Helloooo ! Hum... j'ai eu l'idée de ce two-shots en regardant un film d'horreur japonais il y a quelques temps. Ce n'est pas une histoire qui fait peur, c'est juste un peu glauque. Ca se passe dix ans après G-Revolution, Tyson est devenu enquêteur et il est appelé en Russie pour continuer une affaire ratée quelques années auparavant, une affaire concernant Boris Balkov, son abbaye et la disparition d'un certain blader russe. Je n'en dis pas plus.

Le titre "Cын Москве" (prononcé "Syn Moskve") signifie "Fils de Moscou" en russe (merci google trad').

La petite introduction poétique (peut-on vraiment appeler ça poétique ? ^^") est de moi, dans le style de la poésie marchombre de Pierre Bottero, qui est un auteur français d'héroïc fantasy que je conseille vivement à tous les amoureux du genre.

L'inspectrice russe qui accompagne Tyson dans l'abbaye a pour nom Valentina. Ce prénom m'a été inspiré par la trilogie du "Dernier Souffle" de Fiona McIntosh, une incroyablement talentueuse auteure d'héroïc fantasy australienne que je recommande chaleureusement, et par sa princesse Valentina.

Pour ceux qui liraient mon autre fic, "Living on the Radio", j'avais juste besoin de mettre cette idée-ci sur papier avant de poursuivre. La suite de LOTR arrive !

Bonne lecture !


SYN MOSKVE

Cын Москве

Le frimas s'efface,
S'évapore lentement
Et ne laisse aucune trace

Le corps gît
Dans un carcan de glace
Au milieu de la nuit

Son parfum dans l'air
Comme un mirage qui s'étiole
En plein désert

Larmes amères
Gorgées de sel
Et de colère

Ils prirent la route quand la neige cessa de tomber. La jeep roulait aisément sur le chemin cahoteux, le bitume défoncé n'arrêtait pas un tout-terrain de l'armée. Ni l'épaisse couche de neige, ni la glace ne détournait le puissant et agile véhicule de son itinéraire. La mécanique avançait sans une once d'hésitation, sans sentiments, sans doutes, au contraire de l'homme d'une trentaine d'années assis à l'arrière qui regardait défiler le paysage de la plaine russe à travers la vitre presque entièrement couverte de givre.

Jamais Tyson n'aurait imaginé remettre un pied dans ce maudit pays. Ca avait été difficile pour lui de tirer un trait sur le passé, sur tout ce qui avait eu lieu ici. Il avait suffit d'un coup de fil de Valentina pour le ramener à ces temps obscurs qu'il aurait préféré oublier.

Dans sa poche, son portable vibra, le faisant sursauter. Un message de la jeune femme lui demandait avec une pointe d'agacement quand il comptait arriver. Poussant un soupir, le Japonais s'adressa en anglais au conducteur qui lui répondit qu'ils seraient sur les lieux dans une minute. Tyson appuya sa tête en arrière et ferma les yeux quelques instants. Alors qu'il contemplait à nouveau le paysage, les premières ruines de l'Abbaye Balkov apparurent, telles des icebergs noirs sur une mer blanche, telles des taches de pétrole dans un désert parfaitement immaculé.

Un peu plus loin sur la route, il aperçut d'autres voitures de police, leurs gyrophares étaient éteints. Quelques hommes patrouillaient, des armes lourdes à la main, mais la plupart des gens étaient de la police scientifique ou des inspecteurs. Le tout-terrain s'arrêta au bord de la route et, non sans remonter son col et attacher fermement son épaisse veste, Tyson ouvrit la portière et sortit. Le froid le heurta comme un mur de glace. Le vent puissant balayait la plaine et envoyait des particules neigeuses dans ses yeux, lacérant presque son visage tant il lui semblait tranchant.

L'Abbaye Balkov était en ruine. Quinze années plus tôt, soucieux de détruire toute preuve de sa culpabilité, Boris avait fait exploser son laboratoire alors qu'Interpol lançait ses agents à ses trousses. Il avait été accusé de meurtre, de violence envers des enfants, d'abus tous plus horribles les uns que les autres, ... Aux dernières nouvelles, il n'avait fait que sept ans de prison et vivait désormais quelque part en Amérique du Sud, profitant de la fortune qu'il avait accumulée en s'emparant des héritages des orphelins de l'abbaye. La société était si gangrenée par l'argent que même un tueur et violeur en série pouvait s'en sortir et finir sa vie au soleil.

Tyson tourna la tête vers le lieu de tous ces crimes. Les hauts murs encerclant autrefois la bâtisse étaient toujours debout, ainsi que la grande barrière métallique hérissée de pointes, généralement fermée, interdisant l'accès aux badauds. Les différentes ailes de l'abbaye, bien qu'ayant entièrement brûlé, étaient presque intactes. Quant au bâtiment principal qui, selon ses souvenirs, menait aux souterrains, c'était comme si un obus s'était écrasé sur le haut de la tour, explosant toute la hauteur, faisant pleuvoir briques et tuiles partout sur la cour pavée, ne laissant qu'un cercle de pierres au sol, attestant du lieu où se dressait autrefois dans toute son horreur la tour centrale de l'abbaye.

- Tyson !

Une mince silhouette vêtue de blanc passa les grilles et se dirigea vers lui. Une longue natte blonde, des yeux bleus aussi clairs que le ciel, une peau plutôt pâle, Valentina aurait pu passer pour un ange, ou tout au moins pour la plus douce des femmes si elle n'avait pas eu ces traits durs et sévères et ce regard de glace. Ils avaient travaillé ensemble pendant deux ans.

- Hé, Val' ! Lança le Japonais d'un air presque jovial, pourtant, il était plus d'humeur à tourner les talons et à rentrer à l'hôtel sans un mot.

La jeune femme replaça ses lunettes sur son nez fin du bout de l'index.

- Tu es finalement arrivé, dit-elle avec un fort accent russe qui, sans adoucir sa voix, donnait le sourire à Tyson.

Mais une vague de colère prit soudain possession du jeune homme.

- Figure-toi que je ne sais vraiment pas ce que je fous ici, s'emporta-t-il soudainement. La seule chose que j'ai toujours voulu, c'est tirer un trait sur cette histoire !

- Je sais que la justice a mal fait son travail, mais...

- Mais quoi ? Ce type est un des pires monstres que la terre ait jamais porté et il se dore au soleil alors que toutes ses victimes sont mortes dans le froid, la solitude et la douleur !

- Écoute...

- Non ! C'étaient des enfants ! La plupart d'entre eux n'avaient même pas douze ans et...

- La ferme !

Valentina le fusilla du regard, peu encline à la patience.

- Je sais ! Mais est-ce que tu vas me laisser te dire pourquoi je t'ai amené ici ou vas-tu continuer à ruminer tes sarcasmes tout la journée ?

Le Japonais se tut et croisa les bras sur son torse. A l'intérieur de lui, la rage autrefois contenue à grand efforts de sang-froid bouillait encore, mais les yeux pâles et glacials de sa collègue étaient sans pitié.

- Nous avons trouvé un nouveau passage dans les souterrains, une nouvelle salle a été accidentellement dégagée.

- Accidentellement ?

- Des gamins sont venus jouer ici malgré l'interdiction et ont provoqué un éboulement dans les couloirs. Quand la police est arrivée pour les interpeler, ils ont constaté qu'un passage s'était ouvert et ils ont contacté les anciens chargés de l'affaire Balkov.

- Qu'est-ce que cette salle a de si important ?

La Russe ferma les yeux et répondit froidement.

- Des corps.

Des... ? Tyson écarquilla les yeux de stupeur. Serait-ce possible qu'ils aient retrouvé... ?

- Des preuves, de quoi rouvrir le dossier et renvoyer Balkov à sa place, derrière les barreaux.

A cet instant, un collègue russe approcha et échangea quelques mots avec Valentina. Cette dernière fit signe à Tyson de les suivre. Ils passèrent le portail, traversèrent la cour. Il se souvint de la première fois qu'il avait pénétré en ces lieux et ses souvenirs lancèrent des frissons d'effroi qu'il retint avec difficulté. Arrivés près des ruines de la tour, un autre policier russe se joignit à eux et les guida vers l'entrée des souterrains. Ils descendirent un niveau avant de se retrouver dans une grande salle circulaire. Sur le mur de pierre nue, une impressionnante porte à double battant, toute faite de lourd métal et roussie par l'humidité le bloquait le passage.

Des mots en russe furent encore échangés et des hommes forts se chargèrent d'ouvrir un des battants pendant qu'on fournissait à Valentina et Tyson des lampes-torches puissantes et, ce qui étonna le Japonais, des masques blancs. « Pour l'odeur », précisa sa collègue. Lui sentit son coeur se serrer et le doute grandir en lui. L'attitude impassible de la russe qui l'accompagnait n'était pas pour le rassurer. Celle-ci chercha son regard, le capta et, d'un consentement mutuel, ils s'enfoncèrent dans les ténèbres.

Ténèbres n'était peut-être pas le mot, car, tous les dix mètres, de petites lampes balisaient la route. Tyson et Valentina avaient pourtant allumé leurs lampes. Les murs ruisselaient d'humidité et, par endroits, étaient couverts d'une mousse vert foncé et visqueuse. Les pas des deux policiers claquaient clairement sur les pavés mouillés et, une fois la lourde porte métallique refermée, Tyson perçut le malaise grandissant qui se refermait sur eux à chaque fois qu'ils passaient à côté d'un couloir plongé dans l'obscurité, comme si quelque fantôme vengeur se tapissant dans l'ombre épiait chacun de leurs pas, prêt à les perdre dans le dédale de couloirs qui s'étendaient sous l'abbaye. S'ils se perdaient ici, il y avait en effet peu de chances qu'on les retrouve un jour. Tyson s'efforça de chasser ces pensées de sa tête et se concentra sur les balises qui les guidaient à destination. La perspective d'errer dans cet enfer jusqu'à mourir de faim ou de froid ne l'enchantait guère, encore moins l'idée de rejoindre tous les démons qui sommeillaient derrière ces murs glacés.

Un poids se libéra de sa poitrine quand il aperçut, au loin, une porte ouverte qui donnait sur une pièce intégralement éclairée. Sans regret, il passa de l'autre côté, enfilant d'abord son masque, Valentina lui ayant rappelé qu'il devait le porter en lui pinçant le bras.

Certes, cette pièce était mieux éclairée, mais, à côté de celle-ci, le couloir ténébreux qu'ils venaient de traverser semblait presque accueillant. Valentina aurait tout de même pu le prévenir. Il oubliait souvent que la jeune femme passait facilement pour insensible, même si lui savait qu'il y avait plus que cela sous son masque de glace.

La salle au plafond haut et aux murs de pierre nue ruisselante d'humidité devait faire une cinquantaine de mètres de long pour vingt de large. Au fond, une série d'ordinateurs et de nombreux instruments de calcul compliqués étaient alignés, couverts de crasses et de mousse humide. Ci et là, des membres de la police scientifique russe circulaient, vaquant à leurs propres tâches sans leur accorder la moindre attention.

Tyson eut un violent haut-le-cœur quand ses yeux tombèrent sur un cadavre, à peine à quelques mètres d'eux. Le corps était allongé de tout son long sur la pierre, sa peau blanche avait viré au verdâtre, ses yeux exorbités étaient secs et sa bouche tordue dans une affreuse grimace de douleur. Le Japonais reconnut ses vêtements comme ceux du « personnel » de l'abbaye. Il détourna la tête avec une moue de dégoût.

- Voilà de quoi inculper une fois de plus Balkov.

- Ce ne sont que des membres de l'abbaye qui sont morts dans l'explosion, soupira l'inspecteur avec quelque dépit.

Valentina laissa passer quelque secondes avant de poursuivre.

- Je te croyais plus observateur.

Le reproche fut cinglant mais Tyson ne broncha pas, comme si le froid funeste de la Russie avait glacé jusqu'à ses réactions.

- Regarde.

La jeune femme désigna du menton des anfractuosités dans le sol d'à peu près un mètre de diamètre, creusées à même la roche, sur lesquelles étaient penchés des membres de la police scientifique.

Tyson s'approcha à pas lents du premier trou et risqua un regard dans le premier trou. Mais il y faisait sombre et il dut plisser les yeux pour apercevoir la chose recroquevillée sur elle-même dans l'obscurité. Son sang se glaça. Un cadavre. Il y avait un cadavre d'enfant dans ce trou. Le petit corps n'était vêtu que d'un pantalon qui ne l'avait protégé ni du froid ni de la fin. Sa peau était blanche, ses os saillaient sous sa peau fine comme du papier de Bible. Il détourna le regard, la gorge nouée. La nausée le prit tout à coup.

- Alors ?

- Okay... on va le mettre taule...

Tyson déglutit avec difficulté et serra les poings.

- Mais, putain, qu'est-ce que j'aimerais que cet enfoiré crève lentement et finisse en enfer...

Valentina acquiesça sans faire le moindre commentaire. À voir l'air grave de la jeune femme, il comprit que la situation se passait de mots. Elle fit volte-face et le laissa là, en proie au plus grand doute alors que ses yeux tombaient sur les nombreuses anfractuosités dans la pièce.

- Tu peux y aller si tu veux, je vais rester ici encore un moment. On va retirer certains corps de là pour le médecin légiste.

- D'accord, je n'ai pas vraiment envie de m'attarder ici...

Ils se saluèrent brièvement puis Tyson tourna les talons et se dirigea vers la sortie. Tout-à-coup, la traversée des couloirs obscurs où des ombres se profilaient et se tordaient à la lueur des torches tels des fantômes assassins lui paraissait bien plus douce et rassurante que ce tombeau.

Le Japonais soupira. Au moins, ils avaient de quoi aller dénicher Boris Balkov, bien caché dans une villa luxueuse en Amérique du Sud, pour le ramener ici, dans un cachot froid et humide où ses vieux os seraient rapidement rongés par ses crimes et son amertume. C'était trop tard, Tyson en était conscient, il savait que la justice n'avait pas assez bien fonctionné, ou plutôt avait été trop vite corrompue par quelque groupe mafieux qui protégeait ce monstre. Trop de gens étaient morts, trop de gens avaient été torturés, des enfants avaient été battus et... Un frisson d'effroi lui parcourut l'échine et sa bouche se tordit en une grimace douloureuse. Il ne voulait pas imaginer.

Et dire que Kai était passé par là. Il aurait donné cher pour que Boris soit accusé en son nom. Mais les avocats de Balkov avaient tout prévu. Comme il avait été porté disparut depuis des mois, il n'y avait aucune preuve. La police avait cherché partout, dans l'abbaye, dans le manoir de Voltaire Hiwatari, ... Même la Volga avait été surveillée, dans le cas où le corps aurait été jeté dans le fleuve.

Attendez... Son coeur rata un battement. Et si... Serait-ce possible que son corps soit ici, dans ce tombeau ? Son sang se glaça dans ses veines.

Il fit brusquement volte-face et se dirigea à grandes enjambées vers le premier homme qu'il aperçu. Dans un anglais approximatif, agrémenté de gestes vagues et du peu de mots russes qu'il connaissait, il tenta d'obtenir des informations, mais son interlocuteur ne comprit pas et retourna à son travail. Du regard, il scruta l'obscurité, espérant apercevoir Valentina. Mais sa quête était vaine, la jeune Russe avait disparu il ne savait où. Il ne tenait plus qu'à lui de se pencher au-dessus des tombes.

Déglutissant avec difficulté, il entreprit de se pencher au-dessus du premier trou. Vide.

Ainsi, pendant de longues minutes, ils risqua un regard dans presque chaque cavité. Ne pas réfléchir, fermer son coeur, c'était la seule solution pour continuer, Valentina le savait, elle faisait la même chose et c'était pourquoi il ne la blâmait jamais de son attitude austère. Les années et les affaires sordides avaient certes aigri le jeune enquêteur, mais rien ne pouvait préparer à cette glaciale hécatombe.

Alors que, lentement, son coeur se prenait à espérer ne pas distinguer la silhouette recroquevillée de l'adolescent, les traits de son visage émaciés, à l'instar de tous les jeunes cadavres ici-bas, il se figea dans l'air glacé du souterrain. Espoir futile.

Son souffle chaud entraina des volutes blanches dans l'air froid alors que le Japonais expirait et reprenait une inspiration profonde. Alors voilà, c'était ici que se terminait sa longue quête, celle qui avait commencé alors qu'il 'avait que seize ans et pour laquelle il avait toujours, au plus profond de lui-même, espéré une fin heureuse.

Valentina s'approcha de lui, accompagnée d'un homme en blouse blanche.

- Celui-là a l'air mieux conservé que les autres, dit-elle à voix basse.

Tyson serra les dents.

- Je le connaissais... c'était mon ami.

- Kai Hiwatari ? Le petit-fils de Voltaire Hiwatari ?

- Oui.

La jeune femme fixa sur lui des yeux clairs où il pouvait cette fois lire de la compassion. Elle murmura un faible « je suis désolée ». Tyson passa une main dans ses cheveux en quittant des yeux la maigre silhouette ramassée sur elle-même au fond de la geôle.

- On va sortir le corps et l'amener au médecin légiste avec les autres, lui murmura la Russe d'une voix calme et feutrée. Après, il pourra avoir des funérailles décentes...

- Ouais, merci, je vais prendre l'air.


Il se faisait tard, le service touchait à sa fin quand Tyson descendit à la morgue en compagnie de Valentina. Le matin-même, la jeune femme lui avait annoncé que les analyses sur le corps de Kai étaient sur le point de se terminer. Bientôt, il pourrait être enterré et enfin reposer en paix.

Durant la descente de ascenseur, ils n'échangèrent pas un mot, pas un geste, ni un simple regard. Les deux enquêteurs ne partageaient que leur mutuelle et silencieuse présence dans cette cage de fer.

Le Japonais n'étais plus cet adolescent exubérant et à la parole aussi intarissable que son appétit. Il y avait d'abord eu des problèmes familiaux, sa fugue, puis, finalement, sa décision d'entrer dans la police. Ses formateurs l'avaient qualifié de brillant, tout comme ses supérieurs peu de temps après. La vision de son premier cadavre l'avait laissé nauséeux et blême durant des jours. Aujourd'hui, il était un inspecteur endurci par les enquêtes sordides, les échecs cuisants et les réussites sans saveur, avec un criminel sous les verrous mais trop de victimes à mettre en terre pour qu'il puisse en tirer quelque satisfaction.

Quand ils furent au bon étage, Tyson laissa sa collègue passer devant. Ses pieds étaient lourds, certainement à cause de l'épaisse chape dure comme du métal qui lui comprimait incessamment la poitrine depuis la découverte du corps de son ami.

Le claquement des talons de Valentina faisait écho dans le couloir illuminé par une lumière claire et stérile. Tyson la rattrapa et ils marquèrent une pause devant la porte à double battant percée d'une vitre latérale à hauteur du regard.

- Tu es prêt ? L'interrogea la jeune femme.

Le Japonais laissa passer quelques secondes de silence.

- Okay, on peut y aller, souffla-t-il.

D'un geste lent, Valentina poussa une des deux portes et ils pénétrèrent dans la morgue.

La pièce était claire, la médecin qui y travaillait vaquait à ses occupations avec le plus grand naturel, nettoyant, rangeant son matériel, ... Peut-être s'habituait-on à tout, finalement, même à la mort. La femme, âgée d'une quarantaine d'année, la peau mate et les cheveux noirs rassemblés en un chignon serré, leva vers eux ses yeux noirs alourdit par un épais fard à paupières. Les deux femmes échangèrent quelques mots en russe, jusqu'à ce que la médecin légiste acquiesce et leur fasse signe d'approcher.

Sur une table métallique, un drap immaculé recouvrait le corps de l'adolescent, endormi de son sommeil de glace, éternel. Plus jamais il n'ouvrirait les yeux, plus jamais sa poitrine ne se soulèverait en gonflant ses poumons d'oxygène. Il resterait ce corps froid, avant de se décomposer dans une affreuse putréfaction des chairs, jusqu'à ce qu'aucune trace de lui n'existe, jusqu'à ce qu'on finisse par oublier tout ce qu'il avait été. Tyson sentit une boule de tristesse se former dans sa gorge alors que la médecin retirait le draps, dévoilant à la lumière crue de la pièce la silhouette marmoréenne et emmaigrie du garçon.

La médecin légiste dit encore quelques mots avant de retourner à son travail. Valentina traduisit.

- Elle dit que son corps est étonnamment bien conservé.

Ce constat était clair et net. Là où les autres victimes étaient atrocement maigres, lui, malgré ses os saillants, était encore loin de ce stade de fragilité. Sa peau semblait toujours souple et douce malgré les dégâts du froid, il aurait pu passer pour assoupi si ce n'étaient sa pâleur maladive et les marbrures plus sombres de ses veines qui se profilaient sur tout son épiderme.

Il ne portait qu'une paire de jeans noirs tout déchirés et son torse était zébré de dizaines de cicatrices. Certaines dataient de sa prime jeunesse, toutes étaient issues des coups de son grand-père et du traitement reçu à l'Abbaye Balkov. Ses cheveux n'étaient plus poisseux de sang et sales de boues comme lorsqu'il l'avait trouvé, dans cette fosse, dans les entrailles de l'abbaye. A moitié secs, ils étaient peignés en arrière pour dégager le plus possible l'ovale de son visage émacié. Ses grands yeux aux iris telles des rubis, étaient clos à jamais, cernés de lignes violacées et légèrement renfoncés dans leurs orbites.

D'un mouvement hésitant, Tyson tendit sa mains tremblante vers l'adolescent et, du dos de l'index, caressa sa joue froide et blanche. Son coeur se serra un peu plus quand il plongea la main dans la poche de sa veste et en retira un petit objet rond. Il l'amena à hauteur de son regard. C'était un mince disque de métal sur lequel était gravée la silhouette d'un farouche rapace entouré de flammes. Dranzer, le phénix de Kai.

Le Japonais prit précautionneusement la main de son ami dans la sienne et y posa la représentation de son spectre, avant de refermer avec délicatesse ses doigts sur ce présent funèbre. Depuis plus de dix ans, il gardait cet objet sur lui, dans l'espoir d'un jour pouvoir le lui remettre. C'était désormais chose faite. Il se passa une main dans les cheveux en faisant un pas en arrière.

- Je suis désolé, chuchota-t-il.

En lui, il chercha quelque trace de colère ou de révolte, mais il n'y trouva rien de plus que le silence et la résignation. Pour lui, tout était fini. Il ne se sentait pas le courage, ni même l'envie, de courser Boris à travers le globe, d'assister, impuissant, au procès, puis de reprendre le cours de sa vie. Là, dans cette morgue, devant le corps inerte de son ami, il décida qu'il était temps de tourner la page. Il laissait la fin de cette sordide affaire à d'autres. Il ne tenait pas à s'épuiser dans cette chasse, ni à nourrir de vains espoirs quant à un jugement juste. Quand les funérailles de l'adolescent seraient terminées, quand il aurait enfin droit à une sépulture décente, il rentrerait au Japon et pourrait enfin débuter une nouvelle vie.

Tyson sourit vaguement. Ce n'était pas cette fin qu'il aurait voulu pour cette histoire. Le Japonais, enfant paresseux, pas très malin et entouré de bonheur depuis son plus jeune âge avait survécu. Le Russe, réfléchi, intelligent, qui aurait mérité une nouvelle famille, aimante, et qui aurait tant gagné à connaître les joies de la vie, avait quitté ce monde sans avoir pu prier pour seconde chance. S'il avait pu en bénéficier... Non, il ne devait pas penser à cela, cela ne changerait rien. Tout au moins pouvait-il espérer que son ami se trouvait maintenant loin de la douleur. D'après ses souvenirs, Kai était chrétien, alors peut-être avait-il rejoint ce monde de lumière qu'ils appellent paradis.

Avec un dernier regard au corps inerte allongé sur cette table métallique, il tourna les talons et, accompagné de Valentina, sortit dans le couloir, fermant soigneusement la porte derrière lui. La jeune femme posa une mains chaude et réconfortante sur son bras.

- Ca va aller ? S'inquiéta-t-elle.

Tyson coula vers sa collègue un regard reconnaissant.

- Oui, merci, vraiment, je me sens mieux. Il y a une chose dont je voulais te parl...

- Aaah !

Les deux policiers sursautèrent. La médecin légiste avait hurlé.

D'un geste mû par des heures d'entrainement, ils sortirent leurs armes respectives et les pointèrent vers la porte. Sans attendre, ils s'élancèrent vers la morgue, donnèrent un coup d'épaule dans les battants de la porte et pilèrent net. Valentina hoqueta et porte une main à son coeur.

La médecin courut se cacher derrière eux, avant de fuir dans le couloir, les yeux révulsés de terreur. Là, sur la table métallique, le corps de l'adolescent était pris de soubresauts. Son poing, fermé sur l'effigie de son spectre, était illuminé d'un halo de flammes. Tyson entendit le cliquetis familier d'une arme dont on enlevait le cran de sureté.

- Non, Val', attend !

- Non !

- Attend !

Alors que son dos se cambrait au maximum et que ses pieds nus glissaient sur la table, ses yeux aux iris flamboyants s'ouvrirent et un grand cri étranglé sortit de sa bouche. Son poing, entouré de flammes, brilla plus fort et, soudain, la puissance contenue dans l'énergie vitale du phénix se déversa dans ses veines, traçant des sillons de feu sur sa peau d'albâtre, lançant des éclairs brulants à travers la pièce.

Kai se mit à convulser violemment, jusqu'à ce qu'il tombe de la table, du côté opposé aux policiers. Petit à petit, les flammes et les lumières rougeoyantes se calmèrent, puis s'estompèrent complètement après quelques secondes, ne laissant que des étincelles crépitantes ci et là. Tyson et Valentina restèrent silencieux, le seul bruit troublant l'air était celui d'une respiration hachée et en proie à la panique.

L'inspectrice russe bondit à côté de la table, prête à tirer. Le sang de Tyson ne fit qu'un tour. Il s'élança à sa suite et, à l'instant où elle pressa la gâchette, il plaça un fulgurant atémi du pied qui fit voler l'arme dans les airs. Le coup se perdit dans le plafond et Valentina poussa un cri. Le pistolet retomba à l'autre bout de la pièce. Elle ouvrit la bouche pour le sermonner, mais quelque chose d'autre capta son attention.

- Il s'échappe !

Quand Tyson se retourna, l'adolescent n'était plus là. Le bruit d'un corps heurtant une paroi métallique lui indiqua clairement son emplacement.

A pas mesurés, son arme à moitié levée devant lui, il contourna la table pour se retrouver face à une rangée d'armoires perpendiculaire au mur du fond. Dans l'angle, caché dans un coin d'ombre, Kai se recroquevillait sur lui même avec tant de force et de sanglots saccadés qu'on eut pu croire qu'il tentait de disparaître dans l'obscurité. Ses genoux remontés sur son visage, ses bras serrés autour de ses jambes et de sa tête, il était agité de soubresauts qui semblaient lentement se calmer. Sa peau cadavérique reprenait progressivement une teinte pâle mais rosée.

Quand l'inspecteur ne fut plus qu'à quelques mètres, il s'accroupit, sans geste brusque, et posa son revolver au sol, sur le carrelage blanc immaculé.

- Kai ?

L'adolescent ne réagit pas.

- Ca va aller, on ne te fera aucun mal.

Tyson n'était plus qu'à un mètre. Le garçon poussa un gémissement.

- Regarde-moi, c'est moi, Tyson, tu sais que tu peux me faire confiance. Tu te souviens de moi.

Sans émettre le moindre son, il releva lentement la tête, juste assez pour que ses yeux aux iris rouge profond paraissent sous ses mèches argentées et se braquent sur lui avec crainte et intensité. Le Japonais montra ses mains désarmées et s'agenouilla près de lui.

- Kai, ça va aller, c'est moi.

Il posa une main sur le bras de l'adolescent qui tressaillit. Sa peau était toujours froide, mais il pouvait sentir son coeur battre avec force dans sa poitrine. D'abord hésitant, il passa son bras autour de ses épaules.

A quelques mètres de là, Valentina avait récupéré son arme qui pendait au bout de son bras, le long de son corps. Confuse, perdue, elle regardait sans comprendre son collègue prendre dans ses bras un garçon qui était encore mort quelques minutes auparavant et lui souffler des mots de réconfort à l'oreille. La jeune femme sursauta quand il s'adressa à elle.

- Val', on ne peut pas le laisser ici. Il faut qu'on l'emmène.

- Que... quoi... ?

- Réveille-toi, il faut faire vite !

- A ton hôtel ?

- D'accord.

Tyson retira sa veste pour la serrer autour de l'adolescent immobile contre lui. Il se redressa et, le portant dans ses bras, se dirigea vers la sortie. L'inspectrice lui ouvrit la porte et se poussa pour le laisser passer, évitant soigneusement du regard la maigre créature portée par le Japonais.

Une chance pour eux, le bâtiment était presque vide à cette heure. Mais les caméras de surveillance n'allaient pas leur faciliter la tâche. Empruntant les escaliers de secours, ils descendirent jusqu'au premier sous-sol où Valentina avait laissé sa voiture. Dans les bras de Tyson, Kai gardait les yeux fermés et le visage enfoui dans le creux de son épaule. Mais le policier ne s'inquiétait pas, l'adolescent respirait calmement et son coeur battait dans sa poitrine. Pourquoi ? Comment ? Il ne voulait pas se poser ces questions maintenant. Il était en vie, c'était l'essentiel à cet instant.

Pour atteindre la voiture, un petit tout-terrain argenté, ils durent se glisser derrière les quelques véhicules encore stationnés là et se dissimuler dans l'ombre des piliers qui soutenaient le bâtiment. Tyson allongea le garçon sur la banquette arrière alors que sa collègue s'installait derrière le volant. Il ferma la portière avant de monter dans le tout-terrain.

La Russe quitta sa place de parking et démarra en trombe, les mains crispées sur l'engin, les yeux rivés sur la route. Le Japonais dut la prier de recouvrir son sang-froid pour éviter le carambolage pendant que la jeune femme slalomait dangereusement entre les véhicules sur l'auto-route.

- Comment explique-tu ça ? Demanda-t-elle sèchement.

- Je ne l'explique pas.

- C'est impossible, ça ne peut pas être vrai ! Il devrait être mort depuis dix ans ! S'insurgea Valentina.

- Je sais !

Ils quittèrent l'auto-route et pénétrèrent dans le centre ville. Malgré la conduite brusque et nerveuse de la jeune femme, la voiture se faufila aisément dans la circulation intense. Ils s'arrêtèrent sur le parking de l'hôtel où séjournait Tyson.

Ce dernier sortit du véhicule et ouvrit la portière arrière pour prendre Kai dans ses bras. Il se tourna vers Valentina.

- Merci, Val'.

- Que vas-tu faire maintenant ?

Il haussa les épaules.

- M'assurer que ce petit-là va bien, dit-il en désignant du menton l'adolescent somnolant contre lui, le mettre en sûreté puis...

- Chasser Boris ?

- Peut-être.

La jeune femme se passa les mains sur le visage.

- Et lui ? Il n'a plus de papiers, tout le monde le croit mort, ...

- Je lui ferais faire de nouveaux papiers, il aura un nouvelle identité.

- Que feras-tu s'il n'est pas... normal ?

- Ce que je sais faire de mieux: j'improviserai !

Les deux policiers se toisèrent quelques seconde sans rien dire.

- Je suis désolé de t'avoir mêlée à tout ça. Je m'occupe de lui. Tu peux oublier ce qu'on a vécu ce soir et...

- Je ne saurais pas oublier ça. N'essaye pas de m'écarter.

- Je n'essaye pas de...

-Moi aussi, ça m'intrigue que ce garçon ait pu ressusciter de la sorte !

- Bon... Soupira le Japonais. Que fait-on dans ce cas ?


Valentina glissa la carte électronique dans la fermeture de la porte et s'effaça pour laisser passer son collègue. Tyson s'assit sur le lit, l'adolescent somnolant dans ses bras, bientôt rejoint par la Russe.

- Alors, comment va-t-il ? S'enquit-elle à voix basse.

Le Japonais dégagea quelques mèches du visage du garçon. Sa tête reposait sur l'épaule de l'adulte, ses yeux étaient mis-clos et sa peau était toujours d'une pâleur alarmante. Malgré cela, il semblait paisible, épuisé mais paisible. Ils l'allongèrent sur le lit et l'emmitouflèrent dans les draps pour le réchauffer. L'adolescent ferma les yeux et sombra immédiatement dans un sommeil profond.

Les deux policiers partagèrent un regard inquiet.

- Tu crois qu'il redeviendra... enfin, qu'il saura véritablement revivre ?

- Je l'espère.

Ils posèrent les yeux sur l'adolescent recroquevillé sur le lit, sous un amas de draps. Seuls une part de son visage, ses cheveux et un poing fermé étaient visibles. Il dormait au milieu du lit, les deux adultes étaient assis de part et d'autre et l'observaient avec inquiétude.

- Et maintenant ? Demanda Valentina.

- Eh bien, la médecin légiste va certainement alerter les enquêteurs. Nous raconterons que nous avons fui peu après. On finira par dire que le corps a plus que probablement été volé par ceux que nous traquons pour détruire des preuves primordiales et...

- Moi, traumatisée par ce que j'ai vu, je t'ai accompagné à cet hôtel par crainte de rester seule chez moi.

- Tu crois que c'est plausible ? S'inquiéta le Japonais.

- C'est bien ça le problème, cette histoire est impossible... et effrayante.

La jeune femme serra ses bras autour d'elle et frissonna. Tyson se leva et augmenta le chauffage.

- Ca va aller ? Je ne crois pas qu'il nous fera de mal. Regarde, je trouve pas qu'il ressemble à un zombie !

- Ce n'est pas le moment de plaisanter !

Éclatant de rire, le Japonais se laissa tomber dans le fauteuil à côté du lit.

- Je suis très heureux, tu sais ?

- Arrête, on ne sait même pas s'il est... s'il est...

- Mort ou vivant ? Il m'a l'air bien vivant ! Et je me fiche pas mal de savoir comment, même si j'ai bien une idée...

A pas lents, Valentina vint s'asseoir à ses côtés et laissa son collègue passer un bras autour de ses épaules. Tyson serra la frêle jeune femme contre lui.

- Je te protégerais contre les fantômes, murmura-t-il avec un sourire. T'inquiète... aïe !

La Russe, avec un sourire tendre, venait de lui planter son coude dans les côtes, avant de laisser aller sa tête contre son épaisse épaule.

- Je te jure, j'ai pratiqué des arts martiaux pendant des années, je musclé comme un...

Un soupir fatigué de Valentina le laissa sans voix. La jeune femme avait fermé les yeux et semblait s'assoupir dans ses bras.

- D'accord, j'ai compris, je bouge pas, je...

- Tyson ?

- Eh... oui ?

- Tais-toi, s'il te plait.

Silence.

- Et surveille le...

- Kai ?

- Oui.

- T'inquiète, je te protégerais s'il essaye de te manger, ricana Tyson.

- Ce n'est pas drôle.

- Il ne te fera pas de mal, il dort comme un bébé.

- Bien...

- Eh ?

- Bonne nuit.

- Oh, bonne nuit.

Avant de fermer à son tour les yeux, le policier posa son regard sur la forme endormie dans le lit.

- Dranzer...


Quand Valentina s'éveilla, elle était toujours dans la chambre d'hôtel. Kai était toujours endormi et Tyson n'était nulle part en vue. Elle se leva et s'étendit. Les muscles de son cou, endoloris par une nuit peu confortable dans le sofa, la mirent au supplice. Elle grimaça et se dirigea vers la salle de bain pour faire un brin de toilette.

S'aspergeant le visage d'eau, elle se remémora les événements passés. D'abord la découverte de la crypte, ensuite la morgue, puis... l'impossible. Un mort était revenu à la vie. La jeune femme ne savait de quel côté pencher. Son esprit rationnel n'acceptait pas cette vérité. Elle pensait à son enquête, au fait qu'ils pourraient rattraper Balkov et le mettre derrière les barreaux avec les corps trouvés dans les sous-sols de l'abbaye. D'un autre côté, quelque chose au fond d'elle-même peut-être, ou alors cet espoir qu'elle croyait avoir perdu depuis longtemps, la poussait à passer outre l'horreur et à y croire.

Perdue dans ses pensées, dans le brouillard des possibilités, elle sortit de la salle de bain et failli se heurter à l'adolescent. Elle sursauta violemment et manqua de pousser un cri d'effroi.

Kai était là, devant elle, parfaitement immobile, dans toute sa pâleur maladive et sa maigreur terrifiante. Ses yeux écarlates, veinés de vaisseaux sanguins, n'exprimaient pourtant aucune animosité. Les battements du coeur de Valentina ralentirent.

- K... Kai !

Le garçon secoua ses mèches grises et reposa son regard rouge rubis sur elle. Non sans un certain sentiment de culpabilité, la jeune femme déglutit avec difficulté et chercha son arme des yeux. Mais l'adolescent resta absolument calme et pacifique. Lentement, il leva le bras et tendit l'index vers la porte. Puis il baissa le bras.

- Qu'est-ce...

Il réitéra son geste.

- Oh, tu veux prendre une douche ?

Il acquiesça.

- Oui, évidemment, d'accord...

Sans plus d'attention pour elle, Kai entra dans la salle de bain et ferma la porte. Valentina ferma les yeux et inspira à fond.

- Peut-être... peut-être devrais-je aller t'acheter quelques vêtements ?

Pas de réponse.

- Ne quitte pas la chambre, je vais faire quelques courses.

La jeune femme, sans prendre le temps de gamberger, ajusta ses vêtements et sortit de la chambre, verrouillant sa porte avec la carte électronique. Elle espérait vivement croiser Tyson, elle n'aimait pas l'idée de laisser l'adolescent seul. Heureusement pour elle, la chance était de son côté. Elle croisa le Japonais à la réception, en train de régler sa note. Il parut surpris de la trouver là.

- Je vais chercher quelques vêtements pour...

- Ah, oui...

- Ce serait bien si tu ne le laissais pas sans surveillance trop longtemps, on ne sait jamais.

- Il dort toujours ?

- Non, il prend une douche.

Les deux inspecteurs se toisèrent gravement, avec de détourner chacun le regard avec une moue gênée.

- Bon, et bien...

- A tout à l'heure.

Sans échanger un regard ou un mot de plus, ils se séparèrent. Valentina sortit de l'hôtel et Tyson remonta dans la chambre. Bientôt, leurs collègues les appèleraient pour les questionner et ils auraient à fournir des explications. En attendant, ils devaient cacher l'adolescent revenu d'entre les morts.


- Tu as perdu la tête !

- Non. C'en est fini d'attendre que la justice se mette en branle. Je vais le chercher et Kai vient avec moi.

Valentina jeta un coup d'oeil au garçon assis en tailleur sur le lit. Il portait un jeans, une chemise et une paire de baskets des plus banals. Ses cheveux en bataille, d'un argenté lumineux, zébrés de mèches bleu nuit, encadraient son visage d'origami, maigre et anguleux, pâle comme une statue de marbre. Sans réagir, mais pourtant avec un certain intérêt, il observait les deux adultes, son regard glissant de l'un à l'autre. Quelques fois, il penchait la tête sur le côté d'une manière curieuse et ses yeux semblaient s'éveiller, avant de renfiler son masque dénué d'expression.

- Mais... Regarde la réalité en face. Comment veux-tu passer ne serait-ce que la frontière de la Russie avec lui ? Il n'a pas de papiers. De plus, je te rappelle que nous devons faire notre travail dans les règles et suivre la procédure. A moins que toi aussi tu ne veuilles être poursuivi !

- Je... Je n'y ai pas encore réfléchi ! Avoua le Japonais.

- Ah !

- J'improviserai !

- On peut improviser et jouer sa chance, mais pas dans une telle situation, s'envenima la jeune femme, les poings sur les hanches.

Tyson s'ébroua et se tourna vers l'adolescent.

- Alors, Kai, qu'est-ce qui te tente le plus ? On reste et on se cache, ou bien on va chercher la bagarre ?

Kai pencha la tête sur le côté. Pendant quelques secondes, il posa son regard sur Valentina avant de revenir au Japonais et de le fixer de ses iris rouges. Tyson fit un clin d'oeil qu'il voulait rassurant à la jeune femme.

- T'inquiète, on trouvera un moyen de s'en sortir.

Cette dernière secoua la tête avec résignation et son collègue éclata de rire.

- Rien de mieux qu'un bon effet de surprise !

- Si je ne te connaissais pas, je trouverais ton assurance insolente, soupira-t-elle.

- Eh... ça veut dire quoi ça ?

- Que ton plan a intérêt à fonctionner.

- Quel plan ?


Et voilà pour cette première partie. Je ne sais pas encore quand la seconde et dernière partie arrivera. J'ai pas mal de travail pour l'unif et ce n'est pas facile d'écrire régulièrement. Mais bon, quand on aime, on trouve toujours un moment pour écrire, entre deux cours, ou quitte à sacrifier une sortie entre amis. Bref, à la prochaine, je prépare le barbecue pour Boris, ça va chauffer au chapitre suivant !

Pour que Boris soit crucifié, tapez 1.

Pour que Boris soit congelé, tapez 2.

Pour que Boris soit enduit de confiture et laissé en plein soleil, tapez 3

Pour que Boris soit forcé de manger des chocapics jusqu'à en exploser, tapez 4.

Pour que Boris s'en sorte... tapez 5.

*Sifflote*