Parfois, j'ai peur.
J'ai peur de leurs voix, de leurs visages, de leurs sourires. J'ai peur de leurs réprimandes, de leurs faiblesses et de leurs forces.
J'ai peur de cette habitude qu'il a de réajuster ses lunettes d'un mouvement léger et méthodique, presque inconscient, lorsqu'il est gêné ou irrité.
J'ai peur des coins de sa bouche qui se retroussent imperceptiblement lorsqu'elle me trouve à paresser dans le salon, avant qu'elle ne me lance des soupirs de mère exaspérée.
J'ai peur de ces soirs d'hiver assis autour du kotatsu, à s'échanger des paroles frugales et sans intérêts, pourtant si importantes pour nous.
J'ai peur de cet ensemble, de ce tout, de ces deux êtres. J'ai peur de ce qui pourrait disparaitre.
Parfois la panique est si grande qu'elle m'étouffe, comme si elle m'attendait au coin d'une rue pour pouvoir voler mon souffle, grandir dans mon cœur comme une énorme vague et écraser mon âme dans son étau d'acier.
J'ai peur, si peur, mais je ne peux rien faire, rien dire, parce que je ne peux pas les perdre, pas maintenant qu'ils sont là, pas maintenant que tout repose sur mes épaules pas maintenant que leur chaleur et leurs sourires sont mon fardeau.
Parfois, j'ai peur de perdre tout, et d'avoir de nouveau froid, et de retrouver un nouveau fardeau.
Mais inévitablement la peur sera balayée (simple poussière) par leurs voix et leurs fossettes, et par le poids si lourd qu'il en est réconfortant qui repose sur mes épaules.
