Sirius se baissa d'un geste souple et rapide. Un sortilège impardonnable vola à quelques centimètres de ses cheveux, mais il ne s'arrêta pas de courir pour autant. Il lui était capital de stupéfixier ce mangemort et de le ramener au quartier général afin de l'interroger au sujet d'informations sur les avancées prochaines de l'armée de Lord Voldemort. Il entendit James siffler de douleur à quelques mètres de lui. Lâchant toute idée de poursuite, il se précipita vers son ami ensanglanté. Sirius l'empoigna par le bras et transplana juste avant qu'un sortilège impardonnable d'une couleur verdâtre et menaçante ne les atteigne.

Ils arrivèrent en plein milieu de Londres, à quelques mètres à peine de l'hôpital Sainte-Mangouste. Sirius dût lancer malgré l'état d'ahurissement où il se trouvait un nombre incalculable de sortilèges "d'oubliette" à tous les moldus qui se trouvaient sur leur chemin. Il entraîna son ami dans une rue un peu moins fréquentée et poussa brutalement une porte déjà entre-ouverte. Leur arrivée inopinée dans l'hôpital créa autour de lui une effervescence peu commune. James fut pris en charge au bout de quelques minutes, laissant Sirius sur une chaise dans le couloir, à ruminer ses pauvres pensées. Cela allait faire bientôt cinq mois que lui et ses amis avaient quitté Poudlard. Ils se battaient depuis lors au sein de l'Ordre du Phénix avec une ferveur qui augmentait de jour en jour. Les souffrances endurées par les Londubat avaient condamné ceux-ci à une vivre une existence ignorée et à l'écart de tous. Depuis le jour où ils avaient appris ce qui était arrivé à Franck et Alice, Sirius sentait grandir en lui une terrible envie de meurtre à l'égard de Bellatrix Lestrange, sa cousine à cause de qui le petit Neville Londubat grandirait sans parents. Il songeait avec une certaine tristesse que ce couple, qui paraissait autrefois si joyeux et si confiants en l'avenir, demeurait à présent allongé toute la journée, leurs esprits aliénés par le sortilège doloris.

Dumbledore s'était décidé à faire entrer Peter dans l'Ordre afin de remplacer le couple, considéré comme des martyres dans toute la société des sorciers. Ceci dit, il n'offrait qu'une piètre compensation en comparaison des services rendus par les Londubat…

Remus, tant qu'à lui, poursuivait avec difficulté sa formation pour devenir professeur de Défense-contre-les-forces-du-mal. Les transformations qui, à chaque pleine lune, lui ôtaient sa propre identité le fatiguaient de plus en plus, mais il tenait le coup. Du moins, c'était ce qu'il disait. Mais le teint cireux qu'il abordait parfois ainsi que les cernes qui entouraient son visage ne trompaient personne.

Malgré les recherches assidues qu'il avait entrepris, aussi bien au sein de l'Ordre qu'au ministère de la magie, où il suivait à ses heures perdues une formation d'aurore avec James, il n'avait pu dénicher d'informations concernant Hanna. Il avait la désagréable impression qu'elle avait disparu du monde des sorciers : plus personne n'en parlait, il n'existait même plus de fichier à son nom…

Il n'avait jamais découvert pourquoi Remus était devenu si secret, pourquoi son comportement avait changé lors de la fin de leur dernière année à Poudlard. Faute d'explication de la part de son ami, il avait décidé de mettre cela sur le compte de ses transformations en loup-garou, mais il savait bien que quelque chose d'autre était cachée derrière cette distance rêveuse qui s'installait parfois dans le regard de son ami.

Brusquement, il se leva, et décida d'aller rendre visite au couple Londubat, qui se trouvait à peine quelques couloirs plus loin. Il s'arrêta tout d'abord dans la chambre d'Alice. Mais il ne rencontra que les yeux vitreux de la jeune femme qui ne le reconnaissait plus. En soupirant, il sortit de l'atmosphère lugubre de cette pièce pour se diriger vers celle, pas vraiment plus joyeuse, de Frank. Celui-ci sourit avec les yeux lorsqu'il le vit pénétrer dans la pièce. Les traits de son visage se convulsèrent douloureusement, et des larmes de rage coulèrent le long de ses joues. Sirius soupira. Il savait que son ami souffrait trop pour parler. Doucement, il lui tapota le bras, et, sachant que, du temps où il était valide, son ami détestait étaler ses sentiments – un vrai casse-tête pour le convaincre d'aller déclarer sa flamme à Alice…- il sortit en reculant lentement.

Les infirmiers couraient dans tous les sens, et Sirius dût attendre une bonne heure dans une atmosphère qui lui parût malsaine avant que l'un d'entre eux ne finisse par lui indiquer la chambre où le personnel soignant avait installé James. Celui-ci était pâle et avait un bandage à l'épaule.

-"Salut, vieux, dit-il d'une voix faible. Je suppose que c'est toi qui m'a amené ici. Je te dois la vie...

-Et pas qu'une fois", répliqua Sirius avec un sourire en coin.

Il soupira et s'assit sur le bord du lit du malade.

-"Je dois prévenir Evans? Demanda Sirius avec un petit sourire moqueur.

-Pas tout de suite! Cria presque James. Enfin, je veux dire... Si tu la préviens maintenant, elle va s'inquiéter et tu sais comment elle est dans ces cas-là... Mes blessures ne sont pas si graves, après tout.

-Cette saleté de mangemort t'a juste détruit l'épaule, à part ça, tu as sans doute raison, ce n'est presque rien!

- Décidément, toi et l'ironie ! Se moqua gentiment James, avant de s'apercevoir que son inquiétude était réelle. Roooh, allez… Et ne commence pas à lui en parler quand tu viendras déjeuner dimanche midi! De toute façon, je devrais pouvoir sortir dans quelques heures, donc, inutile de s'affoler comme ça. D'ailleurs où en est la mission? Enchaîna-t-il, visiblement soucieux de changer de sujet.

-Aucune idée. J'ai laissé Tonks et Maugrey la continuer sans moi pour te conduire ici. Maintenant que je sais que tu es encore vivant, je ne vais pas tarder à aller voir Dumbledore, pour lui transmettre mon rapport.

James eut un petit rire et prit un air faussement choqué.

-"Tu n'as quand même pas cru pouvoir te débarrasser de moi aussi facilement?"

Sirius rit franchement et les deux jeunes hommes se chambrèrent ainsi quelques minutes avant que, rassuré qu'il était de voir son ami sourire, il ne se décide à sortir de la pièce. Il avait envie de marcher un peu pour remettre ses idées en place. Une fine bruine imprégnait ses cheveux et humidifiait ses vêtements. En soupirant, il sortit de sa poche une cigarette qu'il se mit à fumer doucement. Il en avait de plus en plus besoin pour se détendre, notamment quand il sortait de mission telle que celle-ci. Tout en marchant, il laissa ses pensées s'imprégner de la fumée destructrice qui pénétrait dans ses poumons, lui donnant pour quelques secondes l'illusion d'un étrange soulagement.