PDV Annabelle
Ce type est une plaie ambulante ! Heureusement c'est un excellent joueur de guitare électrique et de synthétiseur, sinon, je l'aurais purement ignoré lors de notre première rencontre.
Dick, je l'avais croisé un an auparavant dans une boite minable d'une petite ville de Californie dont j'ai complètement oublié le nom. Il jouait divinement bien, il avait un rythme d'enfer et j'avais immédiatement accroché à son style. Il n'y a que moi pour aimer les types décalés qui ont l'air dangereux.
Seulement l'air ! Car Dick, c'est une vrai pâte. Il m'a mangé dans la main en moins de temps qu'il ne faut pour le dire et me voilà embarquée, avec trois copains qui forment son groupe, dans un road house à travers les états de l'ouest d'Amérique du nord.
Je m'en suis vite faite des amis et ils ont encore plus vite compris qu'ils n'avaient pas intérêt à tenter quoi que ce soit avec moi : l'amitié – temporairement – d'accord ! le sexe, hors de question !
Contrairement à la plupart des filles qu'ils rencontraient, je ne couchais pas avec tous les êtres vivants qui ressemblaient passablement à des mâles ( car Dick bourré comme un coin, cela n'était guère du genre viril) sous le prétexte futile qu'il gratouillait un instrument quelconque sur une scène minable.
Mais ils tiraient d'autres bénéfices de notre collaboration. D'abord, je ne les dérangeais pas dans leurs petites habitudes. Voire même j'apportais un certain confort : je savais les coucher quand ils avaient tellement vidé de canettes de bière qu'ils n'étaient plus capable de tourner le clé dans une serrure, j'avais une recette d'enfer pour faire passer la gueule de bois en une demi-heure – un mélange d'eau, de sel, de citron et de café fort – et j'arrivais même de temps à autre à calmer quelques petits copains furieux d'avoir été fait cocu.
Et puis j'aimais la musique et je savais un peu composer et chanter. Ils appréciaient les chansons que je leur écrivais et je faisais parfois duo avec Sam, la voix du groupe, très rauque et raillée, ce qui convenait parfaitement à du rock.
Nous avions ce jour-là quitter Seattle, dans l'état de Virginie, très tôt, plus tôt que prévu. Le groupe – ils n'arrivaient toujours pas à se décider pour leur nom et donc « le groupe » était resté. Finalement, ce n'était pas plus mal ! – avait signé un contrat dans une boite pour quinze jours. J'avais réussi à le leur dégotter pour faire rentrer un peu d'argent dans les caisses qui restaient désespérément un gouffre sans fond. Merci Anna !
Mais dès la troisième représentation, Dick avait réussi à se taper une petite blondinette qui ne demandait que cela d'ailleurs (Mais bon, ce n'est pas une excuse) dans l'arrière boutique, sans faire attention au grand brun baraqué qui avait déjà main basse sur la dite blondinette et qui, de surcroît, était très copain avec le propriétaire de la boite.
Résultat : adieu le contrat et les 500 dollars de bénéfice mais en plus, le copain cocu s'était largement soulagé sur Dick à coup de poing américain sur la tempe et l'arcade gauche.
J'avais réussi à faire stopper le sang , je lui avais donné deux antalgiques pour calmer le mal de tête. Et nous étions partis vers six heures du matin pour éviter que le petit copain – qui du haut de ses un mètre quatre-vingt-dix était tout sauf petit – revienne finir ce qu'il avait commencé.
Taylor, Kyle et Brandon étaient montés dans le van tandis que Dick et moi suivions dans la petite ford. Dick n'avait pas dit un mot : il avait bien remarqué que je fulminais et dans ces cas-là, il vaut mieux se taire.
Trois heures plus tard, nous traversons une petite ville entourée de forêt et je décide qu'il est temps de les droguer à la caféine si on ne veut pas risquer l'accident sur la route. Je me retourne donc vers mon compagnon de voyage pour constater qu'il dort. Je le secoue légèrement : aucune réaction. Je pousse un soupir et j'y vais cette fois-ci franchement en lui criant dessus :
-Arrête de jouer la belle au bois dormant, Dick et donne moi mon portable s'il te plait !
Sa tête bascule sur le côté et je vois que la plaie s'est réouverte.
Merde !
PDV Carlisle
Les deux infirmiers amènent sur un brancard l'homme inconscient. Encore un de ses rockers drogués avec les cheveux puants de gel et les tatouages pleins le corps. Mais bon ! Dans mon boulot, on doit soigner tous les patients de la même façon. Et j'en ai déjà rencontré des pires que lui lorsque j'étais à New York.
Ils le soulèvent pour le déposer sur le lit. Une plaie béante de cinq centimètres sur l'arcade laisse suinter un sang rouge sombre.
-Depuis combien de temps est-il inconscient ? demande-je.
-Pas plus de dix minutes, me répond une voix que je n'identifiais pas.
Je me retourne rapidement vers une adolescente de dix-sept, dix-huit ans tout au plus.
-Vous en êtes sur ? rétorque-je – je me méfie toujours des adolescents humains, trop hystériques pour appréhender la réalité avec objectivité.
-Certaine.
Sa voix est sure et posée. J'en déduis que je peux lui faire confiance.
-Attendez dans la salle d'attente, mademoiselle. Nous viendrons vous dire comment il va.
-Non ! Je ne bouge pas d'ici.
Son aplomb est incroyable. Je me retourne à nouveau vers elle. Et je m'aperçois qu'elle m'observe avec une rare intensité, à moitié terrifiée et à moitié furieuse. L'espace d'un dixième de seconde, je me demande même si elle sait ce que je suis.
Mais non ! C'est impossible ! Elle doit être de ces femmes qui détestent les hôpitaux et les médecins.
Ces copains sont derrière elle : tatouages sur les bras et dans le cou, jean troué, ils ont l'air de losers. Elle dépareille au milieu avec son pantalon et sa chemise verte impeccable, ses cheveux châtains longs soigneusement peignés et sa peau sans aucune marque.
C'est le genre de groupe à faire des histoires et ce n'est vraiment pas le moment. Je dois avant tout m'occuper de mon malade.
-Tout le monde ne peut pas rester, déclare-je pour lui faire comprendre que je suis d'accord pour qu'elle reste mais qu'elle doit gérer le départ de ses copains.
Elle fait sortir les autres et va s'asseoir dans un fauteuil au fond de la salle. Ses yeux semblent vouloir me tuer.
Je ne m'occupe plus d'elle. Son copain a beaucoup perdu de sang mais la plaie est propre. Une infirmière vient la compresser pendant que je l'ausculte.
-La plaie date de quand, demande-je à la fille.
-Ca fait six heures, me répond-elle.
-Il a pris quelques choses, continue-je.
-Pas mal de bières hier soir. Plus rien depuis qu'il s'est fait ça. Je lui ai donné deux antalgiques pour calmer le mal de crane et la plaie avait cessé de saigner assez vite
La tension est bonne, le cœur un peu rapide. Pas très grave ! D'ailleurs il gémit et commence à bouger. Je demande une perfusion de sérum physiologique et du glucose.
-Votre petit copain n'a pas grand-chose. Un peu d'hypoglycémie et un petit choc du à la bière et au coup sur la tempe.
-Ce n'est pas mon petit copain, déclare-t-elle sèchement.
Je la regarde à nouveau. Elle a un petit sourire froid mais ses yeux sont toujours furieux. Curieuse fille !
-Je vais devoir le garder vingt quatre heures en observation !
Elle me regarde quelques secondes puis acquiesce.
Mon patient ouvre les yeux. Je lui explique la situation, je lui demande son nom, son âge. Je lui demande s'il reconnaît sa copine. Il sourit en la voyant. Je les laisse discuter pendant que je sorts des agrafes et une seringue de novocaïne pour lui refermer sa blessure.
PDV Annabelle
Un vampire ! Le docteur qui va soigner Dick est un vampire. Non ! Ce n'est pas possible ! Pourtant je ne peux pas le confondre avec un humain : le teint blanc, les cernes autour des dieux, cette beauté surnaturelle.
Je panique ! Dois-je hurler ? Mais qui va me croire ? Vu l'énergumène avec qui je viens de rappliquer dans leurs locaux, ils vont certainement penser que je me pique à l'acide sulfurique.
L'attaquer alors ! Le détruire, le couper en petits morceaux, le brûler ! Ca non plus, vu le monde qui traverse la pièce, ce n'est vraiment pas une bonne idée.
Et puis tout d'un coup, je réalise que personne n'a peur de lui. Le vampire est là, devant un patient qui saigne abondamment. L'hôpital en lui-même pue le sang humain et il n'attaque pas. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas naturel !
Je respire un grand coup. Annabelle ! Calme toi ! Laisse le faire. Tu pourras toujours intervenir si jamais il tente quelque chose. Je refuse de sortir de la salle. IL me regarde bizarrement mais n'insiste pas. Je dois avoir l'air d'une folle furieuse prête à lui sauter dessus s'il refuse.
Bon d'accord ! C'est un bon médecin. Cinq minutes plus tard Dick se réveille et IL m'autorise du regard à m'approcher pour que je parle avec lui.
-Je suis désolé, Anna ! murmure-t-il avec une voix rauque.
-Tu peux ! lâche je. T'es vraiment une plaie Dick, au sens propre comme au figuré.
-Allez ! Ne fais pas ta tête de cochon. C'est comme ça que tu m'aimes.
-C'est ça ! Dans tes rêves ! Je compte bien te faire le symétrique dès que tu seras rétabli. Tu nous a bousillé notre contrat, il a fallu que tu te tapes la seule nénette maquée de la boite et maintenant nous voilà tous cloués ici jusqu'à demain. Je commence sérieusement à me demander si je devrais pas faire appel à un exorciste.
Et en plus, il a fallu que tu tombes sur le seul docteur vampire, pense-je tellement fort que je me demande s'IL l'a entendu. Je le regarde brièvement.
IL sourit et Dick grimace de douleur lorsqu'il s'esclaffe.
-Je ne crois pas que Dieu puisse faire quelque chose pour moi.
-Tu as raison. Même lui, tu arriverai à te le mettre à dos. Ton cas est désespéré !
Il gémit à nouveau en rigolant.
-Arrête de me faire rire, ça fait trop mal au crane !
Je soupire. Décidément, il prend tout à la rigolade. Un de ses jours, ça va vraiment lui exploser à la figure.
IL me dit que je dois le laisser dormir maintenant – les sutures sont finies. Je comprends que je dois quitter l'hôpital et ne revenir que le lendemain. J'hésite à nouveau : bon ! Il ne va pas le saigner alors qu'IL vient de lui sauver la vie !
Je me retourne vers la porte, hésite encore une seconde puis LE regarde à nouveau :
-Merci ! Docteur…
-Carlisle Cullen. De rien ! Je n'ai fait que mon boulot.
Je souris à nouveau froidement. Son boulot, c'est pas vraiment ça en principe.
