I.Caractère
Tenten poussa un cri quand elle sentit le bec de l'oiseau pincer sa peau et manqua de lâcher prise.
- Si tu as peur il va le sentir.
- Je sais, je sais... C'est juste que je n'aime pas trop ces bestioles.
L'animal la fixa de ses yeux sombres et elle retint un frisson de dégoût. Elle ne les aimait pas du tout, en réalité. D'ailleurs, elle se demandait presque ce qu'elle faisait là, plantée en plein milieu d'un couloir rempli de volières et puant à souhait.
À côté d'elle, Hanabi tendit la main pour toucher l'oiseau. Tenten contempla le sourire discret peindre son visage. Elle adorait cette petite, vraiment. Lorsqu'elle avait commencé à travailler au centre, elle avait immédiatement succombé à sa délicatesse printanière et à ses grands yeux avides de curiosité qu'elle posait sur le monde. Elle la comparait à une fleur en pleine éclosion qui découvrait la vie et se préparait à l'affronter avec un courage monstre.
- Il est doux. De quelle couleur il est ?
- Blanc. Tu sais ce qu'on dit ?
- C'est la couleur de la pureté, je sais, s'exclama Hanabi en haussant les épaules comme son accompagnatrice semblait la prendre pour une attardée. Tout le monde le sait.
- Il y a plein de gens qui ne le savent pas. Souvent c'est parce qu'ils ne s'ouvrent pas suffisamment à ce qui les entoure. Ils ne cherchent pas à comprendre. Ils pensent tout savoir.
- N'importe quoi. Ils sont juste bêtes. Toi aussi quand tu dis des choses comme ça.
Tenten leva les yeux au ciel et ne s'en formalisa pas davantage. Elle la fréquentait depuis plusieurs mois maintenant et avait appris à faire avec la rudesse de ses propos. Là où ses collègues voyaient un snobisme agaçant, elle ne percevait qu'une tentative de défense comme une autre. De toute façon, elle préférait de loin le tranchant des mots à l'hypocrisie. Tout était tellement plus simple quand les choses étaient dites sans fioritures. Et puis, elle-même était ainsi, alors de quel droit pouvait-elle lui reprocher son comportement ? Hanabi avait une famille pour corriger ses impairs. Tenten n'était pas payée pour ça. Les leçons de morale, très peu pour elle.
- Tenten, c'est un mâle ou une femelle ?
- Euh...
Elle n'était pas sûre de vouloir répondre à cette question. Elle s'empressa de chercher le vendeur du regard. Il y avait urgence, là.
La première chose à laquelle pensa Lee lorsqu'il mit le pied dans le hall d'arrivée de l'aéroport de Konoha fut de foncer sur le distributeur et de voler tout le stock de Kinder Bueno qui lui faisait de l'oeil. La seconde, une fois qu'il se rappela qu'il n'avait que des sterlings dans ses poches, fut d'investir les toilettes en hâte. La troisième fut de fuir la horde de femmes qui le traitaient de pervers pour franchir la bonne porte et sauver sa peau.
Après ses premiers déboires de la journée et une fois sûr d'être en sécurité, il se permit enfin de souffler un bon coup et se redressa pour faire face à son reflet dans le miroir qui surplombait les lavabos. Il dégagea une mèche de cheveux qui tombait sur son front et se sourit à lui-même. Il était prêt à reprendre sa vie là où il l'avait laissée, habité par une énergie débordante.
Il leva les bras, s'étira, ferma les yeux quelques instants, inspira. Puis lâcha le tout en un « YOSH ! » sonore et s'en alla sur un petit nuage en direction de la sortie, toutes dents dévoilées.
La première chose à laquelle pensa Neji lorsqu'il entra dans le hall d'attente de l'aéroport de Konoha fut qu'il y avait définitivement trop de monde réuni en un seul lieu pour qu'il se sente à l'aise. La seconde fut de considérer avec ahurissement une tornade humaine dégoulinante d'enthousiasme et d'affection se diriger droit sur lui. La troisième fut de vouloir disparaître ici et maintenant quand il sentit deux bras puissants lui enserrer le cou à l'étouffer.
- Neji, my old friend ! Oh my God I missed you so mutch ! HUGGIE !
C'est pas vrai. Jamais le jeune homme n'aurait cru pouvoir se sentir aussi gêné alors que les regards convergeaient dans leur direction. Il maudit l'espace d'un instant Shikamaru pour lui avoir refilé l'ignoble tâche de venir chercher Lee à la dernière minute et se promit d'envisager la pire des vengeances qui soit dès qu'il aurait à nouveau suffisamment d'oxygène pour pouvoir alimenter son cerveau.
Brusquement, il fuit l'étreinte de son meilleur ami et déplissa son pull pour garder contenance. Devant lui, Lee n'avait pas perdu son sourire. Il le contemplait, béat, semblant attendre de lui le plus précieux des compliments. Neji darda sur lui un œil suspicieux et laissa son regard errer sur l'énorme valise vert flash qui traînait à leurs pieds.
Des auto-collants « I love Oxford » et « Enjoy » ornaient le plastique en compagnie de multiples signatures aux origines anglaises. Il se souvint vaguement avoir été forcé de le taguer neuf mois plus tôt pour satisfaire les besoins sentimentaux de son ami et se demanda s'il avait obligé l'entièreté de la ville à faire de même avant de revenir à Konoha. Avec Lee, rien n'était moins sûr.
Il reporta son attention sur le jeune homme qui n'avait toujours pas pensé à fermer la bouche et remarqua enfin que quelque chose avait changé. Et quel quelque chose.
- Lee... Qu'as-tu fais à tes cheveux ?
- Aaaah, je savais que tu le verrais tout de suite ! C'est cool non ? C'est la mode à Oxford !Kate trouve que ça fait ressortir mes traits !
Effectivement, on ne pouvait pas rater le changement. Neji se demanda d'ailleurs comment il avait tenu une minute sans le voir. À la place de la traditionnelle coupe au bol qui avait constitué sa marque de fabrique durant toute leur scolarité, un dégradé souple dégageait sa figure. Ça ne pouvait que lui aller, il fallait l'avouer. Pour la première fois, il découvrait la finesse de son visage qui s'assortissait à merveille avec sa mâchoire volontaire.
Il constata une nouvelle confiance qui brillait dans ses yeux, et ça lui fit plaisir à voir. Ç'avait été son principal défaut durant toutes ces années, à tel point que Lee était réputé dans leur cercle d'amis pour être le plus complexé de tous.
Alors que Neji s'apprêtait à lui donner raison, il prit enfin conscience de ses propos et tiqua. Kate ? C'était qui celle-là ? Mais déjà, Lee lui saisissait le bras et l'entraînait à l'extérieur, avide de retrouver sa ville natale et leur appartement douillet du centre qu'ils partageaient avec Shikamaru.
Neji se décida à le cuisiner plus tard, quand Naruto, Sasuke et Gaara les rejoindraient pour fêter le retour de leur voyageur préféré. Une fois dans la voiture, il ouvrit le coffre à gants, s'empara d'une enveloppe qui traînait là et la lui tendit.
- Elle est arrivée il y a une semaine. C'est de Gai.
- Je sais, sourit Lee en la décachetant.
- Et c'est quoi, au juste ?
- Mon passeport pour la belle vie à Konoha. La confirmation de mon nouveau job, expliqua-t-il comme Neji le dévisageait avec étonnement. J'ai eu le poste de logopède au centre d'accompagnement de jour qu'il dirige.
Neji manqua d'emboutir la voiture de devant sous l'effet de la surprise et se tourna brusquement vers lui. Une vague d'émotions l'envahit. Bien sûr, il était heureux pour Lee, qui poursuivait ce rêve depuis des mois. Mais il avait la désagréable impression d'avoir perdu en cours de route un peu de ce qui nouait leur amitié. Depuis quand Lee était-il celui d'eux deux qui cachait des choses ? Jamais avant son départ n'aurait-il pu concevoir qu'il ne l'informe pas plus tôt de quelque chose d'aussi important.
Inconscient d'avoir blessé son ami, Lee poursuivait alors qu'il parcourait la lettre des yeux.
- Leur précédente logopède est partie pour un autre boulot. Gai a estimé qu'avec mon diplôme en poche et mon voyage, j'avais suffisamment de maturité à apporter à son projet. Du coup ça y est, demain je vais officiellement signer mon premier contrat de travail à durée indéterminée. J'en reviens pas.
- Moi non plus...
- Ah Neji, s'exclama-t-il sans percevoir son sous-entendu, tu vas voir, ça va être un nouveau revirement dans ma vie ! En plus, je pourrai veiller sur Hanabi. Ça va peut-être l'aider de travailler avec quelqu'un qu'elle connaît !
A l'évocation du prénom de sa jeune cousine, Neji sourit. Le mélange des deux promettait d'être amusant à voir, mais il ne doutait pas que l'énergie de Lee ne pourrait être que bénéfique pour la jeune fille. Quoi qu'il craignait qu'elle ne lui aspire tout son enthousiasme avec son cynisme fatiguant. Il ne l'imaginait pas pouvoir contenir cette petite peste ô combien attachante tout seul. Il espéra pour lui qu'un de ses futurs collègues pourrait l'épauler dans son acharnement. Pour peu que l'un d'eux puisse survivre au rythme effréné de Lee et à la désinvolture d'Hanabi.
Tenten et Hanabi sortirent du magasin bras dessus bras dessous et faillirent s'envoler avec le vent de ce matin d'automne. S'abritant avec peine sous le parapluie tenu par l'enfant, Tenten se retrouvait forcée de marcher le dos voûté alors qu'elle cherchait en hâte les clefs de sa voiture dans son sac à main, trois sacs de nourriture coincés contre sa poitrine et une cage vide qu'elle se résigna à caler entre ses jambes.
Elle grogna quand ses cheveux se prirent dans les armatures métalliques et secoua sa tignasse dans l'espoir qu'elle s'en libère seule. Peine perdue. À côté d'elle, Hanabi semblait indifférente à sa situation délicate et se contenta d'esquisser une mimique amusée quand elle l'entendit jurer entre ses dents.
- L'élégance doit pas être ton point fort.
- Qu'est-ce que t'en sais, tu vois rien.
Sortie au centre de jour, cette réflexion lui aurait valu une visite éclair dans le bureau de Gai Maito, son directeur. On ne payait pas les employés pour traiter leurs usagers avec cynisme et désinvolture. Là où son institution voulait à tout prix instaurer du respect, Tenten s'amusait à rappeler à ses patients dans quelle merde ils grandissaient. Parce que ça lui semblait être le meilleur moyen de les préparer aux réflexions et refus en tout genre que les futurs amis, employeurs, collègues et inconnus ne manqueraient pas de leur sortir.
Hanabi se contenta de sourire davantage. Pour une gamine de onze ans, Tenten s'étonnait de la voir capable de percevoir avec tant de justesse les intentions sous-tendues dans le discours des autres. Elle avait un sens critique incroyable qui la fascinait autant qu'elle la terrifiait. Elle se retrouvait parfois en elle, quand elle avait le même âge et la même capacité à cerner trop rapidement le monde dans lequel elle vivait.
Elle craignait qu'Hanabi ne perde les dernières traces d'innocence et ne puisse plus être capable de voir la vie aussi colorée qu'elle ne l'était. C'était un risque qu'elle ne partageait que peu, étant la seule de son équipe à observer la situation sous cet angle. On ne voyait pas dans quelle brèche la jeune fille s'engouffrait, et quand on le réaliserait, il serait peut-être trop tard. Une petite perle perdue à jamais, rongée par les difficultés de la vie sans avoir goûté à ses délices.
Tenten mit enfin la main sur ses clefs et ouvrit le coffre pour y laisser tomber ses poids dans un bruit sourd, puis la guida jusqu'à son siège et rejoignit le volant. Alors qu'elle quittait le parking, elle observa Hanabi qui plongeait la main dans la boîte en carton du coin de l'œil.
- T'avises pas de sortir cette bestiole dans ma voiture, où j'ouvre les fenêtres.
- T'es vraiment peureuse Tenten, c'est incroyable, répliqua l'enfant sur un ton égal alors qu'elle ouvrait davantage le dessus.
- Hanabi, il serait temps d'apprendre à parler aux gens différemment, tu ne crois pas ? Pas que j'en aie quelque chose à faire, mais tu deviens une vraie terreur selon certains. Évite le conseil de discipline, où j'en prendrai pour mon grade.
- Ils sont trop sensibles. Un rien et ils pleurent. C'est ridicule.
- Même Mademoiselle Haruno ? Tu sais que tu as été trop loin lors de votre dernière séance.
- Surtout Mademoiselle Haruno, affirma-t-elle avec un sourire moqueur.
Tenten soupira. Entre Hanabi et la psychologue de son service, ce n'était pas l'amour fou. Elle ne pouvait pas leur en vouloir, les deux étant aussi insupportables l'une que l'autre. Elle comprenait quelque part le dédain que la petite Hyuga lui réservait. Son caractère était à l'opposé de la méthodologie de Sakura, et elle ne saisissait pas pourquoi celle-ci ne s'était toujours pas décidée à changer de tactique.
- Je sais que parfois c'est dur de devoir faire semblant, mais la stricte sincérité ne convient pas à tout le monde. Essaie de faire un effort, c'est quand même elle qui décide si tu peux revenir l'année prochaine ou non.
- Elle est psy, non ? Si elle veut pas entendre la vérité, pourquoi elle fait ce métier ? Et arrête de te jeter des fleurs. C'est pas un plaisir de venir chaque jour au centre. Je vois pas pourquoi je peux plus continuer à prendre des cours à la maison. C'était mieux avant.
- Quand tu ne voyais personne et que tu passais tes journées enfermée dans ta villa ?
- Je ne vois personne, si t'as pas encore compris.
Tenten interpréta ça comme le signe qu'elle s'engouffrait trop loin et choisit d'abandonner avant qu'Hanabi n'érige des barrières trop importantes entre elles. La petite était rancunière. Elle était capable de refuser de la rencontrer pendant plusieurs jours d'affilée sans la moindre considération de ce que cela signifiait pour son éducatrice de référence.
Il y avait cependant matière à travailler dans ces échanges informels. Jamais jusqu'à présent n'avait-elle exprimé aussi clairement son mécontentement d'être envoyée au centre d'accompagnement de jour. L'idée de devoir la forcer ne lui plaisait pas, mais qu'y pouvait-elle ? C'était à la famille, à Sakura et à Gai de prendre les décisions finales. Bien sûr, elle pouvait toujours faire valoir les confidences comme argument, mais elle ne se sentait pas capable de trahir la confiance fragile d'Hanabi. Elle était là pour l'aider, pas pour la contrôler sans arrêt.
Tenten n'était pas dupe. Hanabi était intelligente, presque sournoise. Elle connaissait parfaitement le règlement – elle la soupçonnait d'ailleurs de l'avoir étudié pour mieux le contourner. Elle savait quels étaient les comportements qui occasionneraient un retour direct à la maison.
Pourtant, elle n'avait encore rien tenté de suffisamment grave que pour ne pas être réintégrée. Il devait donc y avoir quelque chose de positif qui la retenait de franchir les limites. Quelque chose qui lui donnait une raison de rester. Une chose sur laquelle Tenten n'avait pas encore su mettre le doigt dessus. Il allait lui falloir du temps pour apprivoiser cette petite.
Un piaillement aigu retentit depuis la boîte en carton. La jeune femme espéra pouvoir caser cet oiseau suffisamment loin de son bureau pour ne pas avoir à le supporter plus de cinq minutes par jour.
- Comment tu vas l'appeler ? Questionna-t-elle alors qu'elle klaxonnait après un jeune con qui brûlait un feu rouge.
Elle retint un sursaut quand la bestiole apparut dans son champ de vision en gazouillant, emprisonné dans les mains de l'enfant.
« Hanabi bordel ! Qu'est-ce que j'ai dit ! Enferme-le immédiatement ! On va avoir un accident à cause de toi ! »
Sans se soucier de son éducatrice, Hanabi porta son nouvel animal de compagnie à son visage, pensive.
- Neji. Il s'appelle Neji.
- Hanabi ! Fais ce que je te dis ! T'es pas croyable franchement...
Tenten souffla d'exaspération alors qu'à côté d'elle, la jeune fille se décidait à obéir non sans ronchonner.
Neji. Quel drôle de nom pour un oiseau. Elle lui demanda d'où lui était venue l'idée. Pour toute réponse, elle se reçut un silence rancunier en pleine face et comprit qu'elle n'entendrait plus rien aujourd'hui. Tenten décida que ça lui importait peu. Après tout, c'était juste un piaf qui allait dépérir à petits feux dans sa cage. Et avoir Hanabi comme maîtresse risquait de fortement diminuer son espérance de vie.
Et voilà pour le premier chapitre de cette nouvelle histoire.
Après quelques années d'inactivité dans le monde des fanfictions, je reviens avec ce projet qui j'espère vous plaira.
J'attends vos appréciations (positives ou négatives) avec impatience afin de pouvoir m'améliorer !
A bientôt pour le prochain chapitre !
