Disclaimer: Rien n'est à moi hormis l'histoire, évidemment.
Rating: T, pour langage.
Pairing: Kanda x Allen
Résumé: Il empruntait toujours le même trajet. A la dalle près, il pouvait même marcher les yeux fermés. Personne ne se risquait dans le sillage de l'enfant maudit. Jusqu'à ce jour où...
Petit mot de l'auteur: Voici donc ma toute première fic D Gray-Man, et plus particulièrement mon premier Yullen. Bon OK, j'avoue tout de suite, j'adore ce couple plus que tous les autres dans ce manga ;) J'implore cependant votre clémence pour cette fic écrite un peu à vau-l'eau, entamée sans projet précis ni fin déterminée. J'espère tout de même vous permettre de passer un bon moment! ^^
Je précise aussi que cette fic est déjà terminée et comporte trois chapitres que je posterai à chaque semaine d'intervalle. Pas de panique donc, la suite viendra forcément =)
Allen n'aimait pas l'école.
Ou plus précisément, le lycée entier n'aimait pas Allen. Et c'était très peu dire.
Pourtant, le frêle adolescent à la peau pâle, à l'ossature fine et dont la silhouette, si gracile et élancée, évoquait celle d'une fille, n'avait absolument rien de détestable. Les traits de son visage étaient fins, réguliers et juvéniles. Ses mimiques parfois enfantines trahissaient une maturité chèrement acquise et les traces indélébiles d'un passés marqué à vif dans son esprit. Son caractère doux, conciliant, quelque fois naïf, était si facile à vivre qu'on en oubliait souvent qu'il pouvait réclamer, lui aussi, sa dot d'estime et d'affection. Mais Allen ne se plaignait jamais. Il se contentait de sourire, d'un faciès un peu gauche, et de passer outre les affronts et les quolibets.
Non, décidemment, Allen Walker n'était pas un fauteur de trouble. Et bien qu'il fût tout le contraire, il enchaînait les heures de colle, les punitions, les devoirs supplémentaires et les corvées sans se plaindre, fermement convaincu que quoi qu'il ait pu faire, ce fut fait de telle sorte que tout allait forcément de travers. Et cette sombre litanie ne cessait de tourner dans son crâne, si bien ressassée qu'elle y était désormais fermement ancrée, comme imprimée au fer rouge à même sa chair.
Ses cheveux blancs portaient malheur. Personne, absolument personne ne devait l'approcher. Tous les accidents, tous les malheurs et les incidents qui survenaient autour de lui étaient de son entière responsabilité, et il devait payer pour cela. Ainsi, justice serait faite.
C'est pourquoi malgré ses épaules douloureuses, ses bras bleuis de coups et ses joues recouvertes de pansements de toutes tailles, Allen se levait chaque matin comme si de rien n'était, se lavait tant bien que mal, grimaçant lorsque le jet d'eau frappait trop fort son corps meurtri, et prenait le chemin du lycée, une tartine coincée au coin de ses lèvres fendues. Si d'aventure, quelques rares personnes devaient trouver le courage de lui poser la question, il répondrait simplement, un faux sourire aux lèvres, qu'il avait fait une mauvaise chute. Mais ce genre de question de venait jamais. Tout le monde, dans le quartier, savait quels malheurs apportait cet étrange gamin aux cheveux blancs. Et chacun prenait grand soin de détourner le regard sur son passage, bougonnant des « monstres » à peine audibles et pourtant bien visibles sur leurs lèvres déformées par une moue dégoutée, la seule que connaissait l'adolescent.
Mais Allen ne se plaignait pas. Oh, non tout cela, il l'avait mérité. C'était normal, logique et naturel. Il s'acharnait donc à sourire chaque seconde qui passait, subissant de bonne grâce chaque sévisse qui lui était imposée, ne protestant jamais, acceptant simplement son sort qui, il en était intimement convaincu, ne pouvait être autrement.
Les jours passaient, tous identiques, sans que rien ne vienne troubler cette rédemption monotone et répétitive. Allen encaissait, s'exécutait, souriait toujours, sans jamais penser à se plaindre. Le mépris de ses camarades, la haine de ses professeurs, le dégoût des passants, la peur, la douleur et l'effort, tout s'enchaînait comme au premier jour sans que rien ne change. Lorsqu'il pensait à l'avenir, si toutefois cela devait lui arriver, Allen ne voyait que cela, sans cesse, sans repos. Après tout, c'était normal. Tout n'était que justice.
Tout changea pourtant ce jour là, jour comme tous les autres, alors qu'il se hâtait sur le chemin du lycée. Les yeux rivés au sol, la tête basse en signe de repenti, les épaules voutées et ses bras fermement serrés contre son corps, Allen marchait d'un pas vif, boitant quelques fois, concentré tant qu'il pouvait sur son seul et unique trajet. Désormais, il n'avait même plus besoin de regarder où il allait. Il empruntait toujours le même trajet, foulait toujours les mêmes dalles, au pas près, et chacun prenait grand soin de ne jamais emprunter cet itinéraire maudit. C'est pourquoi il ne s'attendait absolument pas à ce que quelqu'un fasse exception à la règle. Il ne s'attendait pas à percuter ladite personne, et encore moins à ce que deux bras le retiennent dans sa chute, le maintenant dans un équilibre, certes, précaire, mais toujours plus confortable qu'une énième chute. Et lorsqu'il réalisa que ses propres mains s'agrippaient désespérément à la veste de l'inconnu, il se dégagea prestement et se confondit en excuses maladroites et mal assurées, le regard plus bas que jamais et la silhouette tant courbée qu'il sentit presque son échine se rompre sous l'angle. L'inconnu ne répondit d'abord rien, sûrement trop surpris et dégoûté, voire même suffoqué de rage, et Allen se tendit, son corps de recroquevillant inconsciemment dans l'attente d'un coup à venir. Le silence s'éternisa, rendu insoutenable par les dizaines de regards avides des passants alentours, chacun espérant une punition exemplaire. Allen se crispa violemment en sentant deux doigts se glisser sous son menton, relevant brusquement sa tête. Ses paupières closes ses serrèrent d'avantage dans une vaine tentative de retenir les larmes qui menaçaient de couler. Jamais plus il ne pleurerait. Jamais. Ce droit là ne pouvait lui être accordé. Il fut brusquement sorti de ses pensées par un claquement de langue agacé et une voix grave qui claqua dans l'air.
« Ouvre les yeux ! »
L'ordre était clair, net, sans appel. Allen savait qu'il avait tout intérêt à obéir dans la seconde. Mais toutes ces années à marcher tête baissée, yeux rivés au sol, l'empêchaient de regarder son interlocuteur en face, aussi impressionnant et autoritaire soit-il. Aussi déglutit-il péniblement, ses paupières toujours hermétiquement closes, ses sourcils froncés tremblant sous l'effort et ses traits crispés en une mimique douloureuse et appréhensive. Quelques secondes s'écoulèrent, secondes durant lesquelles les doigts de l'inconnu resserrèrent leur prise sur le menton d'Allen. De nouveau, la voix trancha le silence, grave et polaire.
« Je t'ai dit d'ouvrir les yeux ! »
Ce disant, les deux doigts quittèrent le menton d'Allen avant que la main de l'inconnu ne s'empare brusquement de sa mâchoire, empêchant toute retraite possible. Cette fois-ci, il n'avait plus le choix, il le sentait. La respiration d'Allen se fit plus saccadée encore alors qu'il desserrait lentement les paupières, dévoilant deux yeux gris affolés qui, pour la première fois depuis plus de dix ans, rencontrèrent leurs homologues. Son regard se planta alors dans deux prunelles sombres, d'un bleu presque noir, aussi insondables qu'un puits sans fond. Un long frisson remonta le long de son échine sans qu'il ne puisse rien y faire. Incapable de le réprimer, il se gifla intérieurement et se méprisa de laisser si facilement transparaître sa terreur. Pourtant, malgré l'angoisse qui le prenait à la gorge, il ne put s'empêcher de détailler l'inconnu. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pu voir un visage humain autre que le sien.
Les yeux froids reposaient sur une peau d'albâtre, au teint de givre et dont les traits, comme sculptés dans la glace, semblaient figés dans un rictus insondable. Les joues lisses étaient encadrées de longues mèches bleues, ses fins sourcils disparaissaient sous une frange parfaitement coupée et le reste de sa chevelure, ramenée en arrière et coincée dans un lien savamment noué, balayait ses épaules, mue par le souffle d'un vent paresseux, et retombait jusque dans le creux de son dos comme une cascade couleur de nuit. Les lèvres, à cet instant pincées, avaient cette même teinte neigeuse que celle des sculptures figées dans le blizzard, à jamais vierges.
Jamais, de toute sa courte vie, Allen n'avait vu de personne aussi belle. Ses esprits lui revinrent brusquement lorsque la main sur sa mâchoire se crispa légèrement, appuyant involontairement sur un hématome pas encore rétracté. L'adolescent grimaça et referma instinctivement les yeux, réalisant avec effroi que son examen ne pouvait pas avoir échappé à l'inconnu. Mais à peine le noir se fit-il à nouveau que l'autre l'interpella encore, sa voix grave rendue encore plus tranchante sous l'agacement.
« Ton nom. »
De surprise, Allen rouvrit les yeux, papillonnant des paupières d'un mouvement incertain.
« Qu… Quoi ? »
Le brun le fusilla du regard et l'adolescent se ratatina sur place.
« Je t'ai demandé ton nom. »
Le ton était proche de l'ordre et ne souffrait aucun refus. Craintif, Allen baissa le regard un quart de secondes avant que la main sur sa mâchoire ne le force de nouveau à regarder son interlocuteur droit dans les yeux, lui arrachant une autre grimace d'inconfort. Incapable de détourner le regard, contraint qu'il était de garder la tête haute, le pauvre lycéen dû se faire violence pour ouvrir la bouche, son souffle tremblant semblant résonner dans le silence oppressant de la grand rue. Lorsqu'il parla enfin, sa voix s'érailla imperceptiblement.
« A… Allen Walker. »
Le brun le sonda du regard sans rien ajouter de plus. Distraitement, presque inconsciemment, sa main desserra sa prise sur le menton du plus jeune et s'anima d'un mouvement infime, survolant la peau d'une caresse aérienne. Allen n'osait plus bouger. Le contact était si étranger, si improbable, qu'il ne savait comment réagir. Nulle violence, nulle agressivité dans ces effleurements. L'autre sembla reprendre ses esprits et sa main se retira brusquement, libérant Allen qui se hâta de baisser le menton, les yeux rivés au sol et la posture humble. Ils restèrent ainsi quelques secondes, face à face, sans savoir que faire. Puis Allen s'inclina profondément en s'excusant encore. Il allait contourner le brun et reprendre sa route lorsqu'une main le rattrapa brusquement par le bras, le forçant à se retourner. Il frémit en reconnaissant la peau neigeuse sur les longs doigts fins. Cette fois-ci, l'autre ne le força pas à le regarder en face, bien que cela l'énervât profondément, Allen le sentait.
« P… Pardon, mais… je vais être en retard au lycée…
_ Qui t'as dit de partir, Moyashi ? »
L'intéressé releva la tête pour la seconde fois, abasourdi par le surnom. Moyashi ? Il l'avait appelé Moyashi ? Quelque chose remua au fond de lui. Quelque chose qui ne s'était plus manifesté depuis des années, quelque chose qu'il avait enterré sous une profonde couche d'humiliations, de résignation et de soumission. Sa bouche s'ouvrit sans qu'il ne contrôle rien et, avant de pouvoir de ressaisir ou même réaliser, sa voix s'éleva dans le silence.
« Je ne suis pas un Moyashi ! Baka ! »
A peine les derniers mots eurent-ils franchi ses lèvres que ses yeux s'écarquillèrent d'horreur. Ses deux mains vinrent se plaquer contre sa bouche et sa gorge laissa échapper un son étranglé, proche du borborygme. Puis, comme un automatisme, son dos se plia vivement tandis qu'il s'excusait d'une voix paniquée, se maudissant pour son inconscience. Sa punition ne tarda pas à venir et il sentit une main agripper ses cheveux à pleine poignée, tirant dessus sans aucune douceur jusqu'à ce qu'il soit face au visage toujours aussi glacé de son homologue. Visage qui se dégela un quart de seconde. L'ombre d'un sourire vint étirer les lèvres fines, si furtivement qu'Allen cru avoir rêvé. La prise dans ses cheveux disparu comme elle était venue et la main réapparu dans son dos, le poussant en avant.
« Allez magne-toi Moyashi, on va être en retard. »
L'intéressé ne comprit pas tout de suite ce qui lui arrivait. Le temps de réaliser que le brun cheminait à ses côtés il se retrouva aux portes de son lycée, prêt à pénétrer dans la cour. Une main impérieuse le pressa à nouveau d'avancer et Allen réalisa enfin que l'autre portait le même uniforme que lui, les manches de sa veste noire retournées au niveau de ses coudes d'albâtre. Milles questions se bousculaient dans sa tête. L'attitude étrange du brun vis-à-vis de lui, son visage qu'il n'avait encore jamais vu dans l'enceinte de ce lycée, et mille autres choses encore qu'il ne pu malheureusement pas formuler. Le brun s'éloignait déjà de lui, s'enfonçant dans la masse des élèves qui le dévisageaient d'un regard curieux, surpris de voir un nouveau arriver à cette période de l'année. Quelque chose remua encore au fond de lui, cette même sensation étrange que celle qui l'avait conduit à hausser la voix quelques instants plus tôt. Une fois encore, Allen ne put se retenir et héla le brun qui le toisa par-dessus son épaule, une lueur d'intérêt dansant dans ses prunelles sombres. Allen se trouva décontenancé par ce regard, d'autant plus que ce genre d'initiatives ne lui ressemblait pas. Les autres élèves dardaient sur lui des regards outrés, acérés comme des lames de rasoir, lui promettant milles souffrances pour avoir osé imposer son existence si inconsciemment. L'adolescent déglutit difficilement, les yeux instinctivement baissés au sol, et articula maladroitement :
« Et… Et toi ? Quel est ton nom ? »
Le brun le dévisagea quelques secondes, laissant à Allen tout le loisir de se repentir de sa propre audace. Enfin, la voix grave et assurée de l'autre se fit entendre.
« Yû Kanda. »
A peine la dernière syllabe tombée de ses lèvres, le brun se détourna et pénétra dans le bâtiment, laissant Allen fixer l'endroit où il avait disparu, encore légèrement tremblant de peur et sentant que, d'une manière ou d'une autre, il allait regretter sa témérité.
