Des cendres, noires. Comme pour marquer ce funeste jour.
De l'herbe, jaune. Brûlé par la haine.
Des cadavres, blancs. Figés à jamais dans un espoir vain.
Une masse, marron. Dernier vestige d'un château d'innocence.
Du sang, rouge. Complétant un macabre tableau.
Une chevelure, blonde. Avec qui le destin avait été cruel.
Des pupilles, grises. D'où une dernière larme solitaire coulait.
Un éclair, orangé. Qui se mouvait tel un félin.
Et un prénom, Drago. Prononcé tel un appel à l'aide.
Un appel sans réponse.
Un cri de désespoir transperça la gorge de la jeune fille. Elle avait mal. Elle souhaitait cette douleur.
Elle la faisait se sentir vivante. Qui ne souhaite pas vivre ? Se fixer un but, l'atteindre, viser plus haut. Rencontrer, partager, aimer…
Mais si notre raison de vivre s'envole ? Si elle disparait sans prévenir ? Alors vivre n'a plus de sens.
Si pour se sentir vivante, elle devait souffrir alors pourquoi continuer ? Pourquoi tenter de « survivre » ?
Oui, il y a vivre et survivre. Deux buts différents.
Elle vivait pour lui.
Elle devait survivre pour lui.
Elle ne pouvait vivre, ni même survivre maintenant.
Il avait lui-même rompu le serment.
Elle l'aimait. Du plus profond de son être, elle l'aimait.
Elle arrivait à comprendre ceux qui l'avaient détesté, il avait toujours été arrogant, méprisable, fourbe.
Mais qui avait vraiment réfléchi à sa personne ? A ce qu'il pouvait ressentir ? Fils unique d'un Mangemort, soumis à Voldemort. Un père tyrannique, une mère distante.
Elle n'avait pas connu cette vie, elle avait toujours été entourée de ses frères et de ses parents. Lui était désespérément seul.
Elle l'avait trouvé un soir, recroquevillé dans les toilettes, la tête entre les mains. Elle s'était assise à côté de lui et elle n'avait rien fait. Il ne l'avait pas repoussé, il avait semblé surpris. Juste surpris.
Ce soir-là, une larme avait roulé sur son pâle visage.
De désespoir sans doute.
Elle avait posé la main sur son épaule, ce geste était pour elle, évident. Il en avait besoin, elle répondait à ce besoin.
Puis chaque soir, Ginny allait dans les toilettes de Mimi Geignarde et trouvait Drago. Ils commencèrent à parler. Il lui demandait parfois pourquoi. Pourquoi elle ne le haïssait pas comme tous les autres.
Pourquoi elle arrivait à lui donner espoir.
Et un jour, avant de partir, il lui avait déposé un léger baiser sur la joue et il lui avait dit merci accompagné d'un faible sourire. Il lui avait même dit à demain.
C'était exactement la veille.
La veille de sa mort.
Comme s'il savait qu'il allait mourir.
Qu'elle trouverait sa dépouille pour un dernier rendez-vous.
Un rendez-vous avec la mort.
Sa main chaude et tremblante et sa main, froide et sans vie.
Etait-elle seule ? N'y avait-il personne pour l'aider ?
Non, elle était effondrée au milieu des corps. Seule avec elle-même. Pour faire les comptes. Les comptes de sa vie.
Une dernière remise en question avant la fin.
Puis brusquement, un éclair, vert.
Un pass pour rejoindre les autres.
Comme une libération.
Deux corps, main dans la main, si proche l'un de l'autre, défiant la nature.
Deux amants, que rien n'oppose, même pas la mort…
Réunis pour un sommeil sans rêve.
Et enfin, des larmes, bleus. Rondes et douces. Belles et tristes.
La guerre a ses propres couleurs.
