Bonjour à tous ! Comme c'est plus qu'évident, voici une fiction sur Sherlock qui se déroule trois ans après le saut de ce dernier, conformément aux romans, et qui reprend certains éléments de ceux-ci afin de se construire sa propre histoire. Histoire qui a commencé... Oh... Il y a environ 8 mois, avec une amie. Le projet était alors de nous construire la suite de Sherlock, mais en nous basant toutes les deux sur la même trame, avec deux points de vue opposés. Les deux fanfictions, celle-ci, et celle de Kotias, qui écrit déjà depuis un moment sur le site. Attention cependant, qui dit points de vue différents, dit aussi titres et impressions différentes. Le titre de sa fiction est " Cold Case " et se centrera sur Sherlock tandis que la mienne se penchera et même prendra la place de John. Les deux histoires sont cependant, bien sûr, complémentaires, bien que dissociables, elles sont riches en informations des deux côtés.
En espérant que vous apprécierez cette histoire dans son ensemble ! Bonne lecture à tous !
- Mrs Hudson, sauriez-vous par hasard où sont passées toutes mes notes et tous mes manuscrits ? J'étais persuadé de les avoir laissés dans le tiroir du bureau mais je ne les trouve plus. J'étais sûr...hésitai-je. J'étais certain de les avoir laissés là. Vous ne les avez pas vues ?
Passablement énervé d'avoir passé toute la soirée de la veille à chercher ces papiers, je ne pus que prendre une voix froide que Mrs Hudson ne méritait probablement pas. Je lui fis aussitôt un léger sourire et m'excusai pour mon ton abrupt. Elle ne sembla pas s'en formaliser.
- Non, mon cher... Je n'ai pas touché à ce qui était entreposé ici. Simplement nettoyé. Je ne voulais pas déranger quoique ce soit. Depuis que... Vous comprenez, je suppose.
J'approuvai d'un signe de tête, l'air pensif. Je ne pensais pas que revenir ici à présent me ferait me sentir ainsi. J'étais déjà revenu depuis sa disparition évidemment. Souvent. Trop souvent. Chaque fois espérant que tout ceci ne soit qu'un rêve et qu'au petit matin, en me réveillant, je le verrais, se raillant de m'avoir fait une bonne plaisanterie. Mais je m'étais fait une raison. Mary et moi avions emménagé ensemble durant les mois qui avaient suivi et nous nous étions mariés. Et j'avais espacé mes visites. Pourtant, revenir ce soir n'était pas anodin et je pouvais le sentir. Mary avait été là, m'avait aidé à ne pas penser à tout cela. A ne pas remanier détails sur détails, espérant trouver une logique à tout ce qui m'était arrivé, à tout ce qui LUI était arrivé. Mais Mary était morte la dernière quinzaine. Si la tristesse liée à sa mort avait tardé à apparaître, le choc qui en avait été perçu et qui liait d'une certaine façon sa mort à la sienne, lui, m'était tout de suite apparu. Tout était revenu, comme le lendemain des funérailles.
J'avais cru naïvement que la douleur s'estomperait, que la stupeur se nuancerait en vérité terrible et cruelle, mais réelle. J'avais cru bon de venir ici hier soir afin de chercher quelque chose qui pourrait peut-être me rappeler le bon vieux temps, ou me mettre sur la voie de ce que j'allais devenir... Durant ces trois dernières années, j'avais repris mon métier de médecin et ouvert un cabinet privé avec Mary dans notre appartement. J'avais tout arrêté, depuis. Je ne voulais pas continuer sans Mary. L'ironie du sort voulait sans doute que dans un appartement comme dans un autre, je me sente mal à l'aise, et que ma pension ne me permette pas de prendre un troisième appartement. Néanmoins, Mrs Hudson ne me faisait plus payer le loyer de cet appartement depuis un bon moment déjà, sachant pertinemment que je n'y revenais que très rarement et qu'il s'agissait davantage à présent d'un sanctuaire de ses affaires que d'un endroit où vivre. Elle-même n'osait pas relouer l'appartement. Peut-être gardait-elle l'espoir ? Je l'avais perdu depuis longtemps. Sherlock Holmes était bel et bien mort sous mes yeux ce jour-là, je n'avais plus aucun doute là-dessus. Mon meilleur ami était mort, ma femme était morte. Je me sentais si vieux, si vieux...
- Il sera bientôt minuit, l'heure des cadeaux, minauda la douce voix de Molly tout en approchant l'énorme sac qu'elle avait apporté remplis de petits cadeaux nous étant sans doute destinés.
- Vous semblez toute excitée, vous savez déjà ce que vous allez recevoir ? S'esclaffa Lestrade. Il regarda sa montre et hocha la tête d'un air bourru. Il faut que j'appelle ma femme, elle passe Noël chez ses parents, s'expliqua-t-il.
Nous ne fîmes aucun commentaire, il ne servait à rien de questionner Lestrade plus que de raison concernant les fréquentes absences de sa femme, notamment aux fêtes officielles. Molly me sourit timidement, d'un air me signifiant qu'elle savait très bien à quoi je pensais et que ça la gênait aussi. Molly Hooper. Des mois que je ne l'avais pas vu et pourtant, rien n'avait globalement changé chez elle. A vrai dire, je n'avais eu que très peu de contacts avec elle depuis trois ans. J'avais l'impression qu'elle m'évitait. Bien sûr qu'elle m'évitait, c'était mon meilleur ami. Me revoir devait sans doute lui faire penser à lui. Soudainement je me demandai si Molly avait trouvé quelqu'un d'autre, si elle s'était mariée. L'absence de bague à son doigt m'indiqua clairement que non. La dernière fois que je l'avais vue, il y a presque un an pour le réveillon de l'an dernier, Molly n'était pas du tout souriante, au contraire. Ses vêtements étaient alors miteux et elle ne s'était pas maquillée. J'étais donc étonné de la voir ce soir avec une magnifique robe rouge mettant délicieusement ses formes en valeur, et très bien maquillée, avec un beau rouge à lèvre mis délicatement. Elle avait également mis du parfum.
Son portable se mit à vibrer et elle se précipita pour l'attraper et regarder le message qu'elle venait de recevoir avant d'esquisser un léger sourire et de répondre rapidement pour ensuite ranger le dit portable aussi rapidement qu'elle l'avait sorti.
- Vous avez rencontré quelqu'un, Molly ?
- Non ! Je... Pardon. Je... Quoi ? Bafouilla-t-elle, rouge de honte. Non, non. Je n'ai personne, John...
- Vraiment personne ? On ne dirait pas, vous êtes... Eh bien, rayonnante à vrai dire, dis-je calmement sans la regarder.
Je rougis de ma propre audace. Trop tôt et certainement pas le bon moment ni la bonne personne. Un idiot, tu es un idiot. Reprends-toi.
- Je veux dire qu'on dirait que vous vous êtes apprêtée pour une occasion spéciale donc je pensais évidemment que...
- Oui ! Oui j'avais compris, sourit-elle maladroitement, mais... Non. Je n'ai eu personne depuis... Eh bien... Vous savez, conclut-elle.
- Oui, lassé d'entendre toujours les mêmes mots. Oui je pense savoir à force de répétition, dis-je sèchement.
- Pardon, se rattrapa-t-elle précipitamment. Je ne voulais pas dire... Evidemment que vous savez, et c'est tellement indélicat alors que vous venez juste de...Je suis désolée, dit-elle en baissant la tête.
- Y'a pas de mal, Molly, lui répondis-je sans l'ombre d'un sourire.
- Je vais refaire du thé, nous interrompit Mrs Hudson, visiblement gênée d'avoir suivi notre échange. Ou peut-être voudriez-vous du champagne ? On pourrait ouvrir la bouteille, il est bientôt l'heure, se réjouit-elle.
- Il l'est, confirma Molly. D'ici quelques minutes si je ne m'abuse ! Nous devrions attendre Lestrade pour l'ouvrir, proposa-t-elle.
- Bien sûr, approuva Mrs Hudson. Je vais chercher la bouteille. Un peu de musique ?
- Une comptine de noël pour nous mettre dans l'ambiance, peut-être ? Dit la voix un peu trop enthousiaste à mon goût de Molly.
- Je n'aime pas les comptines de noël, avertit Lestrade en revenant dans le salon. Ma femme vous souhaite un joyeux Noël.
- Elle va bien ? Demandai-je précautionneusement.
- Je crois, dit-il, énigmatique. Ah, le champagne ! Merci, Mrs Hudson, nous allons pouvoir fêter ce Noël dignement ! Du champagne, rien de mieux.
- Au fait Lestrade, comment as-tu réussi à te libérer pour ce soir ? Tu n'as pas dit que tu étais sur une affaire ? M'étonnai-je.
- Si. Un truc très étrange, on nous a livré plusieurs bandits ces derniers mois... Les commissariats d'à côté sont très intrigués aussi.
- Livré ? Plaisantai-je. Par la poste ?
- C'est presque ça. On les retrouve toujours dans des endroits assez étranges et attachés de façon à ne pas pouvoir s'échapper. Le type qui fait ça s'arrange toujours pour qu'on les trouve... C'est assez étrange. C'est pas non plus comme si on allait se plaindre, ça nous donne moins de travail. Mais il nous fout sacrément la honte, rigola-t-il.
- Étrange, en effet, affirmai-je d'un hochement de tête.
- Quoiqu'il en soit, tout le monde est sur le qui-vive mais j'avais déjà réservé mes vacances pour les passer avec ma femme alors du coup...
- Que s'est-il passé ? Me sentis-je obligé de demander.
- Problème familial, apparemment. Elle a dû retourner chez ses parents en urgence... nous dévoila-t-il sans y croire lui-même. Mais ça ne me dérange pas, mentit-il. Je suis content de te revoir, John. Ça faisait un bon moment. J'ai appris pour ta femme... Tu tiens le coup ?
- Non, mais je fais avec, dis-je honnêtement. J'ai recommencé à voir ma thérapeute mais je ne pense pas que cela servira à grand-chose, répliquai-je cyniquement.
- Ah... Ouais, les psys... Tu sais comment c'est, compatit-il médiocrement. En tout cas c'est bien que tu aies quelqu'un à qui parler de... De tout ça.
- Sans doute, oui, lui répondis-je avec un sourire sincère.
- Deux minutes ! S'exclama Molly qui était en pleine conversation jusqu'à présent avec Mrs Hudson concernant ses futurs vœux du nouvel an. Vœux que bien évidemment, elle ne tiendrait jamais.
- Laissez-moi ouvrir la bouteille Mrs Hudson, demanda patiemment Lestrade en la voyant s'affairer à tirer sur le bouchon de la bouteille sans parvenir à l'ouvrir.
- Je ne suis pas si toquée que ça monsieur Lestrade ! Se vexa-t-elle. Je sais encore ouvrir une bouteille de champagne voyons !
Elle consentit néanmoins à le laisser faire lorsqu'il lui montra de quelle façon il fallait tourner petit à petit le bouchon pour l'extraire de la bouteille. Lestrade tira assez fort, un peu trop fort. Le bouchon partit de la bouteille comme une fusée et alla casser l'ampoule de la cuisine.
- Un peu trop enthousiaste ? Ce n'est pas grave, nous irons changer l'ampoule plus tard, dis-je, amusé.
- Bon, servez-moi vos verres avant que je ne fasse aussi éclater la bouteille, rigola-t-il.
Nous ramenâmes tous nos verres vers lui et bientôt, tous les verres furent remplis. Il ne restait qu'une minute avant Noël. Molly et Mrs Hudson s'amusaient à faire le décompte tandis que je parlais de ce livreur de bandits avec Lestrade avec intérêt. Je réalisais à quel point cela m'avait manqué, les petites intrigues et les enquêtes, la façon dont on arrivait autrefois à trouver des meurtriers. Dont on ? Dont il... Mais c'était fini, il s'en était assuré. Une gorgée d'amertume me revint au fond de la gorge et je tâchai de cesser d'y penser afin de profiter de la soirée et ne de pas la gâcher pour quelque chose qui remontait à plusieurs années. Aussi étrange que cela puisse paraître, malgré la mort récente de ma femme, je restais davantage touché par son geste que par cet événement datant de deux semaines. Pourquoi ? Je n'en savais rien du tout.
- Ah, mon pauvre, on dirait que le sort s'acharne sur toi, crut bon de me dire Mrs Hudson. Si proche de Noël, chuchota-t-elle davantage pour elle que pour moi. Si proche... Ah, mes enfants...
Tout le monde se sentait donc obligé de me rappeler que mon meilleur ami et ma femme étaient morts. Ce n'était pas suffisant de le savoir parfaitement, il fallait qu'ils le répètent à chaque fois qu'ils me voyaient ? Je serrai le poing, agacé contre les autres et contre moi-même de réagir ainsi. C'était normal; ils portaient le deuil aussi. Mrs Hudson, Lestrade, Molly, Mycroft... Mycroft ? Oui, lui aussi sans doute. La dernière fois que je l'avais vu, il semblait avoir vieilli de 20 ans et ne parlait presque plus. La mort de Sherlock l'avait davantage bouleversé qu'il ne voulait l'admettre, ce qui était logique puisque c'était de sa faute. Une fois de plus, je réprimai mon agacement. Ne pas penser à ce genre de chose dixit ma thérapeute... Facile à dire. N'y pense pas, ne gâche pas ce moment. Tu es avec des gens qui t'aiment pour Noël. " Mais pas les plus importants " Me rétorqua ma conscience. C'était vrai... Mais ces personnes importantes, celles qui comptaient le plus pour moi, je devais me résoudre à ne plus jamais les revoir. Ce n'était pas juste, mais il fallait l'accepter. Mon cœur se serra.
- Dix, comptèrent en même temps Molly et Mrs Hudson. Lestrade vint se joindre à elles. Neuf ! Huit ! Sept ! Six ! Cinq ! Quatre ! Trois ! Deux ! Un !
Ils crièrent et nous fîmes trinquer nos verres en même temps les uns contre les autres en sifflant et en rigolant.
- Joyeux Noël, leur dis-je chaleureusement.
Je vis Mrs Hudson, Lestrade et Molly me sourire, mais cette dernière semblait sourire à autre chose, quelque chose qu'il y avait derrière moi. Je ne compris que lorsque je vis une ombre noir se dégager de la pièce et filer attraper quelque chose sur le bureau du salon.
Je ne compris pas tout de suite et crut qu'il s'agissait d'un cambrioleur voulant profiter de notre absence de vigilance concernant la serrure. Mais ce n'était pas ça. En fait, c'était pire que ça. L'ombre se retourna et je vis le fantôme de mon meilleur ami apparaître sous mes yeux.
Je restai figé dans ma position. Seul mon poing me trahissait, se serrait, se desserrait... Au prime abord, j'avais peur. Je n'ai jamais cru aux fantômes, mais quelle pouvait être l'autre explication à cette vision macabre ? Avais-je abusé du champagne ? Je jetai un rapide coup d'œil aux autres personnes présentes dans la pièce. Tout comme moi, elles fixaient toutes la chose qui ressemblait tellement à Sherlock Holmes. C'en était d'ailleurs troublant. La même posture, le même visage, les mêmes yeux clairs, les mêmes cheveux, le même manteau. Et même la même manière de tenir son violon.
- Joyeux Noël, dit le fantôme avant de lever les yeux et de nous sourire tout en tenant le violon de Sherlock d'une façon si semblable à celle de mon meilleur ami...
Je n'eus plus aucun doute. Ce n'était pas un fantôme -Sherlock m'aurait giflé d'avoir cru ne serait-ce qu'un seul instant que cela pouvait être une explication-, c'était un homme qui ressemblait trait pour trait à Sherlock. Je refusais d'admettre que le véritable Sherlock Holmes puisse être vivant. Ce n'était pas possible. Je l'avais vu sauter, je l'avais vu mort sur le sol, j'avais senti son pouls et Molly m'avait confirmé sa mort à la morgue. Je regardai rapidement celle-ci, elle regardait l'homme avec admiration et respect, et lui souriait avec complicité. OH BON SANG.
Trop tard. Lestrade m'arrêta en me tenant les bras avant que je ne puisse frapper violemment l'homme en face de moi. Cette ordure, il avait... Il... Pendant...
- Sors ! Criai-je à pleins poumons. Sors, Sherlock, ne me fais donc pas croire que tu es là, tu es mort, mort ! Comment peux-tu être là ?!
J'essayais autant que je pouvais de rester rationnel. Oui, comment pouvait-il être là ? Que Molly l'eut aidé, je comprenais, mais bon sang, je l'avais vu sauter ! Je l'avais vu mort !
- Ecoute John, tenta-t-il, je peux tout t'expliquer...
- SORS ! M'échinai-je.
Mes yeux étaient exorbités par la fureur, je le savais. Mais je n'avais plus qu'une idée en tête, si Sherlock s'était fait passer pour mort toutes ces années, il ne POUVAIT pas revenir ainsi. Il ne pouvait juste pas. Autant que je le tue moi-même ici et maintenant. J'avais mis tellement de temps à me faire à l'idée que plus jamais je n'entendrais sa voix que...
- John, je suis désolé, je...
- JE T'AI DIT DE SORTIR ! Le coupai-je sans me soucier de ses excuses.
Je me débattis violemment et Lestrade -davantage par compassion que par faiblesse- me lâcha. Je l'attrapai alors au col et le secouai dans tous les sens.
- Sors d'ici, ou je te jure que cette fois, je ne louperai ni le nez, ni les dents ! SORS ! Répétai-je avec hargne.
En étais-je réellement capable ? Je ne savais plus où j'en étais... Alors que j'étais dans mes songes, que je fixai Sherlock avec colère sans réellement le regarder, celui-ci me ramena à la réalité en me prenant par les épaules.
- John, je faisais ça pour te protéger... Me dit-il en me regardant profondément dans les yeux.
Non, je ne devais pas regarder ses yeux. J'allais céder. Je ne devais pas. En colère, très en colère. Oui, c'est ça, je suis en colère. Je pris alors conscience de ce qu'il venait de dire. Me ... Protéger ?! C'était une des premières suppositions que je m'étais faite mais je l'avais très vite abandonnée, elle ne menait à rien. Cela n'avait pas le moindre de sens à vrai dire.
- ME PROTÉGER DE QUOI ? MORIARTY EST MORT AVANT TOI, POURQUOI AS-TU SAUTE ? EXPLIQUE-MOI ! POURQUOI T'ES-TU FAIT PASSER POUR MORT ? Dis-je dans un mélange de haine et d'incompréhension.
- Calme-toi, je vais tout t'expliquer, mais tu dois d'abord cesser de hurler, me répondit-il calmement.
Il avait raison en un sens. Je devais me calmer, mais j'avais du mal. Je tentai d'inspirer et d'expirer, comme cette foutue psy me disait de faire. Il fallait admettre qu'elle n'avait pas tort sur tout. Bientôt, seule l'incompréhension et une haine plus respectable furent présentes dans mon esprit. J'allai me rasseoir sur mon fauteuil et fixai mon verre de champagne encore sur la table. Je ne pouvais pas le regarder dans les yeux. Toujours pas, pas encore...
- Bien. Vous étiez tous en danger de mort, tant que j'étais vivant. Des tueurs professionnels avaient été placés tout autour de l'appartement, et ils menaçaient vos vies. Il a fallu que je choisisse ; c'était moi, ou vous. J'ai donc demandé à Molly de m'aider à faire croire à ma mort, et j'ai pu sauter directement dans un camion, qui m'a emmené hors du champ de vision de n'importe qui, et avant de me montrer à nouveau, il me fallait démanteler entièrement l'organisation Moriarty qui, malgré sa mort, suivait encore ses derniers ordres, et tant que cette histoire n'était pas finie, je ne pouvais tout simplement pas revenir, sous peine de vous mettre une fois de plus en danger de mort.
Il avait dit tout cela d'une traite, comme d'habitude. Mais dieu que cette façon si rapide de parler m'avait manqué. Cette façon si évidente qu'il avait de dire les faits...Que ? Non. Non, rien ne m'avait manqué du tout. Je soupirai. J'étais de mauvaise foi, mais je ne savais plus comment réagir. Il n'existait aucun livre qui expliquait comment faire lorsque son meilleur ami fait croire qu'il s'est suicidé pendant trois ans et qu'il revient ensuite comme si de rien n'était.
- Je croyais pourtant que j'étais digne de confiance, grognai-je, cherchant un moyen de le mettre encore plus en faute qu'il ne l'était. Tu ne pouvais pas me faire comprendre que tu étais vivant ? Rajoutai-je.
Je voulais qu'il se sente encore plus coupable qu'il ne l'était, je voulais le voir mal à l'aise, là, tout de suite. Le voir un peu mal me réconforterait, me laisserait croire quelques secondes que ces trois ans pour lui aussi avaient été un calvaire à supporter. Que de ne pas me voir pendant trois ans avait été un supplice. Mais ça, que ce soit vrai ou pas, Sherlock Holmes ne l'admettrait jamais.
- Non. Je devais en finir seul. Et à ce que je vois, tu n'as pas perdu de temps malgré tout, tu t'es marié à ce que je vois. Ta femme n'a pas daigné se montrer ce soir, pourquoi donc ? Dit-il avec un sourire insupportable.
Mrs Hudson lâcha son verre de stupeur et Lestrade se racla la gorge, comme pour renseigner Sherlock sur quelque chose qui, pour une fois, lui avait totalement échappé.
- Elle est morte, répondis-je au tac au tac, presque content de pouvoir contredire Sherlock Holmes pour la première fois.
- Oh, comment est-elle morte ? Assassinée, empoisonnée, emportée par la maladie ? Et j'imagine qu'il y a eu un enterrement, où a-t-il eu lieu ? Ne perdit-il pas de temps à demander.
- Dans le même cimetière que celui où tu es enterré, lui répondis-je calmement avec toutefois une volonté de le mettre totalement mal à l'aise, comme avant. Qui sait, peut-être qu'elle aussi va revenir d'entre les morts, après avoir passé trois ans à se cacher, pour être sûre de me briser le cœur, et va faire comme si tout était normal, rajoutai-je pour en remettre une couche.
J'avais gagné. Je vis à son visage qu'il ne savait pas quoi répondre à cela, il n'était plus " monsieur j'ai une réponse à tout " et ce soir, ça me plaisait.
- Erhm… Comme j'ai dit, c'était pour vous garder en vie que j'ai fait ça, dit-il timidement.
- Tu es un idiot, Sherlock. Tu le comprends, ça ? Un idiot ! On ne fait pas subir aux gens un deuil aussi douloureux sous prétexte qu'il y a des criminels en liberté ! Je sais que tu aurais pu nous faire comprendre que tu étais en vie, alors pourquoi ne nous as-tu rien dit ? Molly était dans le coup, elle aurait pu nous le dire si tu l'avais laissé faire ! Dis-je en la regardant du coin de l'œil.
Elle semblait ne plus savoir où se mettre et regardait le sol avec une telle attention qu'on aurait dit qu'elle le disséquait des yeux, c'en était effrayant.
- Il n'en était pas question. C'était quelque chose que je devais finir seul, dit-il rudement.
- Ah, c'est donc la raison pour laquelle tu as eu l'excellente idée de me dire que tu as inventé Moriarty pour ton intérêt personnel ? Répliquai-je en me levant de mon fauteuil sans m'en rendre compte. Tu es un abruti fini !
Le coup partit sans que je ne m'en rende réellement compte non plus. Mais le frapper me fit du bien. Le voir légèrement vaciller et voir son visage trembler légèrement, au contraire, me fit immédiatement regretter mon geste.
- Ecoute John, je sais que je l'ai mérité ce coup, mais…Commença-t-il.
- Alors tout va bien ! Le coupai-je à nouveau, commençant à ne plus sentir ma voix. TROIS ANS, Sherlock ! Tu as disparu pendant TROIS ANS ! Comment veux-tu que je réagisse à ton retour ? Tu aurais au moins pu faire ça correctement, pas entrer et prendre ton violon comme si tout était normal !
- Mon violon est désaccordé, dit-il en levant un sourcil.
- MAIS QU'EST-CE QUE TU CROYAIS, QU'ON Y JOUAIT, NOUS ? M'écriai-je, furieux qu'il ait quelque chose à redire. C'était toi le violoniste, pas nous ! Estime-toi déjà heureux qu'on ne s'en soit pas débarrassés ! Dis-je avec dégoût en regardant Mrs Hudson.
Celle-ci était pâle comme un fantôme et ses lèvres tremblaient. Elle semblait ne pas savoir quoi dire ni faire. Cela ne fit qu'accroître le ressentiment que j'avais envers Sherlock. Je regrettai de m'emporter de cette façon mais je ne pouvais faire autrement. Je me rendais compte à présent de combien j'avais été seul ces trois dernières années, et ce, malgré la présence de Mary à mes côtés. Mary qui n'était plus là, et Sherlock qui réapparaissait... On pourrait presque penser qu'il l'a fait exprès. Malgré tout, je savais qu'au-delà de la colère, du mépris qui s'insinuait encore en moi et de l'incompréhension face à son geste, je savais que malgré tout cela... J'étais heureux. J'avais eu raison ce jour-là, le jour de son enterrement. J'avais eu raison de lui dire que je croyais encore en lui, que je pensais encore le voir revenir derrière moi et me dire " Je suis vivant ". Je le savais, et ce soir confirmait tout ce que j'avais pu croire. Oui, j'étais heureux. Ce vide laissé par sa mort et faiblement rempli par la présence de Mary qui n'était plus, ce vide qui ne cessait de s'agrandir et de m'effacer petit à petit dans la solitude... Il n'était plus. Sherlock Holmes, mon meilleur ami, ou je ne sais qui, il était ici. Avec moi. Il ne serait pas revenu pour repartir. Il allait rester... Avec moi...Quelle genre de relation pouvait laisser un tel vide et le remplir aussi aisément en un rien de temps. Que m'avais-tu donc fait subir pendant ces trois années, mon ami ?
Sherlock s'avança vers moi, je ne bougeais plus depuis un bon moment. Il me reprit une nouvelle fois par les épaules et, - je le savais - ne sachant que faire d'autre, il se contenta de sourire et de me dire merci. Je ne pus alors réprimer moi-même un faible sourire. Je savais que rien n'était gagné, et que cette tristesse et cette colère qui m'avaient envahi après sa mort étaient toujours présentes, mais je ne pouvais plus prendre le risque de le perdre. Pas ce soir, jamais. Je détournai le regard, gêné par notre faible étreinte, et mon sourire s'agrandit tandis que je reculai légèrement.
- Content de te revoir, Sherlock, lui répondis-je dans un faible écho que, cependant, tout le monde pu entendre.
J'inspirai un grand coup. Après tout, ce n'était pas la première fois qu'il me surprenait et qu'il faisait une chose à laquelle je ne m'attendais pas du tout. J'avais eu mal, mais ce ne semblait être rien, rien comparé à ce que j'éprouvais ce soir. Une forme de soulagement. Enfin, jusqu'à ce qu'il parle à nouveau.
- Au fait, tu sais que t'entendre me qualifier d'humain m'a profondément vexé, moi qui me suis tant appliqué à devenir une machine ? Dit-il, un léger sourire aux lèvres.
Je fermai les yeux. Si seulement il pouvait la fermer parfois. Qu'est-ce que ça pouvait bien foutre que je le qualifie d'humain et que... Attends. La seule fois où j'ai dit quelque chose de ce genre était ce jour-là, au cimetière, lorsque je le croyais encore à six pieds sous terre. Il...
- PARCE QUE TU ÉTAIS LA ? Me remis-je à crier. TU ÉTAIS LA A TON PROPRE ENTERREMENT ?! COMMENT AS-TU PU ETRE AUSSI IDIOT, TU POUVAIS VENIR ME VOIR ! ESPÈCE D'ABRUTI FINI ! Finis-je par dire en sortant rapidement de la pièce et en claquant la porte en me dirigeant inconsciemment vers l'étage supérieur.
Quel crétin mais quel crétin. Me sortir ça comme ça. Sourire, se foutre de ma gueule, MAINTENANT?! J'ouvris la porte de mon ancienne chambre et la fermai en la claquant avant de m'asseoir sur le lit couvert de plastique. Je pris mon cou dans mes mains et tâchai de réfléchir à ce que j'allais faire. Oui, que pouvais-je bien faire maintenant. Bien John, tu avais crié, tu avais claqué la porte et tu étais revenu dans ton ancienne chambre maintenant lugubre et sans vie. Mais maintenant, qu'allais-tu faire sachant que l'homme que tu croyais mort depuis trois ans était un étage en dessous faisant comme si rien ne s'était passé ? C'était une situation infernale. Je ne savais pas si je devais attendre, redescendre et m'excuser de mon comportement auprès des autres... C'était insoutenable. De plus, rien ne pouvait me distraire dans cette chambre, il n'y avait que d'anciens livres de médecine, quelques vieilles chemises dans l'armoire et... ma canne. Sans m'en rendre compte, ma main alla serrer mon genou et la douleur de mon épaule réapparut. Bon sang, ils avaient tous raison, cette saleté venait de moi, de rien d'autre. Je soupirai. Je ne pouvais pas rester ici et je ne pouvais pas redescendre. Je me levai rapidement et sortit de la chambre avant de dévaler les escaliers vers la sortie.
- John ? Entendis-je venir du salon.
- Ne me suis pas, Sherlock ! Criai-je avec mépris. Aucun de vous ! Rajoutai-je en entendant Lestrade l'insulter.
Je ne pris pas la peine de rester pour entendre ce que Sherlock rétorquait à Lestrade, je sortis de l'appartement et pris le premier taxi qui arrivait pour me rendre dans le seul endroit qui me ferait peut être me sentir mieux. Quoique, ce n'était pas sûr...
- Le cimetière, s'il vous plaît. Demandai-je au chauffeur sans le regarder.
- A cette heure-ci, monsieur ? Vraiment ? Le soir de Noël ? Vous feriez mieux de rester avec les personnes bien vivantes qui vous entourent, se permit-il de me dire, comme s'il me connaissait.
- Les morts ont tendance à m'entourer aussi, malheureusement, répliquai-je.
Il ne rajouta rien et se mit en route. Le chemin sembla long. Je me demandai ce qui se passait en ce moment à l'appartement. Sherlock devait sûrement se faire traiter de tous les noms par les autres, mis à part Molly... Molly, Molly... Je ne lui en voulais même pas à elle. Elle n'avait fait que l'aider. En nous mentant bien sûr, mais à juste titre. Non, je ne lui en voulais pas du tout, j'en voulais à ce connard prétentieux qui se prenait encore pour mon meilleur ami.
Il l'est. Oui, il l'est. Il l'a toujours été, mais le voir comme ça, revenir d'entre les morts et se pavaner en se la jouant comme il le faisait si bien avant... Cette vision me restait dans la gorge.
Enfin nous arrivâmes. Je payai mon dû et m'avançai vers l'allée principale du cimetière. En marchant un peu vers la gauche, je les vis. C'était vrai, Mary avait été enterrée juste à côté de la tombe de Sherlock. Une de mes demandes. Je savais que Mary ne s'en formalisait pas. Elle m'aimait, et savait toute l'affection que j'avais eue pour Sherlock. Que j'avais... que j'ai.
- Tu es partie trop tôt, Mary, dis-je en caressant doucement la pierre en marbre sur laquelle étaient notés le nom et la date de naissance et de mort de mon épouse. Beaucoup trop tôt. Si tu étais encore restée quelques jours, tu n'en aurais pas cru tes yeux, expliquai-je. IL est revenu d'entre les morts. Crois-tu que... peut-être, qui sait ? Peut-être qu'il savait aussi que tu allais mourir. Peut-être qu'il a manigancé un plan pour que toi aussi, d'une façon ou d'une autre, tu vives... quelque part, cachée... Cachée de moi.
Je ne pus empêcher une larme de couler de mon œil droit. Je regardai autour de moi mais ne vis personne. Au moins, il avait respecté ma demande de ne pas intervenir. Je lui en fus reconnaissant, jusqu'à ce que je me demande si ce n'était pas davantage parce qu'il s'en fichait que par un comportement affectif admirable. Je chassai cette idée de mon esprit et revins au présent.
- Mais je sais que non... J'étais présent. Pour lui aussi, bien sûr, mais ce n'est pas pareil, tu le sais... Reniflai-je. Tu as laissé un vide, Mary. Un vide que ce soir, le grand Sherlock Holmes a réussi à combler. Et c'est mal de dire ça... J'en suis conscient. Je le hais de revenir comme ça dans ma vie, alors que toi-même...
J'attendis un moment avant de continuer. Je n'arrivais plus qu'à grommeler que quelques mots. Je sortis un mouchoir pour me moucher et sentis quelque chose au fond de ma poche. Je souris tristement et continuai ce pour quoi j'étais là.
- Mais c'est Sherlock, pas vrai ? Il fait ce qu'il a toujours fait. J'aurais aimé que tu le rencontres, Mary... Tu l'aurais aimé, autant que je... Me retins-je, réprimant cette gerbe de sentiments inappropriés. En tout cas, je suis content malgré tout et je suppose que tu es heureuse de voir que ça va mieux. Toi qui a tout fait pendant trois ans pour me faire aller mieux, c'est plutôt ironique que j'aille mieux après que tu sois partie, soupirai-je. Je suis désolé Mary, j'ai sans doute du te faire vivre un enfer, ne parlant que de lui, n'évoquant que mes souvenirs avec lui, ne vivant que par son souvenir... Je ne t'ai pas donné le mariage que tu aurais voulu. Et j'en suis navré...
Je m'arrêtai, convaincu cette fois d'avoir entendu quelque chose venant de l'entrée du cimetière. Je me retournai précipitamment mais ne vis qu'un chat errant venir se poser sur l'une des tombes en se léchant les pattes. Mes yeux se mirent à cligner frénétiquement.
- Joyeux Noël, Mary, rajoutai-je en me penchant vers la tombe.
Conscient du ridicule de mon geste mais souhaitant le faire malgré tout, je me penchais encore et alla embrasser du bord des lèvres le prénom de celle que j'avais profondément aimée et qui avait toujours été présente pour moi. Je me relevai à contre cœur et souris en regardant ce que j'avais posé près des bouquets de fleurs qui entouraient le pavé de terre. Le collier que je comptais lui offrir à Noël, deux cœurs en argents entrelacés avec des inscriptions. Cela lui aurait plu, tellement plu...
Je pris la direction de la sortie du cimetière et, arrivé à la porte, je fus convaincu que ce que j'avais pressenti n'était pas une hallucination. Quelqu'un m'avait observé, tout ce temps, et cette personne était en face de moi, sur l'autre trottoir, en train de me fixer.
- Bonsoir, John, me lança la voix mielleuse de Mycroft Holmes.
- Mycroft ! Répondis-je, surpris. Que foutez-vous ici ? Vous me suivez jusqu'au cimetière maintenant ?
- En fait, j'avais davantage dans l'idée de m'y rendre pour une raison plus personnelle mais j'ai craint d'y renoncer en vous voyant. Je vous ai laissé parler en premier et je n'ai pas pu m'empêcher d'écouter, s'excusa-t-il. Ce qui n'est pas plus mal, rajouta-t-il en reniflant avec dégoût. Quel imbécile, non mais vraiment...
- Je ne pourrais être plus d'accord là-dessus...
- Montez donc dans la voiture, nous avons des choses à nous dire, me dit-il simplement en m'ouvrant la portière arrière.
- Pas de jolie secrétaire, ce soir ? Demandai-je avec un léger sarcasme.
- Pas ce soir, John, pas ce soir.
Nous roulâmes durant plusieurs minutes sans que rien ne vienne perturber le silence. Je ne compris pas, pourquoi Mycroft disait vouloir me dire tant de choses si c'était pour se taire ensuite ? Je me raclai la gorge, voulant lui signifier que j'étais encore là et que j'attendais. Il hocha la tête et baissa la vitre qui nous séparait ainsi du conducteur de la voiture.
- Nous aurions dû le voir venir, vous ne croyez pas, John ?
- Le voir venir ? Ça ? J'y ai sans doute cru les premières semaines. Puis j'ai cru à une farce cruelle pendant plusieurs mois. Mais des années, cela dépasse l'entendement et la cruauté, me répugnai-je à dire.
- Je crois que... j'ai en quelque sorte... besoin de me confier à un ami après ça, chuchota Mycroft.
- Un ami ? C'est comme cela que vous me voyez ? Un ami ?
Il ricana et ferma les yeux avant de soupirer et de les rouvrir en regardant par la fenêtre.
- Vous souvenez-vous de notre première rencontre, John ?
- Vous parlez de la fois où vous aviez essayé de me soudoyer pour que je vous donne des informations sur Sherlock ? rétorquai-je en me rappelant de la scène comme si elle s'était déroulée hier.
- Exactement, répondit-il. Ce soir-là, je vous ai dit que j'étais sans doute ce qui se rapprochait le plus d'un ami pour Sherlock étant donné qu'il me considérait comme son pire ennemi.
- Je me souviens, confirmai-je. C'est sans doute toujours le cas, me sentis-je obligé d'ajouter.
- Sans doute, admit-il. Là où je veux en venir, c'est que de la même façon... Je pense que vous, Dr John Watson, êtes pour moi ce qui se rapproche le plus d'un ami. En tout cas ce soir...
- Ce soir ? Se pourrait-il que cela change demain ?
- Cela se pourrait, en effet, rigola-t-il.
- Dépendamment de quoi ? demandai-je, intrigué.
- Avant tout de vous je suppose...
Un autre silence apparut. Je ne savais pas quoi dire après que Mycroft m'eut dit cela... Je ne le considérais pas comme un ami et j'éprouvais une forme de rancœur envers lui depuis ces trois dernières années, depuis que je savais qu'il était en grande partie responsable de la descente aux enfers de son petit frère. Pourtant, le voir si désarmé à la mort de Sherlock et le voir ainsi, ce soir, si fragile et si vulnérable, ne souhaitant que parler à un " ami "... Qui étais-je pour refuser ? Il fallait d'ailleurs que je parle aussi. A quelqu'un de vivant s'entend, bien évidemment...
- Je sais que vous l'aimez, dit soudainement Mycroft.
Je tournai immédiatement la tête vers lui, m'imaginant avoir mal compris. Bon sang, pas encore !
- Je ne suis pas gay, répétai-je pour la énième fois, agacé par ces présuppositions.
- Il ne s'agit pas de ça, me coupa Mycroft. Je sais que vous l'aimez plus que je ne l'aime et plus que n'importe qui d'autre. C'est réciproque, ajouta-t-il.
- Qu'en savez-vous ? Il y a encore dix minutes vous étiez persuadé qu'il était mort, lui fis-je remarquer.
- C'est mon frère, John... Peut-être pas au sens conventionnel du terme, mais c'est tout de même mon frère. Je le connais... Vous avez dû lui manquer, beaucoup plus que je n'ai dû lui manquer.
- Vous êtes jaloux, Mycroft ? Dis-je, abasourdi par ce que j'entendais.
- Je ne suis plus rien pour Sherlock, aujourd'hui, répondit-il, l'air désolé. L'ironie du sort fusse que j'apprenne qu'il était vivant en me rendant au cimetière pour le voir...
- Sherlock... Il... Il finira par comprendre, dis-je à contrecœur. Il n'est pas si rancunier.
- Je le suis, et cela suffit à me punir. Vous ne pouvez pas savoir combien je m'en suis voulu pendant ces années, John. Chaque jour, j'étais obligé de me regarder dans le miroir et de déglutir en voyant mon visage. Chaque jour je me répugnais encore plus et chaque jour depuis ces trois dernières années, il ne se passe pas une seule minute où je tente de me dire ce qu'il aurait fallu faire et ne pas faire pour empêcher tout ce qui s'est passé.
Je ne dis rien. Je n'avais rien à dire. Je lui en voulais également mais me gardais bien de le lui dire maintenant. Je savais qu'il disait la vérité et qu'il avait d'autant plus souffert qu'il était responsable de ce qui s'était passé.
- Et pourtant, ce soir, il est là, déclara-t-il solennellement. Bien vivant, en pleine forme sans doute.
- Mycroft...commençai-je.
- Non, me coupa-t-il. Je sais que revenir vers lui et lui demander pardon ne servira à rien. Si je le fais devant vous, cela ne servira à rien non plus. Je doute que vous puissiez un jour me pardonner quand bien même Sherlock le ferait. Et je ne vous en voudrais pas, je ne puis moi-même me pardonner pour tout ça.
- C'est vrai, je ne peux pas oublier ce que vous avez fait, lui lançai-je. Mais ce soir, vous êtes là, dis-je en reprenant ses mots.
Il sourit et me regarda comme si j'étais un vieil ami qu'il connaissait depuis toujours. J'eus aussi cette impression et cela me provoqua un frisson. Pourquoi avais-je l'impression de trahir Sherlock en parlant à son frère ? C'en devenait absurde, cette histoire.
- Je vais rentrer, annonçai-je. Je ne peux décemment pas laisser Lestrade, Molly et Mrs Hudson seuls avec lui. Vous... vous voulez venir ? Lui proposai-je davantage par politesse que par réelle intention de le voir venir chez moi. " Chez moi ", comme c'était étrange d'appeler à nouveau cet endroit "chez moi " ...
- Non, il est trop tôt.
- C'est Noël, rappelai-je. Personne n'est encore couché.
- Je voulais dire que c'est sans doute mieux pour lui et moi que nous évitions de nous revoir durant quelques jours. Ensuite peut être, pourrons-nous parler comme les frères que nous étions autrefois... Sourit-il, se remémorant probablement d'anciens souvenirs.
- J'aimerais bien voir cela, rigolai-je.
- Quoiqu'il en soit, John, je vous présente mes condoléances pour Mary. Je ne suis pas au courant des circonstances de sa mort mais j'imagine quelle perte horrible ce fut pour vous. Vous n'avez pas besoin de commenter ceci, je suis certain que vous avez déjà du épuiser toutes vos ressources à ce sujet. Mais je tenais simplement à vous dire que je suis désolé. Sherlock... a toujours choisi des timings étranges pour faire ses... entrées, comme il le dit.
- Effectivement, répliquai-je simplement.
- Il est temps pour vous de rentrer, John.
- Je ne sais pas comment réagir face à tout cela, m'expliquai-je. J'ai énormément de mal...Je ne sais pas du tout que faire ni que lui dire après toutes ces années...
- Alors imaginez comment lui, se sent, me répondit-il en arborant un de ses fameux sourires en coin de bouche de la marque Holmes.
Je regardai dehors et constatai que nous étions devant le 221B Baker Street, arrêtés devant le café. Je mis ma main sur la portière pour sortir mais la main de Mycroft se posa sur la mienne avant que je ne fasse quoique ce soit.
- S'il vous plaît, John... Pour moi, prenez soin de lui.
- La dernière fois que vous m'avez demandé ça, Mycroft, il s'est fait avoir par un cinglé et a fait croire à tout le monde qu'il s'était suicidé. Je ne pense pas être la meilleure personne pour m'occuper de lui...
- Vous croyez ? Ajouta-t-il, énigmatique. Bonne nuit, Dr Watson. Et Joyeux Noël.
Je descendis et la voiture et refermai la portière sans lui répondre : la conversation était terminée. Quand la voiture eut passé le coin de la rue, je levai les yeux vers les fenêtres de l'appartement et constatai que les rideaux remuaient encore. Sherlock savait que j'étais rentré. Je pris mon courage à deux mains et j'ouvris la porte -non fermée à clé bien sûr- avant de monter mollement les marches une à une. Arrivé sur le seuil, je ne savais pas quoi faire pour signifier que j'étais là. Étrangement, j'allais me mettre à toquer à la porte mais avant que je n'eusse l'occasion de faire un geste des plus ridicules, la porte s'ouvrit et Sherlock se tenait devant moi, souriant.
- Tu es rentré, dit-il d'une voix anormalement joyeuse.
- C'est chez moi, lui dis-je remarquer à juste titre. Bien sûr que je suis rentré, tu voulais que je dorme dehors ?
- Chez nous, rectifia-t-il en fronçant les sourcils. Je ne savais pas du tout où tu étais allé ni pourquoi, admit-il. J'étais inquiet, ajouta-t-il, ce qui me surprit de sa part.
- Je suis allé au cimetière pour... voir Mary. Et toi... Dis-je piteusement.
- J'ai encore du mal, se reprocha-t-il. Sentiments ?
- Sentiments, confirmai-je, patient.
Je me dégageai de l'entrée et allai m'asseoir dans un des fauteuils du salon. Lestrade était dans la chambre d'à côté en train de parler au téléphone et Molly préparait du thé dans la cuisine. Sherlock s'avança vers moi et ne me quittait pas des yeux, ce qui devenait assez gênant. Que lui dire ? Pouvais-je réellement faire comme si ces trois années n'avaient pas eu lieu ?
- Mrs Hudson n'est plus là ? Demandai-je d'une traite.
- Elle est partie se coucher, dit-il sans me quitter des yeux.
- Je vois... dis-je pour combler la conversation.
Un silence s'en suivit et mon regard se porta sur le sol. J'étais incapable de le regarder dans les yeux pour je ne sais quelle raison absurde.
- John, commença-t-il. Je voulais te dire que...
- C'est prêt ! Le coupa Molly, arrivant avec la théière. Ah ! Tu es rentré, John. Tant mieux, Sherlock était totalement déboussolé de te voir partir, rigola-t-elle.
- Molly, dit-il en pinçant des lèvres.
- J'ai vu ton frère, lui dis-je, histoire de voir quelle réaction cela provoquerait chez lui.
- Je sais, dit-il. Je reconnais encore sa voiture, me dit-il avec condescendance.
- Il n'a pas osé se joindre à nous.
- Cela semble évident puisqu'il est reparti.
- Tu ne peux pas t'en empêcher hein ? Dis-je, agacé.
- M'empêcher de faire quoi ?
- D'avoir cette allure si hautaine ! Bon sang, Sherlock, Trois ans que je ne t'ai pas vu et tout ce que tu trouves à me dire quand je parle c'est " Je sais. " ?!
Je vis son air déconcerté et je me tus avant d'aller trop loin. Il ne fallait pas non plus trop lui en demander, c'était Sherlock.
- Laisse tomber, ce n'est pas grave, lui dis-je.
- Je suis désolé, John, dit-il d'une voix sincère qui me prit totalement au dépourvu. Pour tout ça... Je suis navré.
Je ne répondis rien, troublé par son comportement, ne sachant que répondre à ça. Je me contentai d'hocher la tête et cela parut lui convenir. Il sortit alors un petit paquet emballé d'un papier rouge brillant et me le tendit en détournant les yeux.
- Joyeux Noël, dit-il en souriant comme un enfant.
- Joyeux Noël, lui répondis-je en lui rendant son sourire.
- Tu ne l'ouvres pas ? Demanda Sherlock d'une voix intriguée mêlée à un peu d'inquiétude.
- C'est la première fois que tu m'offres un cadeau, expliquai-je, fasciné par la couleur rouge du papier.
- C'est faux, se défendit-il. Au dernier noël que nous avons passé ensemble, j'ai... Ah.
- Oui, souris-je. Tu étais trop préoccupé par quelqu'un d'autre. Irène Adler, tu te souviens ?
- Trop bien, dit-il en se pinçant les lèvres.
Je pris la tasse de thé que me tendit Molly et avalai une grande et longue gorgée, ce qui eut pour effet d'impatienter le brun près de moi.
- Tu ne l'as toujours pas ouvert, fit-il remarquer.
- Bonne constatation, mais j'espérais que vous iriez plus en profondeur, dis-je en reprenant totalement ses mots, les caricaturant.
- Tu me punis, dit-il en faisant la moue.
- Pas du tout, répliquai-je. Je suis innocent, ricanai-je.
Sherlock partit s'asseoir dans le grand canapé en face et prit son visage entre ses mains. Le voir légèrement torturé ne me procurait pas de plaisir particulier, je savais qu'il était blessé par mon attitude mais je n'avais pas l'intention de faire exactement ce qu'il voulait que je fasse. Bon... Je le punissais peut être un peu, oui... C'était sans doute immature, pour tout dire. " Voudriez-vous, s'il vous plaît, vous comporter pour une fois comme de véritables adultes ? " résonna la voix de Mycroft dans mes oreilles. J'entendis dans l'autre pièce la voix de Lestrade dont la tonalité augmentait et je songeai qu'il était sans doute au téléphone avec sa femme. Encore.
- Je crois que ceci est pour vous, John, me sourit Molly en me montrant deux paquets posés sur la table basse du salon.
- Oh. Je n'ai pas pu donner son cadeau à Mrs Hudson, grommelai-je.
- Tu auras tout le temps de lui donner demain ainsi que tous les autres jours de l'année, elle n'en sera même pas blessée puisqu'elle est partie se coucher, elle. Brillant, vraiment, brillant, Sherlock. Je sais. Mais voudrais-tu, s'il te plaît, te dépêcher d'ouvrir ces fichus paquets, histoire de pouvoir ouvrir celui que je t'ai déjà donné mais que tu refuses ostensiblement d'ouvrir pour je ne sais quelle raison grotesque visant à me punir pour… pourquoi ? Car je suis parti. Mais pourquoi tu es parti Sherlock ? Ai-je réellement besoin de le repréciser ? C'est vraiment nécessaire ? Tu n'as pas de cœur, Sherlock. C'est ce qui se dit mais bon sang que tu en manques aussi, John, c'en est réellement blessant.
Je me figeai. Quoi ? Avais-je bien entendu ? Je ne répliquai pas et souris nerveusement à Molly en prenant un des paquets qu'elle me tendait. Il était assez gros et, contemplant le sourire de Molly, je sus qu'il venait d'elle. Sentant le regard féroce de Sherlock posé sur chaque geste que je faisais, je me dépêchai d'ouvrir le paquet sans non plus le déchirer comme un sagouin -ce qui ne l'aurait pas gêné, au contraire, j'en étais sûr- et découvris une énorme boîte remplie de plusieurs rangements contenant des premiers soins : le parfait kit du docteur idéal.
- Merci beaucoup, Molly, c'est vraiment... très bien choisi, choisis-je de dire, ne souhaitant pas d'effusions plus longues qui risqueraient d'énerver au moins une personne dans cette pièce et qui ferait en sorte que j'aurais réellement besoin de ce kit, maintenant...
- Et voici celui de Mrs Hudson, dit-elle timidement, étant parfaitement consciente de l'atmosphère pesante qui régnait dans la pièce.
Je l'ouvris et découvris un pull tricoté marron avec des motifs sur le devant. Je souris en songeant au cadeau que j'allais moi-même offrir à Mrs Hudson. Je vis dans son coin Sherlock renifler avec dédain en haussant les épaules, comme s'il voulait afficher ouvertement devant tout le monde que son cadeau serai le meilleur de tous. Je lui souris avec indulgence et lorsqu'il croisa mon regard, il eut également un petit sourire en coin, ce qui m'étonna. Je me demandais bien à quoi il pouvait penser...
- Molly, le cadeau que je voudrais t'offrir est dans la pièce à côté, expliquai-je. Mais avant tout, rassure moi, tu n'es pas allergique à quelque chose en particulier ?
- Au pollen, se contenta-t-elle de répondre.
- Parfait, dis-je machinalement.
Je me levai et allai dans l'ancienne - plus tellement - chambre de Sherlock pour chercher le cadeau de Molly. Sherlock sembla s'interloquer de me voir aller ainsi dans sa chambre alors qu'il était juste là.
- John ? Dit-il avec prudence.
- Je n'ai pas fouillé dans tes affaires, si c'est ce que tu te demandes, dis-je au loin.
- Non ce n'est pas ce que je... Enfin je n'insinuais pas que... Tu as... parfaitement le droit d'y aller, finit-il par dire.
J'arquai un sourcil en entendant ça, ce n'était pas du tout Sherlockien... Il voulait s'en doute s'excuser encore; je me rappelai alors le comportement qu'il avait eu après notre toute première dispute lors de l'affaire à Baskerville et me confortai dans cette idée. Il s'en voulait.
Je pris ce pour quoi j'étais venu -il était encore dans sa petite cage mais je l'en sortis aisément sans le brusquer - et arrivai dans le salon vers Molly dont le visage s'illumina en voyant mon cadeau.
- Il est adorable, John ! C'est... C'est parfait ! S'extasia-t-elle. J'ai toujours voulu avoir un chat ! Il est si petit !
- Il n'a que trois mois, précisai-je. C'est un mâle.
- Merci, John ! Dit-elle en me sautant au cou.
Non habitué par ce genre d'effusions, j'eus un mouvement de recul que Sherlock ne manqua pas de remarquer en nous observant de son canapé puisqu'il roula des yeux.
- Oh je... pardon, dit-elle en arrêtant notre échange.
- Ce n'est rien, lui souris-je tendrement en la trouvant très mignonne soudainement.
J'entendis non loin de nous le sifflement agacé de Sherlock et je ne pus m'empêcher de sourire inconsciemment.
- C'est ton tour, lui dis-je en me tournant vers lui.
Il frotta ses mains d'impatience et me fixa en train de prendre le paquet et de l'ouvrir. Ce que j'y découvris, après l'avoir délicatement ouvert sans le déchirer comme pour les autres, me déconcerta.
- Une photo ?
- Une photo, approuva-t-il. Mais pas n'importe quelle photo, dit-il d'un ton joueur.
- C'est un chien, fis-je remarquer.
- Exactement ! S'exclama-t-il en se levant. Comment le trouves-tu ?
Le chien en question avait le poil de la couleur du sable et semblait avoir un pelage très doux. Il possédait deux énormes yeux noirs brillants et des oreilles tombantes encadraient son visage. Il était adorable.
- Il est... beau. Il a l'air sympathique, répondis-je, hébété qu'il me pose des questions aussi incongrues.
- Je trouve aussi, sourit Sherlock. C'est mon cadeau, expliqua-t-il.
- Tu m'offres une photo d'un chien ? Dis-je sans comprendre.
- Je t'offre LE chien, rectifia-t-il. Je ne l'ai pas amené au cas où il ne te plairait pas... Même si j'étais quand même sûr qu'il te plairait. Il est encore chez Molly; on peut dire que c'est un bon timing avec l'arrivée de ce chat.
- Tu m'offres...un chien ?
Je n'en croyais pas mes oreilles. Sherlock Holmes m'offrait un chien...Qu'est-ce que cela pouvait bien vouloir dire. J'eus un sursaut de peur.
- Tu ne repars pas, hein ? Demandai-je, alarmé.
- Bien sûr que non, répliqua-t-il sans comprendre.
Je repris mon souffle et tentai de faire comme si ce trouble n'avait pas eu lieu. En vain car Sherlock le remarqua - je le vis au regard qu'il me lança - mais n'en fit aucun commentaire. Il semblait comprendre ce à quoi j'avais pensé.
- Je ne t'offre pas ce chien comme un lot de consolation pour partager ta solitude, John. En fait, je pourrais dire que je NOUS offre ce chien... Si tu veux toujours de moi comme colocataire, bien sûr, dit-il, incertain.
- Tu en doutes ?
- Tu m'as frappé, se défendit-il.
- Je t'ai déjà frappé dans le passé, répliquai-je.
- Je te l'avais demandé. John je...
Il regarda un peu partout et s'assura que Molly était retournée dans la cuisine avec le chaton et que Lestrade était toujours dans la salle de bain avant de continuer.
- Je n'ai nul par ailleurs où aller mais si tu ne veux pas que je reste ici... Je peux partir, dit-il simplement.
- NON ! Criai-je en me relevant. Tu... je... Tu dois rester ici, lui répondis-je en baissant le son de ma voix, me rendant compte de mon attitude. Je VEUX que tu restes, précisai-je.
Son visage changea d'expression et je vis quelque chose qui ressemblait à du bonheur apparaître sur ses traits.
- Je suis toujours en colère contre toi mais ... Ne fais plus jamais ça, le prévins-je. Ne disparais plus jamais... S'il te plaît, ajoutai-je.
Il ne dit rien et je l'en remerciai silencieusement. J'avais déjà assez de mal à lui faire part de mes peurs et de mes sentiments.
- Tu m'as manqué, Sherlock, lui souris-je nerveusement en concluant notre conversation.
Je me levai avec difficulté, tâchant de me souvenir de ce qui s'était passé la veille. Je me rappelai vaguement Molly, les soins, Lestrade et sa femme, Mycroft et ses états d'âmes et... Bon sang. Sherlock était en vie. Ce n'était pas un rêve, il était bel et bien là, aussi réel que moi et que les autres. Je n'étais toujours pas habitué à cette idée. Mon meilleur ami était vivant, toutes ces années où je le croyais mort, où la solitude m'avait repris, tout cela était à présent derrière moi. Sherlock avait accompli l'exploit de revenir d'entre les morts. Il était ici, l'étage juste en dessous de ma chambre. Il était sans doute déjà réveillé. Excité à cette idée, je quittai rapidement la chambre, encore en pyjama, et rentrai dans le salon du dessous sans frapper.
La pièce semblait semblable à celle d'hier. Aucune trace de Sherlock. Peut-être dormait-il ? Sans me soucier de son intimité, j'ouvris la porte de sa chambre et vis son lit parfaitement fait. Je m'avançai et le touchai. Froid. J'eus alors un frisson. N'avait-il pas dormi ici ? Il était bel et bien là, non ? Tout cela était réel, n'est-ce pas ? J'essayai alors de trouver n'importe quelle preuve que la nuit dernière n'avait pas été qu'une hallucination de mon esprit. La photo du chien, je devais la trouver. Je revins dans le salon et cherchai sur la table. Rien. Les battements de mon cœur s'accélèrent et j'eus bientôt du mal à respirer. J'allai dans la salle de bain et ne vis rien d'autre qu'une pièce vide. Je me dirigeai alors vers le canapé dans lequel -j'en étais pourtant sûr ! - mon meilleur ami s'était assis la veille au soir. Je me frappai le front et tentai de réfléchir. Je n'étais pas fou. Je n'avais pas pu imaginer toute cette scène... Pourtant, je devais bien admettre l'évidence. Sherlock n'était pas là et il n'y avait aucune trace qui eut pu prouver sa dernière présence. Sherlock n'était pas revenu, il était mort... Toute cette histoire n'avait été qu'un rêve cruel... Bon sang qu'il était réaliste ! Mais maintenant que j'y songeais, il y avait de nombreuses incohérences dans ce rêve, et j'aurais dû me rendre compte plus tôt qu'il n'était pas réaliste. Après tout, depuis quand Sherlock était si souriant ? Depuis quand montrait-il son inquiétude, ses émotions ? J'aurais dû le voir venir...
Alors que je prenais ma tête dans mes mains et que mes yeux commençaient à se remplir se larmes, j'entendis la porte d'entrée s'ouvrir. Frottant ma manche contre mes yeux, je les levai, m'attendant à voir Mrs Hudson mais je vis entrer mon meilleur ami accompagné d'un chien de taille moyenne couleur sablé. Il se tourna vers moi et fronça les sourcils en constatant l'expression sur mon visage et l'humidité dans mes yeux. Je clignai rapidement ceux-ci afin de faire disparaître les traces de larmes, mais pas assez vite.
- Tu as cru que tu avais rêvé, conclut-il sans émotion dans la voix.
- Non je...m'opposai-je. Oui, admis-je.
- Je suis là, John. Je ne vais pas partir, je te le promets, dit-il en plongeant ses yeux si pâles dans les miens.
- Tu n'as pas dormi, compris-je en saisissant combien j'avais été idiot.
- Je n'avais pas sommeil, se contenta-t-il de dire. Vers Sept heures je suis sorti pour aller chercher le chien.
Mes yeux se posèrent sur le magnifique chien assis aux pieds de Sherlock.
- Il a un nom ? Lui demandai-je.
- Non, je l'appelle LE chien.
- Ça ne m'étonne pas de toi, soupirai-je en le voyant froncer les sourcils en entendant cela. Qu'as-tu fait de ta nuit ?
- J'ai lu ton blog, répondit Sherlock d'un ton normal.
- Tu as lu mon... Je n'ai plus posté mes articles depuis... Depuis ce jour-là, lui dis-je sans comprendre.
- Je sais, admit-il. J'ai fouillé dans tes articles non postés sur ton ordinateur et je les ai lus.
- Sherlock...m'énervai-je en posant ma main sur mon front. C'est privé !
- Ca me concerne ! Protesta-t-il.
- Ce sont MES...Ce sont de mes sentiments dont il s'agit, chuchotai-je presque.
- Des sentiments qui me concernent, dit-il sur le même ton en me regardant intensément.
Je laissai couler et allai dans la cuisine pour faire chauffer de l'eau afin de faire du thé.
- Tu es fâché ? Demanda-t-il timidement.
- Bien sûr que je suis fâché ! Lançai-je d'un ton cinglant sans me retourner.
Il s'assit à la table de la cuisine et tapota celle-ci du bout de ses doigts en regardant quelque chose dans le vide. Il réfléchissait, dieu seul sait à quoi. Quand l'eau fut bouillante, je m'empressai de préparer la théière et le thé et je fis couler l'eau dedans avant de l'apporter sur la table. Je pris un journal qui traînait dessus et me cachai derrière les grandes pages de celui-ci en faisant semblant de lire un vieil article qui devait dater de plusieurs années.
- John, commença-t-il. Je suis touché et... plutôt flatté de tout ce que tu as pu écrire.
- Tu ne devrais pas l'être. Tu n'aurais jamais dû avoir accès à ces informations, grognai-je.
- Si des gens écrivent sur des personnes ce n'est pas pour que les personnes concernées aient un jour accès à ces écrits ? S'étonna-t-il.
- Pas toujours, et pas dans ce cas-là, lui sifflai-je. Tu as tout lu ?
- Oui, déclara-t-il.
Je soupirai de désespoir. Je ne savais pas quoi lui dire ni comment réagir, maintenant... Pourquoi fallait-il qu'il complique toujours tout ?
- Non, c'est faux. Je n'ai lu que quelques articles et j'ai dit ça pour voir ta réaction, pour voir si je devais oui ou non lire le reste. J'ai ma réponse, sourit-il.
- Tu n'as pas changé, lui dis-je, en partie soulagé.
- Je sais, dit-il, intrigué par mon attitude. Que peut-il y avoir de si gênant à propos de moi ?
- Ne cherche pas à savoir, l'intimai-je. S'il te plaît... ajoutai-je d'une voix mielleuse.
Il mordit sa lèvre inférieure et hocha la tête pour confirmer qu'il n'irait pas chercher plus loin. Je fus surpris qu'il cède si facilement et je servis le thé tandis qu'il restait plongé dans ses pensées.
- Il faudrait quand même trouver un vrai nom à ce chien, souris-je.
- Tu crois ? "Le" chien, je trouvais que ça sonnait plutôt bien, songea-t-il.
- Je ne me vois pas sortir dans la rue et l'appeler comme ça, soupirai-je.
- Tu prêtes trop attention à ce que les gens peuvent bien penser, John.
- Et toi, pas assez, répliquai-je. Tu n'as même pas pensé à informer toi-même ton frère de ta miraculeuse réapparition, lui reprochai-je faussement.
- Comme si ça t'importait, devina-t-il. Il aurait fini par le savoir d'une manière ou d'une autre de toute façon !
- Il n'y a pas que lui, c'est simplement que...
- Que quoi ? Coupa-t-il.
- Comment as-tu survécu ? Je t'ai vu tomber, tout le monde t'a vu tomber et lorsque j'ai pris ton pouls, je n'ai absolument rien senti ! Tu étais là, devant moi, mort ! J'ai cherché mille raisons qui auraient pu faire en sorte que tout cela n'engendre pas le fait que tu sois réellement mort, réellement... plus là. Mais en vain ! Comment as-tu fait, Sherlock ? Lui demandai-je en fronçant les sourcils. Comment as-tu réussi ce... miracle ?
- C'est un peu trop long et ennuyeux à expliquer et cela ferait perdre toute la magie à la chose, tu ne crois pas ? Éluda-t-il.
- Non, dis-je fermement.
- Ah John, soupira-t-il. Est-ce que c'est réellement important ?
- Pour moi, ça l'est, chuchotai-je. Je ne t'ai pas vu pendant trois ans, convaincu que je n'allais plus jamais te revoir. Je ne dis pas que je ne suis pas heureux de te voir, je n'ai jamais été plus heureux, mais je n'arrive tout simplement pas à comprendre.
- Jamais été plus heureux ? Demanda-t-il en me regardant profondément.
- Jamais, approuvai-je d'un signe de tête, sans doute les joues plus rouges que la robe de Molly la veille au soir.
J'eus l'impression que ses yeux me passaient au rayon X. En fait, c'était probablement ce qui était en train de se passer, et ça me gênait. Non pas que je sois gêné d'avoir pu dire ça, j'avais simplement peur qu'il essaye d'en trouver des liens sous-jacents. Après tout, il avait quand même lu la majorité de mes articles... L'étalage de sentiments n'était décidément pas mon fort.
- Moi non plus, ajouta-t-il simplement en déviant finalement ses yeux de moi.
- Je te demande pardon ? Dis-je, croyant avoir la berlue.
- Tu m'as très bien entendu, John, se renfrogna-t-il.
Je pris le temps de réfléchir à ce qu'il était en train de me dire. " Moi non plus ". Sherlock n'avait pas changé, il avait toujours autant de mal à parler de ses sentiments mais c'était déjà un bon début. Je constatai que cependant, il était plutôt d'humeur à me faire plaisir étant donné les circonstances présentes. Et j'allais pouvoir en profiter un peu.
- Et si je partais, là, maintenant ? Demandai-je d'une voix calme.
- Pourquoi le ferais-tu ? S'étonna-t-il, la lèvre tremblante.
- Je n'ai jamais dit que je te pardonnais, rappelai-je.
- John, protesta-t-il. Je-
Il se coupa lui-même, à nouveau plongé dans ses pensées.
- C'est immature, me dit-il au bout d'un moment. Surtout de ta part !
- Quoi donc ? Demandai-je avec une voix fluette teintée d'innocence.
- Tu mens. Tout dans ton comportement d'hier soir suggérait que tu ne voulais pas que je parte. Pourquoi partirais-tu, toi ? Oh bien sûr, tu as encore l'appartement que tu partageais avec ta défunte épouse, mais toi comme moi savons que tu n'y as pas mis les pieds depuis plusieurs jours et que ça ne risque pas de changer, du moins dans les prochains mois. Comment je le sais ? A cause de ta barbe mal rasée et des légères coupures que tu t'es fait qui indiquent que tu n'utilises pas ton rasoir habituel depuis plusieurs jours déjà, à cause du pyjama que tu portes qui a été acheté récemment - curieuse envie de faire du shopping juste après le décès de sa femme ? Soyons sérieux, et enfin plusieurs relevés qui se trouvent dans la poche de ton blouson et qui indiquent des notes d'hôtels pour les derniers jours. Autrement dit, c'est soit ici, soit l'hôtel. Mais quelque chose te retient ici et c'est moi. Car je t'ai manqué, John, et c'est pour cela que tu m'as presque supplié de rester hier soir, dit-il à nouveau d'une traite.
Mon souffle fut coupé pendant quelques brefs instants. Je n'avais plus l'habitude. Il le remarqua, comprit, et sourit comme s'il était flatté.
- Et le fait que tu veuilles me faire paniquer n'est sans doute qu'une raison de t'assurer que tu m'as manqué aussi et que je ne veux pas que tu partes, ajouta-t-il en se concentrant sur la théière. La réponse est oui.
- Oui ? Ne compris-je pas.
- Ne me force pas à le dire, se plaignit-il en me regardant cette fois dans les yeux.
Je n'eus pas le temps de réagir ni de répliquer que " Le " Chien couina dans le salon afin de pouvoir sortir.
- Je m'en charge, dit aussitôt Sherlock, trop heureux de pouvoir filer à l'anglaise.
- Attends ! Sherlock ! Tu ne m'as pas répondu pour ce que je t'ai demandé ! Sherlock ! Appelai-je.
- Tu en es sûr ? Demanda-t-il, faussement étonné. Ce n'est pas mon genre, je suis monsieur réponse-à-tout par excellence, non ? Me sourit-il. A plus tard, John ! Entendis-je avant d'entendre la porte d'entrée se fermer.
Bon sang...
Je me servis du thé et allai dans mon fauteuil, ma tasse à la main et me mis à réfléchir. Tout avait tellement changé en une seule nuit. Tout ? Non, un seul fait. Un seul fait qui avait chamboulé toutes nos existences. Car il était indubitable que la réapparition de Sherlock Holmes au 221B Baker Street n'allait pas rester sans conséquences. Tout allait recommencer, comme il y a trois ans. Trois longues années... cela restait long. Avais-je envie de rester ? Me questionnai-je soudainement. Après tout, l'appartement de Mary m'attendait à quelques rues d'ici. J'y retrouverais mes affaires, toutes les choses que j'avais accumulées en trois ans. Notre lit, nos photos, nos souvenirs... Notre vie à deux. Je savais qu'il me serait insupportable de retourner là-bas et regrettai aussitôt de m'être posé la question d'un éventuel retour dans ce lieu. C'était comme Baker Street après les funérailles de mon meilleur ami. Intouchable.
Je savais pourtant qu'il faudrait bien que j'y retourne, ne serait-ce que pour récupérer mes affaires. " Pourquoi ? " Me demanda ma conscience. " Ton chez toi est ici. Toutes tes anciennes affaires le sont également. Pourquoi ne pas reprendre ta vie là où tu l'as laissé il y a trois ans ? " Et faire comme si rien ne s'était passé ? Même Sherlock n'était pas assez asocial pour croire que c'était aussi facile. Nier ma vie avec Mary ? C'eut été trop douloureux. La vérité me frappa. La veille au soir, pendant quelques heures, j'avais été heureux, mon meilleur ami était revenu. Ma femme était morte il y a deux semaines à peine et moi, John Watson, avais été plus heureux que jamais en entendant la voix grave de mon soit disant défunt ami. Je pris mon front dans mes mains. J'avais honte. Que dirait Mary ?
Et pourtant, à ce moment-là, une chose fut certaine pour moi. Non seulement je n'avais pas la force ni l'envie de retourner à l'appartement de Mary, mais j'étais décidé à retrouver la vie que j'avais abandonnée ici il y a trois ans. J'étais déterminé à rester avec Sherlock, quoiqu'il arrive. Je ne voulais plus le quitter ni qu'il me quitte. C'était fini tout ça, n'est-ce pas ? Nous allions pouvoir recommencer notre vie à deux, à résoudre des petites affaires en sachant que le soir même, on aurait un foyer où aller. On pourrait être heureux, comme avant. " Tu étais heureux ? " Bien sûr que j'étais heureux. " Et avec Mary ? " Bon sang...Je me frappai le front histoire de faire sortir toutes ces questions de ma tête.
- John ? Entendis-je depuis l'entrée de l'appartement.
Sherlock était déjà revenu et sa voix semblait réellement soucieuse. Bon, en même temps, je me frappais le front depuis avant.
- Tout va bien, confirmai-je en lui lançant un petit sourire. Il faut que ... Que...
- Que ? répéta-t-il en fronçant les sourcils.
- Que j'aille faire les courses ! M'exclamai-je, trop heureux de trouver un moyen de sortir afin de réfléchir à ce qui m'arrivait, seul.
- Oh ! Dit-il d'une voix presque soulagée. Oui tu as raison, le frigo est vide... Il faudrait que j'aille faire des courses aussi.
- Bien, très bien, dis-je sans l'écouter réellement.
Ce ne fut que quelques secondes après, lorsque je vis le sourire carnassier sur les lèvres de mon meilleur ami que je compris le sous-entendu.
- PAS DE TÊTE ! M'écriai-je avant de prendre mon manteau et de sortir.
- Cela ne dépend pas de moi ! Dit la voix enfantine et pleine de joie du brun.
Il manquerait plus que ça, ravoir des têtes dans le frigo...
- Tu peux venir m'aider ? Criai-je depuis l'escalier, peinant à monter les marches avec mes deux gros sacs remplis de divers condiments.
Autrefois, Sherlock n'aurait même pas pris la peine de m'ouvrir en grand la porte. Il m'aurait ignoré et serait resté dans son fauteuil à réfléchir à dieu seul sait quoi. C'est pourtant un Sherlock tout avenant qui se dirigea vers moi et prit les deux sacs d'une seule traite en se dirigeant vers la cuisine.
- Tu aurais dû me dire que tu allais prendre autant de choses, s'inquiéta-t-il même. Je serais venu avec toi pour t'aider.
- Je te demande pardon ? Dis-je, abasourdi par ce que j'entendais. Qu'est ce qui t'es arrivé durant ces trois ans ? Tu t'es transformé en... un gentil ? Plaisantai-je tout en allant m'asseoir dans mon fauteuil.
- Vivre avec Molly doit avoir certains avantages je suppose... ça créé de nouvelles habitudes, expliqua-t-il en rangeant les courses. Je lui devais beaucoup et cela aurait paru inconvenant de ne pas faire tout ce que je pouvais pour l'aider en retour...
- Mais encore ? Demandai-je, intrigué. Tu ne m'as toujours pas expliqué comment tu avais fait... Que dois-tu à Molly exactement ?
- Ma vie, répondit-il simplement en baissant les yeux.
C'était court. Simple et rapide. Et pourtant, cela me figeait. Tant de reconnaissance en seulement deux mots. Sherlock pensait ce qu'il était en train de dire, il ne le disait pas pour la forme, par politesse - en était-il seulement capable ? - mais l'avait dit car cela sortait du plus profond de son cœur. Jamais je n'avais vu Sherlock parler de quelqu'un de cette matière, jamais avec ce ton, cette émotion dans la voix. Et j'en fus glacé. Pourquoi ? Je savais que Molly avait eu réellement son utilité étant légiste, cela semblait facile à deviner puisqu'elle avait aidé Sherlock à confirmer sa mort. Je savais tout ça... Pourquoi aucun mot ne voulait plus sortir de ma bouche alors ? "Tu aurais voulu être elle. Tu aurais voulu pouvoir l'aider comme elle l'a fait, et tu aurais voulu que ce soit à toi qu'il fasse confiance, pas à elle. " Ridicule. Sherlock me faisait confiance, tout cela n'était qu'une question de... Je n'en avais aucune idée. Décidément, cette virée dehors n'avait fait que me faire me poser plus de questions sans réponses.
- A quoi réfléchis-tu ? Dit la voix lointaine du détective.
Je relevai les yeux et constatai qu'il était juste à côté de moi, son violon à la main et qu'il m'observait depuis plusieurs minutes.
- A la meilleure façon de te faire avouer des explications, lui dis-je d'un ton taquin, tâchant d'oublier ce à quoi je pensais juste avant.
- Dans ce cas, j'aimerais en avoir aussi, dit-il d'un ton nonchalant.
- A propos de ? fis-je, interloqué.
- Mary Morstan.
- Tu te rends bien évidemment compte que je n'ai absolument aucune idée d'où tu veux en venir ? Lui répliquai-je en m'impatientant.
- Je crois que si. A propos de ça, et aussi à propos de tes articles non publiés.
- Je refuse de parler de ça, lui lançai-je froidement.
- Pourquoi pas ? S'étonna-t-il.
- En trois foutues années tu n'as toujours pas compris qu'il y a des choses qui se font et d'autres qui ne se font pas ?!
Il haussa les épaules en réponse et leva les yeux au ciel. C'est l'hôpital qui se fout de la charité, bon sang.
- Elle me ressemblait, insista-t-il.
- Je ne veux pas le savoir, dis-je fermement.
- Mais tu le sais déjà, c'est toi qui l'a écrit.
- Je ne veux pas parler de ça, me répétai-je en hachant mes mots.
Je le vis pincer des lèvres en me lançant un regard noir et aller vers son canapé - je dis " son " car il n'y a que lui qui l'utilise que ce soit comme réel canapé ou comme lit - en s'y allongeant comme à son habitude de dos afin que je ne le vois pas. Il boudait.
- On fait un marché ? Tentai-je pour mettre fin à l'ambiance qui régnait à présent dans la pièce.
- Hn ? fit-il semblant de ne pas être intéressé.
- Si tu m'expliques comment tu as fait pour survivre dans les moindres détails, je te dirai ce que tu veux savoir à propos de Mary et de votre ressemblance, affirmai-je, doutant moi-même de mes propres mots.
Qu'avais-je à dire à Sherlock à ce propos ? Oui, tu m'as manqué, Non, Mary n'est pas qu'un substitut de toi, c'est toi en mieux et toi en femme donc approchable et... Quoi ? Je secouai ma tête. Tu dis n'importe quoi, Watson, ressaisis-toi. Quoiqu'il en soit, tout pour qu'il arrête de bouder comme un enfant.
- Donc elle me ressemblait réellement, comprit-il en relevant la tête.
- Tu n'avais pas l'air d'en douter tout à l'heure, lui fis-je remarquer.
Il haussa une fois de plus les épaules, et ne répondit pas. Il préférait laisser sa curiosité de côté plutôt que de continuer. Pourquoi ne voulait-il pas m'expliquer, bon sang ?!
- Tu t'es finalement décidé ? Demanda-t-il d'une traite en changeant de sujet.
- De quoi tu parles ?
- Pour savoir si tu restais ici ou si tu retournais chez Mme Morstan.
- Mary, Sherlock, Mary. Comment diable peux-tu être au courant de ça ?
Je le vis ouvrir la bouche afin de répliquer que c'était évident et me citer tous les signes qui le laissaient dire ça, et je le fis taire d'une main, lui disant de laisser tomber.
- J'avais oublié à quel point c'était agaçant de t'avoir comme colocataire, soufflai-je.
Sherlock me regarda, fronça les sourcils, se leva et partit vers sa chambre. J'avais peut-être été un peu dur ? Mais enfin, c'était Sherlock ! Il avait l'habitude...
- Heu... Tout va bien ? Dis-je en me tournant vers la porte entrouverte de sa chambre.
- Je vais bien, répondit la voix froide de mon ami.
Tout l'après-midi se déroula ainsi. Je l'entendais parfois faire les cent pas dans sa chambre, il avait à présent fermé sa porte à clé. Le " Chien " avait beau griffer celle-ci, lui signifiant qu'il voulait rentrer et avoir des caresses, le détective ne semblait pas décidé à quitter sa chambre. Je refis du thé, allai m'allonger sur le canapé et invitai mon nouveau chien à s'allonger près de moi. Il n'était pas très grand et était très câlin, bien que me connaissant à peine, et ne se fit pas prier. Prendre ce chien n'avait pas été l'idée la plus absurde que Sherlock ait eue, je crois même que j'appréciais.
Sans m'en rendre compte, je m'endormis ainsi contre lui pendant sans doute plusieurs heures. Je me réveillai aux alentours de dix-sept heures, légèrement sonné par ma longue sieste et tapotai le chien sans savoir quoi lui dire pour qu'il se dégage de l'étreinte. Il fallait vraiment lui donner un vrai nom...
J'entendis des voix venant de l'étage du dessus ce qui m'étonna, la seule chambre occupée s'y situant étant la mienne. Je tendis l'oreille et me relevai immédiatement lorsque j'entendis mon prénom intervenir dans la conversation.
Je caressai le chien et le laissai sur le canapé et allai vers les escaliers sur la pointe des pieds, souhaitant entendre ce qui se disait plus haut. Arrivé au milieu de ceux-ci, je pouvais à présent reconnaître la voix de mon meilleur ami et celle beaucoup plus fluette de douce de son frère, Mycroft.
- Il est plus qu'évident que tu AVAIS la situation bien en mains mais tout le monde sait que tu es de retour à présent, Sherlock.
- Et alors ? S'exclama la voix de celui-ci dans une teinte de colère que je ne lui connaissais pas. Tu crois sérieusement qu'il va risquer de s'en prendre à moi maintenant ? Mon retour l'aura pris au dépourvu, il doit d'abord établir un plan et cela prendra du temps, il le sait, je le sais et tu le sais aussi Mycroft !
- Et combien de temps crois-tu qu'il lui faille ? Ce n'est pas n'importe qui, Sherlock, ne le sous-estime pas comme tu sous-estimais Moriarty.
- C'est hors de propos, ragea-t-il. Ça n'a absolument rien à voir et je n'ai pas envie de me mettre à sa recherche immédiatement. Cette conversation est close !
J'entendis ses pas venir vers l'escalier, il comptait sortir de la chambre et allait me trouver ici. Heureusement, la voix de Mycroft l'interrompit, je profitai de cette pause pour me placer de l'autre côté du pallier dans l'ombre de la porte pour qu'il ne me voit pas en passant.
- Pourquoi donc ? Est-ce que ton retour ne s'est pas fait comme tu l'avais prévu ? Qu'est ce qui peut te retenir d'agir tout de suite ? D'habitude, tu ne laissais pas des ordures comme lui vagabonder en liberté ainsi...
J'entendis Sherlock lâcher la poignée qu'il tenait avant manifestement et soupirer longuement, visiblement agacé par son frère. Je ne comprenais absolument rien à ce qu'ils disaient. Ils parlaient de quelqu'un, sans doute d'un criminel puisque Mycroft était venu lui en parler lui-même, qui " vagabondait en liberté "... Qui ? Qui d'assez dangereux pour que Mycroft file enguirlander son frère pour ne pas s'occuper de son cas ? Moriarty était bel et bien mort et c'était l'adversaire le plus dangereux que Sherlock ait jamais eu.
- Je dois d'abord régler certaines choses, entendis-je Sherlock chuchoter mais pas assez bas pour que je ne distingue pas ses mots.
- Est-ce que cela a quelque chose à voir avec John ?
Je n'avais pas vu Mycroft mais j'étais certain qu'il avait souri en disant cela, comme si cela l'amusait. Sherlock soupira à nouveau et, cette fois, prit la poignée, la tourna et descendit quatre à quatre les escaliers sans me voir jusqu'à arriver à notre appartement où il claqua la porte. Je ne comprenais pas ce qui le mettait autant en colère... Et qu'avait-il à régler à propos de moi ? Était-ce à cause de notre " dispute " ?
- Intéressant. Je ne savais pas que nous avions un public, ricana la voix de Mycroft qui avait à présent ses yeux rivés sur moi.
- Sherlock, ouvre, ordonnai-je pour la quatrième fois, planté devant la porte noire sans aucune réponse. Si tu n'ouvres pas, je vais défoncer la porte, le prévins-je.
Je crus entendre un soupir d'agacement venant de la chambre.
- Tu l'auras voulu, idiot ! M'énervai-je en fermant les yeux. A trois ! Un, deux, troi- Aie ! En quoi sont faits tes abdominaux ? En béton ?
- Je suis là. Qu'est ce que tu veux, John ?
Son ton était froid, m'en voulait-il encore ?
- Je... heu...te parler... Si tu veux bien.
- Pour le bien de cette porte et de toutes celles qui me sépareront de toi, je ne crois pas avoir le choix à ce stade.
Arrête ça... Je ferme les yeux et me concentre, tâchant de trouver la meilleure façon de m'y prendre. Et la réponse m'apparaît, aussi facile qu'évidente.
- Quel est ton but, au juste ? Pourquoi m'avoir averti que tu étais vivant si c'est pour mettre autant de distance entre nous deux ?
Ce n'est pas bon. Pas du tout la bonne tactique. Je sais que je vais m'emporter et dire des choses que je ne penserai pas. Sherlock sera blessé. Ce n'est pas bon du tout, je dois me calmer.
- Je me le demande, chuchota-t-il davantage pour lui même que pour moi.
- Pourquoi est-ce que tu ne m'as tout simplement pas laissé vivre sans toi ? Crachai-je au tac au tac.
Je ne pensais pas un traître mot de ce que je venais de dire, c'était évident ! Sans Sherlock, je ne vivais plus. J'existais tout au mieux. J'avais vécu pour Mary mais je pouvais vivre grâce à Sherlock. Sherlock... Il planta ses yeux translucides dans les miens et mon cœur rata un battement. Ses yeux ne reflétaient que de la tristesse et de l'incompréhension. Non... Je...
- Je...
- Je l'ai fait, me coupa-t-il. Pendant trois ans. Mais tu as raison, je suis revenu... Ce n'était pas dans le plan. Je ne devais plus jamais revenir. Je devais disparaître de ta vie, expliqua-t-il, les yeux brillants. Et ça aurait du être facile, je sais me détacher facilement. Ma vie aurait du être construite ailleurs et je n'aurais jamais du avoir de contact avec toi, t'informer que j'étais vivant. Tout aurait du se passer de cette façon.
- Mais ? Hésitai-je en avalant ma salive.
Il me regarda en fronçant les sourcils, puis apaisa ses traits et me sourit d'une façon étrange et non sherlockienne.
- Mais rien du tout. Ce ne sont que de simples constatations. Le reste, tu le vois comme quiconque, je suis à présent devant toi. Répondit-il simplement
Pour une obscure raison, j'étais persuadé que ce n'était pas ce qu'il voulait dire au premier abord.
- Je parlais plutôt de la raison qui t'avais poussé à revenir, insistai-je.
Il pinça ses lèvres, recula et ferma sa porte. J'entendis un grabuge pas possible. Je frappai à sa porte, lui demandant si tout allait bien -une fois de plus- et celle-ci s'ouvrit quelques secondes plus tard pour laisser place à un Sherlock qui avait changé de tenue, préférant une tenue de soirée.
- Qu'est ce que-
- Sortons prendre l'air, ordonna-t-il.
- A cette heure-ci ? M'étonnai-je en regardant le cadran de la cuisine qui affichait vingt heures passées.
- On peut aller manger quelque part, si tu veux, répliqua-t-il en prenant ses clés posées sur le bureau du salon.
En entendant le bruit des clés, le chien, qui était resté calmement allongé sur le canapé depuis l'incident avec Mycroft se redressa et couru vers nous en remuant la queue et en gémissant, ce qui me fit sourire tendrement.
- Tu connais un restaurant qui accepte les chiens ? Ricanai-je. A moins que la réponse soit oui, nous allons devoir sortir la bête avant d'envisager d'aller autre part, rajoutai-je.
- Hm, se contenta-t-il de répondre en hochant la tête.
- Je ne comprends pas tellement tes changements de comportement depuis hier soir, admis-je.
Sherlock, tenant la laisse du chien dans sa main droite ne réagit pas et regardait le sol avec obstination. J'avais senti que quelque chose le gênait depuis tout à l'heure. Depuis ce semblant de dispute que nous avions eu, Sherlock ne se conduisait plus du tout de la même façon et je n'arrivais pas à comprendre pourquoi. Nous nous étions déjà disputés auparavant, ce n'était pas nouveau. Au bout d'une heure, chacun de nous cessait de bouder et on faisait en général comme si rien ne s'était passé. Que s'était-il passé lors de cette dispute qui puisse mettre Sherlock Holmes dans un état pareil ? Je me repassai ce qui s'était passé et tentai d'y songer.
- Tu t'es finalement décidé ? Demanda-t-il d'une traite en changeant de sujet.
- De quoi tu parles ?
- Pour savoir si tu restais ici ou si tu retournais chez Mme Morstan.
- Mary, Sherlock, Mary. Comment diable peux-tu être au courant de ça ?
Je le vis ouvrir la bouche afin de répliquer que c'était évident et me citer tous les signes qui le laissaient dire ça, et je le fis taire d'une main, lui disant de laisser tomber.
- J'avais oublié à quel point c'était agaçant de t'avoir comme colocataire, soufflai-je.
Rien de particulier. Rien de nouveau. Sherlock savait déjà à quel point il pouvait m'agacer de temps en temps même s'il est vrai que je ne lui avais jamais réellement dit, et en tout cas, pas de cette façon. C'était ça alors ?
- J'avais oublié à quel point c'était agaçant de t'avoir comme colocataire, soufflai-je.
Cette petite phrase ? C'était ça qui le troublait autant ? Il fallait tâcher d'analyser ceci de façon Sherlockienne. Oublié, oui, car nous ne nous sommes pas vus pendant trois ans. En trois ans on oublie facilement les habitudes des autres et Sherlock avait des habitudes plus ou moins invivables, ce qui ne m'empêchait pas de rester avec lui... agaçant, eh bien... Là encore, rien de vraiment nouveau sous le soleil.
- Désolé de ne pas être le colocataire idéal, coupa la voix grave de mon meilleur ami, me sortant de mes réflexions. Mary devait sans doute être beaucoup plus facile à vivre. D'ailleurs elle était meilleure que moi dans presque tout, si j'ai bien compris ? Moi, en mieux. Je comprends que tu sois à ce point déçu de retomber dans du bas de gamme.
Sa voix ne faisait paraître aucune émotion, mais je compris à ses yeux que Sherlock était triste. Ce n'était pas la dispute, pas vraiment. Il avait donc lu cet article là... Celui où j'évoquais Mary, et sa ressemblance frappante avec lui. Etait-ce pour cela qu'il avait insisté pour que nous en parlions plus tôt ? Il avait alors vu à quel point cela me gênait. Avait-il compris les choses de travers ? Croyait-il sincèrement qu'il n'était qu'un second choix ? Un choix par dépit ? Je ne savais pas quoi lui répondre qui puisse le convaincre du contraire. Je me mis à l'observer mais m'arrêtai aussitôt. La simple vue du visage de Sherlock triste me déchirait. Je devais dire quelque chose... Mais quoi ?
- Il faut croire que le temps où j'admirais ton intelligence est terminé, plaisantai-je pour lui faire comprendre à quel point il était idiot de penser ça.
- Pourquoi continuer quand tu sais qu'il y a tellement plus fascinant et mieux que moi, effectivement, dit sa voix froide et... brisée ?
Il comprenait décidément tout de travers ! A moins que je ne sois pas fichue de lui expliquer correctement pourquoi j'avais dit ça.
- Tu...Sherlock...
- Inutile de te justifier. Je comprends... Enfin j'essaye. Si tu veux, je ne t'embêterai plus.
Sa réponse me figea et je me stoppai, le laissant partir devant avec le chien, ne sachant plus quoi faire, comment réagir... L'impulsion agit d'elle-même. Je me précipitai vers lui, lui serrai le poignet et, sans lui laisser le temps de faire quoique ce soit, je l'emmenai dans une galerie sombre où personne ne pourrait nous voir et le poussai vers le mûr avec toute la force dont j'étais capable - je le vis d'ailleurs retenir un hoquet de douleur - . Il ne fit rien pour m'arrêter, attendant mon explication et plantant ses prunelles dans les miennes, mais une fois de plus, sans réelle émotion dans le regard. Je ne supportais plus cela ! Pourquoi ne disait-il pas ce qu'il ressentait ? Pourquoi devais-je toujours décrypter ses sentiments à travers les phrases dénuées d'émotions qu'il me balançait tout le temps ?!
- Tu crois ... As-tu ... Comment as-tu pu croire, ne serait-ce qu'une seule seconde, que quiconque sur cette maudite planète pourrait t'égaler, te surpasser et te remplacer ? Criai-je avec colère.
Il ne répondit rien, n'esquissa pas le moindre geste. Cependant je pus voir que la noirceur de son regard s'était légèrement défait et qu'une petite étincelle venait de prendre vie dans ses pupilles, ce qui m'encouragea à continuer.
- Tu, commençai-je en le pointant du doigt. Tu n'as... aucune idée, vraiment aucune...Tu ne sais rien de ce que j'ai pu endurer durant ces trois ans ! RIEN DU TOUT ! Tu... Tu m'as tué de l'intérieur, Sherlock ! - Je vis ses sourcils se tordre en entendant cela - La seule chose qui m'a permis de ne pas devenir fou, c'était de penser que quelque part, tu n'étais pas mort, que tu pouvais encore vivre à travers moi, à travers les souvenirs que j'avais de nous ! C'est pour cela que Mary me faisait me sentir bien ! Elle me rappelait toi ! Je..., déglutis-je. Je suis un monstre ! Je ne l'ai jamais aimée pour elle, je ne l'ai aimé que parce que je pouvais t'ai...t'atteindre à travers elle ! Me rattrapai-je, chassant cette idée de ma tête aussitôt.
Il ne disait rien et son silence me rendait fou. Je laissai tomber mes bras le long de mon corps et fermai les yeux pour ne plus voir les siens, pour oublier sa présence. Je venais de l'avouer, c'était fait. Je fus heureux que Mary n'ait jamais eu à voir ni à entendre ça. J'étais un salaud, un crétin, une ordure... Pourquoi ne m'avait-elle pas quitté ? Comment avait-elle pu m'aimer aussi tendrement, avec autant d'énergie lorsque je ne lui rendais que de pâles souvenirs nostalgiques de mon bonheur à moi ?
J'entendis le chien à côté de nous deux gémir en nous regardant à tour de rôle. Je n'arrivais même plus à sourire. J'étais soudainement très fatigué, toutes ces sensations me submergeaient. Sherlock, Mary...Mary, Sherlock...J'étais perdu, je n'aurais pas du... je n'aurais pas... Mes jambes se dérobèrent sous mon poids et la dernière chose que je vis fut le regard affolé de Sherlock qui se précipitait vers moi en criant mon nom.
Alors ? Vos impressions ? :) Je veux tout savoir !
