[ Image Prologue : retirez les espaces http: pics/785661Sanstitre1. jpg ]
Il faisait chaud, l'air était doux et c'était un merveilleux été...
Le soleil baissait peu à peu derrière les arbres, ses derniers rayons dorés caressaient nos épaules et le jeu des lumières durcissaient les traits de nos visages. Les ombres de nos silhouettes s'évanouissaient sur le gravier peu à peu, formant un cercle autour de notre petit groupe. Ce gravier qui me déchirait les genoux depuis que mes jambes avaient flanché et que je me tenais ratatinée et misérable au milieu de cette allée dans ce que nous appelions autrefois "notre parc".
Je pleurais si fort que mes poumons s'étaient mis à me bruler. Chaque inspiration relevait du défi. Mais quelle importance mes genoux, ma respiration ou bien la visite du Pape en personne. J'avais l'impression que mon cœur se déchirait en lambeaux, miettes par miettes, et cette douleur ne pouvait être surpassée par aucune autre émotion. Je vivais pour la première fois la douleur, la véritable, celle qui, je supposais, nous terrassait à la perte d'un être cher... Personne n'était mort grâce au ciel, mais c'était tout comme.
"Vous êtes vraiment pathétiques, vous me dégoutez !"
Du fond de mon tourbillon infernal les voix me parvenaient comme fantomatiques, mais je parvins à reconnaitre celle d'Alexy. Jamais je n'avais entendu ce ton chez lui. Il venait de littéralement cracher ces paroles, lui, mon trublion et clown infatigable, incapable de garder son sérieux.
" FERME-LA TOUT DE SUITE ! Je te jure que si tu l'ouvre encore je..." Les hurlements de Castiel furent interrompus au milieu de crissements de chaussures rapides et de chocs sourds, comme si plusieurs personnes s'interposaient.
" ARRETEZ ! " Hurla Armin. " Vous croyez vraiment que vous foutre sur la gueule changera quelque chose ?!"
Un grognement retentit, ou plutôt un geignement, les deux en réalité, puis des froissements de vêtements m'indiquèrent que Castiel venait de se libérer de l'étreinte des autres. J'entendis ses pas furieux s'éloigner un peu et revenir puis repartir. Je le connaissais trop bien pour savoir qu'il se tenait actuellement la tête avec force, ses dents serrées faisant trembler sa mâchoire.
On s'accroupit auprès de moi et le parfum familier de mon Kentin m'enveloppa. Ses mains puissantes pressèrent mes épaules comme pour avoir mon attention puis elles agrippèrent mes poings plaqués sur mes yeux, m'obligeant à les retirer. Je pleurais si fort que je ne pouvais rien voir à part un torrent flou à travers mes longs cils, alors dans un geste pitoyable je pressai ma joue contre sa paume et la fraicheur de ses mitaines en cuir.
" Emy... Bébé regarde-moi. Je t'en supplie essaye de respirer doucement, tu nous fais peur. " La douceur de ses murmures et sa réelle inquiétude mal grès tout ce que je venais de faire m'arrachèrent un gémissement piteux. " Chérie ouvre les yeux maintenant !" Son ton plus ferme me fit soulever les paupières et quand ses pupilles émeraude me scrutèrent doucement je me jetai en avant pour m'agripper à son tee-shirt en faisant claquer ses plaques militaires. J'avais l'impression de basculer dans le vide, et je tentai de me rattraper a sa lumière dans l'obscurité. La main d'Armin se posa sur mon épaule, légère comme une plume, comme pour me signifier son soutien sans pour autant m'oppresser. Je voulu regarder dans sa direction mais par dessus l'épaule de Kentin ce fut le triste spectacle de Nathaniel assis au sol qui s'offrit à moi. Il avait les genoux relevés et les coudes posés dessus, ses mains soutenant son visage très certainement tuméfié. Du sang avait taché sa chemise préférée. Celle qu'il portait ce soir là... Celle que j'aimais tant. Il semblait anéanti et Lysandre accroupit contre lui venait de passer son bras autour de ses épaules en le secouant doucement.
Je pivotai légèrement mon visage maculé de larmes pour chercher Castiel, le cœur noué. Il tournait comme un fou en se prenant le front de ses mains, comme je l'avais deviné, et lorsqu'il remarqua que j'avais émergée de mon abîme son regard noir me transperça, tellement sombre que je ne pouvais discerner ses pupilles. Il se figea sur place et son visage jusque là furieux se mua tout à coup en une profonde tristesse. Il plaqua une main sur sa bouche et secoua la tête comme pour contenir une douleur lancinante.
" Tu n'avais pas le droit..." Gémit-il entre ses doigts.
" Castiel " Lâchai-je la voix brisée, mais il me coupa en tendant la main en avant.
" Tu n'aurais pas dû ! " Continua-t-il le regard fou " TU SAVAIS !"
" Castiel laisse-la, tu crois pas qu'elle a déjà assez morflé ?! " Le coupa Kentin en me serrant plus fort contre lui.
Castiel éclata d'un rire dingue, comme s'il était sur le point de craquer. " T'es vraiment le pire Kentin, tu es tellement amoureux d'elle que ton cerveau a arrêté de fonctionner depuis 6 ans ! J'ai pitié de toi mon pauvre ! Pitié oui ! ". Je senti les doigts de Ken trembler dangereusement mais il ne broncha pas d'un poil, toujours tellement maître de lui, préférant tout perdre ou tout encaisser plutôt que de me faire risquer quoi que se soit ou m'abandonner. Mais Castiel ne semblait pas en avoir encore fini, il tourna un doigt vengeur vers Nathaniel. " Et toi, espèce d'enfoiré, tu disais être mon frère ". Le beau blond ne releva même pas l'attaque, sa chevelure dorée frémissait dans le vent, cachant entièrement son visage jusqu'aux poignets. Lysandre fusilla Castiel de ses yeux verrons, lui intimant explicitement de ne pas continuer. Castiel leva alors les mains en reculant de quelques pas tout en balayant tout notre groupe des yeux. C'était fini, la colère avait fait place au renoncement. Son dernier regard fut pour moi. Il se mordit la lèvre et ses yeux devinrent luisants, son murmure brisa le silence.
"Je t'aimais tellement bordel, j'aurai tué pour toi..."
Et c'est ainsi qu'il poussa un dernier cri hargneux et qu'il s'éloigna dans l'obscurité naissante. Combien de temps s'écoula dans la stupeur et sans le moindre mouvement ? Aucune idée... Une éternité semblait-il. La nuit nous enveloppa très vite ensuite, emportant avec elle les bruits lointains de la ville et ne laissant percer dans le parc que mes pleurs étouffés contre le torse de Kentin.
Il faisait chaud, l'air était doux et c'était un merveilleux été...
