Deux amours, un destin…

Chapitre 1

Vers la lumière…

Candy se réveillait ce matin de printemps pour la première fois sans avoir les yeux humides. Preuve que ses démons du passé commençaient enfin à s'éloigner.
Même le poids invisible qui pesait sur son cœur depuis son retour de New York paraissait plus léger.

Le soleil qui filtrait déjà derrière les interstices des volets, et le chant d'une hirondelle l'avait réveillé de bonne humeur ce matin. Une bonne humeur qui n'était pas feinte depuis longtemps !

Elle sauta alors du lit pour ouvrir les volets et la fenêtre, puis inspira profondément quelques instants l'air matinal chargé du parfum des roses qui avaient fleuris dans la coure de l'immeuble.

Ne voulant pas faire attendre plus longtemps son tendre colocataire, le sourire au lèvres, elle se dépêcha ensuite d'aller faire sa toilette et s'habiller car d'autres odeurs gourmandes qui filtraient de la cuisine, lui rappelaient que son cher ami Albert était levé et s'activait déjà pour leur préparer un petit déjeuner de gourmet.

Candy pensa alors qu'elle se sentait enfin heureuse !
Oui heureuse...

Après l'accident qui avait coûté la vie d'Anthony, elle avait crû mourir de chagrin, puis à son retour de New-York qui devait être pourtant un aller simple dans la vie de Terry, elle avait crû de nouveau ne plus pouvoir vivre ou ne serait-ce respirer un jour normalement sans sentir l'étau se resserrer autour de sa gorge. Sa brutale séparation avec celui qu'elle pensait être l'homme de sa vie, puis la nouvelle de la mort de son cousin Alistair à la guerre juste à son retour, lui avait donné l'impression qu'on arrachait son âme de son corps et qu'on l'envoyait errer entre deux mondes ! Pas assez morte pour rejoindre ses chers amis perdus, et pas assez vivante pour avoir le droit de retrouver celui qu'elle aimait...

Pourtant aujourd'hui, six mois après cet enfer, elle reprenait enfin goût à la vie. Elle avait fini ses études et aurait dû travailler dans le renommé hôpital Sainte Johanna où elle avait un poste, mais l'intervention des Legrand l'avait fait renvoyer de ce prestigieux établissement.

Depuis, elle avait trouvé un petit emploi d'infirmière auprès du docteur Martin dans la modeste, mais joyeuse clinique en périphérie de la ville et qui offrait ses services aux gens les plus démunis. Et Candy adorait son travail qui constituait à ses yeux, la preuve matériel de l'existence d'un Dieu de bonté !
Et en toute franchise, les circonstances eussent-elles étaient autres, elle pensait que jamais elle n'aurait souhaité trouver meilleure place.
Et ce malgré les conditions de quasi délabrement de la bâtisse de la clinique, de ses murs fissurés et délavés par endroit, du mobilier et du matériel sommaires et des dizaines de patients qui affluaient chaque jour ne laissant pas une minute de répit...
En dépit même de son état de fatigue dû à son sommeil capricieux depuis sa séparation avec Terry, elle adorait venir travailler chaque matin, et adorait également rentrer retrouver chaque soir son précieux ami Albert.

Elle aimait ce quotidien, aimait partager ses peurs, ses angoisses avec son ami, et plus que tout, elle aimait sa façon de lui arracher malgré elle ses sourires, ses espoirs... Il était devenu l'espace de ces quelques mois, bien qu'elle le connaissait depuis des années, son meilleur ami, son confident. Le phare qui donnait à son âme chaque soir l'envie de rentrer au port ! Albert était le roc fort et intemporel depuis son enfance, mais également celui doté de bras de velours qui avait su la bercer et la cajoler pour lui insuffler à chaque fois goût à la vie.

Pourtant, lui aussi avait ses démons à combattre !
Aussi douloureux soient ses souvenirs, Candy se disait qu'elle avait au moins ça a chérir.
Bien qu'orpheline, elle savait qui elle était et connaissait le chemin escarpé du destin qu'elle avait emprunté et qui l'avait amené à vivre aujourd'hui avec Albert.

Mais pour lui, elle avait été une parfaite étrangère à son réveil. Et il n'avait connu son prénom que parce qu'elle lui avait dit car il n'avait toujours pas retrouvé la mémoire depuis qu'il s'était réveillé à l'hôpital Sainte Johanna où elle travaillait encore à cette période. Pour lui, elle ne faisait parti de sa vie que depuis quelques mois où il avait ouvert les yeux, privé de ses souvenirs, dans cette chambre zéro. Celle destinée au paria sans le sous !

Et il faisait malgré tout, depuis qu'ils habitaient ensemble, passer le bonheur de Candy avant toute chose ! Quel homme merveilleux pensait-elle à chaque fois qu'il lui offrait un de ses tendres sourires.

La première fois qu'elle s'était rendu compte qu'elle était devenue dépendante de se retrouver blottie dans ses bras, avait été deux mois après son retour de New York.
Cette journée là, malgré une journée bien remplie à la clinique, elle avait été incapable de se concentrer sur ses patients. La boule qui s'était formée dans sa gorge au réveil, menaçait de l'étouffer de chagrin à tout moment.

Et pour cause, on était ce jour là le 27 janvier. Le jour du vingtième anniversaire de Terry ! Elle ne pouvait s'empêcher de penser à ce qu'il faisait ? Avec qui il était ? S'il était heureux et s'il avait commencé à aimer Suzanne ? A moins que ses sentiments pour sa collègue fussent apparus avant même que Candy se rende à la première de Roméo et Juliette pour le retrouver ? Après tout il avait été distant dès leurs retrouvailles à la gare ! Non, tenta-t-elle de se rassurer, car sinon pourquoi cet aller simple qu'il lui avait envoyé ?

La tête de Candy était sur le point d'exploser à force de se torturer de questions. Et elle avait enchaîné les étourderies à un intervalle croissante toute la matinée, si bien que ce cher bon docteur Martin s'était inquiété de son état de fatigue et avait exigé avec autorité qu'elle rentre chez elle se reposer.

Sur le chemin du retour, Candy avait longé le cimetière. Là où reposait son premier amour Anthony, preuve irréfutable qu'il n'était plus, là où avait été dressée également la stèle d'Alistair, bien que son corps n'ait jamais été retrouvé.

Candy n'avait d'ailleurs assistée à aucun des deux enterrements. Alitée et souffrante les deux fois, et elle n'avait jamais trouvé le courage de s'y rendre par la suite. Pourtant, elle s'adressait à eux presque tous les jours en rentrant du travail.
Sauf les jours où Albert lui faisait la surprise de venir la chercher à la joyeuse clinique !

Mais aujourd'hui son cerveau refusait de fonctionner comme les autres jours.
''Ça ira bientôt mieux, ça ira bientôt mieux... '' Ses mots qu'elle s'obligeait à réciter dans sa tête lui donnèrent la cadence pour mettre un pied devant l'autre jusqu'à l'appartement qu'elle partageait avec Albert.

Il était treize heures lorsqu'elle arriva devant la porte. Albert n'arrivait jamais avant dix sept heures. Le restaurant où il avait décroché un emploi ne l'embauchait pourtant que pour le service de midi, mais le temps de voir partir tous les clients, de ranger, nettoyer la salle et la cuisine, il n'était de retour que vers la fin de l'après-midi. Et dès qu'il rentrait, il préparait leur repas du soir, en vue d'être disponible pour elle à son retour vers 18h30 et passer un moment à se raconter leur journée sur le canapé, la tête de Candy posée sur son épaule, avant de passer à table. Ce simple petit rituel était devenu indispensable à son équilibre.

En entrant dans l'appartement minutieusement rangé le matin par Albert avant son départ au travail, Candy remarqua immédiatement la feuille posée sur la table à manger. Une note à son intention qui finie définitivement de la démoraliser. Albert lui annonçait que son patron l'envoyait chercher après son service, des épices qui n'avaient pas été livrés au restaurant ce matin, et comme c'était à plusieurs kilomètres de Chicago il lui annonçait qu'il ne pourrait rentrer que le lendemain.

Soudain complètement abattue et vidée par le besoin impérieux qu'elle avait de le voir, elle décida d'aller se coucher quelques heures.

Et il n'était que 17h lorsqu'elle se réveilla. Pourtant, vu son état d'épuisement, elle avait espéré ne pas se réveiller avant le petit matin !

Encore à moitié groggy, elle décida, bien qu'elle sache que c'était une mauvaise idée, d'ouvrir sa boîte à souvenirs.

Elle commença d'abord par remonter le mécanisme de la boîte à musique offerte par Alistair pour entendre la douce mélodie qui lui ramena les précieux souvenirs de ses cousins, la boîte à bonheur comme il l'avait baptisé, mais cette mélodie lui rappela également ceux dont elle avait été privé et qui auraient pu être... Et elle porta ensuite une rose blanche séchée '' tendre Candy '' offerte par Anthony à ses lèvres.
Puis les larmes déjà aux yeux, elle ouvrit les lettres de Terry qu'elle relu une à une plusieurs fois. Des lettres simples, que n'importe quel ami aurait pu lui adresser, sauf qu'elles venaient de Terry et que Candy avait décrypté la plume pudique pleine de non dit du jeune homme qu'elle aimait ! Du moins l'avait-elle crû ! Aujourd'hui elle n'était plus sûr de rien...

Et pourtant, elle ferma les yeux et elle revit Terry la faisant danser au bord du lac en écosse. Le sourire en coin et le regard amoureux juste avant de lui voler son premier baiser. Son plus merveilleux souvenir de lui figé dans ses dix sept ans.
Aujourd'hui il en avait vingt et elle ne saurait plus jamais ce qu'il pourrait faire de sa vie, si ce n'était par un article dans le journal !

Elle enfonça alors sa tête dans l'oreiller pour étouffer un cri de colère puis sanglota un long moment.

Candy savait cependant qu'elle avait quitté ce long tunnel de désespoir qui avait suivi son retour à Chicago, mais son chagrin la rattrapait encore quelques fois.
Elle avait également réussi à quitter l'étape suivante qui consistait à échafauder des centaines de scénarios à venir. Tantôt Terry franchissait la porte pour venir la chercher, tantôt Suzanne lui envoyait une lettre pour lui dire qu'elle n'aimait plus Terry et qu'elle le dégageait de son devoir , où même des scénarios farfelus où ils arrivaient ensemble tout les deux pour lui dire que tout ceci était factice, une comédie tragique mis en scène à son intention, une pièce shakespearienne revisitée par leur troupe ...

Aujourd'hui était une dernière faiblesse qu'elle s'accordait !
Mais elle voulait sincèrement se sentir mieux, remonter la pente et retrouver la jeune fille gaie et optimiste qu'elle était car rien n'était plus fatigant que de continuer à feindre cette gaieté jour après jour sans la ressentir. D'ailleurs y parvenait-elle ? Qu'elle image d'elle renvoyait-elle

Elle se leva alors avec sa boîte à souvenir serrer dans ses bras comme on s'accroche à une bouée de sauvetage et alla s'asseoir sur le tapis dans la salle à manger, face au miroir sur pied. Elle contempla un long moment son reflet et s'inquiéta de ce qu'elle y vit !
Les cernes bleues du à la fatigue de ses derniers semaines et le rouge de ses yeux causé par ses sanglots semblaient apporter la seule touche de couleur à son teint blafard.
Et ses cheveux ! Depuis combien de temps portait-elle ses couettes juvéniles ? Depuis combien de temps Annie lui demandait de les coiffer en chignon où même les couper en suivant la nouvelle mode ? Elle allait avoir bientôt 18 ans ! Comptait-elle garder ses couettes de petite fille, retourné vivre pour toujours à la maison Pony avec ses mères et faire comme si le temps s'était arrêté ?

Candy commença à défaire ses couettes. Il était temps de couper ses cheveux et prendre un nouveau départ dans la vie d'adulte ! Cela serait sa première façon de reprendre sa vie en main.

A cette seconde, une clé dans la serrure la sortie de ses réflexions, mais de tous les scénarios jusque là rêvés, cette fois celui-ci était inédit ! Un seul visage s'imposa à son esprit ! Puis la porte s'ouvrit sur celui dont elle avait désespérément besoin de voir ... Albert !

- Je me suis dépêch... Oh... Candy ma chérie !

Et il se figea brusquement devant elle pour détailler la scène qu'elle offrait, le contenu de sa boîte à souvenirs dispersé sur le sol et son visage ravagé de larmes.
Tellement de tristesse se reflétait à travers ses grands yeux bleus azuré !
Puis il s'agenouilla doucement près d'elle en lui ouvrant les bras.

Après en avoir rêvé toute la journée, Candy se jeta dans ses bras, la tête enfouie dans sa large poitrine où elle éclata en sanglots.

Albert la garda serré dans ses bras un long moment tout en la berçant et en lui murmurant à l'oreille que demain était un autre jour. Que son chagrin passera et qu'elle serait heureuse. Qu'il y veillera de toutes ses forces !

- Albert ! Comme je suis contente de te voir. Parvint-elle enfin à lui dire une fois sa crise de larmes passée.
Je croyais que tu... J'ai lu ton mot...

- J'ai pris une chambre dans un hôtel, puis... Je me suis souvenu de la date... Je ne voulais pas te savoir seule ma douce Candy. Il fallait que je rentre et j'ai trouvé un automobiliste qui venait sur Chicago et qui a accepté de me raccompagner dans sa voiture. Je suis désolé de rentrer si tard ma chérie !

La voix douce est apaisante d'Albert était comme un baume sur son cœur. Et elle parvint à lui sourire.

- Mais dis moi, étais-tu en train de mettre au point une nouvelle coiffure ? Lui demanda-t-il d'une voix où perçoivent la taquinerie et l'amusement.

Candy compris qu'il voulait détendre l'atmosphère. Rendre son cœur plus léger... Et elle savait également qu'elle offrait une image lamentable pour s'être examinée dans le miroir. Et encore plus maintenant qu'elle avait libéré sa crinière blonde indisciplinée et certainement pleine de nœuds.

- Je me disais que je pouvais changer de coupe ! Je serai peut-être plus jolie... Changer... Changer tout ! Tu comprends...

Elle sentit alors la gorge d'Albert déglutir difficilement et son cœur cogner encore plus fort qu'une armée de tambours sous son oreille. Puis Il passa ses doigts dans ses boucles d'or.

Et d'une voix rocailleuse il lui murmura :

- Tu ne pourras jamais être plus belle que lorsque tu souris mon ange. Tu es déjà la plus merveilleuse des femmes ! Un jour... Un jour tu aimeras de nouveau et tu comprendras combien tu es belle à travers les yeux de cet homme. Un jour ma chérie. Quand tu seras prête !

Il se leva alors et emporta Candy dans ses bras jusqu'au canapé. Là où il avait passé temps d'heures enlacés. Il installa la tête de Candy sur son épaule et lui caressa la joue en lui adressant un sourire polisson.

- Oui, un jour tu seras prête ! Murmura t-il.

Il se pencha alors pour lui offrir un baiser sur la joue.
Oh certes, cela n'était qu'une légère pression de ses lèvres chaudes. Un baiser tendre et innocent. Mais tellement généreux, avec tant d'amour et de respect comme si elle fut la plus précieuse chose dans sa vie, que le cœur de Candy cessa de battre. Émerveillée elle ne pouvait détacher son regard de ses lèvres pleines, puis de ses yeux adorateurs, puis encore de ses lèvres...

Et elle remarqua qu'elle n'était plus la seule à respirer difficilement ! Presque douloureusement. Les yeux d'Albert brillaient d'éclat argentés tel le soleil sur un lac enchanté emplis de promesses de bonheur à venir !

Il rétréci l'espace entre leurs visages, la caressant de son souffle chaud. Et la dévisagea un long moment. Un moment chargé de vœux contenus que Candy se surpris à vouloir tous exaucer dans l'instant !
Dieu était témoin qu'elle le désirait de tout son être.

Et tout à coup, Albert sembla lutter pour se réveiller et briser le charme qui les avait envoûtés. L'éclat dans ses yeux disparu soudain, et il se leva lentement pour se diriger vers la cuisine.

- Il est déjà 21h et je suis sûr que tu n'as rien avalé de la journée ! Et si on commençait par reprendre des forces ? Je vais voir ce que je peux préparer.

- Je vais t'aider ! Répondit-elle.

- Non ! Ne bouge pas et laisse le chef cuisinier te servir. Dit-il d'un ton péremptoire de commandant de guerre tout en souriant.