Le 24 Novembre 1997,

Severus,

Cela fait six mois. Exactement, 182 jours insurmontables. Six mois, c'est long. C'est le temps nécessaire pour l'éveil des sens d'un bébé, six mois c'est aussi le temps nécessaire pour que je prenne mon courage et que je t'écrive cette lettre qui sera et restera sans réponse. Non, je ne suis pas dramatique. Au début, je me disais d'être patient, qu'il fallait du temps, que tu rentrerais bientôt. Tu n'es jamais revenu. Je passe à nouveau pour le morveux. Je me plains de toi dans une lettre.

Je me rappelle de notre dernière conversation, tu m'avais balancé la définition d'espion à la figure comme si je n'étais qu'un môme auquel tu enseignais. « Une personne, qui ne se fait pas remarquer et donc qui recueille des informations pour un autre camp. Des questions ? » Je me rappelle très bien de ton intonation sarcastique, alors que tu continuais à faire mijoter ton repas sans te soucier de cette douleur qui avait envahi mon ventre. Quand tu prenais cette attitude de professeur dans notre intimité, je ne voulais plus parler avec toi. Je crois que tu t'en doutais, et que tu en jouais.

Cette douleur avait pris place dans mon estomac et tu semblais l'ignorer, ne pas vouloir en parler. Je crois plutôt que même toi, tu n'y croyais pas à ton retour, ni à cette mission d'ailleurs.

Récemment, le monde sorcier à encore évoluer. Une loi est passée, la vente libre d'une potion permettant l'oubli total de qui nous sommes. Elle permet aussi un changement physique pour ne plus être reconnu. Cette potion fait débat dans la communauté, certains parlent d'aide aux coupables et d'autres voient une façon de refaire une vie, de recommencer. Dans les deux cas, cette trouvaille est un succès. Plus de regard par-dessus l'épaule, ou bien qui suivent la personne sans avoir peur pour sa vie. Une disparition de la vie pour en refaire une. Ceux qui l'utilisent deviennent alors n'importe qui.

Oui, j'ai pensé à l'utiliser. J'ai pensé à disparaître et à changer de visage. Qui reconnaîtrait le survivant sans sa cicatrice ? Sans ses lunettes ? Sans cette mémoire qui serait devenue lisse et blanche ? Personne. C'est un moyen d'échapper, de se conduire égoïstement. Le seul point négatif, je ne veux pas oublier ce que j'ai vécu. Je ne veux pas oublier mes souvenirs ni même la souffrance que j'ai enduré, cela me rappelle que je suis encore vivant.

Il me semble que je me suis attaché à la souffrance de ma vie, à cette vie de blessure, de coup mortel, d'ami perdu. Au milieu de cette tempête, il y a quand même quelques gouttes de bonheur. Toi. Même quand tu râles.

J'ai oublié que je devais écrire au passé en ce qui te concerne. Je ne sais même pas où tu es, tu es peut-être mort au fin fond de l'Irlande pendant que je t'écris une lettre. J'imagine bien ta tête si tu es mort et que tu peux voir ce que je fais. D'ailleurs il me semble que je pourrais même deviner ta réflexion sarcastique sur ma façon de faire.

Pourquoi tu m'as laissé sans nouvelle ? Pourquoi tu n'as pas essayé au moins une fois de me faire un signe? De me rassurer ? Pourquoi je me retrouve seul chaque soir ? Je me bataille avec les draps, je dors mal et toi, tu n'es plus là. Je suis un gamin idiot et stupide, je veux bien l'accepter. Mais cela n'explique pas ton manque de nouvelle. Au départ, je t'en ai voulu, j'ai même pensé à te faire du mal au même titre que j'avais mal, mais rien que l'idée de te faire du mal me rend malade. Oui, je suis faible. Au même titre que mon père.

Je n'aurais jamais pu te dire tout cela en temps réel, tu m'aurais évité, tu m'aurais hurlé ou tu m'aurais lancé un sort pour que je ne dise rien. Que tout cela ne sorte jamais de ma bouche. Tu n'as jamais aimé mes sentiments. Tu n'as jamais aimé mon manque d'affection qui me poussait dans tes bras. Parfois, je me demande pourquoi tu m'as accepté ? Pourquoi tu as répondu à mes sentiments si tu ne peux pas faire avec ce que je suis. Un gamin stupide, qui a un besoin vital d'affection et une mort qui approche sans retenue ? Il y a beaucoup de pourquoi dans cette lettre. C'est tout ce que je me pose comme question.

Cela fait six mois que tu es parti, j'ai eu le temps de penser, de savoir ce que j'ai oublié de te dire, ou bien ce que j'ai oublié de faire à tes côtés. J'ai oublié de te dire que je me sens coupable. Je me sens coupable, tu risques ta vie alors que je suis enfermé dans cet appartement. Je me sens responsable de Tonks, également. Je suis fatigué. Évidemment que je dois tenir, lâcher ne m'est pas permis. Et puis après tous vos sacrifices, je ne peux pas lâcher et pourtant, j'aimerais. L'idée que des personnes perdent leur vie, leur proche parce qu'un gamin est dans une prophétie, que ce gamin, c'est moi. J'en ai honte.

Chaque jour, j'ai cette même routine. Je me lève tôt et je bois ce café imbuvable qui n'en est pas tout en regardant par la fenêtre quelle nouveauté va apparaître. Je sais bien que ce n'est qu'un sort, mais voir par exemple une femme courir dans la rue, c'est mon seul divertissement de la journée. Je me mets donc à imaginer leur vie, pourquoi cette jeune femme court ? Quelqu'un l'attend ? Qu'est-ce qu'elle fuit ? Puis enfin, je pose ma tasse sur un meuble, elle se nettoie d'elle-même. Je n'ai pas le droit de faire quoi que ce soit, même pas ma vaisselle. Au départ, un nouvel ouvrage était déposé chaque jour sur cette table basse, mais avec le temps, les ouvrages ont arrêté d'apparaître, j'ai arrêté de lire. Cela m'amusait parce que je pouvais expliquer des choses que même Hermione ignorait, cela me faisait passer le temps. Maintenant, je m'assois à cette table tout en regardant le temps passer. Parfois, je m'amuse à changer les meubles de place. De toute façon, personne ne sait quand je sortirai de cet appartement. Si j'en sors. Et puis je loupe la plupart de mes repas, c'est Tonks qui vient me le rappeler. Au départ, elle avait du mal à me regarder dans les yeux et je ne savais pas vraiment ce que je devais lui dire, mais, avec le temps elle aussi a pris part à ma routine, le soir, quand la nuit est tombée, elle vient me rappeler de manger. Je t'avouerai que cela m'amuse. Avec le temps, toujours le temps, j'ai même trouvé des sujets de conversation avec elle, sa grossesse. Elle en est à cinq mois. Je lui ai dit d'arrêter de se déplacer pour moi, mais elle est têtue. S'il lui arrive, quelque chose, Remus ne me le pardonnera pas. Déjà qu'elle est enfermée avec moi...

Au départ de cette lettre, je ne pensais pas savoir ce que je devais t'écrire. Finalement j'ai trouvé. Severus, revient moi. S'il te plaît. Je sais bien que j'espère une réponse qui ne viendra pas. Je sais bien que j'attends dans le vide. Tu n'es pas aussi monstrueux que tu me l'as laissé penser. Six mois sans nouvelles, non ce n'est pas toi. Ce n'est pas toi qui souhaites cela. J'essaye de m'en convaincre chaque jour, mais chaque jour c'est devenu de plus en plus difficile. C'est ma faute. Tu m'avais dit de ne pas m'accrocher, de ne pas laisser mes sentiments m'envahir.

«- On est en période de guerre ! T'exclamais-tu dès que je te parlais d'un avenir, ou de sentiment. » En général, cela finissait plutôt mal parce que je te criais que je le savais, mais que cela ne devait pas m'empêcher de vivre, tu me riais au nez. C'était notre quotidien. Notre routine et quelqu'un nous l'a volé.

Ce courrier ne peut être lu que par toi, je ne m'en fais pas s'il tombe d'entre de mauvaises mains. Il brûlera aussitôt les mains qui tiennent ce courrier. Ne suis-je pas un peu plus intelligent qu'à ton départ ?

Je te laisse, Severus. Cela me manque de ne plus prononcer ton prénom.

Harry. J. Potter


Par un hasard, j'ai reçu un mail. Et je me suis souvenue de cette fiction. Je reprends chaque chapitre pour les corriger mais aussi pour amener cette histoire à sa fin prévue.

Merci pour vos passages, et vos lectures, puisque sans elles, je n'aurais jamais reçu ce mail.