Prologue

Comment en étais-je venue à quitter Phoenix la lumineuse et l'ensoleillée pour venir passer une partie de mon été à Forks?

C'était une très bonne question à laquelle je n'avais pas encore toutes les réponses, hélas.

Mon psy avait parlé de travail en équipe bénéfique à la confiance que j'accordais aux autres, de regain d'assurance en moi-même, de revalorisation de mon estime personnelle. Et m'avait ensuite mit dans la main les brochures de recrutement de Top Vacances.

J'avais d'abord rigolé. Animatrice de colo ? Moi ? Non, mais il m'avait bien regardée ? Bella la névrosée en colonie de vacances ?

Confier des enfants à la fille qui ne savait même pas s'occuper correctement d'elle, c'était juste à hurler de rire. Il m'avait jaugée par-dessus ses petites lunettes en écailles, m'avait demandé d'arrêter de me sous-estimer et d'y réfléchir, puis m'avait foutu à la porte, la fin de la séance avait sonné.

Dans un premier temps, j'avais abandonné les brochures sur la table basse du salon sans même les regarder. Elles avaient passé un mois à me narguer de leurs couleurs pétillantes et leurs slogans soi-disant aguicheurs. Puis, j'avais cédé.

Oh, je sais. J'étais faible. C'était couru d'avance qu'elles allaient gagner, surtout que mon psy les encourageaient à chaque séance.

J'avais rempli les papiers d'inscriptions, rédigé une lettre de motivation, noté mes qualifications, décrit le genre d'activités que je pouvais mener, spécifié si j'avais des problèmes de santé ou des allergies, fourni mon certificat de bonne vie et moeurs, précisé dans quel camp je préférai être envoyée.

Oui, j'avais fait tout ça ! Mon implication dans cette histoire me surprenait moi-même. J'avais l'impression de ne pas en avoir fait autant lorsque je m'étais inscrite à la faculté. Le psy avait salué mes efforts et m'avait un peu foutu la paix. Ce job commençait déjà à m'être bénéfique.

Deux mois et un entretien téléphonique plus tard, nous nous retrouvions mon sac à dos, mon camion et moi à Forks, ma ville natale, pour vingt jours de colonie.

J'allais passer mon été avec onze autres filles et garçons plus un chef de colo, un infirmier et une équipe de cuisine, vivre avec eux, parler avec eux, travailler avec eux. Arrivée là, je maudissais ma naïveté et mon psy : je n'y arriverai jamais. Partager l'intimité de vingt autres personnes était au-dessus de mes forces.

- Hey, salut, s'exclama une petite noirette taillée comme une ballerine alors que je descendais de mon camion. Moi c'est Alice. Tu dois être Bella ?

Je serrai nerveusement la main qu'elle me tendait.

- Oui, c'est moi. Je suis en retard ? Tout le monde est déjà là ?

Avec ma vaine, j'avais certainement mal lu les instructions.

- Non, pas de panique ! Je sais qui tu es parce que tu es la seule nouvelle dans l'équipe. Je fais cette colo depuis des siècles et tout le monde se connaît.

OK. SUPER ! Ils se connaissaient tous ! C'était juste absolument gé-nial ! Ca remontait la barre encore plus haut pour l'asociale que j'étais : s'insérer dans un groupe déjà formé. Youpi !

- Mais ne t'inquiète pas, tout le monde est très sympa, ajouta-t-elle en me voyant blanchir.

- Je n'ai vraiment pas l'habitude de tout ça, avouai-je.

Avouer ses angoisses et ses difficultés. Mon psy disait que ça faisait partie du processus. J'étais une brave fille.

- Il faut une première fois à tout, s'exclama-t-elle en souriant. Tu veux que je t'aide à porter tes sacs?

Cette fille débordait d'énergie, j'étais presque épuisée de la voir sourire et gigoter perpétuellement.

- Oh, merci. Ca serait sympa si tu pouvais prendre mon petit sac, dis-je en descendant ma grosse valise du plateau de ma Chevrolet.

- Je vais te montrer notre bungalow, on loge ensemble...

- Ok, répondis-je en cachant mon embarras.

Tu t'attendais à quoi, Bella ? A une chambre particulière ? Tu es en colonie de vacances, pas au Club Med.

Elle m'emmena dans un petit bungalow vétuste, mais propre. Deux lits s'y trouvaient séparés par une unique table de nuit. Il y avait également un coin avec un évier et un miroir, puis une garde robe un peu bancale.

- C'est pas le top, mais j'ai vu pire, tempéra Alice alors que je posai mon regard sur la chambre.

- Non, c'est très bien... Je m'attendais à pire...

Je n'aurai aucune intimité durant presque trois semaines, mais je pouvais faire avec. Non ?

- Le seul problème c'est les douches...

- Ah ?

- Collectives, grimaça-t-elle. C'est un peu gênant au début mais on s'y fait...

- Quoi ? Comme à la piscine municipale ?

- Ouais, pas de cabines... Juste une grande douche...

- Super...

Ca c'était vraiment l'horreur. Il n'était pas question que je sois nue devant quelqu'un d'autre. Pas même une autre fille. J'allais devoir trouver une astuce et vite, quitte à ne pas me laver pendant vingt jours.

Je laissai tomber mes sacs sur le sol et soupirai.

- Tu rangeras tout ça plus tard, je pense que Peter et Charlotte viennent d'arriver. Je vais te présenter à l'équipe.

- OK, dis-je alors que mes mains devenaient moites.

J'appréhendai vraiment ce moment. Et si ils ne voulaient pas de moi ? Si finalement je ne correspondais pas à ce qu'on attendait d'une animatrice ?

Nous passâmes devant d'autres petits bungalows, puis devant un bloc de sanitaires, ensuite un grand terrain de sport, et d'autres bungalows plus grands, enfin le réfectoire, pour pénétrer dans un énième bungalow devant lequel un écriteau annonçait « Local des animateurs, frappez avant d'oser espérer rentrer ».

Mais Alice ne s'en formalisa pas et rentra franc battant dans le chalet.

- Hi everybody, s'exclama-t-elle en passant la porte.

- Alice on sait que tu viens de passer un an à Paris et que tu as du mal à t'en remettre, mais parle une langue que tout le monde pige, je t'en prie, s'exclama un imposant garçon brun alors que je passai la porte à mon tour.

- Cool, Emmett.

La pièce était pleine de monde et chacun se tassait dans son petit coin, si bien que je dû me glisser entre Alice et une épaule inconnue pour pouvoir y tenir.

- Tout le monde, voici Bella qui arrive de Phoenix.

- Salut, murmurai-je en levant à peine les yeux sur tous les visages tournés vers moi.

- Bella, le rabat-joie que tu vois là, c'est Emmett mon frère.

Le garçon me fit un sourire avenant qui prouvait qu'il n'était pas du tout un rabat-joie, mais plutôt un boute-en-train.

- A côté, c'est Peter, qui anime avec lui les garçons entre 6 et 9 ans. Il vient de Chicago. A sa droite, Charlotte, sa chère et tendre.

Peter semblait du genre calme et réservé, tandis que Charlotte était excentrique et déjantée, du moins vestimentairement parlant.

- Salut Bella, s'exclama joyeusement Charlotte alors que Peter m'adressait un petit signe de tête.

- Ensuite, voilà Angela s'occupera de la section des filles entre 6 et 9 ans avec Charlotte. Mike et Ben qui ont la charge des garçons entre 9 et 12 ans, ajouta-t-elle en désignant un garçon aux cheveux blonds et trop longs qui abordait un sourire de playboy qui me déplut et un autre jeune homme brun et très grand.

- Salut, répétai-je timidement alors qu'ils m'adressaient de grands sourires.

- Lauren et Jessica, qui animent ensemble les filles de 9 à 12 ans...

Le ton d'Alice était plus froid et moins enjoué et je compris qu'elle ne portait pas les filles en grande estime. Je me demandai d'ailleurs ce que ce genre de filles venait faire ici. Elles avaient l'air plutôt hautaines et superficielles, pas le genre de nanas qu'on s'attend à trouver dans une colo.

- Et enfin...

- Le meilleur pour la fin, plaisanta un très grand garçon aux cheveux blonds et bouclés qui abordait un air léonin.

- Désolé, c'est moi le dernier Jasper, plaisanta le garçon juste à côté de moi.

- OK. Pas de jaloux, je fais une présentation groupée, conclu Alice. Juste à ta droite, Edward, mon frère, et Jasper son meilleur ami ainsi que le petit frère de Peter.

- Elle m'a gardé pour la fin, remarqua Jasper avec un petit coup de coude dans les côtes d'Edward.

- J'ai toujours su que ma soeur en pinçait pour toi, mais là n'est pas le problème. Sois poli et dis bonjour à la dame, le taquina Edward.

Le jeune homme dont je n'avais pas encore vu le visage se tourna alors vers moi et me tendit la main.

Mon coeur rata un battement, de un parce que sa paume était ouverte et tendue vers moi et que j'évitais toujours les contacts physiques quand je le pouvais et de deux parce que son visage était simplement bouleversant.

Deux yeux verts aux fonds des quels brillaient une lueur taquine et douce, une bouche rosée et masculine tordue en un petit sourire en coin, un nez droit et parfait, une peau diaphane légèrement rougie par un coup de soleil récent, et illuminée par l'éclat de ses cheveux cuivrés et désordonnés.

Juste exactement le genre de mec pour lequel je craquerais si ma situation était différente.

Je pris sa main et il la serra brièvement, remarquant qu'il me mettait mal à l'aise, puis détourna son regard.

- Ne fais pas attention à ces deux là, me prévint Charlotte. Ils sont infernaux quand ils sont ensemble.

- Le problème, c'est qu'ils sont toujours ensemble, railla Emmett.

- Edward et Jasper s'occupent de la section des 12-15 ans, m'expliqua Alice. Ne t'étonne pas de voir des trucs aussi déjantés de que des courses relais en caddies de supermarché ou pire...

- OK, je fermerai les yeux si ça me semble trop loufoque, murmurai-je.

- Je proteste cette activité était super on nous la redemande tous les ans d'ailleurs, s'exclama Jasper.

- Oui, mais Esmé l'a interdite depuis que le petit Tobby Walton s'est cassé le pouce, rappella Ben.

Ils soupirèrent comme s'ils se remémoraient chacun une bonne blague.

- Une vraie mauviette, ce gosse, soupira Edward.

- Nous on animera ensemble, les filles de 12 à 15 ans, dit Alice pour terminer son petit speech. J'espère que t'es bien accrochée parce que ce ne sont pas les plus faciles...

Je lui fis une petite grimace qui signifiait que j'en doutais quelque peu, mais elle m'offrit un sourire rassurant.

- Je ferai de mon mieux...

Oui, c'est vraiment ce que j'allais devoir faire. Et les jeunes n'étaient pas mon principal souci, ce qui m'angoissait le plus c'était que j'allais devoir interagir de manière constructive et positive avec chacune des personnes présentes dans cette pièce. Ce n'était vraiment pas une mince affaire pour moi. Ils avaient l'air tous si soudés, si liés, est-ce que j'allais réussir à m'y faire ma place ?

- Salut les jeunes, s'exclama une voix grave et masculine.

On se poussa et deux nouvelles personnes entrèrent.

Dieu, je n'avais pas encore rencontré tout le monde. Est-ce que j'allais vraiment réussir à m'y faire ? La vie en communauté et moi...

Fin du prologue

OK. Je suis en blocus et je ne devrai pas écrire. Mais c'est comme ça, je ne peux pas m'en empêcher. Alors voilà ce prologue, début de mon nouveau projet qui ne devait démarrer qu'après la fin d'addiction, mais j'ai vraiment un problème avec le prochain chapitre, je l'ai déjà réécrit trois fois et ça ne va pas. Donc, comme je n'ai pas envie de vous décevoir et que j'ai besoin de m'aérer l'esprit pour mieux vous écrire ce chapitre qui arrivera de la semaine, c'est promis.

Ce prologue plante le décor, j'ai essayé de ne pas le faire trop ennuyeux. Tout le reste de l'histoire sera du point de vue d'Edward. En espérant que vous serez de nouveau au rendez-vous.

SHEZ