Et voici que je me lance, quelle émotion! ;)

Amis des Hobbits, je vous encourage. Cette petite histoire (quoique je ne sais pas encore quand je l'arrêterai) est toute pour eux et toute pour vous. Mais attention, nos petits héros ne sont pas revenus pour la cueillette des prunettes, comme vous en jugerez. Voila qui pourrait bien barder pour leurs petites fesses.

Disclaimers : Les personnages ne m'appartiennent pas (à l'exception des noms Grangebois, Lili Bonpoil, et du "petit Robin"), ils sont la propriété exclusive de J.R.R Tolkien, par conséquent, je ne tire aucun profit à écrire et publier cette fiction... Blablabla, vous connaissez la chanson.

Warning : Cette fiction est un slash. Ce chapitre met en scène la mort d'un personnage.

Je vous souhaite une bonne lecture et vous encourage à me laisser vos impressions! Je ne mérite aucune indulgence (ce n'est pas ainsi qu'on apprend), dîtes-moi tout ce que vous pensez! ;-)

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Shadow Run

Chapitre 1 : Retour au Pays

La nuit était tombée, apportant avec elle une pluie froide et battante comme pour décourager les quatre petits voyageurs désireux de rentrer enfin au pays. Ils avaient été longs et éprouvants tous ces mois de cavale à errer sur les terres noires … Si loin de chez eux. Que d'aventures, de peine et de terreur pour des Hobbits de bonne éducation. Si coutume était faite pour les jeunes bambins de se régaler de récits farfelus, jamais le goût du danger ne les étreignait assez pour quitter leurs terres familières dont ils connaissaient tous les recoins.

Ils arrivèrent avec peine, à dos de poney, jusqu'au pont du Brandevin pour découvrir à leur grand désarroi qu'une haute barricade leur barrait le chemin. Sur la porte, s'il convenait de l'appeler ainsi, se dressaient des pointes taillées de bois et de fer rouillé, renforçant son austère apparence. Elle semblait levée là depuis des années. Les quatre Hobbits furent déboussolés par cette découverte. Qu'avait-il bien pu se passer pendant leur longue absence ?

- Et bien ! En voilà un accueil chaleureux pour traiter les honnêtes gens ! Peut être auraient-ils dû y pendre le chat de sorcière, l'effet aurait été garanti ! grogna Sam Gamegie, emmitouflé sous son manteau feutré.

- Qui aurait pu s'attendre à rencontrer une barrière aussi hostile ! s'indigna Meriadoc Brandebouc, s'approchant de la porte. Les choses ont bougé par ici ! Et il est temps qu'elles bougent de nouveau, à commencer par ce semblant de fortification !

Il empoigna un échalas incliné dans la clôture qu'il tira fermement vers lui, ce qui ébranla toute la construction.

- Très artisanal ! Méfie-toi de ne pas prendre un palot sur la tête ! ironisa Peregrin Touque d'un air désabusé. De toute évidence, l'esprit est digne de la plus grande finesse gobeline !

- Je crains que nous n'ayons pas seulement affaire à des gobelins ou des Hobbits contrariés, affirma Frodon, inquiet. Le style est mauvais, et puis je ne vois pas de Hobbits capables d'ériger de constructions si hautes.

- Et de si mauvais goût ! râla Sam, le nez enfouit dans son écharpe.

- En revanche, cela conviendrait bien à des gobelins ! trancha Merry, le regard noir. Il ne doit pas être si difficile d'y entrer.

- Méfie-toi bien, nous pourrions rencontrer des problèmes que Gandalf n'a pas prévu ! fit Frodon.

Le jeune Merry s'approcha toujours plus de la haute porte et lança son premier appel :

- Holà ! Nous sommes des Hobbits de la Comté ! N'y a t-il personne pour nous ouvrir ?

Un silence pesant suivit le cri de Merry. Bientôt, une faible lumière filtra entre les pilots et des bruits d'agitation se firent entendre, mais nulle réponse. Le Hobbit réitéra sa requête plus que pressante. Une voix hésitante s'éleva :

- Qui va là ? …L'accès par le Brandevin est interdit ! Déguerpissez si vous ne voulez pas d'ennuis !

- Et depuis quand des Hobbits se voient-ils refuser l'hospitalité en leur propre pays ? cria Frodon à son tour en rejoignant Merry. Comptez-vous nous faire coucher dehors sous la pluie ? Je suis Frodon Sacquet et mes compagnons Meriadoc Bandebouc, Peregrin Touque et Sam Gamegie ! S'il vous reste quelque souvenir des bonnes manières je vous somme de nous ouvrir le passage, ou c'est vous qui trouverez les ennuis !

- Voilà qui est dit cher cousin, fit Pippin qui arrivait à leur hauteur.

- Je … Je n'ai pas le droit de faire entrer ou sortir qui que se soit à cette heure, répondit la voix effrayée de l'autre côté.

- Pas le droit ! Pas le droit ! Vous allez vous activer dés à présent, ou je vous garantis que je prendrai personnellement le droit de vous botter les fesses ! hurla Merry, énervé.

- Ajoutez trois pieds de plus si l'accueil et le vin chaud ne sont pas offert ! renchérit Pippin que la pluie et le froid impatientait.

Finalement un grincement sinistre retentit et la porte branlante finit par s'ouvrir, tirée par trois Hobbits crasseux. Leur interlocuteur, un semi-homme ventripotent aux traits tirés, se présenta sur le seuil et leur fit signe d'avancer avec un empressement fébrile :

- Hâtez-vous ! Que la milice ne trouve pas la porte ouverte !

Les quatre voyageurs entrèrent sans plus poser de questions, préférant attendre d'être enfin de l'autre côté de la palissade pour être éclairés de tout ce remue-ménage. Quand la porte fut enfin refermée, Meriadoc descendit de sa monture et se campa devant l'autre Hobbit qui leur avait ouvert :

- Et bien, mon brave Hob Gardeclôture ! En voilà des manières pour accueillir les vôtres ! Ne me reconnaissez-vous pas ?

Le vieux Hobbit écarquilla des yeux effarés :

- Ah ça ! Monsieur Meriadoc ! Vous ici ! Et vous monsieur Sacquet ! Et le fils Touque ! Nous n'espérions plus avoir de vos nouvelles un jour ! Et ce brave Sam ! C'est le vieux Gamegie qui sera content !

- Et moi donc ! répondit Sam. Comment va-t-il ? Il y a longtemps que je me soucie de lui.

- Autant que ces mauvais temps lui permettent de se porter bien, dit Hob, la mine grise. C'est une bien mauvaise époque pour nous vous savez ! Les choses ont beaucoup changé depuis votre départ.

- Et bien justement ! fit Peregrin en descendant à terre. Nous aimerions bien savoir ce qui a pu se passer par ici ! Peut être pourrions-nous entrer pour en parler devant un feu et un bon vin…

- Croyez bien que je suis navré, mais je ne puis vous laisser entrer chez moi, répondit le vieux Hob. Il est interdit d'héberger des étrangers, et si je me fais prendre, je suis bon pour les trous-prisons… ou peut être pire…

- Des étrangers ! Souvenez-vous qu'il y a deux minutes à peine j'étais le fils d'un de vos bons amis !

- Bien sûr monsieur Merry, et vous le serez toujours, mais comprenez ! Je ne peux prendre trop de risques en tant que gardien ! Je pense à ma famille…

- Bon, bon ! Cela ne vous dispense pas de nous éclairer davantage.

- Oh ! Si vous saviez ! C'est un temps de guerre qui gronde ! La Comté est envahie de créatures sordides ! Au départ, nous ne déplorions que l'arrivée de misérables gobelins venus par l'Est du pays. Ils étaient nombreux, mais ne pouvaient asservir les Hobbits, désireux de défendre leurs biens. Puis leur sensibilité face au jour les refrénaient sérieusement. Alors ils ont commencé à piller, saccager, chambarder autant qu'ils le pouvaient ! Les plus hardis d'entre nous en abattaient toujours, mais la ruine demeurait. C'est à partir de ce moment que la Comté a commencé à faire grise mine. Et très vite sont arrivées des armées d'orcs ! Certes moins nombreuses que dans les livres d'Histoire, mais suffisamment pour tenir toute résistance hobbite en échec. Et là, tout est allé très vite …

En même temps que le brave Hob racontait, rejoint progressivement par une bonne dizaine de ses congénères, Sam remarqua Frodon, qui avait avancé un peu pour s'écarter du bosquet d'arbustes qui encombrait la vue sur les prairies fleuries du Pays de Bouc. Les yeux du porteur de l'anneau semblaient s'égarer dans le paysage, son visage blanc s'était figé dans un masque glacé d'effroi et ses lèvres entrouvertes laissaient échapper de petits nuages de chaleur qui trahissaient son souffle court. Soucieux du trouble qu'il percevait chez son maître, l'ancien jardinier dirigea son poney à hauteur de celui de Frodon. Il n'eut guère le temps de demander ce qui n'allait pas, quand il fut frappé de la même torpeur. Malgré la nuit et le mauvais temps, il vit lui aussi. Au devant d'eux s'étendaient les vastes Champs du Pont et, par ce fait, l'aperçu le plus effroyable de la ruine de leur beau pays. Les étendues d'ordinaire si fertiles n'étaient plus que des champs de boue ravagés et sans vie. Les arbres robustes qui longeaient les anciennes prairies avaient été arrachés ou parfois brûlés. Il ne semblait plus rester la moindre parcelle d'herbe tendre ou de fleurs printanières. Ils remarquèrent avec effroi que le petit bourg autrefois dressé à la lisière du champs du père Magotte avait complètement disparu. A sa place s'élevaient des bâtisses sombres et tordues qui ne répondaient guère au charme bocager de la Comté. Le paysage qui s'offrait à eux avait tout d'un tableau de Mort.

Pippin, qui avait détourné le visage du vieux Hobbit, aperçut à son tour Frodon et Sam, tous deux figés dans une expression interdite. Il comprit tout de suite que quelque chose n'allait pas. Il tapota dans le bras de Merry, planté à ses côtés, avant de rejoindre à pied ses deux compagnons. Merry courut le rejoindre quand il vit son petit cousin étouffer un cri de frayeur. Ce qu'il vit à son tour le paralysa. Ses yeux fixèrent le triste décor sans plus pouvoir s'en détourner. Il sentit la menotte fébrile de Pippin se réfugier dans la sienne, recherchant le réconfort. Il la resserra fiévreusement pour trouver lui même un peu de courage. Le vieux Hob s'était avancé jusqu'à eux et poursuivit son récit sinistre. Sa voix devenue rauque semblait résonner comme une lourde fatalité qui pesait dans le cœur des jeunes voyageurs, maintenant complètement immergés dans l'horreur : « Les orcs prirent très vite possession des principaux villages de l'Est, tuant tous ceux qui se dressaient sur leur chemin, saccageant tout ce qu'il pouvaient trouver de beau, plongeant la Comté dans la terreur. La vie sous sa plus belle forme fut très vite anéantie. Toute l'organisation du pays fut bouleversée. Dorénavant, le Grand Chef se nomme Charcoux, un vrai teigneux à ce qui se dit ! Nous autres braves gars tentâmes de résister mais chacun des regroupements clandestins se faisaient décimer. J'ai d'abord pensé à protéger ma famille, j'ai abandonné la résistance. Aujourd'hui c'est la Comté entière qui s'écroule devant eux. La plupart des Hobbits sont impressionnés par leur apparence et leur violence. Le plus souvent, un seul grognement de leur part suffit à calmer les ardeurs des plus entêtés. Si un Hobbit se fait trop hargneux, il est envoyé directement dans un trou prison. Et si le soulèvement ne cesse pas, ils résolvent le tout par des exécutions publiques. »

- Des exécutions publiques ? s'exclama Frodon effaré. Mais c'est affreux ! Jamais le sang n'a été versé en Comté ! Les choses ne peuvent continuer ainsi !

A peine eût-il achevé sa phrase, qu'un jeune Hobbit tout bouclé d'or accoura vers eux. Il s'arrêta à hauteur de Hob, tout essoufflé et visiblement effrayé :

- Vite ! Une patrouille arrive ! Vous ne pouvez pas rester là ! S'ils vous trouvent, ils vous arrêteront !

- Je voudrais bien voir ça ! gronda Merry, envahi par la fureur.

- Combien sont-ils ? demanda Frodon.

- Ils tournent rarement à moins de six ou sept, et ils sont armés, croyez-moi ! Le p'tit a raison ! Mieux vaut vous cacher en attendant qu'ils passent.

- Eh bien nous aussi nous sommes armés ! Et prêts à les recevoir ! fit Merry en dégainant son épée.

Pippin arrêta son bras, le forçant à redescendre la lame :

- Attends ! Je te suis dans ton élan, mais pour le coup, ça me paraît trop risqué ! On ne sait pas ce qui nous attend !

- Il a raison Merry, renchérit Frodon. Pour sauver la Comté il faut déjà songer à rester en vie !

Sans attendre la réponse de Meriadoc, Hob fit signe à plusieurs de ses camarades de cacher les poneys. Sam et Frodon se retrouvèrent également à terre.

La maison de Hob était l'une des rares du quartier à avoir été bâtie en surface, contrairement à la tradition locale. Le vieux Hobbit possédait quelques abris pour ses bêtes et une grange derrière laquelle les quatre voyageurs trouvèrent refuge, prêts à déguerpir si le besoin s'en faisait sentir.

Ce petit abri tapissé de paille offrait un excellent point de vue de la situation, d'où les quatre petites têtes bouclées espionnaient silencieusement. La patrouille d'orcs fut très vite sur place. Hob avait raison : ils étaient sept. Sept orcs crasseux et puants, dont l'attitude n'avait rien de rassurant. Une épaisse cuirasse les recouvrait et de lourdes épées pendaient à leur ceinture. Le plus imposant, qui semblait être le meneur de cette brave escadrille, s'approcha brutalement du vieux Hob.

- C'est un Huruk-haï ! Chuchota Merry, blotti contre Pippin qui frissonnait.

- Ces affreuses créatures ! Moi qui avait tant espéré ne plus en entendre parler…

- Des étrangers sont venus là ! grogna l'Huruk-haï d'une voix rocailleuse.

- Non maître, pas d'étrangers à cette heure. C'est le règlement. Personne ne doit entrer ou sortir à partir de 18h, et je surveille, soyez-en sûr.

La créature empoigna violemment le Hobbit par le col et le souleva à hauteur de sa figure répugnante :

- La grande porte s'est ouverte ! Un informateur l'a vu ! Ne me racontez pas d'histoire !

Sur ces paroles, il jeta le pauvre Hobbit au sol. Hob échappa un cri de douleur, tandis que deux de ses compagnons se précipitèrent pour le relever.

- Embarquez-moi ce bon à rien ! Et fouillez les maisons alentour ! gronda le chef.

- Vous n'irez nulle part avec lui ! hurla un robuste Hobbit brun, qui éleva une fourche en direction du peloton indésirable. Sans l'ombre d'une hésitation, il chargea le chef de son arme, la fureur brûlant son regard. Tout se passa si vite que personne ne put réagir. Avant d'avoir pu atteindre l'Huruk-haï, le Hobbit audacieux fut stoppé d'un coup d'épée maîtrisé qui lui traversa le corps. Un autre Orc embusqué sur le côté avait porté le coup alors que le chef n'avait pas cillé. Le Hobbit tituba un instant, recouvrant la blessure fatale de ses mains empourprées, et s'écroula aux pieds de Hob, sans vie.

Les quatre voyageurs qui assistaient à la scène impuissants étouffèrent un cri de frayeur. Frodon, qui avait recouvert sa bouche de ses mains, semblait tétanisé. Au cours de ces derniers mois, des choses atroces avaient défilé sous ses yeux encore innocents, mais rien de semblable au choc de l'exécution d'un des siens. Sam étreignait son jeune ami, luttant contre la rage pressante qui se mêlait à la peur, partagé entre l'envie de fuir et la pulsion meurtrière. Pippin quant à lui, se resserrait convulsivement contre Merry qu'il sentait bouillir d'une fureur sans pareil. La scène à laquelle il venait d'assister l'épouvantait, mais la fébrilité de son cousin le terrorisait davantage. Qu'allait-il se passer si Merry ne se calmait pas ? Ce dernier finit par se redresser, le corps tendu, les poings crispés.

- Non ! Merry ! Que fais-tu ? Baisse-toi ! murmura nerveusement Pippin en s'agrippant au bras de son cousin. Mais celui-ci semblait ne pas l'entendre. Frodon se joignit à Peregrin en agrippant à son tour le veston de Merry, bientôt épaulé par Sam qui s'était quelque peu ressaisi. Ils ne furent pas trop de trois pour le convaincre enfin de se rebaisser.

- Vous… Vous voulez qu'on laisse faire de telles choses sans réagir ? articula Meriadoc avec peine.

- Non ! Bien sûr que non ! Mais réfléchis ! Comment veux-tu lutter contre sept orcs armés ? En improvisant ? fit Frodon.

- Avec tous les Hobbits présents, nous devrions bien être une douzaine ! C'est bien assez pour les dominer ! répondit Merry.

- Peut-être, et encore faut-il être sûr de se voir soutenu ! répliqua Frodon.

- Mais regarde-les ! Leur rage ne demande qu'à se réveiller !

- Moi je ne vois que des Hobbits apeurés, prêts à fuir à la moindre occasion ! Aucun d'eux n'a bougé !

- Cessez de vous chicaner, ce n'est pas le moment ! trancha Pippin.

- Il a raison ! ajouta Sam. Ça ne fera pas avancer les choses ! Regardez ! Voilà qu'ils embarquent c'pauvre Hob !

Deux Orcs empoignèrent Hob qui s'était écroulé de douleur sur le corps de son ami. Alors qu'ils disparaissaient avec leur otage, une femme bouleversée accourut de la maison du vieux Hobbit :

- Non ! Attendez ! Que faîtes vous ? Pourquoi l'emmenez-vous ? Répondez-moi ! cria t-elle, désespérée.

Mais aucun Orc ne lui répondit. Elle agrippa le bras de l'un d'eux en reposant incessamment sa question, mais n'obtint comme réponse qu'une violente bourrade qui la projeta au sol. Plusieurs semi-hommes se hâtèrent vers la femme en pleurs, la relevèrent et la ramenèrent chez elle, où quatre bambins attendaient sur le seuil, tâchant de la rassurer du mieux qu'ils le pouvaient. D'autres Hobbits emportèrent le corps du malheureux qu'ils avaient enveloppé dans un linge humide, et bientôt, la petite foule se dissipa.

- Et maintenant, que fait-on ? demanda Merry que le désespoir avait finalement gagné.

Aucun de ses compagnons ne put répondre sur l'instant, tous pris d'une torpeur qui gelait leurs pensées.

- Il faudrait peut être trouver où se loger pour commencer, finit par répondre Sam, qui commençait à douter de l'étanchéité des mottes de paille.

Bien que les paroles du jardinier reflétaient là tout son bon sens, aucun des quatre petits exilés n'osait encore bouger. La pluie froide et persévérante battait sur le toit de la grange toute sa rage et sa vigueur à mesure que leur courage faiblissait. Trouver un foyer. Cela revenait à courir la campagne sans protection alors que la nuit, déjà à la moitié de sa course, dissimulait sous son épais manteau de cendres ces hordes de prédateurs nocturnes lancés à leurs trousses. A la vérité, cela tenait plus de la folie que de la raison.

Gelés jusqu'à la moelle, ils se resserrèrent les uns contre les autres pour retrouver, en plus de la chaleur mutuelle, le réconfort d'une étreinte fraternelle. La joie ravigotante ô combien désirée du souvenir de leur pays fruité, pour lequel les vertus de la terre chaude allouaient cette éternelle saveur de petit printemps, se trouvait froidement balayée par le désert glacé de la désolation, cette impression abjecte de sentir s'égrainer comme du sable entre les doigts tous les espoirs de revenir à leur vie paisible. Sentiment que Sam et Frodon n'avaient que trop connu pour en supporter une deuxième fois le poids sur leurs épaules trop fragiles. Sam sentit le corps accablé de Frodon couler doucement contre sa poitrine et l'accueillit entre ses bras avec déférence. Il caressa délicatement la chevelure de jais, se saisissant de la consolation qu'il se voyait offrir lui aussi par la chaleur de l'instant, pendant que les prunelles opalines du jeune maître scrutaient vivement l'obscurité, tout à la prudence.

Merry et Pippin s'étaient déjà vivement rapprochés, s'entortillant l'un contre l'autre dans la maigre protection de leurs capes de voyage qui gardaient encore l'odeur des terres elfiques. Appuyé contre la gorge chaude de Merry, le cadet se prenait à rêver des nombreuses occasions où ils s'étaient tous deux abandonné dans la paille douillette de la ferme des Grangebois . Leur affection partagée avait cela d'ineffable qu'elle avait toujours fait partie de leur existence. De toute vérité, elle était l'évidence même. Ce fut sans doute pour cette raison qu'ils mirent tant de temps à s'en apercevoir. Il fallut attendre l'explosion colérique de Lili Bonpoil, amie intime de la mâtine Pervinca qui l'avait finement convaincue de convier pour ses 23 ans ce fripon de Meriadoc. Cette bamboche canulante aux intérêts légers avait tourné court grâce franc-parler de Merry, qui avait tout naturellement remarqué l'assortiment de la robe églantine de son hôtesse aux rideaux diaprés du salon, chose qui n'avait pas pour avantage de mettre en valeur son minois de grisette. Il avait profité des aboiements excédés de la demoiselle pour se dérober dans un éclat de rire, agrippant le jeune Pippin au passage. Ils avaient couru tout les deux jusqu'à atteindre la ferme où ils trouvaient si souvent asile de paix. Merry, encore ivre de coquinerie, s'écroula dans la paille, le visage face au ciel. Pippin se laissa alors doucement tomber prés de lui, se blottissant contre son corps fébrile. C'est alors qu'il sentit, dans les gestes de tendresse de l'aîné, une fièvre soudaine, alors que ses mains surprirent une parcelle du ventre chaud de Pippin que la chemise dégrafée avait découvert dans leur fuite. Il comprit, en écoutant les battements du cœur de Merry qui s'affolait, ce lien exclusif qui les réunissait. Pourtant, même conscient de cette grâce, Merry ne l'avait jamais réellement touché, comme s'il craignait de souiller cette candeur encore trop docile pour s'affirmer dans sa volonté. Mais ce regard échangé à ce moment là cristallisa cette réciprocité qui, bleue d'azur ou verte émeraude, ne les a plus quitté.

- Sam, quelqu'un approche ! murmura soudain Frodon, qui venait de se redresser subitement, bousculant les songeries de chacun.

Les quatre Hobbits se raidirent et tendirent prudemment l'oreille. Des bruits de pas légers approchaient bien de leur repli. N'osant bouger, ils restèrent, pendant un instant d'attente fiévreuse, tapis dans leur nid de paille humide, la main crispée sur la poignée de l'épée. Mais la pluie, qui semblait ne jamais vouloir cesser, recouvrait les bruissements alentours, augmentant de jure la peur qui glaçait leurs membres. Soudain, une ombre furtive apparut sur le côté non protégé de Merry. Celui-ci, surpris, échappa un cris de frayeur et dégaina l'épée. Un hurlement lui transperça les oreilles. Celui d'une femme.

- Rosie ! hurla Sam qui l'avait reconnue. Il se précipita vers la jeune Hobbite, aussi surprise que soulagée.

- Rosie ? J'ai bien failli t'éborgner ! râla Merry, finalement rassuré.

- Ou peut être même pire ! Ah ! Enfin je vous trouve, mes amis ! fit-elle, accueillant Sam dans ses bras frêles, un sourire radieux gravé sur son visage fatigué. Voilà deux bonnes heures que je vous cherche ! Je craignais vraiment que quelque chose de malheureux ne vous soit arrivé !

- Rosie ? répéta Frodon, interloqué. Mais… que fais-tu ici ?

- Le petit Robin a couru jusque chez nous pour nous prévenir de votre venue. Il redoutait qu'une patrouille ne vous fasse des histoires. Je suis venue aussi vite que possible…

Les quatre Hobbits se souvinrent du jeune garçon aux cheveux d'or qui les avait avertis que des orcs arrivaient. Il avait disparu comme il était venu. Le « petit Robin », c'était donc lui.

- Je suis si soulagée de vous trouver sains et saufs ! se réjouit la jeune femme en enlaçant vivement Frodon, encore tremblant sous le choc de la frayeur passée. Vous devez être gelés par ce temps détestable. Venez vite ! Le trou familial héberge tous les cœurs recrus ! Vous aurez tout le vin et la nourriture dont vous rêvez !

Rosie agrippa chaudement le bras de Pippin et ouvrit le chemin, avec toute l'allégresse d'une jeune âme préservée.