Disclaimer : Tous les personnages du Disque-monde ont été créés par Sir Terry Pratchett. Je ne fais que lui emprunter pour m'amuser.

Titre : L'ange du destin

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À propos de l'histoire : Un clin d'œil au film « Family man ».

Important : Il faut avoir lu « Allez les Mages ! »

J'ai installé Vétérini dans une nouvelle histoire, qui risque de faire réagir les « Vetinarimaniacs » du Vade-Mecum, surtout après le message que j'avais mis sur le forum.

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1

L'ange

C'était le jour du Porcher, la neige tombait sur la double cité d'Ankh-Morpork. La ville était étonnement calme. La plupart des morporkiens cuvaient dans leur lit ou celui d'un inconnu*, d'autres dans les caniveaux. Assis à son bureau, le seigneur Vétérini travaillait, comme toujours. Il définissait le budget de la nouvelle année pour le Guet et ce n'était pas simple. Le capitaine Carotte avait fait passer une liste des impératifs dont avaient besoin les Orfèvres et les autres postes :

Une chaudière pour les douches

Une cuisinière compétente pour la cantine

Une femme de ménage pour tous les locaux

Un assistant pour le service scientifique

Une nouvelle cible de jeu de fléchettes

De nouvelles fléchettes pour aller avec la cible

Une nouvelle bouilloire pour quatre des postes

Vétérini pensa : « Si je fais installer une chaudière, il me faudra financer l'achat de bois pour la faire fonctionner. Si j'engage une cuisinière, il faudra que je libère un budget pour acheter des aliments. Une femme de ménage… ne serait pas du luxe. Un balai et une serpillière ne devraient pas trop entamer le budget. »

Il prit sa plume, poussa le glaçon noir qui flottait dans son encrier et trempa la pointe dans l'encre encore liquide. Il écrivit « D'accord » à côté de la femme de ménage.

Ses papiers frémirent, comme agités par un coup de vent. Vétérini tourna la tête, contempla sa fenêtre, visiblement bien fermée :

« Salut mon gars ! » fit une voix trop enthousiaste.

Vétérini tourna la tête et posa un regard méfiant sur un homme étrangement accoutré. Il était vêtu d'un costume rouge, il portait une chemise jaune et une cravate bleue ridicule imprimée petits poissons rouges. Cela n'avantageait guère sa bedaine. L'homme, sans gêne, se dirigea jusqu'à la réserve d'alcool du seigneur Vétérini. Il ouvrit une bouteille, huma le liquide ambré et se servit un verre de whisky. Il prit une gorgée, étudia le goût faisant passer l'alcool dans chaque coin de sa bouche :

« Tu ne te refuses rien ! dit-il après avoir avalé. Belle baraque, bon alcool ! Y aurait pas une jolie poule sous le bureau ? »

L'expression de Vétérini resta inchangée :

« Qui êtes-vous ?

— Au boulot, mon nom est Angus. Tu as déjà entendu parler de moi, je suppose ?

— Non.

— Enfin, Angus ! J'ai travaillé avec le grand Isaac Newton. La pomme sur la tronche…

— Je ne connais pas ce monsieur Newton.

— La gravité !

— Écoutez monsieur… quel est votre vrai nom ?

— Gaston Noisette.

— Monsieur Noisette, il s'avère que j'ai beaucoup de travail. Je n'ai guère de temps à vous consacrer. Je peux vous orienter sur des associations d'aide aux personnes démunies qui pourront vous trouver une meilleure tenue…

— Meilleure tenue ? Mais c'est la classe ce que je porte ! Tu as du boulot, moi aussi. »

Gaston retourna à la réserve d'alcool et remplit à nouveau son verre. Il prit ensuite un fauteuil et s'installa face à Vétérini. Il tendit le bras et il fit sortir un dossier du néant :

« Voyons voir ça ! Havelock Vétérini, c'est bien toi ?

— Oui !

— Patricien, qu'est-ce que c'est ça ?

— Je dirige la cité d'Ankh-Morpork.

— Ha ! »

Gaston prit un stylo dans la poche de sa veste :

« Maire, dit-il en écrivant.

— Je ne suis pas maire. Un maire est élu, je ne le suis pas.

— Ankh-Morpork, c'est une petite bourgade ?

— C'est une cité d'un million d'habitants.

— Bah, tu me fais rire ! Parle-moi de New York ou de Tokyo. Ce sont des mégalopoles !

— Je ne connais pas ces villes.

— Enfin, tu vis sur quel monde ? »

Gaston parcourut la première page du dossier :

« Disque-monde ! Je ne suis pas coutumier de ce monde. Normalement, c'est mon collègue Jeannot Moustache qui s'en occupe, surnommé Angel. Il a des calculs rénaux… tant qu'il ne les a pas mis au monde, il ne peut plus bosser. Donc c'est bibi qu'a récupéré ton dossier.

— Mais qui êtes-vous ?

— Excuse ! Je ne me suis pas expliqué. Je suis un ange. »

Si Vétérini ne savait pas la crainte qu'il inspire, il aurait cru à une blague de Lipwig. Néanmoins, son expression ne varia pas. Gaston aurait presque pensé que Vétérini avait subi des injections de Botox, pour avoir une expression aussi figée. Le Patricien se contenta de demander calmement :

« Depuis quand les anges sont des alcooliques habillés comme des clowns, à tendance perverse ?

— J'suis bien habillé ! Et j'suis pas pervers… c'est juste que je sais comment vous êtes les hommes politiques. »

Voyant l'agacement de Vétérini, Gaston ajouta :

« Ne me dis pas que je suis tombé sur le seul dirigeant abstinent du multivers ? C'est sûrement pour ça qu'on m'a demandé d'être ton ange.

— Vous n'avez rien d'un ange.

— Je suis un ange du Destin ! C'est comme un homme sage-femme. Il est ni sage, ni femme. Les anges du destin sont des hommes et des femmes engagées sur de nombreuses planètes, dans de nombreux univers. Nos locaux sont dans une dimension hors du temps. Les patrons, on sait pas vraiment qui c'est, nous donnent des missions. Nous devons intervenir dans le destin de certaines personnes. Et grande joie pour toi, les patrons ont décidé de te faire un cadeau du destin.

— Laissez-moi deviner… vous allez me donner un aperçu de la vie que j'aurais eu si j'avais épousé mon amour de jeunesse. Ce n'est pas la peine ! C'était un vampire, je sais quelle vie ou plutôt quelle mort j'aurais eu à ses côtés.

— C'est à peu près ça.

— J'ai lu le livre. Je vous assure, je n'ai pas besoin de votre cadeau. Vous pouvez repartir.

— Bon… euh… je vous laisse ma carte. Si vous changez d'avis !

— Je ne changerai pas d'avis. »

Gaston posa la carte sur le bureau, Vétérini la regarda sans y toucher :

« Vous avez une adresse clic-clac ?

— Euh… ouais ! C'est l'équivalent d'internet sur ce monde ? »

Un long silence lui répondit. Gaston se leva. Il posa son verre au milieu de la réserve d'alcool. Il revint vers Vétérini et lui tendit la main. Le Patricien lui lança un coup d'œil :

« Je ne vous serrerai pas la main. C'est un piège !

— Vous savez que les gens qui ont écrit ces livres ont été maudits par les patrons pour avoir révélé toutes nos astuces. Bon, ben… au revoir. »

Gaston disparut dans une bourrasque de vent. Le seigneur Vétérini haussa les épaules. Il baissa les yeux sur la liste du capitaine Carotte. Il lit :

Rapport d'arrestation – par le commissaire divisionnaire Vimaire.

Il tourna les pages, souleva le rapport. La liste avait disparu. Il regarda autour de lui, tout était identique si ce n'est le feu qui brûlait dans la cheminée. Il réchauffait la pièce. Vétérini posa les yeux sur son encrier. Aucun glaçon ne s'était formé à la surface du flacon. Alors qu'il se plongeait dans la lecture du compte-rendu, la porte de son bureau s'ouvrit. Il leva les yeux.

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*les lendemains de fêtes à Ankh-Morpork sont très difficiles. On croit s'endormir avec une belle blonde, on se réveille avec un troll de mauvaise humeur parce qu'on l'a appelé « mon canard » toute la nuit.