Chapitre 1

Vuelie


"Je soussignée, Reine Elsa d'Arendelle, prends compte du contrat ci-dessus et engage mon royaume à en respecter les écrits durant l'entière durée de l'accord."

Cette phrase, Elsa l'avait écrite une vingtaine de fois, et ce chaque jour depuis que le château avait rouvert ses portes et que l'été s'était rétabli autrement dit, depuis presque un mois. Signer de la paperasse administrative ne la gênait pas pour autant, elle trouvait même cela relaxant, mais commençait sérieusement à s'en lasser.

Elle se laissa tomber sur le dossier de son fauteuil et étira ses bras vers le haut, puis ferma les yeux. Il n'était que neuf heures du matin et la jeune femme aux cheveux blonds platine se sentait déjà épuisée. Après avoir débattu presque toute la nuit de la veille avec le Conseil du royaume sur le nouvel agencement du port, elle était vide d'énergie et s'autorisa une courte pause avant de reprendre son travail.

Les fins rayons matinaux perçaient la fenêtre derrière elle et chauffaient agréablement sa nuque découverte. Elle sourit en entendant les éclats de voix lointains provenant des ruelles en contrebas, qui se répercutaient jusqu'au château. Elle crut même apercevoir les comptoirs des marchands par l'autre fenêtre en face d'elle, mais la hauteur l'empêchait de voir plus bas que le mur d'enceinte. Son sourire s'évanouit et elle baissa la tête pour observer son bureau. Recouvert de piles de papiers, d'enveloppes et de lettres, son plan de travail donnait la nausée, mais elle tamponna tout de même le cachet royal pour sceller la lettre qu'elle venait d'achever. Elle aurait pu, il est vrai, demander de l'aide à un subordonné, ou avoir un assistant, ou même confier la tâche au personnel du château qui s'occupait du courrier jusqu'ici. Néanmoins, elle préférait que ce soit ainsi. Elle avait presque toujours tout fait seule, sans le soutien de personne, et désormais, c'était son devoir de reine.

Elle posa l'enveloppe sur la ridicule petite pile à sa gauche, qui constituait celles terminées, et scruta l'autre pile : environ dix fois plus de lettres attendaient d'être ouvertes. Réprimant un soupir, elle décacheta la suivante et la lut en silence, puis égoutta sa plume dans l'encrier et recommença à écrire. Elle savait qu'elle faisait cela parce que c'était sa situation, et que son royaume dépendait des contrats d'échanges marchands qu'elle signait, et cette pensée lui redonna la foi dont elle avait besoin pour surmonter les heures de travail qui s'annonçaient. Elle sourit doucement et signa, puis mordilla d'un air absent le bout argenté de sa plume en se relisant.

- SURPRi-aA-AAAAAH ! Hurla une voix en entrant dans la pièce.

Elsa releva la tête juste à temps pour voir une crinière rousse magistralement s'effondrer tête la première dans quatre-vingt centimètres de neige fraîche.

- Anna ?

La dénommée agita les bras hors du tas de neige en tremblant.

Elsa replanta immédiatement sa plume dans l'encrier et se précipita à son secours, trottinant avec légèreté sur la couche blanche éclatante qui recouvrait le sol de la pièce.

- Oh, Anna, je suis tellement désolée !

Elle l'aida à se redresser.

- Excuse-moi, j'étais tellement concentrée, je n'ai pas fait attention !

- Je vois ça, sourit la cadette qui regarda autour d'elle en s'ébouriffant.

La majorité du cabinet était sous la neige, mais elle s'arrêtait juste au niveau du pupitre et des premiers livres de la bibliothèque.

- Attends.

La reine remua délicatement son poignet dans les airs puis claqua des doigts. Aussitôt, toute la neige s'évapora, y compris celle sur Anna, et se transforma en flocons épurés qui allèrent se joindre à la décoration du lustre en glace au milieu de la pièce.

- Voilà. Ça va ? Tu n'as pas froid ? S'inquiéta immédiatement l'aînée en la voyant grelotter.

- Non, non, c'est bon, mentit Anna en souriant, mais son claquement de dents la trahit.

Elsa eut un petit rire, au croisement entre l'embarras et la tendresse, et serra sa sœur dans ses bras.

- Désolée, je ne pensais pas que quelqu'un entrerait, c'est tombé tout seul pendant que je réfléchissais, s'excusa de plus belle la blonde dont la voix était étouffée par la robe d'Anna.

- Ce n'est pas grave, assura-t-elle en lui rendant son étreinte. Tu me réchauffes maintenant !

C'était en réalité à moitié vrai, puisque malgré la chaleur du câlin, le corps d'Elsa restait éternellement froid.

Anna se mit à bâiller bruyamment sur son épaule. Son aînée remarqua alors qu'il était relativement tôt pour elle, compte tenu du fait qu'elle dormait habituellement jusqu'à dix ou onze heures. Cependant, elle était déjà habillée. La reine s'écarta doucement et observa son visage fatigué.

- Ça fait longtemps que tu es debout ?

- Je devrais te retourner la question, marmonna Anna en se frottant les yeux.

Elsa sourit en secouant la tête et lui pressa affectueusement l'épaule.

- Tu t'es levée plus tôt pour venir me voir ?

La princesse acquiesça, ses cheveux roux dénoués s'agitant dans le mouvement.

- Tu ne veux pas mettre un peu le nez dehors ? Proposa la cadette en voyant les piles de papiers qui ornaient le bureau.

- Non, Anna, désolée, je suis submergée par le travail en ce moment.

Elsa retourna s'asseoir à contrecœur à son bureau, prête à se replonger dans sa lecture.

- Tu dis ça depuis une semaine, soupira Anna, mais la remarque sonna plus abattue que voulu, ce qui fit relever la tête à sa sœur.

- Je suis vraiment navrée, tu sais, c'est juste que nous sommes bientôt fin-août et que ces contrats nécessitent d'être signés avant, s'excusa la reine en pointant une des piles, justement la plus haute.

Anna baissa les yeux et soupira discrètement – ce qui, avec son exubérance habituelle, équivalait à un soupir normal.

- Je comprends.

- Tu peux demander à Kristoff s'il a du temps libre, proposa Elsa, le cœur brisé par sa déception.

- Il est parti il y a deux jours chercher de la glace avec son équipe à la Plaine de l'Ouest, murmura Anna, réprimant un rire nerveux.

- Oh, pardonne-moi, j'avais oublié. Oui, c'est vrai, se souvint-elle alors, il est venu me faire signer un accord pour le passage du pont des trolls. C'était il y a deux jours déjà...

- Et Olaf est parti avec lui, ajouta Anna, la voix brisée.

Elsa releva la tête de nouveau. Sa cadette avait détourné le regard et fixait les pierres de la cheminée. La blonde se mordit les lèvres et reposa sa plume dans l'encrier.

- Anna...

Elle tendit le bras au-dessus du pupitre pour attraper sa main. Au contact, la cadette sortit aussitôt de sa rêverie et plongea ses yeux couleur turquoise dans l'azur de ceux de son aînée.

- Anna, je suis vraiment navrée. Je ne pensais pas que lui donner ce titre l'occuperait autant.

- Ce n'est pas pour lui que je suis inquiète, avoua la princesse en s'asseyant sur une des chaises devant le bureau. C'est pour toi. À chaque fois que je viens te voir, tu es toujours débordée.

Elsa soupira en fermant les yeux et se laissa retomber au fond de son fauteuil, puis se massa l'arête du nez.

- Tu as raison... Je n'en vois plus le bout, c'est horrible.

La rouquine gloussa et posa les coudes sur son bureau, exhibant un énorme sourire.

- Ce n'est pas grave, je vais t'aider ! À deux, on ira plus vite. Et puis je suis la seule autre personne qui ait le droit de signer les papiers royaux, rappela-t-elle avec une moue fière.

Elsa pouffa en haussant un sourcil.

- C'est très aimable de ta part, mais... Tu es un peu maladroite, j'ai peur que ce soit une mauvaise idée.

- Montre-moi juste les papiers à trier, suggéra sa sœur, ignorant sa moquerie.

L'aînée indiqua le tas de lettres qui n'étaient pas encore lues.

- Tu peux m'ouvrir les enveloppes si tu veux. Ne le prends pas mal, c'est tout ce que je peux te proposer.

Mais Anna avait déjà commencé à prendre la première et à en déchirer l'ouverture.

- Attends, l'interrompit Elsa. Prends mon coupe-papier, ça ira mieux. Tu vas les abîmer comme ça.

Anna prit l'ouvre-lettre que son aînée lui tendait et continua de décacheter l'enveloppe en silence. La reine en profita pour reprendre la lecture de son contrat mais elle fut déconcentrée de nouveau environ quatre secondes plus tard par les bruits secs que produisait Anna devant elle.

Concentrant toute l'énergie possible pour ne pas rire lorsqu'elle relèverait la tête, Elsa regarda sa cadette se débattre toujours avec la même enveloppe.

- Besoin d'aide ?

- Non, non, c'est bon, c'est juste que... Ce couteau est étrange...

- Tu tiens la lame à l'envers, remarqua Elsa. Tu dois le prendre dans l'autre sens.

- La gravure n'est pas censée être sur le dessus ? S'étonna Anna en fronçant les sourcils.

- Si, mais ce coupe-papier m'a été fait sur mesure et je suis gauchère, expliqua Elsa.

Elle tendit le bras pour le lui retourner dans sa main.

- Oh, excusez-moi, Votre chère Majesté Reine Elsa d'Arendelle, je ne savais pas que vous vous faisiez livrer du matériel de bureau sur mesure, moqua Anna d'un faux ton hautain.

- Ne dis pas de bêtises, soupira l'aînée, non sans sourire. On me l'a offert.

- Un cadeau ? De qui ? Demanda immédiatement sa sœur.

On pouvait lire dans son regard que la soif de potin avait remplacé la plaisanterie. Cela n'échappa pas à Elsa, qui ricana en imaginant sa déception.

- Un vieux marchand à qui j'ai fait réparer la charrette la semaine dernière.

- Oh, fit Anna en affaissant ses épaules.

Mais elle réalisa que ce souvenir lui était familier.

- Attends... Ce n'était pas la charrette qu'on a...

- Explosée à notre arrivée de course en luge ? Si, très probablement.

Les deux sœurs rirent aux éclats, et leurs rires se répercutèrent sur les murs en bois, s'accordant avec la lueur du soleil qui embaumait la pièce.


Quelques minutes plus tard, lorsqu'Anna eut essuyé ses dernières larmes et qu'Elsa devait calmer ses crampes au ventre, elles décidèrent de se remettre au travail. Anna continuait d'ouvrir les enveloppes une à une, de plus en plus facilement, et Elsa rédigeait, signait et tamponnait les contrats.

Les heures passèrent et les rayons du soleil traversaient complètement la pièce lorsqu'elles atteignirent finalement le bout de la pile. Tandis qu'Elsa scellait la dernière lettre, Anna s'étira puis vérifia qu'elles avaient bien fait le tour du courrier. En rangeant les piles sur le bureau, elle remarqua une dernière enveloppe, bien particulière, à côté du bras droit de la blonde.

- Qu'est-ce que c'est ? Demanda Anna, étonnée par l'excentricité de la lettre.

Toutes celles qu'elle avait tendues à Elsa jusqu'ici, et même toutes celles qu'elle n'ait jamais vues de sa vie, étaient ornées d'un crocus, le blason familial, ou bien des armoiries complexes des pays limitrophes. Mais celle qu'Elsa gardait près d'elle était agrémentée d'un symbole en forme de soleil si simple et si particulier qu'on aurait d'abord cru un dessin.

- Rien d'important, lança précipitamment Elsa avant de poser l'enveloppe sur le tas de papiers à jeter.

- Tu ne la lis même pas, remarqua la rouquine. Regarde au moins l'exp—

- Anna !

La cadette avait tendu la main vers la lettre, mais Elsa, plus rapide, plaqua aussitôt la sienne dessus avant qu'elle ne l'atteigne. Leurs peaux se touchèrent et Anna sursauta en sentant les doigts glacés de sa sœur.

Il y eut un silence gênant et Anna écarta sa main.

- Désolée.

- Non, c'est moi. Je... Je prévoyais de la lire plus tard, c'est tout.

Dans un nouveau silence, Anna vit Elsa écarter la mystérieuse enveloppe mais elle sut bien qu'aucune d'elles n'en avait détaché l'attention.

- Elsa, qu'est-ce que tu caches ?

La reine releva la tête, surprise. Pourquoi est-ce qu'Anna avait eu le même ton que sa mère autrefois, et pourquoi est-ce que cela la rassurait et la blessait en même temps ?

- Tu sais ce qu'est cette lettre, pas vrai ? Devina la rouquine d'une voix douce.

Elsa dévia douloureusement le regard.

- Tes mains sont gelées, remarqua Anna. Et la température de la pièce est de nouveau aussi froide que quand je suis arrivée.

La reine écarquilla les yeux en se rendant compte que le tampon qu'elle était en train de ranger se teintait d'argent à cause de la glace qui s'y formait, et elle s'efforça de calmer ses émotions.

- Tu sais ce qu'elle contient, n'est-ce-pas ?

Si c'était parce qu'elle entendait la voix de sa mère lui demander calmement ce qui n'allait pas, ou parce qu'elle ne voulait plus jamais rien cacher à sa sœur, elle ne sut le dire ; mais elle grimaça et lui tendit l'enveloppe. Tandis qu'Anna la prenait dans sa main, la température de la pièce redevint normale et la fine couche de glace sur les surfaces disparut.

- Cela fait trois ans que je reçois cette même lettre, avoua Elsa d'une voix brisée. Je sais ce que c'est. Une invitation pour un festival qui a lieu chaque année lors de la dernière semaine d'août. La fête des Lanternes de Corona.

- Depuis trois ans ? Répéta Anna, comprenant ce que cela sous-entendait.

Elsa fut étonnée de voir que c'était le point qui l'avait le plus marquée. Compte tenu de la situation, la Anna festive et excitée avait laissé place à la Anna inquiète pour sa sœur. Cette réalisation emplit ses yeux d'un début de larmes.

- Depuis l'année où sont morts papa et maman, oui.

Elle ferma les paupières pour ne pas pleurer et ne sut dire dans quel état se trouvait Anna.

- Ils se rendaient dans un royaume au large vers le Sud, maintenant que je m'en souviens, murmura Anna. J'imagine qu'il s'agit de Corona…

- Oui, confirma l'aînée en rouvrant les yeux. Ils étaient invités à un mariage.

Il y eut un silence, alors Elsa préféra tout dire tout de suite.

- Si c'est comme l'année dernière, cette lettre est signée du roi et de la reine en personne, qui nous invitent toutes les deux à venir les rejoindre le soir du lâcher des Lanternes. Je pense...

Elsa prit une grande inspiration, ce qui lui permit de contrôler ses larmes, et par la même occasion le froid qui les entourait.

- Je pense que c'est pour se faire pardonner du malheur arrivé.

Anna comprit ce qu'elle insinuait. Il serait cruel de rejeter la faute sur quiconque pour le décès en mer de leur parents, mais s'il fallait vraiment pointer du doigt une cause, leur voyage à Corona le devenait. Même si personne n'était responsable de l'accident, il était arrivé de nombreuses fois à Elsa dans ses années d'isolement de blâmer les mystérieuses personnes qui avaient invité son père et sa mère ce jour-là.

Elle remarqua qu'Anna avait les yeux rivés sur le papier. Après tout, malgré la tension de la situation, elle n'en restait pas moins curieuse comme toujours.

- Je préfèrerais que ce soit toi qui la lises, avoua Elsa, la voix faible.

Sa cadette acquiesça et ouvrit la lettre, concevant qu'elle avait pris la bonne décision. De toute façon, elle parierait qu'Elsa avait raison : le message serait exactement le même que les deux années précédentes.

Anna s'éclaircit la gorge, soutint le regard de sa sœur pour savoir quand commencer, puis débuta la lecture à haute voix.

- "Chère Majesté Reine Elsa d'Arendelle, Chère Princesse Anna d'Arendelle, nous informons Vos Altesses qu'elles sont conviées le 30 et 31 août 1844 au Festival des Lanternes de notre royaume en l'honneur de la Princesse Raiponce de Corona.

Vous êtes également cordialement invitées à un dîner privé avec Ses Majestés le Roi et la Reine de Corona ainsi que la Princesse Raiponce et le Prince Eugène le 31 août à 19 heures."

Elsa prit une grande inspiration, et Anna s'apprêta à replier le papier. Mais la lettre n'était pas finie.

- Ah, il y a une inscription plus bas, remarqua-t-elle. "En espérant vous compter parmi nous cette année", signé avec le cachet royal.

Anna eut un toussotement nerveux pour cacher son émotion et elle releva la tête vers son aînée, qui étonnamment ne semblait pas troublée par la lettre ni particulièrement émue. La rouquine discerna également que la température de la pièce n'avait pas varié d'un chouia, et que les mains d'Elsa reposaient tranquillement, décrispées, sur son bureau.

Puis elle eut un sursaut lorsqu'elle réalisa qu'elle la fixait du regard.

- Qu… Qu'est-ce qu'il y a ?

- Rien, je réfléchis, répondit posément la Reine, qui continua de la fixer.

- Je… J'ai dit quelque chose qui ne fallait pas ? Bredouilla Anna, cherchant son erreur.

La blonde ne répondit pas et avait toujours ses iris azur verrouillés sur son visage. Soudain, elle se redressa et se leva de son fauteuil. Elle marcha lentement vers la fenêtre puis s'arrêta.

- Tout va bien ? S'inquiéta la cadette, tordue sur sa chaise pour essayer de voir son expression, mais elle lui faisait dos.

Il y eut un long silence, durant lequel Elsa réfléchissait profondément.

- Anna ?

- Oui.

La reine se retourna, et à la grande surprise de sa sœur, son visage rayonnait, et un sourire se dessinait sur ses lèvres.

- Est-ce que ça te dirait de faire un séjour à Corona ?

Anna écarquilla les yeux et bondit de sa chaise.

- Tu rigoles ?!

Ce fut à son tour d'avoir le visage barré d'un sourire. L'adrénaline avait pris le dessus et activé l'excitation naturelle de la princesse.

- Pas du tout, répondit Elsa. Écoute, j'ai réfléchi, et… Chaque année, je reçois cette lettre. Chaque année, ils nous contactent spécialement pour les rejoindre. Donc je me dis que ça ne peut plus être dû au hasard. Qu'ils veuillent se faire pardonner, ou bien juste parler avec nous, ou alors simplement nous rencontrer, peu importe. Il faut qu'on y aille. Tu es d'accord ?

- Si je suis d'accord ? Répéta Anna avec un sourire espiègle. Elsa, c'est la première fois que j'ai l'occasion de voyager en dehors d'Arendelle, et pour un festival, et qui plus est avec toi ! Jamais je ne louperais une opportunité pareille.

Elsa sourit largement.

- Merci. Je suis heureuse que tu acceptes. Je viens d'avoir l'idée, et, euh… Je ne sais pas si c'est la bonne.

Elle triturait ses mains tout en déviant le regard, loin d'être confiante.

- Mais par rapport à mon besoin de me racheter auprès des pays collaborateurs, poursuivit-elle, et aussi par rapport au roi et à la reine de Corona, je me suis dit que—

Elsa n'eut pas le temps de finir sa phrase avant que sa sœur ne se rue dans ses bras. L'aînée ricana et répondit à son étreinte tandis qu'Anna posait une main assurée contre son dos.

- Ta réaction est normale, Elsa. C'est une bonne décision, garantit Anna en s'écartant pour lui montrer son sourire confiant.

- Alors il faut que je me dépêche de répondre, dit-elle en rejoignant déjà son bureau. Sinon ce sera trop tard pour l'invitation.

Tandis qu'elle retraversait le tapis, Anna resta près de la fenêtre, pensive, en se soutenant le menton.

- Tu ne trouves pas cela étrange, cette invitation privée, justement ?

- Comment ça ? Questionna la blonde en se retournant légèrement.

- Eh bien, normalement, les gens de famille royale de chaque pays reçoivent une invitation, juste comme ça, mais là, on dirait que… On dirait qu'on a droit à un traitement de faveur. Je veux dire… Un dîner avec le roi et la reine, quand même ! Généralement, il me semble que c'est juste un banquet, non ?

Elsa s'arrêta net, et se tourna complètement vers elle.

- Tu veux dire que…

- Ouaip, fit simplement Anna en opinant du chef.

- Ce serait donc réellement pour cette raison.

Anna acquiesça car elle partageait la même pensée.

- Il faut vraiment qu'on y aille.

- Oui, vraiment.

La cadette vit le regard inquiet de sa sœur et poursuivit :

- Je veux dire, c'est évident qu'ils veulent nous voir spécialement, non ?

- C'est certain, oui. Mais j'ai un peu d'appréhension quand même.

- Ne t'inquiète pas. Tout va bien se passer. Et puis, on va bien s'amuser ! C'est un festival, après tout !

Elsa sourit nerveusement mais stressa un peu à l'idée.

- Alors c'est bon ? On y va ? Tu es sûre ?

- Certaine ! S'exclama la rouquine, rayonnante.

- Très bien, affirma la reine d'un ton net, plus pour se donner confiance que pour confirmer leur voyage.

Un ange passa, mais le silence fut interrompu par leurs ventres qui gargouillèrent à l'unisson.

- Je vais chercher à manger pour fêter ça, proposa Anna en riant.

Elle courut immédiatement vers le couloir à la vitesse d'une tornade.

- Anna !

La cadette dérapa sur le seuil et se retourna, son visage parsemé de taches de rousseur encore illuminé de joie.

- Au fait… Il y a quelque chose que je ne t'ai jamais dit à propos de... Du titre de "Maître Livreur de Glace Officiel d'Arendelle" que j'ai donné à Kristoff.

Anna s'étonna du soudain changement de sujet. D'un air gêné, Elsa triturait sa natte blonde platine.

- Ce n'était pas uniquement pour...

- C'était aussi pour passer plus de temps avec moi, acheva la princesse en souriant.

Elsa fut prise de court et son cœur manqua une pulsation.

- Que... Comment as-tu su ?

- Je te connais. J'ai deviné, avoua-t-elle en penchant légèrement la tête avec tendresse.

La blonde se sentit rougir et baissa la tête, n'osant plus la regarder en face. Mais la main qui se posa sur son épaule fut si douce qu'elle renonça aux couleurs des bourgeons du tapis, pour se perdre de nouveau dans l'intense couleur turquoise des yeux de sa sœur.

- Je sais que tu fais tous les efforts du monde pour qu'on puisse de nouveau passer du temps ensemble, assura Anna. Je comprends que ça ait été dur, ces derniers temps, avec tout ton travail. Mais maintenant, on a l'occasion unique de passer deux jours toutes les deux !

L'aînée lui rendit un sourire de soulagement, puis Anna acquiesça et se redirigea vers la porte.

- Une semaine, lança la blonde.

Elsa aurait voulu la remercier pour son soutien ou dire n'importe quoi d'autre, et préféré ne pas laisser son excitation submerger ses émotions. Mais en présence d'une sœur aussi extravertie, la tentation était irrésistible.

- Attends... Quoi ? Se figea Anna, bien qu'elle ait parfaitement entendu.

- Une semaine, répéta Elsa. On va rester une semaine entière. Du lundi au dimanche. Pas que pour le dîner, mais aussi pour toutes les animations du festival.

Elle improvisait chaque mot, et était de plus en plus excitée à chaque idée, même si elle s'efforçait de conserver l'air royal et réservé qu'elle avait toujours.

- Une semaine… ENTIÈRE ? SUR PLACE ? Cria Anna en frémissant et serrant des poings, les yeux écarquillés. SEPT JOURS ?

La reine acquiesça avec plaisir, et la rouquine éclata de joie puis courut dans le bureau en bondissant, frôlant le lustre de glace de ses bras agités.

Elsa eut un léger sourire en coin. La dernière fois qu'elle l'avait vue aussi excitée, c'était durant la fête du couronnement, mais elle n'avait pas pu en profiter, et cela lui semblait bien trop loin. Il était temps de resserrer les liens entre elles et d'en démêler les nœuds.

- C'est ce qu'il faut pour voir le plus de choses possible. Ce sera notre premier voyage hors d'Arendelle, nota l'aînée, surtout pour elle-même.

- CE SERA GÉNIAL ! Hurla sa sœur de plus belle, qui s'était mise à danser.

- Bon, allez, la coupa Elsa à contrecœur, j'ai besoin de répondre à cette lettre.

Anna acheva sa danse en enlaçant soudainement de nouveau sa sœur, qui faillit perdre l'équilibre mais lui rendit ensuite l'étreinte avec la même force. La princesse s'écarta, le visage encore barré d'un gigantesque sourire, et fut sur le point de franchir une deuxième fois le seuil de la porte.

- Dis, tu aurais pu me dire plus tôt que tu savais, pour le titre de Kristoff, rouspéta Elsa. Même si je ne comprends toujours pas comment tu as su.

La cadette ricana.

- Tu n'as jamais été très douée pour donner des noms, avoua Anna en tirant la langue et en sortant de la pièce.

Elsa voulut répliquer, mais le sourire qui naquit malgré elle sur ses lèvres la trahit.

- Je te ramène des chocolats pour quand tu auras fini, lança la princesse en courant dans les escaliers. Je t'en prends des blancs, noirs ou au lait ?

- Les trois, cria la reine dans l'encadrement. Et ne les mange pas tous en remontant !

Le rire unique d'Anna résonna dans le hall et parvint jusqu'à elle, lui réchauffant le cœur comme l'auraient fait mille soleils.

Elsa retourna s'assoir à son bureau et ouvrit un tiroir d'où elle sortit deux lettres vierges. Elle adressa la première au château de Corona en répondant positivement à l'invitation, puis signa et déposa le cachet en cire du royaume. Elle se leva ensuite vers la bibliothèque et en sortit un gigantesque manuscrit qu'elle posa lourdement sur la table, puis fit défiler les pages jusqu'à la lettre C.

- Alors…


NDLA : Et voilà pour le premier chapitre ! :D J'espère que l'histoire vous plaît pour l'instant. Bonus cookie si vous avez chopé la référence à Once Upon a Time. D'ailleurs, les références seront nombreuses par la suite (notamment dans les titres, je ne suis pas très discrète), alors ouvrez l'oeil !
Bon chapitre 2 ! :)