Disclaimer : Seraph of the end appartient à ses auteurs. Bon en vrai j'ai oublié leur nom, mais c'est pas à moi. :D
Genre : Euh, truc de vampire. Lol. Disons... romance... et... *regarde la liste* mmmh... y a pas la catégorie gay ? Ok, allons-y pour supernatural. Car why not.
Rating : T, haha, t'as cru je mettais des scènes de piscine à boule toi
Note : CADEAU POUR RIN-BLACKRABBIT MY PRECIOUS WAIFU et kouhai ✿. La plus belle des familles est la nôtre, même si on a pas de gay subtext. Et qu'on va pas mourrir assassinés par des vampires argh je souffre. Une fanfic pour toi car tu le mérites (et pas du tout parce que j'étais trop inspirée pour un OS non non), sur un de tes nombreux OTP qui n'ont pas assez de fic car tu le mérites.
Bref, joyeux Noël en retard ! Ilu
Note 2 : Univers Alternatif !
Note 3 : Je ne savais pas que c'était aussi cool d'écrire sur ce pairing et maintenant je suis tombée dans l'Enfer du MikaYuu... sauvez-moi. Comme je ne sais pas me limiter à un OS, voici donc une supeeerbe nouvelle fanfic, pleine de rats et de souterrains glauques. Aussi y a des vampires. Spoiler alert mdr
Note 4 : plein de trucs inspirés directo de Seraph of the End (no joke) mais aussi quelques autres de la stratégie de l'ombre (j'ai pas fait exprès... c'est à cause de le trip sur la famille qu'est-ce que vous vouliez que j'y pense pas *pleure*)). Et la basse-ville ressemble dans ma tête à la basse-ville de Rabanastre dans FFXII, en plus sombre, glauque, et avec des gens habillés. Et encore plus de pauvres. BREF c'était l'intro chiante, en avant les studios !
Il faisait humide et froid, comme d'habitude les jours de pluie. L'eau récoltée dans les rigoles de la cité suintait des murs de la basse-ville et alourdissait l'atmosphère déjà désagréable qui montait des égouts.
Les gens d'en haut aimaient sans doute la pluie. Ça sentait bon, par là-bas. Ici, ça sentait la moisissure et la vermine ; un vieil homme avait dit un jour que c'était à ça que ressemblait l'odeur du désespoir et, pour autant que Yuu en sache, c'était vrai.
Des gouttes tombaient du plafond pour s'écraser sur le sol déjà couvert de petites flaques sales. La moitié des dalles qui formaient la petite allée où il s'était arrêté étaient brisées, et l'eau en profitait pour s'incruster dans chaque fissure, dévorant peu à peu les chemins de fortune installées par les premiers gens d'en bas, quelques années plus tôt. Voilà pourquoi les gens d'en bas détestaient la pluie ; parce qu'elle leur rappelait où ils n'étaient pas, où ils resteraient sans doute.
Une fois en bas, on ne remonte plus. C'est comme ça.
C'était la première chose qu'on apprenait, quand on vivait ici, et Yuu y pensait chaque fois qu'il voyait de nouvelles traînées moisies sur les murs, chaque fois qu'il chopait sur un morceau de dalle cassée, chaque fois que les grilles des escaliers qui menaient en haut s'ouvraient sur les pieds bottés des chasseurs de tête.
Certains murmuraient qu'on pouvait s'en sortir, parfois, si l'un d'eux vous trouvait assez fort pour vous emmener dans les camps d'entraînement, si vous prouviez votre valeur à leurs yeux, si vous aviez le visage suffisamment agréable pour que son exotisme et sa crasse n'effraie pas les haut-citoyens.
Les gamins assez vieux pour le savoir se réunissaient en bandes et investissaient les maisons abandonnées ou habitées par des gens trop isolés et faibles afin de s'y installer ensuite. Les plus petits dormaient les uns sur les autres, profitant de la compagnie pour ne pas mourir de froid. Les plus grands gravaient des signes sur les portes pour annoncer au tout-venant que la bâtisse avait désormais un caractère de Quartier Général. Mais les gens d'en bas s'en fichaient ; ils ne les regardaient pas.
Les chefs de bande, une fois installés, cherchaient d'autres enfants, d'abord quelques uns, puis de plus en plus, et leur territoire s'agrandissait encore et encore jusqu'à ce qu'une autre bande s'en approprie le terrain, se batte contre leurs petits frères et leurs petites sœurs, détruisent les panneaux et drapeaux qui apparaissaient inévitablement à l'émergence de chaque nouvelle famille – c'est comme ça qu'ils se nommaient, entre eux, comme si les liens créés là-bas avaient l'importance des liens du sang, comme s'il était préférable de remplacer les parents perdus par des adolescents agressifs et dénués de la moindre compassion.
Yuu n'avait pas de famille, lui, plus depuis longtemps. Il avait tenté de rejoindre ces agglomérats de garçons et filles, quelques mois plus tôt, mais la famille qui s'était installée dans le coin l'avait renvoyé sur les dalles humides d'un coup de pied, parce qu'il n'avait rien à offrir, qu'il était trop petit et trop faible, qu'il ne leur apporterait que des ennuis – personne, ici, n'avait besoin d'un poids mort, aussi petit et discret fut-il.
Il essayait de s'entraîner tout seul, parfois, poursuivant des rats aux yeux noirs dans les profondeurs sombres des égouts, mais il finissait fatigué si vite que, lorsqu'il rampait dans les eaux usées pour retourner dans la basse-ville, c'était les rats qui lui couraient après, mordillant ses cheveux ou ses vêtements, courant sur son dos en couinant dans le noir.
Yuu n'avait pas peur des rats, bien sûr, pas plus que les rats n'avaient peur de lui.
Un jour, alors qu'il avait sept ou huit ans, l'un d'eux lui ramena un vieux tuyau rouillé, et il s'en servit pour combattre des ennemis invisibles, bien trop forts pour lui, qui le laissaient souvent éreinté et rompu, les mains sur les cuisses tandis qu'il cherchait tant bien que mal à reprendre son souffle.
D'autres enfants – d'autres exclus – le virent faire et bientôt on troquait les morceaux de tuyaux contre des biscuits humides, contre des petites billes fissurées et colorées, aussi, que les gamins s'échangeaient dès que les lumières baissaient jusqu'à plonger les souterrains dans une nuit sans étoiles. Bientôt les plus grands les arrachaient des mains des petits et s'en servaient pour faire respecter les règles, assénant des coups secs dans le dos des gosses crasseux qui traînaient dans leurs pieds, brisant les jambes trop fines des éclaireurs étrangers, les crânes fragiles des chefs de familles opposées aux leur.
Il y avait un gamin, pas loin, qui avait enfoncé son tuyau dans le ventre de son père, puis il était monté sur le trône pour devenir le protecteur de ses anciens frères et sœurs. Le père déchu n'était pas mort tout de suite ; le nouveau l'avait gardé près de lui pour montrer à tous les grands qui sentaient l'opportunité d'agrandir leur territoire ce qu'on faisait à ceux qui y empiétaient sans permission.
Mais les grands n'eurent pas à faire un seul geste pour faire tomber la famille ainsi recréée. Par une étrange ironie du sort, le blessé attrapa une infection inconnue qu'il transmit à tous ceux qui lui tournaient encore autour, frères, sœurs, enfants et nouveau chef compris, et la famille tomba en cendres en quelques semaines seulement.
On se méfiait de la zone, depuis, et le quartier général finit barré des lignes blanches des zones contaminées.
Yuu n'y était jamais entré – il ne voulait pas mourir, non plus – mais il s'était installé dans un coin pas très éloigné pour être sûr que les autres bandes le laissent tranquille ; quand on l'approchait trop, il mimait un air malade et gargouillait affreusement jusqu'à ce qu'on s'enfuie par peur des maladies qu'il transportait sûrement.
Plutôt rester au milieu des rats et de la vermine que d'attendre sur la place centrale qu'un chasseur le tire de la misère et l'envoie vivre dans le faste et le luxe des familles des haut-citoyens. Les gens d'en haut n'accordaient jamais un regard aux gens d'en bas, et Yuu n'était déjà plus suffisamment naïf pour croire que les enfants qu'ils sortaient du trou étaient adoptés comme héritiers.
Une flaque d'eau non loin de lui grandissait petit à petit, menaçant de tremper ses vêtements déjà en mauvais état. Il la contempla un long moment, les yeux perdus dans le vague. Combien de temps faudrait-il qu'il pleuve pour que la totalité des habitants de la basse-ville soit obligée de marcher dans l'eau ?
Il n'en savait rien, mais tant qu'il n'y serait pas obligé, il n'était pas question qu'il attende simplement qu'elle vienne à lui.
Il se leva donc, cacha son tuyau derrière une pierre qui s'était détachée du plafond un paquet d'années années plus tôt et partit pour le vieux marché, là où les vendeurs à la sauvette échangeaient des produits de première nécessité contre quelques pièces de cuivre, où les adolescents exhibaient les butins qu'ils ramassaient lors d'expéditions dangereuses au cœur du système d'épuration des eaux, où les adultes se vantaient de leurs exploits et des voleurs à la tire dont ils avaient débarrassé la communauté. Il y avait pas mal de mendiants, là-bas aussi, mais les habitants étaient trop pauvres pour leur venir en aide, gardaient trop précieusement le peu qu'ils avaient déjà. Les chasseurs cédaient parfois une miche de pain ou l'autre, lorsqu'ils étaient de bonne humeur, mais ça restait relativement rare. Yuu se demandait ce qu'ils attendaient, parfois, pourquoi ils gardaient encore l'espoir que quelqu'un fasse preuve de suffisamment de générosité pour les sortir de la misère. Puis il réalisa qu'ils étaient simplement comme tout le monde ; ils regardaient le ciel en espérant pouvoir voler mais ne sautaient des toits de la ville que pour s'écraser sur les dallages propres des allées ensoleillée de la cité.
Yuu, par chance, n'était pas un mendiant. Il n'avait pas de famille, donc personne pour survenir à ses besoins, mais il restait un enfant, et les enfants, s'ils succombaient vite au froid et à la maladie, n'étaient pas si facilement terrassés par la faim, et pour cause : non loin de l'escalier qui menait à la rue commerçante de la veille ville, quelques haut-citoyens âgés venaient distribuer la soupe à ceux qui ne la trouvaient pas ailleurs, les quelques orphelins qu'ils connaissaient déjà, enregistrant les visages et ébouriffant les cheveux sales des miséreux qui leur passaient sous la main. Ils étaient trois ou quatre et se succédaient le midi et le soir, tendant un morceau de pain frais à leurs enfants préférés avec un petit sourire de pitié sur les lèvres. Les vieux d'en haut, disaient ceux qui n'avaient pas la chance de profiter de leur présence, étouffaient leur culpabilité en nourrissant ceux qui n'existaient que parce qu'ils refusaient de les sortir de leur crasse ; comment rester riche, sans pauvre sur qui marcher ?
Il y avait déjà une sacrée file, devant le petit étal, quand Yuu l'atteignit enfin. Il connaissait la plupart de leurs visages mais n'avait parlé avec aucun d'entre eux. C'était une règle tacite, ici ; créer des liens revenait à se créer des ennemis, et si chacun voulait recevoir la part lui étant attribuée, mieux valait faire profil bas et rester silencieux.
Il lui fallut quelques minutes pour remarquer que quelque chose était différent de l'ordinaire. Les bénévoles, tout comme les enfants, étaient étrangement calmes, pour une fois. Un peu trop, à dire vrai.
Il ne mit pas longtemps à comprendre pourquoi. À l'avant de la file, deux soldats lourdement armés surveillaient leurs moindres faits et gestes, le visage caché sous de lourd casques opaques. Il fallut près d'un quart d'heure à Yuu pour arriver jusqu'à eux.
Il les vit attraper le visage des enfants devant lui avant de les autoriser à avancer plus loin. Son estomac se contracta aussitôt. Que voulaient-ils savoir ? Étaient-ils à la recherche des signes d'une infection ? Si un virus se répandait dans la basse-ville, il aurait bien du mal à y échapper. Il se gratta le bras avec nervosité.
L'homme de droite lui fit signe d'avancer pour l'arrêter ensuite d'un simple geste de la main. Comme pour les autres, il l'attrapa par le menton, analysa son visage et son cou avant de le forcer à ouvrir la bouche pour observer ses dent. Enfin, il secoua la tête à l'adresse de son collègue pour repousser Yuu devant la haute-citoyenne du jour.
— Ah, Yuichiro ! s'écria la vieille dame en le reconnaissant. Ce que tu es mignon !
Elle lui faisait toujours la même remarque, et il lui souriait toujours du mieux qu'il le pouvait en attendant qu'elle lui serve enfin la soupe épaisse qui fumait derrière elle. De ce qu'il en savait, il était son orphelin préféré ; elle ne se privait pas de le lui dire lorsqu'elle était sûre de ne pas être entendue, et elle le gratifiait souvent d'un peu de nourriture en plus avec un petit clin d'œil. Pour être franc, elle le mettait assez mal à l'aise ; il n'en montrait rien, néanmoins, car il avait tout à gagner à rester dans ses petits papiers, aussi excentrique fut-elle.
— Quel cinéma ils font, lui confia-t-elle en se penchant un peu. Ils sont partout en ville, c'est une horreur.
Il pencha un peu la tête – les adultes adoraient ça.
— Qu'est-ce qu'ils font ? demanda-t-il de sa voix la plus aiguë.
— Un convoi est venue de l'ouest il y a quelques temps. D'après ce qu'on dit, il était plein de vampires.
Puis elle gloussa.
— Mais ne t'en fais pas, mon bébé, la moitié des chasseurs de la ville sont déjà à leurs trousses, et ce ne sont pas trois ou quatre vampires qui vont leur faire peur. Ils ne risquent pas de venir vous embêter, ça non !
Puis elle lui tendit un bol en carton et il fila pour laisser la place au suivant.
À travers les hauts couloirs qui menaient à la maison contaminée, il sautait par-dessus les flaques, perdu dans ses pensées.
Des vampires venus de l'ouest, avait dit la vieille. Pas étonnant qu'on ait regardé ses dents et son cou ; les garde-mangers étaient considérés comme la pire des abjections et finissaient le plus souvent condamnés pour traîtrise et envoyés dans les prisons morbides de la ville voisine. Les vampires, eux, étaient purement et simplement exécutés, sur place ou en public quand on en avait l'occasion. On l'avait rarement, bien entendu. Leur capture était loin d'être chose aisée.
Des vampires !
Il fut parcouru d'un frisson d'angoisse. Depuis toujours, ces créatures hantaient l'imaginaire des enfants d'en bas comme d'en haut ; ils terrifiaient autant qu'ils fascinaient, et il n'était pas difficile de les imaginer errer dans les rues la nuit à la recherche d'une victime innocente à vider de son sang.
Mais les vampires, jusqu'alors, n'avaient été rien d'autre que des histoires ramenées de pays lointains par des voyageurs qui s'arrêtaient pour quelques jours. Rien d'autre que des légendes pour effrayer les gamins.
Et il y en avait juste au-dessus d'eux, à présent, si seulement les rumeurs étaient vraies. C'était les plus grands qui allaient être heureux ; les vampires étaient autrement plus coriaces que les petits criminels qui pullulaient dans la basse-ville, et ramener leur tête vaudrait sans aucun doute un aller simple pour les camps d'entraînement des armées impériales ou des clans de chasseurs installés à la surface.
Il se laissa tomber sur les pierres effondrées, reprit son tuyau avec lequel il joua pendant quelques minutes, l'esprit ailleurs. Il était bien trop petit pour espérer vaincre un vampire ; à vrai dire, il avait plutôt le profil d'une victime idéale, jeune comme il l'était.
La vieille femme avait beau dire que les chasseurs les en protégeraient, il savait qu'il n'en serait rien ; ils les traqueraient peut-être dans la ville-haute, les poursuivraient sur la place du marché, mais jamais ils ne s'abaisseraient à s'enfoncer dans les plus sombre recoins de la vieille ville, là où couvaient les maladies les plus virulentes – c'était du moins ce qu'ils se racontaient, mais Yuu n'avait jamais vu de différence avec le reste ; les pustules étaient aussi noires ici que devant l'escalier ou au fond des égouts, et les rats se fichaient bien de savoir l'identité et la classe sociale de ceux qu'ils mordaient. Ils se rendraient encore moins dans les égouts où se cachaient les parias et les fuyards. Si Yuu avait été un vampire, c'est là-bas qu'il se serait abrité.
De toute façon, personne ne se préoccupait du destin des indigents. Les autorités attendraient sans doute que leur population baisse d'elle-même en se frottant les mains.
Convaincu qu'il ne pourrait rien y faire, il retourna à sa place habituelle pour regarder luire les flaques qui s'étendaient autour de lui.
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Il fallut plusieurs semaines pour que les habitants du coin en arrivent à la même conclusion.
On avait retrouvé une dizaine de cadavres exsangues, la veille, et déjà les nettoyeurs les jetaient dans la cheminée qui servait à incinérer les corps avant qu'ils ne propagent quelque infection mortelle. Yuu détestait l'odeur qui s'en dégageait ; il s'en était toujours tenu le plus éloigné possible, mais il ne pouvait guère plus y échapper maintenant qu'il se voyait forcer de le longer pour se rendre à l'entrée des égouts. La ruelle qui y menait quelques semaines plus tôt encore s'était retrouvée interdite d'accès depuis qu'un groupe de jeunes téméraires avait décidé de brûler une petite bâtisse qu'ils estimaient être une cache de vampires ; on n'y avait rien trouvé d'autre, au final, qu'une famille calcinée, et les adolescents avaient depuis disparu de la circulation. Les représailles allaient vite, par ici ; personne ne songea à mener l'enquête.
Lorsque Yuu arriva à l'entrée des égouts, une salle haute et vaste idéale pour l'entraînement, ce fut pour y trouver deux petites bandes manifestement antagonistes se regarder en chien de faïence d'un bout à l'autre de la pièce. L'ambiance était si tendue qu'il se figea avant même d'entrer à l'intérieur ; durant un instant, il songea à faire demi-tour, puis il reconnut le visage de deux enfants isolés, de ceux qui ne s'étaient ralliés à aucune famille et avec qui il avait déjà joué de temps à autres. À bien y regarder, aucun d'entre eux ne semblait se réclamer d'un groupe particulier ; ils étaient très jeunes, plus encore que lui, et se serraient les uns contre les autres derrière le dos d'un garçon un rien plus grand, mais toujours beaucoup plus petit que le plus petit des enfants de la bande d'en face. Des cheveux blonds encerclaient son visage plutôt pâle et, les mains derrière lui, il semblait vouloir protéger les autres mioches du courroux du gamin qui lui faisait face.
— Mon frère, disait ce dernier, a vu ce morveux fouiller dans nos réserves et prendre la bouffe qu'on gardait de côté. Il est venu sur notre territoire, voler nos...
— Menteur ! cria une minuscule fille brune dans le camp des petits.
Le garçon blond ne s'énerva pas ; au contraire, un sourire timide apparut sur ses lèvres tandis qu'il penchait légèrement la tête, exactement comme le faisait Yuu quand il voulait faire plier les adultes ; mais celui-là n'était pas un adulte, c'était un chef de bande, un père de famille. Il en avait trop vu pour se laisser amadouer. Le sort des plus petits que lui ne l'intéressait pas, à moins, bien sûr, que ces petits lui appartiennent déjà.
— Il est jeune, dit doucement le garçon. Il mourrait de faim, c'est tout. Il va tout te rendre – je te donnerai ce que j'ai en plus, et on sera à égalité, non ?
Mauvaise tactique, songea Yuu. Le grand le jaugeait du regard comme pour estimer s'il valait ou non la peine qu'on lui défonce le crâne d'un coup de pied. Yuu pouvait presque entendre ses pensées. Un corps de plus ou de moins, de toute façon. Il n'aurait qu'à le jeter dans la cheminée. Les autres détaleraient comme des lapins dès qu'il ferait preuve d'un peu d'agressivité – c'était ainsi que réagissaient les enfants isolés.
Mais ces enfants-là étaient-ils toujours des enfants isolés ? Il y avait quelque chose, dans leur attitude, un éclat dans leur yeux qui n'y était pas la dernière fois qu'il les avait bien regardé. Leur façon de se serrer les uns contre les autres, aussi, de lever la tête pour regarder les cheveux de leur gardien, non, de leur père ; une confiance aveugle, l'adoration absolue des enfants pour leurs protecteurs, c'était ça, qu'il voyait, désormais. Ils n'étaient pas isolés ; ils s'étaient réunis pour former une nouvelle famille.
Quelqu'un les avait réuni.
Le grand cracha par terre. Il tendit la main derrière lui, et une fillette qui ne devait pas avoir plus de huit ou neuf ans y glissa un tuyau un peu tordu sur le bout.
Tout de suite, le garçon blond s'avança, un peu penché comme pour se rendre plus petit, les mains en avant dans une invitation au calme qui ne serait probablement pas entendue.
— Allez, les gars... c'était juste pour jouer. Je peux vous...
Yuu se mordillait nerveusement le bord des lèvres, convaincu que cette attitude était précisément celle qui le perdrait s'il continuait à s'y accrocher. Les brutes ne comprenaient pas la diplomatie ; la seule façon de leur échapper était de se montrer suffisamment rusé pour enjamber le fossé qui séparait la force du grand de la faiblesse du petit.
Contre toute attente, cependant, le garçon sembla baisser sa garde ; il fronça les sourcils, les doigts toujours serrés sur le tuyau de métal, puis il leva légèrement le menton.
— Très bien, dit-il. Comme tu veux. Mais j'ai des conditions.
L'autre parut soulagé. Yuu secoua inconsciemment la tête. Il n'avait aucune chance. C'était déjà fini ; la brute l'avait pris pour cible et, s'il le laissait s'échapper cette fois, il le tuerait sans faute la prochaine.
— Merci.
— Un : tu me rends tout ce que ce petit crétin a osé nous voler.
— C'est évident. Bien sûr.
Arrête de parler, imbécile ; souligner que ce qu'il dit est évident ne va pas t'aider à t'en tirer entier.
— Deux : je sais que vous cachez plein de couvertures refilées en douce par les vioques, à force de leur lécher le cul à tout va. J'en veux cinq.
— Cinq ? s'exclama un petit. Mais...
Une fillette un peu plus âgée lui fit signe de se taire. Elle était intelligente, Yuu le savait pour l'avoir déjà vue se sortir de situations malaisées. La vie ici était dure, pour les enfants isolés, mais elle l'était plus encore pour les petites filles, surtout lorsqu'elles étaient aussi jolies qu'elles. Encore que certains n'y accordaient pas d'importance. Comment s'appelait-elle, encore ? Akane ?
— D'accord, accepta le garçon.
— Et enfin, trois : je corrige le fautif.
— Quoi ? Mais...
Le grand ricana. Un sourire dérangeant étira ses lèvres. Yuu réalisa qu'il n'avait jamais eu l'intention de faire autre chose ; l'autre gamin refuserait, comme tout bon chef de famille, et la brute aurait une occasion en or de faire démonstration de sa supériorité aux membres de la sienne propre.
Il balançait le tuyau, rendant la scène vaguement angoissante, puis le tendit devant lui.
— Dix coups seulement. J'essayerai d'éviter le crâne, mais je ne peux rien promettre.
— A... attends une seconde. Je le ferai, je...
— Hein ? J'ai pas bien entendu.
— Il est encore petit. C'est presque un bébé. Regarde-le...
— On a trop de bébés par ici, de toute façon. Une bouche de moins à nourrir, ça rendra service à tout le monde, non ? Moins de compétition. Et tu n'auras plus à te démener pour des mioches incapable de tenir debout sur leurs jambes.
Il ricana à nouveau. Yuu serra les poings.
— Enfin, de toute façon, je t'exploserai avant. Dégage !
L'action se déroula si vite que Yuu comprit à peine son déroulement. Les yeux d'Akane croisèrent les siens tandis que le grand levait le tuyau dans les airs, prêt à frapper ; les petits se mirent à hurler ; le gamin qui les protégeait cria un « Attends ! » désespéré alors qu'il tentait vainement de se couvrir la tête de ses bras. Il ne fallut pas une seconde pour que Yuu se retrouve devant lui. Le bruit résultant du contact entre deux tuyaux lui fit mal aux oreilles ; le grand avait mis tant de force dans son coup qu'il sentit ses jambes plier sous le choc. Il l'entendit pousser une exclamation. Il lui fallut mobiliser toute son énergie pour réussir à le faire reculer.
— Tiens, commença-t-il d'un ton sournois, on dirait q...
Yuu ne lui laissa pas le temps de terminer sa phrase. Il connaissait ces genre de type. Il n'avait pas une seule chance de remporter un combat à la loyale ; s'il voulait pouvoir s'échapper, il fallait qu'il fasse front sans même lui laisser le temps de reprendre son souffle.
Gardant cela à l'esprit, il asséna un coup le plus violent possible dans l'épaule de la brute qui, de surprise, lâcha son arme ; le tuyau rebondit au sol mais, avant qu'il n'ait pu le récupérer, Akane s'en empara et profita de la désorganisation dans le camp adverse pour pousser un cri d'alerte qui convainquit enfin les petits de détaler dans les galeries. Sans réfléchir, Yuu les suivit, lui aussi, et bientôt ils s'arrêtèrent dans un coin à l'écart, caché derrière un amas de gravas relativement récent. À bout de souffle, Yuu s'appuya contre le mur. Sa main, qui serrait toujours son vieux tuyau, était rendue poisseuse par la transpiration. Il n'aimait pas beaucoup cette sensation.
— On l'a échappée belle, commenta le garçon blond en vérifiant qu'aucun membre de l'autre bande ne les avait suivi.
Elle était bonne, celle-là ; Yuu s'apprêta à répliquer quelque chose quand le gamin se tourna vers lui, un grand sourire aux lèvres. Il lui prit les mains sans se soucier de leur crasse, et Yuu constata que les siennes étaient étrangement blanches, un peu trop pour quelqu'un qui vivait dans la rue, et aussi lisses que celles des gens d'en haut.
— C'est grâce à toi, dit le garçon. Merci beaucoup. On ne s'en serait jamais sorti sans ton intervention.
Il parlait bien, aussi. Pris au dépourvu par la douceur candide de sa voix, il grommela un « pas de quoi » qui lui tira un nouveau sourire. D'aussi loin qu'il s'en souvienne, c'était la première fois qu'on lui témoignait de la gratitude avec autant de sincérité. Mortifié, il se sentit rougir. Il regarda ailleurs.
— Yuu ! s'exclama Akane en le serrant dans ses bras.
Il se figea. Il la connaissait à peine ; qu'est-ce qu'elle lui voulait ?
— C'est ton nom ? devina l'autre. C'est joli.
Puis il le relâcha pour lui tendre à nouveau la main, de façon plus formelle, cette fois, comme le faisaient les adultes. Un geste étrange, par ici. Enfin, une bizarrerie de plus ou de moins...
— Je m'appelle Mikaela, se présenta-t-il. Et voici ma famille.
Sa famille. Alors c'était bien lui qui les avait réuni ; plutôt étonnant, pour un garçon suffisamment naïf pour tenter la diplomatie avec une brute.
— Mikaela..., répéta Yuu.
Il n'avait jamais entendu ce prénom-là.
— Tu peux m'appeler Mika.
Il pinça les lèvres pour ne pas répondre. Ce gamin avait l'air beaucoup trop gentil. Lui faire confiance serait une erreur.
— Nous sommes la famille Hyakuya, expliqua-t-il en désignant les autres enfants. Nous...
— Une famille ?
Mais ils étaient trop peu nombreux ; Mika et Akane compris, il n'en comptait pas plus de sept. Trop chétifs, aussi, et trop faibles. Comment pouvaient-ils seulement espérer...
Le plus petit d'entre eux, un garçon aux cheveux châtains clair emmêlés, lui tendit une pomme ronde et brillante. Il n'était pas suffisamment idiot pour refuser de la nourriture ainsi offerte. Toujours un peu méfiant, il la lui prit des mains.
Puis il comprit ce qui n'allait pas, avec cette soi-disant famille ; aucun des petits n'avait l'air en mauvaise santé et, plus étrange encore, tous portaient sur le visage un air heureux parfaitement incongru pour la situation dans laquelle ils étaient. Son cœur se serra.
— Merci, murmura-t-il à l'adresse du petit.
Puis Mika se détourna d'eux pour prendre l'autre garçon par les épaules, un petit brun à l'air revêche.
— Kouta, dit-il en se penchant vers lui. C'était vrai, ce qu'ils ont dit ?
Le petit regarda le sol, gêné.
— Ils l'avaient mérité, dit-il d'une voix mal assurée. Ils étaient méchants, et...
Mika lui caressa les cheveux d'une main.
— C'était très dangereux, tu sais. Tu aurais pu te faire très mal.
Il le savait très bien, pensa Yuu. Depuis combien de temps crois-tu qu'il vit ici ?
— Mais, répondit le garçon aussi tremblant que s'il était sur le point de pleurer, ils vendent leur sang aux vampires ! Je les ai vu ! Je voulais juste...
Mika le serra contre lui.
— Je sais. Ce n'est pas grave.
Le petit pleurait.
Il pleurait vraiment. Yuu en resta soufflé. C'était une des règles les plus importantes, pourtant. Ne jamais montrer de faiblesse. On l'apprenait tôt, bien trop tôt, sans doute, mais on ne l'oubliait pas facilement.
Pourtant, Kouta se laissa aller à dévoiler ses peines et ses craintes sur l'épaule d'un garçon trop propre et trop amène, quelqu'un qui avait pris les derniers des petits pour en faire une nouvelle famille, quelqu'un, en somme, à qui on ne devait pas faire confiance.
Yuu eut peur, mais pas assez pour ne pas reconnaître la pointe d'envie qui germait dans son cœur, aussi douloureuse que la faim qui lui prenait le ventre.
Comme s'il avait entendu ses pensées, Mika lui sourit encore, et Yuu sentit qu'il était déjà en train de céder, qu'il commençait à comprendre pourquoi les autres s'étaient réunis autour de ce petit-là.
— On a suffisamment à manger pour partager avec une personne de plus, dit-il. Et suffisamment de place pour accueillir un nouveau lit, même si c'est un peu optimiste d'appeler ça comme ça. Je n'ai pas de territoire à offrir, et je sais que ce n'est pas grand chose, mais... tu veux faire partie de notre famille ?
Yuu resta interdit. Six paires d'yeux lui adressèrent un regard plein d'espoir. Il déglutit.
— Je ne...
Puis sa main se resserra sur la pomme, et il pensa à toutes les familles qu'il avait déjà vues, celle de la brute qu'il avait frappé quelques minutes plus tôt à peine, celle dont on avait renversé le chef d'un coup de tuyau dans le ventre ; il pensa à la fatigue et à la peur qui se lisaient constamment dans leurs regards, qu'on lisait peut-être dans le sien, puis regarda les sourires qui ornaient les visages de cette famille-ci, la confiance qui semblait y régner. Il observa Mika, ses grands yeux pétillants, sa main tendue à nouveau.
Alors il acquiesça en silence, un peu étourdi, et manqua de s'écrouler quand les autres enfants se jetèrent sur lui pour le serrer dans leurs bras.
— Bienvenue, Yuu Hyakuya, dit Mika en riant. Je crois qu'ils t'ont déjà adopté.
Et Yuu, le cœur battant, su qu'ils n'étaient pas les seuls.
Hé regarde Rin, une happy end. Bon c'est pas la fin OK mais... voilà, avec tout mon amour. 8D
J'espère que ça vous a plu. Et que ça vous a donné envie. Et que vous resterez pour la suite. Et que vous aimerez bien la suite, aussi. Hum voilà :3
N'oubliez pas ; j'ai dressé une meute de rat à répondre aux reviews que vous me laisserez même après ma mort. N'hésitez pas à en laisser une si vous avez bien aimé ! C'est toujours chouette à recevoir, et c'est une source de motivation non négligeable pour les auteurs feignasses comme moi. :D Gros kiss.
