Une fois, Bansai était allé à Yoshiwara, pour visiter un peu. Il se promenait tranquillement, les mains dans les poches, son Shamisen sur l'épaule. Les prostituées lui lançaient des sourires, des clins d'oeils, et certaines allaient même jusqu'à s'accrocher à son bras, mais il n'en avait cure. Les femmes ? Pas d'intêret. Et elles avaient toutes la même musique d'âme, ç'en était lassant. Il passa dans une rue plus grande que les autres, et décida de la parcourir jusqu'à la fin. Il passait sous un balcon quand les premiers accords d'une mélodie au Shamisen emplit l'air. Le temps semblaient s'être arrêté : les gens ne parlaient plus, fermaient les yeux, et souriaient, même les prostituées. Bansai releva la tête, et vit la personne qui produisait ce si beau son, doux, calme, entraînant.

C'était une prostituée, elle aussi, mais son kimono pourpre et orangé semblait ressortir plus que ceux trop colorés des autres. Les pans de son kimono dévoilaient ses longues jambes blanches, et ses cuisses sur lesquelles était posé le Shamisen, dont elle continuait de jouer. La jonction de son épaule et de son cou, cette zone si érogène, était exposée sans pudeur, alors que les autres filles n'auraient presque jamais osé faire ça. C'était une partie du corps qu'on ne montrait que pendant l'amour, ou, à défaut d'amour, pendant le sexe. Cependant, qu'elle l'exiba comme ça, comme si c'était normal, fit monter le rouge aux joues de Bansai.

Elle était assise sur la barrière de bois, sans avoir peur de tomber, continuant de jouer l'air entêtant du Shamisen. Les gens continuaient d'écouter, Bansai continuait de l'observer. Ses courts cheveux –chose étonnante– noirs lui effleuraient le front, et le lobe de ses oreilles. Elle n'était ni belle, ni laide, juste au milieu, et son visage avait été créé avec une harmonie rare. Elle ouvrit les yeux.

Et Bansai plongea loin, très loin, trop loin. Le vert des forêt de pins en hiver, et cette pupille trop noire, ce regard le transperça. Son cœur manqua un battement, juste le temps que les yeux ne se referment, et il eut le loisir de voir un grand sourire fleurir sur le visage de la prostituée. Il continua son chemin, et la musique s'arrêta. Les gens revinrent à la vie, s'inclinèrent devant la prostituée qui leur lançait des sourires de remerciement.

Bansai ricana en se demandant si Takasugi accepterait une seconde femme à bord.