver dix minutes après l'heure à laquelle il débarquait habituellement.
Harry ne savait rien de tout ça. Fermant la porte d'un tour de clef, il transplana ensuite directement devant la cabine téléphonique rouge donnant accès au Ministère de la Magie. Tout semblait normal, à ce moment-là. Ginny était en train de dormir. Les enfants devaient à peine se réveiller, ses deux aînés pour aller en cours, la petite dernière pour prendre sa douche. Tout était parfait.
Dans les bureaux, l'effervescence habituelle réveilla définitivement Harry. Une multitude de notes de services en forme d'avion en papier s'élevèrent devant lui au moment où il pénétrait dans le sien. D'un mouvement sec du poignet, il les renvoya dans la corbeille à papier dans l'intention de les lire plus tard. La lassitude envahit de nouveau son être quand il posa ses mains à plat sur l'acajou sombre de son bureau, de chaque côté d'un épais dossier rigide. Il s'étira et bailla.
De sa fenêtre, il pouvait apercevoir le parc mordoré par l'automne. Cette fenêtre, c'était l'un des privilèges que l'on ne refusait pas, au Ministère. La plupart du bâtiment se trouvait sous terre, pour ne pas dire la quasi-totalité. Un sortilège de repousse-moldu sur une telle construction aurait étéfacile à jeter mais difficile à maintenir. Aussi, seules les Hautes-Sphères bénéficiaient d'une ouverture beaucoup plus grande qu'une simple lucarne. Harry en faisait parti et, à cet instant, tandis qu'il se levait d'un pas pesant vers la fenêtre pour l'ouvrir et respirer avidement l'air odorant automnal, il songea ô combien cela pouvait être agréable. Tourbillonnant de milles effluves, Harry aurait voulu sauter sans s'écraser au sol.
Mais à 37 ans, on est raisonnable. Voyons Harry. Un accio sur ton balai pour t'enfuir dessus par la fenêtre devant des moldus te voyant surgir de nulle part, ce n'est plus de ton âge.
Ainsi donc, la monotonie avait un jour tambouriné à la porte et s'était tranquillement installée dans la vie de ce cher Harry Potter, ignorant délibérément le fait qu'elle pouvait déranger le dit Harry Potter. Mais cet après-midi-là, un petit quelque chose allait chambouler tout cela. L'heure du changement était venu, ce bref instant où l'on ne sait pas encore que plus rien ne sera comme avant mais qu'on a pourtant tellement attendu qu'on est certain de le reconnaître, le Jour-J – ce qui est, très souvent, une ironique leurre.
Dans son bureau, Harry apposa rapidement sa signature en bas d'un parchemin si fin qu'il crut un instant que sa plume allait le transpercer. Il réfléchissait au moyen de demander au fournisseur du Ministère de lui proposer des parchemins de meilleur qualité pour le département sans le froisser quand la porte du bureau s'ouvrit à la volée. Une jeune femme échevelée apparut. Sa baguette à la main, l'autre encore sur la poignée, elle semblait particulièrement alerte. Harry suspendit l'allée et venue qu'effectuait nerveusement le bout de sa plume sur ses lèvres.
« Monsieur ! »
« Jenkins ? »
Harry posa sa plume, et sortit sa baguette sans attendre.
« Rapport. »
« Incendie criminel. On nous demande sur les lieux parce... »
« Ok, vous m'expliquerez en route, on n'a pas le temps. La plupart des preuves matérielles ont sûrement déjà disparues dans l'incendie, j'imagine ? Comme à chaque fois. »
Harry dépassa la jeune Auror sans attendre. A peine 18 ans, blonde au teint blanc et aux joues roses, Jenkins, Lisa de son prénom, ressemblait à une jolie et minuscule poupée de porcelaine. Le jour où Harry l'avait vue dans le bureau de recrutement, il devait avouer qu'il avait été perplexe. Il avait même un peu ricané. Ce genre de jolie jeune fille, c'était le petit ange qui restait chez ses parents, attendant que son pieux chevalier vienne l'enlever. Il y avait bien aussi la jeune fille de bonne famille, bien faite et pleine d'esprit, qui, le soir venue, laissait transparaître un petit diable dans les soirées trop arrosées.
Pourtant, c'était tout le contraire. Jenkins était bien encore un peu candide, ses 18 ans lui permettant encore de bénéficier de cette vision naïve d'un monde où tout est possible. Mais elle se montrait souvent hardie et perspicace, deux qualités qu'Harry avait appris à estimer chez elle. Aussi, un an à peine après son arrivée au département des Aurors, le jour de son accession au poste de titulaire, elle devint la coéquipière du Grand Patron, le partenaire d'Harry ayant pris une retraite anticipée pour élever avec sa femme il ne savait quelle créature étrange croisée avec un dragon en compagnie de sa progéniture.
Une fois dans l'Atrium, Harry et Jenkins s'engouffrèrent sans attendre dans les cheminées. Jenkins passa devant et clama l'adresse où ils devaient se rendre, presque simultanément suivie d'Harry qui l'imita. Ils débarquèrent dans un petit bâtiment vétuste au plafond recouvert de toiles d'araignées compactes. Une odeur de terre battue, une odeur humide, entêta tout de suite les deux agents.
« C'est l'ancien débarras d'un couple de sorciers. Ils sont décédés sous le règne de Voldemort et aucun héritier ne s'est manifesté. Le Ministère l'utilise pour desservir les sorciers sur ce secteur, Monsieur, explicita Jenkins. »
Harry se contenta d'acquiescer, bien qu'il ne soit pas sûr que sa jeune coéquipière puisse percevoir son mouvement dans cette semi-obscurité. Ils sortirent du débarras. Ce dernier se situait à l'arrière d'un jardinet rempli d'herbes folles. Au milieu, une charmante maison à un étage étendait son ombre large et fraîche sur les deux aurors. Le reste d'une charpente calcinée se dressait devant eux, cent mètres plus loin, de l'autre côté de la barrière séparant les deux bâtisses. A vu de nez, le quartier paraissait être un de ces quartiers résidentiels proprets et symétriques, héritage d'une mode à l'américaine et du manque d'argent de la commune pour faire plus original.
Harry et Jenkins contournèrent la barrière séparant le deux jardins. Les moldus passaient leur chemin, changeant mystérieusement de trottoir sans raison apparente, songeant au dîner de ce soir ou à la cafetière en panne du bureau sans se douter du drame s'étant joué à quelques pas d' maison, qui ressemblait alors plus au reste d'une masure qu'autre chose, avait brulé comme un feu de bois, élément dont elle était principalement constituée. Un véritable combustible géant. Quelques restes de la charpente principale tenaient encore debout et la plupart des murs s'étaient écroulés sous la fureur des flammes.
« En combien de temps est-t-on arrivé à ce résultat ? demanda Harry.
- Trois minutes, à peu de choses près, d'après les experts et les témoins, répondit Jenkins en sortant un carnet pour le feuilleter.
- Temps de propagation compris ?
- Les Sorci-analystes l'ont pris en compte, oui. »
Harry émit un sifflement stupéfait en observant la bâtisse, les poings sur les hanches. Jenkins glissa son doigt sur une feuille et la lut à haute-voix :
« Temps de propagation estimé à une minute. Feu extrêmement violent ayant détruit immédiatement tout objet et meuble à son contact. A pourtant attaqué sommairement la charpente.
- Un feu contrôlé ? »
Jenkins acquiesça avant de continuer.
« Effet causé par un sortilège très puissant, source du feu.
Donc on penche pour un Incendio particulièrement intense. Il faut soit beaucoup de pouvoir soit être animé d'un sentiment extrêmement fort tel que la haine pour produire un sort aussi destructeur, réfléchit Harry. »
Son regard se tourna vers un attroupement d'une demi-douzaine de sorciers encadrés par deux aurors.
« Vous avez parlé de témoins, tout à l'heure, Jenkins.
- Oui. Cinq personnes du voisinage. L'un d'eux est Auror. Il a lancé des Aguamenti pendant que sa femme nous appelait mais ni lui ni ses voisins n'ont pu arrêter le feu. Il été déjà trop étendu pour eux.
- Et la sixième personne ? »
Jenkins mouilla son pouce et tourna un feuillet.
« Hum... Elle n'est pas du voisinage, celle-ci. Elle est d'ailleurs bien loin de son actuel lieu de résidence... C'est suspect, non ? »
L'excitation perçait dans la voix de Jenkins.
« Et les morts ? »
La jeune femme se rembrunit.
« Une femme. 33 ans, célibataire, sans enfants. Son nom est Gregoria Lingston.
- Gregoria Lingston ? La chercheuse ? »
Harry haussa les sourcils, surpris. Jenkins semblait perdue.
« Hum... Certainement. Vous la connaissez ?
- Non, mais elle a participé à l'amélioration du Veritaserum. Elle était du département des mystères.
- Oh ! »
Jenkins plissa son front. Elle désigna un homme qui venait de transplaner à quelques pas d'eux.
« C'est pour ça que l'adjoint du Ministre a tenu à vous soumettre personnellement l'affaire, alors, monsieur. »
Harry tourna les yeux vers l'homme. Ce dernier examinait d'un air ennuyé les lieux. Son expression défaite lui rappela celle, profondément déçue, de Ginny la veille au soir lorsqu'il s'était retourné dans le lit sans l'embrasser pour lui souhaite bonne nuit. Harry aurait presque pu voir sa bouche s'affaisser lentement. Puis les coins de sa bouche avaient dut se rehausser dans un sursaut de courage avant qu'elle ne se glisse plus confortablement entre les couvertures. Harry s'ébroua et l'image de sa femme superposée à celle de l'homme s'évapora.
« Mlle Lingston travaillait sur un important projet sur la potion Tue-Loup, monsieur, d'après l'adjoint du Ministre. Cela pourrait être un motif pour une inculpation ? Proposa Jenkins. Elle aurait pu se faire des ennemis en décrochant des contrats de recherches aussi gratifiants. »
Harry haussa les épaules.
« Ce sont des pistes à creuser. Allons. Les Sorci-analystes ont visiblement terminé leur inspection. Prête pour prendre en charge les témoins ? »
Il fallut deux bonnes heures pour recueillir les témoignages de tous les témoins. Encadrés par les deux autres Aurors, les témoins étaient questionnés à tour de rôle, loin des oreilles et d'yeux indiscrets, dans le cabanon rapidement rangé, lavé et meublé d'une table et de trois chaises d'un coup de baguette magique. Seul bémol, le sol de terre battue dégageait toujours cette odeur humide. On ouvrit donc une lucarne installée dans la partie basse du toit et on insonorisa à nouveau le tout.
Harry s'ennuya ferme tout du long. Il avait invité l'adjoint du Ministre, Mr Chelton, à se joindre à eux pour l'interrogatoire. Il en apprit ainsi plus. Cette affaire intéressait le Ministère de près au vu des récentes découvertes de Mlle Lingston. C'était d'ailleurs au sein même du Ministère et sur la commande de celui-ci qu'elle avait amélioré le Veritaserum. Harry en déduisit que c'était une bonne perspective au vu du nombre de suspects parfois récalcitrants et fut surprit de ne pas en avoir été informé avant.
Bref, banale affaire où chacun devait y trouver son compte, encore une fois. Les preuves ayant été détruites pas l'Incendio ainsi que le corps, le fait étant qu'il était peu probable que le criminel traîne encore dans les parages ou ne revienne sur les lieux, et tous les témoins n'ayant jusqu'à présent donnés aucun élément susceptible d'intéresser les Aurors, Harry avait l'impression de perdre son temps. Pour ce qu'il valait...
« Vous comprenez, j'imagine que certains ont pu se montrer envieux envers la nouvelle notoriété de Mlle Lingston.
- D'autres personnes ont déjà été approchées pour prendre en charge ses recherches ? Demanda Harry tandis que Jenkins sortait du cabanon pour demander au sixième et dernier témoin de les rejoindre.
- En effet.
- Il faudra que vous me fournissiez leurs noms, Mr Chelton.
- Mais certainement, Mr Potter. »
Avant qu'il n'ait pu remercier l'adjoint avec courtoisie, Jenkins ouvrit la porte pour laisser passer devant elle le sixième témoin. Harry se tourna vers lui et crut un instant que c'était Jenkins sous cette cape sombre, la cagoule dissimulant son visage et d'où coulait des boucles blondes cendrées.
Mais Jenkins était plus petite que le témoin et se trouvait d'ailleurs derrière celui-ci. Elle le dépassa et le convia d'un geste à s'assoir.
Le témoin s'exécuta et Harry ne put s'empêcher de remarquer que cette femme, sous cette capuche, évoluait avec grâce dans l'espace. Le bout de la cape traînait par terre derrière elle, comme un long voile noir. Elle choisit de s'assoir dos à la lucarne, en face d'Harry et de Jenkins, au lieu d'attendre qu'ils ne s'assoient avant pour prendre la place succinctement désignée, si bien qu'à contre jour, elle parut éblouissante.
Il y a des personnes, comme ça, qui, dès qu'elles entrent dans une pièce, occupent tout l'espace de leur corps, de leurs gestes, de leurs sourires, de leur maintien. Cette qualité, cette présence, ce n'est ni la beauté ni la laideur. C'est une aura charismatique qui les entoure. La jeune femme faisait partie de ces gens-là.
« Pourriez-vous ôter votre cape, mademoiselle ? Demanda Jenkins. »
- Mr Chelton se tenait en retrait, derrière Harry et Jenkins. Harry aurait presque pu deviner le sourire empreint d'excuse que leur adressait l'inconnue lorsqu'elle parla.
« Veuillez me pardonner. Il est presque dix-huit heures et l'air commençait à se rafraîchir. Cela vous ennuie si je n'enlève que ma capuche ? »
Harry haussa les épaules. L'inconnue leva deux mains longues et blanches vers son visage et glissa le tissu. Ses cheveux blonds coupés au niveau des omoplates tombèrent sur ses épaules. Son regard vert arborait une expression paisible. La pupille rétrécie par l'obscurité, elle posa alternativement ses yeux sur Jenkins et Harry, un sourire tranquille aux lèvres. Cette femme respirait l'apaisement, l'assurance que tout était bien. C'était une femme à laquelle on ne donnait pas d'âge, qu'on ne pouvait deviner. Elle pouvait tantôt paraître en avoir trente, tantôt tromper son monde et avoir déjà la quarantaine. Le genre de créature intemporelle, ni parfaite, ni profondément détestable, mais que l'on jalousait de pouvoir poser sur chaque chose ses iris si sereines.
A cet instant, Harry la détesta pour deux raisons.
L'une d'elles était causée par la fatigue. Il la détesta excessivement d'être aussi fraîche et dispose, l'air aimable, alors que lui dormait debout, la journée ayant été épouvantablement stressante et inutile.
La deuxième était similaire. Mais c'était une fatigue mentale et physique à long terme liée à la vie de tous les jours. Les nerfs prenaient le pas de plus en plus souvent sur la raison de Harry et, entre la routine agaçante de la maison, la culpabilité de son indifférence vis à vis de sa femme et le train-train au bureau, tout était prétexte à l'irritation. Il était furieux contre lui-même de s'énerver en contemplant cette jeune femme qui semblait si bien alors que c'était lui qui était en position de force vis à vis d'elle.
« Déclinez votre identité, l'adresse de votre domicile fixe ainsi que votre emploi, je vous pris. »
Harry se maudit intérieurement de laisser transparaître son agacement à l'intonation sèche de sa voix ainsi qu'à son visage contracté au vu de l'étonnement amusé de la jeune femme quand elle répondit :
« Mais bien sûr... »
Harry fut surpris quand elle se tourna délibérément vers lui. Le soleil jouait avec l'or de ses cheveux et il ne put s'empêcher de les comparer à ceux de Jenkins ou de Ginny et constata bien malgré lui que ni les uns, ni les autres, n'étaient comparables à ceux-là. Cette constatation l'étonna autant qu'elle l'effraya. La jeune femme semblait guetter une réaction et le fixait toujours lorsque qu'elle parla :
« Dans l'ordre ? Bien. Astoria Malfoy. Greengrass de mon nom de jeune fille, si cela peut vous être utile. Je vis actuellement avec ma famille dans le nouveau Manoir Malfoy aux abords de Londres. Je suis rentière. »
Harry se sentit assommé par toutes ses informations. La femme de Malfoy ? Intéressant.
Il se rendit compte qu'il n'avait fait qu'entr'apercevoir la jeune femme le jour de la rentrée du jeune Scorpius Malfoy. La fumée avait dissimulé le visage d'Astoria Malfoy et il avait été curieux de voir à quoi elle pouvait ressembler. Eh bien voilà, Harry, maintenant tu sais. Content ? Tu aurais peut-être mieux fait de t'abstenir de te lever ce matin, non ? Oui, Harry avait l'étrange impression que cette entrevue, qui ne faisait que commencer et se terminerait bien assez tôt, ne pouvait que lui être néfaste. Constater que Malfoy avait auprès de lui une femme au bonheur si paisible lui fichait déjà le bourdon. La hache de guerre avait été enterrée mais les vieilles rancunes puériles restaient là, enfoncées profondément dans la chair des deux hommes.
Harry se racla la gorge.
« Bien... Alors. Où étiez-vous à 16h45, heure à laquelle à été lancé le sortilège responsable de l'incendie ?
- Dans ce même cabanon, Mr Potter. »
Le sourire plein d'assurance compatissante de la jeune femme irrita encore plus Harry. Le prenait-elle de haut ou était-elle simplement toujours comme ça ? Hautaine n'était pas le mot. Égocentrique, encore moins. Une sollicitude inexpliquée naissait entre ses lèvres, sur ses sourires.
A ses côtés, Jenkins semblait peu impressionnée par la prestance du témoin. Elle ne faisait que poser question sur question. A la fin de l'entretien, il était définitivement établi que Mrs Malfoy avait utilisé la cheminée du ministère dans l'après-midi, en revenant d'un rendez-vous administratif, pour rendre visite à une vieille bonne femme résidant dans un cottage dont Mrs Malfoy était propriétaire. Il s'avéra que la dite-vieille femme avait été sa nourrice et qu'elles avaient gardés contact. L'ancienne nourrice, interrogée plus tard, témoignerait pour sa protégée.
Jenkins se leva, serra la main de la jeune femme rapidement et sortit du cabanon, suivi de Mr Chelton qui fit un bref signe de tête à l'intention de Mrs Malfoy. Harry resta assis un instant, perdu dans une langueur soudaine avant de se lever brusquement et de tendre une main mal assurée à la dame. Elle arborait toujours la même expression, déroutante sur un visage de premier abord un peu froid. Harry ne put s'empêcher de penser qu'elle et Malfoy possédaient ce même air impassible. Les limites de l'esprit de la jeune femme semblaient infranchissables, comme si ses pensées étaient trop hautes et imperceptibles pour pouvoir ne serait-ce qu'être perçues par le commun des mortels.
Elle tendit sa main fine qu'il serra. Il fut surpris par sa poigne franche. Encore une fois, il ne put réprimer les élans de son esprit à la comparer avec Ginny ou Jenkins. Jenkins, à l'air si fragile mais pourtant tellement courageuse et résistante, et Ginny, si forte et emportée. Mrs Malfoy paraissait n'être ni l'une ni l'autre. Elle n'était même pas un entre-deux. Elle devait être autre chose, cette catégorie de femmes indéfinissables, que l'on ne rencontre que peu de fois dans une vie. Elles éblouissent si fort que l'on ferme les yeux et, l'instant d'après, en les rouvrant, on s'aperçoit soudain qu'elles ont disparues sans laisser la moindre trace de leur présence. Comme si elles n'avaient jamais existées. Des fantômes pâles et magnifiques, passant sans bruit ni ratures, ils se mouvent avec grâce pour ne pas gêner le monde autour d'eux, ou peut-être pour que le monde lui-même ne gêne pas leurs pas et les gestes fluides.
Cette réflexion, que Harry n'aurait jamais cru se faire un jour, l'accompagna jusqu'à chez lui, tard le soir. Elle le poursuivit dans la cuisine où il dévora le reste du dîner, dans le salon, sous la douche et même dans son lit. Le visage éclatant de Mrs Malfoy l'accompagna toute la soirée. Ce ne fut qu'en sentant bouger Ginny contre lui qu'il l'oublia totalement, tournant la tête et le buste pour toucher ces cheveux décidément un peu rêches, cela dit...
