Disclaimer : Merci Rowling de m'avoir prêté tes persos pour m'occuper l'imagination pendant la lente agonie que fut mon permis de conduire... ;) J'ai l'impression que ça fait des siècles que je n'ai pas posté sur ffnet, voire juste écrit pour le plaisir, mais me voici de retour pour un Drarry en bonne et due forme, plein d'états d'âme et de rebondissements, et avec un happy end !

Cette histoire se situe dans un univers alternatif sans pouvoirs magiques ni références anglo-saxonnes, très fortement inspiré de systèmes et de décors français, parce que je n'avais pas envie de me prendre la tête, mais inspiré aussi et surtout de l'ambiance de tous mes UA favoris (fandoms Harry Potter (Apologies de josephinestone), Kingdom Hearts (Boys de Casey V), Digimon (A Cup of Lust, Beauty, and Affairs de Dark-Angel-XX)) auxquels j'espère faire honneur.

Je me régale avec ce scénario, j'y aborde tout un tas de thèmes qui me tiennent à coeur, et j'espère qu'il vous plaira / vous amusera aussi ! J'ai une quinzaine de chapitres d'avance, même s'il faut que je les retouche un peu, alors les mises à jour devraient être fréquentes. Activez quand même vos alertes, si ça vous dit !

Homophobes et misogynes, abstenez-vous. Ou laissez-vous convertir :)

xx,

Cloe


Petite chanson d'humeur : "Ça a raté" de Françoise Hardy


"Non, Réponse B"

Signalisation (1)


« Je viens m'inscrire au permis B. »

Son enthousiasme débordait. Sa posture devait d'ailleurs le trahir car il se tenait encore plus près de la porte vitrée du bureau d'auto-école que du bureau qui lui faisait face, pochette impeccable à la main, prêt à faire demi tour pour réaffirmer son libre arbitre. Mais cette fois-ci il avait prononcé les mots.

La jeune femme assise derrière le bureau le regarda sans ciller. Elle l'invita à s'asseoir avec un sourire poli et un regard photographique.

« On s'est déjà vus, non ? demanda-t-elle.

- Oui, répondit Draco sans émotion. Il y a deux mois, j'étais venu me renseigner.

- Très bien, vous avez toutes les pièces ? »

Au moins, elle n'avait pas l'air de vouloir lui faire perdre son temps. Il posa sur la table les papiers et photos d'identité contenus dans la pochette. La monitrice se mit à encoder ses données dans l'ordinateur sans un mot.

Draco n'en profita pas pour examiner la pièce : il n'y avait rien à voir, un seul poster de prévention routière sur le mur nu et pas d'autre mobilier que le bureau et des chaises il en avait déjà fait le tour la première fois, à travers la baie vitrée devant laquelle il avait dû attendre que les maigres heures de bureau commencent cinq minutes d'attente atroce entouré d'une micro-poignée d'adolescents soûlés d'avance et mal habillés – il avait oublié à quel point les différences entre la province et la métropole pouvaient sauter aux yeux. Il secoua la tête pour dissiper cette vision d'horreur : il avait fait attention cette fois-ci à arriver à une heure où il serait sûr de ne croiser personne. Il tourna les yeux vers l'écran, autant qu'il le put sans paraître invasif, pour vérifier qu'il n'y avait pas d'erreur. La jeune femme eut un rictus qui ne lui échappa pas. Il détourna les yeux. Quelques instants plus tard, elle se retourna vers lui pour lui donner un papier et un stylo.

« On peut se tutoyer ? demanda-t-elle. On doit avoir à peu près le même âge. »

Draco marmonna un oui, pourquoi pas blasé et étudia le petit papier qu'il devait signer, si tendu qu'il n'entendit pas ce qu'elle ajoutait.

« Et pour régler ?

- Alors il y a le permis à un euro par jour… ça ne t'intéresse pas. Il me faut juste un acompte et le reste quand tu veux.

- Je peux tout régler d'un coup ?

Il avait déjà sorti le carnet de chèques. Elle le regarda d'un air amusé.

- Oui bien sûr.

Daté, signé.

- Bon, eh bien tout est en ordre. Voilà le mémo code avec tout ce qu'il faut savoir sur la signalisation, le reste ça sera sur internet. Tu veux commencer tout de suite ? La séance de ce soir commence dans 20 minutes.

- Non, merci. Je viendrai demain. »

Draco respira une fois dehors. Il avait encore une heure et demie à tuer avant de retrouver Pansy. Il pourrait aller faire du code, mais non. Une chose à la fois. Aujourd'hui, il s'était débarrassé de toute la paperasse, c'était déjà beaucoup. Il traversa la rue.

Un message de Blaise clignotait sur son portable : « Salut ma couille, suis rentré de Rome. Tu reviens quand ? Du nouveau ? »

« Merci de me le rappeler… Je viens de m'inscrire au code (ta gueule). Je rentre dans une semaine, ou deux. Pas de tierce personne(s) sur ou dans mon lit en mon absence ! »

Il parcourut l'avenue du regard. Cette ville était déserte. Trois pauvres voitures garées sur les côtés et un vague brouhaha venant de la garderie de l'école primaire. C'était presque effrayant. Malgré le beau soleil et les signes de ville fleurie, il s'imaginait très bien un tueur en série déambuler dans un tel décor. Ou juste sa maîtresse de maternelle.

Que Blaise lui rappelle où il avait passé ces dernières semaines n'arrangeait pas beaucoup son humeur. Ce n'était pas Rome particulièrement – en théorie, il pouvait y retourner quand il voulait – mais c'était le principe : n'importe où mais pas ici.

« ;) »

Draco soupira lourdement. Il serait bien allé boire un verre mais la perspective de se coltiner un patron de café désert qui se sentirait obligé de papoter ne l'enchantait pas, et avec sa chance, l'un ou l'une des employés serait un ancien du club de judo ou une camarade de classe de cette époque qu'il avait allègrement laissée derrière lui.

« Allô, Pansy ? C'est moi. On se retrouve où exactement tout à l'heure ?

- Ah Dray, justement j'allais t'appeler. Ça t'embête si on remet ça à demain ? J'ai un truc à faire ce soir, et demain on pourra se voir plus longtemps.

- … OK. Je suis un peu sur les nerfs de toute façon.

- Qu'est-ce qui se passe ?

- Rien, je viens juste de m'inscrire au permis.

Pansy gloussa à l'autre bout du fil.

- C'est bien. Tu verras, c'est pas si horrible.

- C'est chiant.

- Je sais, mais tu verras, tu te sentiras libre et indépendant après.

Draco leva les yeux au ciel.

- Donne-moi une bonne raison pour ne pas appeler un taxi tout de suite.

- La marche, c'est bon pour la santé ?

- Mmph.

- Bon, j'ai du boulot. Je te tiens au courant pour demain, mais a priori même heure, chez toi si tu veux.

- J'irai au code…

- Au code alors. Allez, bon courage, bisous ! »

Draco soupira. À pied donc.

Il y avait au moins vingt-cinq minutes de marche entre chez lui et le centre-ville. Ils n'avaient plus de chauffeur depuis qu'il était parti à la fac et le bus ici, c'était le fond du trou, à part les cars de ramassage scolaire…

Le printemps arrivait, pas de pluie en vue. Tout occupé à penser à Pansy et à Blaise et dans quel état il allait trouver l'appartement après dix jours laissé aux mains de son colocataire, il ne vit pas le temps passer. Ils avaient bien une femme de ménage dans la coloc, mais celle-ci n'ayant pas l'autorisation de trop mettre le nez dans les chambres, il y avait toujours des traces des frasques de Zabini qui traînaient autour de son radiateur ou de son lit… La marche avait du bon. Ça brûlait l'énervement.



Le lendemain, il arriva au code en avance. La monitrice lui expliqua le fonctionnement des séances (remplir une grille de papier découpé à l'arrache sur un sous-main flasque, tagué par tous les ados attardés du bled, fantastique).

« Le sol vibre, mais ça se sent moins dans les chaises à droite contre le mur.

- Comment ça le sol vibre ?

- Il y a la VMC en dessous.

- Super.

- Ça habitue au bruit des voitures.

- Certes.

- Je lancerai le DVD à 18h05, le temps que tout le monde arrive. Tu peux t'installer ou venir papoter si tu veux. »

Draco testa toutes les rangées de la salle étroite, histoire d'au moins avoir la meilleure place, mais il se sentit con de rester seul avec son mémo-code dans l'obscurité et cette odeur de renfermé, alors qu'il y avait plein de sièges dans l'entrée, et de la lumière naturelle.

Cette femme – Angelina ? Angela ? c'était bien son nom qu'elle avait dit, la veille, en lui donnant le papier à signer ? – elle devait le draguer, elle était trop gentille. Elle avait eu l'air ravie qu'il s'inscrive, bien sûr – enfin quelqu'un de plus mûr et de classe dans ce trou à rats, ça devait la changer des ados blasés qui n'attendaient que le permis pour ne plus dépendre des parents.

Quand il se décida à revenir à la lumière, la monitrice était au téléphone. Il se sentit de nouveau con de s'être imaginé autre chose. Mais bon, après tout, il n'avait pas vraiment envie de parler.

Elle n'était pas mal, se dit-il. Noire et élancée, sure d'elle, soignée, féminine sans en faire trop sur le vernis à ongles et les bijoux, tout ce qu'il pouvait admirer chez une femme, tout le contraire de l'image qu'il avait de vieux moniteurs ne vivant que pour faire chier sur le sens des panneaux et la technique des créneaux.

Il en était à se demander comment réagir si elle le draguait vraiment quand les premiers gamins arrivèrent et il dut se dépêcher de retourner dans la salle sombre s'il voulait pouvoir choisir sa place et se créer un périmètre de sécurité. Il y avait heureusement plus de sièges que d'élèves.

La séance démarra.

Au bout de deux questions, il se rendit compte qu'il fallait qu'il soit concentré. À plusieurs reprises la question passa sans qu'il ait eu le temps de réfléchir, et il fallut qu'il serre les dents pour ne pas pester oralement. Les ados à côté semblaient cocher leurs cases impassiblement, la routine. C'était humiliant.

Au moment des corrections, Draco ne savait plus quelle attitude adopter : est-ce qu'il pouvait considérer comme justes celles où il était sur le point d'arriver à la bonne conclusion ? Combien de croix tracées en plein sur les traits séparant B et C pouvait-il faire semblant d'avoir inscrites dans les bonnes cases ? Il se compta faux une hésitation sur deux, se sentant épié, mais le total n'allait pas être réjouissant…

« 7 » dit le premier gosse.

« 4 » dit le second.

« 11 » dit une gamine minuscule mais fière, avec un chewing-gum.

« 19. »

Il scruta le visage de la monitrice à la recherche du moindre signe de moquerie mais elle nota le résultat puis sourit :

- Pas mal pour une première !

- …

Il était tellement furieux de ne pas briller naturellement, et il n'avait tellement rien à reprocher à cette femme, que les sentiments contraires le clouèrent sur place quelques instants.

- À bientôt alors ? Tu as besoin de quelque chose ? Des questions ?

- Ouais…, fit Draco en se sortant de sa stupeur. Non, ça va.

- OK, à la prochaine alors. »

Draco se dirigea mécaniquement vers la sortie et ne se souvint pas, sur le chemin du retour, s'il avait dit au revoir à voix haute.