J'avance, je marche, mes pas se succèdent.
Pourtant, au plus profond de moi, je ne veux pas.
Je me retourne une dernière fois.
Comment puis-je ?
Je ne réponds plus de moi. Suis-je stupide ? Pourquoi je ne parviens pas à faire ce que me dicte mon cœur ? C'est tellement fort que je souffre de ne pas pouvoir céder à ce désir ardent. Je lutte contre moi-même. Est-ce la raison ? Abandonner ses envies les plus profondes ?
Mon regard se porte une dernière fois sur elle.
Le vent souffle dans ses cheveux mal coiffés. Qu'elle est belle au naturel. Ses yeux bouffis par les larmes. Je ressens au creux du ventre comme un coup de poing. J'aimerais tant faire demi-tour, la serrer dans mes bras, l'enlacer, l'embrasser.
Je me retourne. Je monte dans l'avion, je pars, je la laisse. Le demi-tour le plus difficile de ma vie.
Tristesse et colère montent en moi. Je m'en veux déjà.
Depuis toutes ces années, nous nous sommes côtoyés. Nous nous sommes rapprochés.
Je suis venu jusqu'ici parce qu'elle me manquait.
Avec son absence, je me suis rendu compte que je tenais vraiment à elle.
Ou alors je le savais déjà mais je ne voulais pas me l'avouer.
Faut vraiment être bête pour se cacher ça. Pourtant je ne suis pas timide, mais jamais je n'ai su lui dire combien elle était importante à mes yeux.
Il faut dire que la règle n°12 condamne tout cela. Certains diront que les règles sont faites pour être contournées. J'adopterai volontiers cette philosophie d'ailleurs. Mais ce n'est pas seulement une règle, c'est celle de Gibbs, et tel un enfant, je ne voulais pas décevoir ma figure paternelle.
Alors j'ai enfoui tout sentiment inapproprié, je me suis voilé la face et j'ai continué ma vie comme si de rien n'était.
Puis les événements se sont précipités, son père est mort, elle est partie en Israël, elle a couché avec quelqu'un – j'ai été jaloux- elle est revenue puis elle est repartie.
Seul, sans elle, je n'étais plus que l'ombre de moi-même. Mes pensées étaient toutes occupées par son souvenir. Je pensais qu'avec le temps ça passerait. Mais non. Chaque jour devenait plus douloureux. Chaque jour je me sentais encore plus seul. Et chaque jour je m'en voulais un peu plus de ne pas avoir le courage d'assumer ce que je ressentais.
Alors je suis parti à sa recherche, je l'ai retrouvée.
Triste, sauvage, repentie.
Qu'elle était belle.
Vulnérable et guerrière à la fois.
Je n'ai pas pu résister. Je l'ai embrassé. Elle s'est laissé faire, me rendant mes baisers. Mes doigts glissaient dans ses cheveux ondulés. Mes mains caressaient sa peau hâlée. Mes yeux se plongeaient dans les siens. Je ne pensais plus à rien. Plusieurs années d'envies, de frustration, de désirs s'envolaient avec nos vêtements.
Enfin j'étais moi, avec tout ce que j'avais dans le cœur et dans les tripes. J'aurai pu sauter d'une falaise façon Thelma et Louise si elle me le demandait. Elle ne le savait pas, mais oui, je l'aimais autant que ça. Je le gardais pour moi bien sûr. La vie fait qu'on doit paraître raisonnable, avoir la tête sur les épaules et les pieds sur terre.
Je ne sais pas comment elle a pu me convaincre de rentrer. Peut-être que je l'aime au point de respecter ce choix, même si cela me brise le cœur. Toujours est-il qu'à cet instant je sais déjà qu'elle va cruellement me manquer. Fuck !
