Chapitre 1 :
Quand Hermione ouvrit les yeux ce matin-là, sa première pensée fut que quelque chose n'allait pas. Elle ne savait pas exactement pourquoi, mais c'était dans l'air, comme une pensée qui s'agite avec la grâce et la douceur du matin, à quelques mètres au dessus d'elle.
Ses yeux fixèrent les petites particules de lumières qui bougeaient et elle leva la main vers elles, comme pour les saisir au passage. Elle entendait un bruit régulier, à côté d'elle, mais Hermione n'aurait pas su dire ce que c'était. La lumière se fit soudain plus forte, et Hermione songea que ce serait une belle journée, à Poudlard, aujourd'hui. Sa main toujours levée, elle pouvait sentir la chaleur du soleil s'accroître tandis qu'elle caressait les particules comme une chef d'orchestre. Hermione se sentait bien.
Et pourtant il y avait toujours cette chose dans son esprit qui la démangeait, de plus en plus fort. Elle identifia le bruit comme étant un doux ronflement, et cela l'apaisa ; Parvati ronflait depuis leur troisième année. Elle n'avait pas entendu ça depuis... Soudain, la main d'Hermione se raidit. Elle resta là, allongée, la main stupidement levée, comme si elle était en cours et qu'un professeur venait juste de poser une question.
Et elle connaissait la réponse.
Elle repoussa ses couvertures et s'assit dans son lit, le cœur battant. Soudain le bruit d'une alarme la fit bondir de son lit et elle poussa un hurlement de terreur. Une main sortit du lit de Parvati et vint s'abattre sur son réveil.
« Merde, mais qu'est-ce qui se passe ici ? Hurla t-elle debout dans le dortoir. Qu'est-ce qu'on fait là ?! »
« La ferme Hermione, lui parvint une voix de sous les couvertures de Lavande. Encore dix minutes de sommeil… »
« Mon Dieu, reprit Hermione plus doucement en regardant ses couvertures rouges et or. Cela faisait presque un an qu'elle n'avait pas dormi dans ce lit. Atterrée, elle s'approcha à pas lent de la fenêtre, au dessus de son lit.
Elle pouvait distinguer le parc et une aile du château mais…
Tout est normal, se dit Hermione, horrifiée. Il n'y avait pas de murs arrachés, de vitres brisées, aucune trace de combats et la mansarde d'Hagrid était toujours là-bas, vaillante, près de la forêt, comme si… Comme si ce qui s'était passé deux jours plus tôt n'avait jamais eu lieu.
Mue par une soudaine intuition, elle se précipita hors du dortoir.
« Où vas-tu ? Marmonna difficilement Parvati en repoussant ses couvertures. T'es encore en pyjama… »
Mais Hermione ne répondit pas et fila jusqu'au dortoir de Ron et Harry. Il y avait forcément une explication ! Elle entra sans frapper et se dirigea vers le lit de Ron, ou elle pouvait voir dépasser ses cheveux d'un roux étincelant. Du coin de l'œil, elle vit Dean, debout, la regarder d'un air ahuri.
« Ron, dit-elle en lui touchant l'épaule. Ron, réveille-toi ! »
« Mmh… Maman… Encore deux minutes s'te plait… bredouilla Ron en mettant sa tête sous la couette. »
Hermione roula des yeux. Si la situation avait été différente, elle aurait ri.
« C'est pas ta mère, Ron. C'est Hermione. Allez réveille-toi maintenant ! »
Elle hésita un instant, puis ajouta dans un soufflement :
« Ron, on est à Poudlard ! »
« Quoi ? dit-il en sortant de sa couverture, Granger ?
« Je… Hermione le regarda, déroutée. Ron, pourquoi est-ce que tu m'appelles par mon nom de famille ?
Mais le rouquin la scruta d'un air furieux.
« Non mais, dit-il en s'arrachant à sa couverture d'un air furibond, non mais c'est quoi ton foutu problème, Granger ! C'est pas parce que t'es préfète en chef que t'as le droit de m'empoisonner la vie jusque dans mon lit ! Eh tu…Tu…
Il semblait tellement en colère qu'Hermione crut qu'il allait exploser.
« Et tu me demandes pourquoi je t'appelles par ton nom ?! C'est une blague ou quoi ! Je… Barre-toi ! Juste, dégage de là ! Maintenant !! »
Dire d'Hermione qu'elle était effarée serait un euphémisme. Ils étaient là, de chaque côté du lit, lui rouge comme une écrevisse, le doigt désignant la sortie, elle, blanche, pâle, immobile. C'est alors que son regard se posa derrière la face écarlate de Ron et de son doigt levé et vint se poser sur le lit d'Harry.
Sauf que…
« Où est le lit de Harry ? Souffla t-elle d'une voix qui lui sembla étonnamment lointaine.
« Pardon ? interrompit Seamus à l'autre bout de la pièce. Qui ça ? T'es sûr que tout va bien Hermione ? »
Hermione ne répondit pas. Elle posa tour à tour son regard sur Dean, toujours debout près de son lit, Seamus, les sourcils froncés, assis dans le sien, puis Ron, dont la main avait repris sa place, le long du corps, qui la regardait comme si elle était une bête curieuse. Derrière lui, là ou il y aurait dû avoir le lit de Harry, il n'y avait qu'une grosse mâle, juste en dessous de la fenêtre.
« Harry… Dit-elle doucement, en les regardant successivement. Vous ne savez pas du tout de qui je parle n'est-ce-pas ? »
« Granger, dit Ron avec difficulté. Tu devrais demander à Lavande ou Parvati de t'emmener à l'infirmerie. Vraiment. »
Hermione Granger n'était pas folle. Elle n'était pas folle, et elle le savait. Même l'épreuve – tant physique, qu'émotionnelle – qu'elle avait vécue deux jours plutôt ne pouvait pas avoir eu raison d'elle. Elle scruta une dernière fois le visage tant aimé de Ron pour y trouver…Quoi au juste ? Une preuve que tout ceci était une immense farce ? Mais il n'y avait rien d'autre que de l'hostilité et peut-être une pointe d'agacement. Alors Hermione, épouvantée, se retourna et quitta le dortoir des garçons à petit pas.
oOo
La dernière fois qu'Hermione Granger était entré dans la Grande Salle, elle y avait vu les corps sans vie de Fred Weasley, Rémus Lupin, Nymphadora Tonks, et bien d'autres. Elle sentait qu'il lui aurait simplement suffi de fermer les yeux pour la revoir, et entendre à nouveau le bruit des sanglots, les gémissements des survivants, les cris et les hurlements…
Jamais Hermione n'aurait un jour cru revoir la Grande Salle résonner du bruit d'enfants qui rient et discutent autour du petit-déjeuner. Ce n'était pas cette pièce qui était hanté, Hermione le savait, mais simplement elle-même, parce cette Grande Salle-là n'avait rien vécu du tout. Pour elle, il aurait fallu des années pour tout nettoyer et y rendre l'aspect naïf et innocent d'autrefois. Or, il ne s'était passé que deux jours.
« Tu ne vois pas que tu gènes ? Renifla une voix aiguë derrière elle. »
Hermione se retourna et vit une petite fille blonde qui devait être en première ou deuxième année, et qui la regardait avec un mépris non dissimulé qui surpris la jeune fille. Sa poitrine était ornée du blason de Serpentard. Elle était entourée de trois élèves du même âge qu'elle qui la regardait de la même façon.
« Excusez-moi, dit Hermione en s'effaçant pour les laisser passer. »
Elle se souvenait du visage de cette fillette. Elle l'avait déjà vu, quand elle était à Poudlard, le jour de la répartition des élèves lors de sa sixième année. A ce moment-là, elle arborait un visage terrifié, comme tous ceux qui s'étaient assis sur le tabouret avant elle. Elle n'aurait jamais cru qu'un tel mépris puisse se dissimuler sous un visage aussi angélique. Ou qu'elle soit, parce qu'il ne faisait aucun doute qu'elle n'était pas vraiment dans ce Poudlard qu'elle chérissait tant, quelque chose avait changé.
Hermione se dirigea vers la table des Griffondor d'un pas hésitant. Elle repéra rapidement Lavande et Parvati, qui étaient assises à côté de Ron, Dean et Seamus qui leur parlaient avec entrain. Ce fut Dean qui la vit en premier. Il donna un coup de coude à Ron qui s'arrêta de parler aussitôt qu'il la vit.
« Bonjour, dit-elle en s'asseyant à côté de Lavande sans regarder personne. Seules les deux filles lui répondirent.
Hermione se força à prendre une tasse de thé au jasmin avec des biscottes, ce qu'elle avait toujours eu l'habitude de manger depuis des années. Elle s'abstint de regarder Ron, parce qu'elle sentait que c'est ce qu'elle avait de mieux à faire pour le moment. Et dire que je me suis endormi dans ses bras la veille, au Terrier, se dit-elle en elle-même. Aujourd'hui, c'est comme si on en était au même point que lors de notre première année.
La situation était tellement invraisemblable. Comment pouvait-elle être là en train de manger dans cet endroit sous le regard mauvais de Ron Weasley ? De Ron Weasley qui ne voyait pas du tout qui était Harry Potter ?
« Excuse-moi, Hermione mais…commença Parvati en l'examinant d'un air désapprobateur. Tu ne devrais pas distribuer les emplois du temps des élèves aux préfets, afin qu'ils puissent eux-mêmes les donner aux élèves ? »
« Je te demande pardon ? répondit Hermione d'un air surpris. Elle savait qu'elle avait commis une erreur en disant cela. Elle l'avait su bien avant de voir Parvati et Lavande se jeter un bref regard de connivence. »
« Et bien, expliqua Lavande à la place de Parvati, tu es préfète en chef, n'est-ce pas ? Et c'est le rôle des préfets en chef, il me semble. »
« Oh. »
Il lui semblait avoir entendu Ron le mentionner tout à l'heure. Préfète en chef. Elle leva les yeux vers la table des professeurs à la recherche de Macgonagall et s'étrangla avec sa biscotte.
« Hermione, t'es sûr que ça va ? demanda Seamus. »
Hermione toussa pendant dix horribles secondes, durant lesquelles les Griffondors qui avaient été ses amis ne firent pas un geste pour l'aider. Finalement, elle se redressa péniblement de sa chaise et inspira profondément.
« Ca va, dit-elle, plus pour elle-même, ça va très bien. Merci. »
Elle leva les yeux une nouvelle fois vers la table de professeur et regarda l'homme qui l'avait fait s'étouffer. Les cheveux d'un noir de jais, les yeux sombres et électrisants, il tenait une tasse de café fumante et discutait tranquillement avec le minuscule professeur Flitwick. Hermione avala avec difficulté.
Si Sirius Black était en effet assis à la table des professeurs, comme elle le voyait, alors c'est que tout, absolument tout allait de travers.
oOo
« Miss Granger, dit Minerva Macgonagall en invitant celle-ci à entrer, j'ai cru pendant un moment que vous aviez négligé vos devoirs de préfète en chef. Entrez, voyons, ne restez pas sur le seuil. »
Hermione entra dans le bureau de la professeur de métamorphose d'un air inquiet, ce que ne manqua pas de remarquer la professeur.
« Un problème, miss Granger ? »
La jeune fille repoussa nerveusement une mèche de cheveu châtain qui lui tombait sur les yeux et ouvrit la bouche.
« Et bien ? demanda Macgonagall d'un air pincé. »
« Je… Euh… Non, rien, pardonnez mon retard, professeur. »
Il y eut un silence.
« Voici les emplois du temps des Griffondors, dit-elle en montrant une haute pile de papier sur le bout de son bureau. Vous devriez vous dépêcher, si vous ne voulez pas mettre en retard vos camarades. »
« Bien sûr, oui. »
Devait-elle lui dire ? Elle était comme les autres, semblait-il, comme si tout ce qui se passait était normal. Hermione sonda Macgonagall, qui était occupé à écrire quelque chose. Mais que fallait-il lui dire exactement ? Qu'elle preuve avait-elle à avancer pour lui faire comprendre que ce qu'elle disait était vrai ? Elle était seule.
Seule à s'être réveillé un beau matin dans un lieu ou les gens ignoraient qui était Harry Potter, qui ignoraient que ça avait été un tournant de la guerre, là, entre ces murs, et que des gens étaient morts, des gens qu'elle aimait, des gens qui s'étaient battus pour la liberté. Hermione songeait aussi à la présence effective de Sirius Black parmi le corps enseignant qui lui aurait paru quelques jours plus tôt aussi absurde que d'imaginer Voldemort en guérisseur attitré.
Alors qu'elle avait saisi les emplois du temps et s'apprêtait à partir, quelque chose en elle la poussa tout de même à se retourner une dernière fois.
« Professeur ? Appela t-elle. »
« Oui, miss Granger ? »
« Est-ce que…
Comment allait-elle pouvoir dire ça sans passer pour une demeurée ? Ne t'en fait plus pour ça, répondit une partie d'elle-même avec humour.
« Est-ce que… Est-ce que ça fait longtemps que Sirius Black est professeur à Poudlard ? »
Minerva Macgonagall lâcha sa plume et regarda Hermione Granger plus franchement derrière les verres de ses lunettes.
« Sans compter l'année qui vient de commencer, répondit le professeur Macgonagall en soutenant le regard d'Hermione, cela fait neuf ans, miss Granger. »
Hermione sentait son cœur battre à une vitesse inextinguible, mais ce n'était rien à côté de la vitesse à laquelle son cerveau réfléchissait.
« Je vous remercie, professeur. »
Ensuite, Hermione quitta le bureau du professeur de métamorphose d'un pas lourd, sous l'œil perplexe de celle-ci.
oOo
Distribuer les emplois du temps aux préfets, réprimander quelques élèves qui courraient au passage pour se donner un air convainquant, puis se rendre à son premier cours de la matinée.
Hermione avait fait cela comme elle avait pu. Si elle avait un jour rêvé de devenir préfète en chef, ce rêve s'était noyé dans l'œuf. Il y avait eu la mort de Dumbledore, les Horcruxes, tous les choses dont il fallait s'occuper, et notamment son départ. Comment aurait-elle pu continuer à rêver d'avoir une vie normale alors que son meilleur ami ne rêvait que de survivre ?
Elle n'aurait jamais cru retourner à Poudlard pour faire sa septième année, même après la mort de Voldemort. A ce moment-là, elle ne rêvait que de dormir et ne plus penser. Comme Harry et Ron, supposait-elle. Et pourquoi pas dormir dans les bras de Ron ? Et c'était ce qu'elle avait fait, oui.
Se reposer, l'aimer.
Et c'était ce qu'elle voulait faire pour toujours, quitte à paraître sentimentale. Elle voulait vivre, et aussi monter au ministère. Faire tout ce qui lui était possible de faire. Elle savait que Ron la suivrait, quoi qu'elle puisse faire. Avancer, continuer à vivre.
Et au lieu de cela, elle attendait, adossée contre le mur, que son professeur de DCFM veuille bien arriver. Elle passait en revue les autres élèves d'un air curieux, cherchant des nouveaux, flairant les expressions sur les visages en essayant de trouver quelque chose d'inhabituel.
Mais à première vue, rien ne semblait avoir changé. Les élèves de Griffondors étaient pareils à ceux de Serpentard, distants entre eux, et Drago Malefoy, qui était aussi ici, ne se priva pas de lui lancer une remarque désagréable au passage, ce à quoi elle resta de marbre. Deux jours plutôt, jamais il n'avait paru si fragile et perdu. Aujourd'hui, c'était juste Drago Malefoy comme elle l'avait toujours connu.
Il y avait aussi Crabe et Goyle, les deux fidèles armoires à glace du jeune Malefoy, et Hermione ne se lassait pas de regarder Crabe avec effroi. Et dire, songea la jeune fille en regardant Crabe, que je l'ai vu mourir ! Elle n'était pas particulièrement surprise de le voir en vie, pourtant. Peut-être était-ce parce que Sirius Black, mort deux ans auparavant, s'avançait vers eux d'un pas nonchalant ?
Hermione ne pu s'empêcher d'amorcer un mouvement de surprise à sa vue. Il était semblable au Sirius dont elle se souvenait en tous point de vue : la même haute stature et les mêmes cheveux lâches encadrant un visage mince ou ses yeux caves brillaient d'une lueur sereine.
Mais c'était justement cette lueur qui dérangeait le plus Hermione, quand il passa près d'elle sans la voir. Sirius Black avait l'air calme, posé et en pleine santé, comme s'il n'avait jamais passé douze malheureuses années de sa vie à purger une peine pour un crime qu'il n'avait pas commis.
Hermione le regarda ouvrir la porte, un sac d'une main, un café, celui de tout à l'heure, de l'autre. Quand elle entra en classe à la suite des autres, Hermione fut convaincu que lorsqu'il la regarda, il ne vit en elle qu'une simple élève et non pas la meilleure amie de son filleul qui l'avait aidé à fuir les Détraqueurs quelques années plutôt.
Elle s'assit le plus loin possible du bureau de Black, ce qui lui valut le regard surpris de Ron, Dean et Seamus. Elle ne fit aucun commentaire et commença à sortir ses affaires. Cependant, lorsqu'elle vit qu'elle était la seule à le faire, elle les rangea précipitamment en espérant que personne ne l'avait remarqué.
« Bonjour à tous, commença Sirius Black d'une voix beaucoup moins rauque que ce dont Hermione se rappelait. »
Il se tenait debout près de son bureau et regardait les élèves un à un d'un air narquois.
« Comme aucun de vous n'a pu se servir de sa baguettes pendant les vacances, je présume que vous avez tous oublié au moins la moitié des sorts que je vous ai appris l'an dernier. »
Sirius souriait plus largement à présent. Hermione remua faiblement sur sa chaise. Sans savoir pourquoi, ce sourire la mettait mal à l'aise.
« Donc, pour vous entraîner, je vous ai ramené une surprise. »
Hermione se rendit vite compte que les méthodes d'apprentissage de Sirius Black étaient très différentes de celles des autres professeurs. Si Rémus Lupin s'était arrangé pour leur trouver, en troisième année, un épouvantard, Black, lui, semblait beaucoup apprécier le fait de ramener un ogre à Poudlard afin de le laisser se battre contre un élève.
Si la jeune fille trouvait cela dangereux et totalement irresponsable, les autres élèves semblaient le trouver complètement cinglé, mais cependant, et au grand étonnement d'Hermione, aucun d'eux ne se rebella, même pas Malefoy ; Il les avait tous emmené dans une grande salle vide ou était allongé, tout au fond, une silhouette immense et très laide dont la poitrine se soulevait régulièrement.
Il est encore jeune, observa Hermione, à peine plus grand que celui qui l'avait attaqué en première année. Elle jeta un coup d'œil à Ron pour voir si cela lui rappelait des souvenirs mais tous ce que l'ogre semblait évoquer au pauvre Ron, c'était de la peur.
Un à un, les élèves passaient devant l'ogre et devait faire quelque chose pour le mettre hors d'état de nuire. Pour la première fois de la journée, Hermione se sentit à son aise. Il s'agissait de quelque chose de très simple : montrer qu'elle était la plus forte. Ce dont elle avait toujours été capable de prouver, avec l'aide de Ron et de Harry.
Hermione se rendit vite compte que Sirius ne prenait pas sa tache de professeur à la légère. Il supervisait les combats, intervenant quand l'élève perdait le contrôle, avec la hardiesse d'un chef d'orchestre. Hermione vit qu'il observait chacune des réactions des élèves avec application.
Elle vit Johanna Simpson lancer un sort à l'ogre afin que celui-ci se retrouve en patin à roulette – ce qui ne manqua pas de faire rire toute la classe quand l'ogre se retrouva les quatre fers en l'air (ce qui détendit nettement l'atmosphère).
« N'ayez pas peur, Parkinson, encouragea Sirius à la jeune fille brune qui s'avançait vers l'ogre en tremblant. Faites comme si c'était quelqu'un que vous détestiez particulièrement. »
Celle-ci faillit se faire arracher la tête deux fois avant de finalement réussir à lui lancer un sortilège de repousse-poil dans les yeux.
« Très bien, maintenant, je vous laisse le soin de l'emmener chez le coiffeur ! s'écria Black sous les éclats de rire des élèves. 5 points pour Serpentard ! Weasley, c'est votre tour ! »
Ron s'avança vers l'ogre d'un air décidé, mais Hermione, qui s'était décollé du mur contre lequel elle s'était appuyée, remarqua que la main qui tenait sa baguette tremblait. En cet instant, elle espérait que Black savait vraiment ce qu'il faisait.
« Fu…Furunculus ! s'exclama Ron Weasley. »
Sous les yeux ébahis de tous les élèves de la classe, l'ogre lâcha sa masse et se mit à hurler en se tapant sur le visage. On pouvait voir d'horribles furoncles jaunâtres exploser sur son visage au fur et à mesure qu'il se tapait dessus.
« Comme Ronald nous l'a si judicieusement montré, constata Sirius d'un ton mordant, c'est bien la fin qui justifie les moyens.
Il lança un sort de stupéfaction à la créature et leur dit en les regardant intensément :
« Vous voyez, aucun sort n'est inutile. »
Le professeur Black regarda Hermione pendant quelques secondes et elle se sentit frissonner.
Pendant un instant, son regard… Avait-elle rêvé ?
Aussi hanté que quand elle l'avait connu.
« Aujourd'hui, c'est un ogre, continua t-il en regardant d'autres élèves. Demain, ce sera peut-être un mangemort. N'oubliez jamais ça. Aucun sort n'est inutile ; dans un combat, un Avada Kedavra élimine une personne. Un Stupéfix l'empêche de vous faire du mal. Deux sortilèges, le même but : se défendre. Vivre. »
Il resta quelques instants silencieux à les regarder, puis se tourna vers l'ogre et lui lança un « Finite Incantatem ».
« Malefoy, c'est à vous maintenant, reprit-il comme s'il ne s'était rien passé. »
Malefoy passa, puis Finnigan, Brown, Peters et quelques autres, puis ce fut le tour d'Hermione.
Elle s'avança vers la créature en souriant s'en sans rendre compte. Elle sentait monter en elle un frisson d'excitation qui ne lui était pas inconnu. L'ogre levait déjà sa masse, et Hermione aussitôt sut ce qu'elle devait faire. Elle avait le choix, elle aurait pu les impressionner. Même Black, si elle l'avait voulu. Mais…
« Wingardium Leviosa, prononça t'elle d'une voix douce en tournant sa baguette vers la masse. Celle-ci, comme elle l'avait déjà vu faire sept ans auparavant, s'échappa de la main de l'ogre qui poussa un cri de stupeur, avant de retomber lourdement sur sa tête.
« C'est bien Granger, j'accorde cinq points à Gryffondor. Ce n'était pas aussi original que ce que vous faites d'habitude, mais comme je l'ai dit tout à l'heure, l'essentiel c'est que ça marche. »
Hermione acquiesça silencieusement et retourna derrière la file des élèves. Elle l'avait fait pour Ron, pour Harry, pour leur amitié. Parce que c'était à ce moment-là que tout avait commencé.
Puis, ce fut la fin du cours, et elle sortit à la suite des autres, non sans avoir jeté un dernier regard à Sirius au passage. Comme il s'en aperçut, il lui adressa un sourire affable auquel elle se força à répondre avec la même chaleur avant de se précipiter dehors.
Elle brûlait de rester avec lui pour lui demander ce qu'il avait fait de ces quinze dernières années. Elle sourit en songeant avec ironie qu'elle n'était pas vraiment sûre qu'il réponde à sa question de toute façon.
oOo
Elle passa la journée seule et sans encombre, ballottée entre les cours, le déjeuner, et de temps en temps, le regard de Ron, Dean et Seamus sur elle. Hermione pensait qu'il leur faudrait quelques temps avant d'oublier le souvenir de ce matin.
Parmi tout ce qu'elle avait appris, il y avait Slughorn, qui semblait n'avoir jamais arrêté sa carrière de professeur et l'idolâtrait totalement, à son grand déplaisir, et surtout Albus Dumbledore, qui était vivant et occupait toujours le poste de directeur à Poudlard.
Cette dernière nouvelle souleva en elle une vague d'espoir intense, et elle se promit d'aller le voir le soir même, après le dîner, afin de tout lui dire. Elle savait que Dumbledore la croirait. Elle avait en sa connaissance des choses que jamais une élève de son niveau n'aurait pu acquérir.
Elle savait pour les Horcruxes. Elle lui raconterait Sirius Black et sa vie brisée, Pettigrow et sa lâcheté qui avait coûté la vie de James et Lily et la célébrité de Harry, ainsi que la lycanthropie de Rémus. Et si en désespoir de cause, il refusait de la croire, ce dont elle n'osait même pas penser, elle lui dirait l'horrible fait-divers qu'avait été sa jeunesse, ainsi que son amitié avec Grindelwald.
C'était des choses qu'il devait forcément connaître. Il l'écouterait, oui. Et même si il y avait eu des choses qui avaient changé, il y aurait sûrement des similitudes. Sirius n'était peut-être pas mort, mais il existait. Dumbledore ne pouvait que l'aider. Elle avait l'intime conviction que tout cela n'était qu'un rêve, et que parler à Dumbledore la ferait aussitôt se réveiller au côté de Ron au Terrier. Ensuite, elle raconterait à Harry, Ron et Ginny son rêve, autour d'un copieux petit-déjeuner d'un ton léger.
C'était ce qu'Hermione se disait en son for intérieur au dîner, en regardant la table des professeurs. Dumbledore n'était pas là, mais c'était normal après tout, il ne venait pas toujours non plus quand elle était en sixième année.
Pourtant il y avait quelque chose en elle, un sentiment auquel elle refusait de faire face et qui faisait son chemin en elle en se tortillant lentement. Et si, se surprit-elle à songer avant de chasser cette pensée de son esprit, et si Dumbledore refusait de la croire parce que tout ce qu'elle avait à lui dire n'avait jamais eu lieu ?
Elle secoua la tête. Non, c'était impossible.
Impossible.
Elle releva les yeux vers la table des professeurs et vit que Black et Macgonagall avait disparu.
« Merde ! Jura t-elle en se levant. »
Elle ne put s'empêcher de constater en se levant que Ron, Dean et Seamus étaient tous trois en train de l'épier.
« Si un jour après mon réveil, s'adressa t-elle à Ron, avant de partir d'un air agaçé, tu oses m'appeler une nouvelle fois par mon nom de famille, tu le paieras très cher, crois-moi sur parole ! »
Elle quitta la Grande Salle sans se retourner. Qu'importe qu'il la prenne pour une folle si à son réveil il lui disait qu'il l'aimait ? Elle allait quitter cet endroit ou Voldemort était toujours en vie et ou Harry était absent et rentrer chez elle.
Rien n'avait plus d'importance.
Hermione préféra se rendre au bureau de Macgonagall plutôt que celui de Sirius, car elle ne pensait pas pouvoir affronter le regard sombre de Black seule à seule.
Elle traversa les couloirs obscurs rapidement mais ne put s'empêcher de frissonner lorsqu'elle réalisa au bout d'un moment qu'elle était dans le même couloir que celui dans lequel Fred avait trouvé la mort. Elle frissonna et accéléra le pas. Comment ne pas faire d'analogie entre la nuit effroyable d'avant-hier et celle-ci ? Mais il ne fallait pas y penser, non, non, non, il fallait continuer son chemin, continuer son chemin.
Un jour, quand elle serait devenue une adulte responsable et qu'elle aurait des enfants – elle n'en voulait que deux – elle pourrait penser à Poudlard sans que les images de cette soirée lui reviennent en tête. Elle penserait aux après-midi avec Hagrid, à manger des biscuits dur comme la pierre, elle se remémorerait les disputes infinies avec Ron, les parties de Quidditch, les cours où elle excellait toujours, et tous ce qui faisait de Poudlard un endroit magique. Aujourd'hui, ce n'était pas possible.
Lorsqu'elle fut enfin arrivée devant le bureau de Macgonagall, elle se rendit compte que la lumière filtrait par-dessous la porte – ce qui était bon signe à première vue – mais elle pouvait entendre plusieurs personnes discuter entre elles avec agitation.
Elle se demanda si elle devait frapper ou attendre qu'ils aient fini, quand elle reconnu la voix de Lupin. Lupin était aussi ici ! Et il n'était pas mort non plus. Hermione sentit son cœur faire un bond de joie dans sa poitrine et les larmes lui montèrent aux yeux d'émotion.
Etait-ce mal d'entendre ce qu'ils disaient ? Après tout, elle se contentait d'attendre, ce n'était pas de sa faute si elle pouvait entendre ce qu'ils disaient ! Elle venait simplement voir le professeur Macgonagall pour lui demander de l'accompagner jusqu'au bureau du directeur, étant donné qu'elle n'en connaissais pas le mot de passe.
« Molly a été prévenu ? demanda sèchement la voix de Macgonagall. »
« Tonks est allé au Terrier, répondit Lupin avec ce qu'il sembla à Hermione une pointe de tristesse. »
« Et Dumbledore, ou se trouve t-il ? dit une voix grave qui n'était pas celle de Remus – Sirius Black songea Hermione. »
« Personne ne le sait ! Il a transplané tout à l'heure en me disant qu'il en aurait pour quelques heures. »
« Je me demandes ce qu'il fabrique, dit Sirius dans un grognement qui ressemblait vaguement à celui d'un chien. »
« Je n'en sais rien, trancha Macgonagall avec froideur, mais quoi qu'il fasse, cela doit être très important, Black. »
« En tout cas, ils ont sécurisé le périmètre et les moldus sont déjà sous contrôle, soupira Lupin d'une voix fatigué. Le ministère est infiltré depuis des années, mais ils connaissent leur boulot. Si les moldus venaient à apprendre l'existence des sorciers, les conséquences en seraient terribles dans la guerre ! »
« Remus, on n'a pas besoin de tes scénarios catastrophes pour le moment, grogna Sirius Black. Même Voldemort sait que l'ignorance des moldus est importante ! »
« Ca ne l'a pas empêché d'attaquer le palais de Buckingham le mois dernier, en tout cas… Et ce pauvre Arthur Weasley qui… »
« Il m'a sauvé la vie une fois, interrompit Black. C'était pendant la nuit des barricades… j'étais jeune, un petit couillon qui se croyait invincible… Mais s'il n'avait pas été là, ce fumier de Nott se serait fait une joie de me lancer un Avada ! Quand je pense qu'il… »
Hermione chassa une larme qui avait glissé le long de sa joue. Arthur Weasley était-il vraiment ?…
« Molly ne se remettra jamais de ça. Perdre un mari et un fils dans la même journée… Jusque là, sa famille avait été relativement épargnée. Elle avait tellement peur… »
Hermione en avait assez entendue. Elle voulait partir. Il fallait que tout cela cesse. Elle avait déjà vécu une guerre, et elle ne pensait pas pouvoir vivre à une deuxième. Quel était donc ce monde, ou les gens qui avait survécu dans le sien mourrait irrémédiablement ?
Elle recula ostensiblement, horrifiée par ce qu'elle entendait, voulant fuir d'ici au plus vite, quand elle buta contre le sol et tomba par terre. La porte du bureau s'ouvrit à la vitesse de l'éclair et quelqu'un se précipita sur elle et la releva durement :
« Granger, dit Black en la scrutant avec surprise et colère. Que faites-vous ici ! »
Ca n'était pas une question. Hermione sentait la main de Sirius serrer son poignet et lui faire mal. Elle gardait les yeux baissés, une baguette contre sa gorge, n'osant pas croiser son regard.
« Eh bien, répondez ! s'exclama t-il avec fureur. Pourquoi nous écoutiez-vous ?
Il la poussa à l'intérieur brutalement. La jeune fille vit alors le visage fatigué et tendu de Remus dans la cheminée encadrée par les flammes et Macgonagall, les lèvres plus pincés que jamais, à quelques mètres d'elle.
Aucun d'eux ne fit un geste pour lui venir en aide quand elle se cogna contre le bureau de Macgonagall à cause de Sirius. Hermione se sentait de plus en plus mal. Elle s'affala par terre contre le bureau et n'essaya pas de se relever. Elle commençait à prendre conscience d'une chose impensable, plus horrible encore que Voldemort : ce qu'elle vivait n'était pas un rêve.
Elle n'était plus qu'une étrangère dans un monde nouveau et terrible.
Sirius Black claqua la porte derrière lui d'un air plus furieux que jamais. Hermione ne l'avait jamais vu comme ça. Même quand il avait voulu tuer Pettigrow lors de sa troisième année, il n'avait ressenti qu'une profonde avidité, pas vraiment de la fureur. En cet instant, elle le trouva presque similaire à Séverus Rogue.
« Je suis venue voir le professeur Macgonagall, expliqua t-elle avec difficulté. J'attendais qu'elle sorte de table pour lui demander quelque chose, mais je ne l'ai pas vu partir, alors je suis venue ici. Je n'ai rien fait de mal ! »
« Et écouter aux portes, ce n'est pas mal sinon ? Tonna Sirius Black, la baguette levée vers elle. »
« Arrête, Sirius, interrompit soudain Remus en fronçant les sourcils. C'est qu'une gosse, laisse la parler au moins ! »
« Eh bien, miss Granger ? Qu'aviez-vous de si particulier à me dire, pour que ça ne puisse pas attendre demain matin ? Questionna Macgonagall d'un air sévère. »
Hermione regarda successivement Sirius, Macgonagall et Remus. Devait-elle leur dire ? Il fallait absolument qu'elle réponde quelque chose ! Oh mon Dieu…
« Je suis venue pour… Pour savoir si vous accepteriez de… De me faire un mot pour Mme Pince, articula t'elle péniblement en regardant Macgonagall dans les yeux. J'ai besoin de certains livres qui sont dans la Réserve pour faire une recherche.
Pourvu qu'elle me croit, pourvu qu'elle me croit, pourvu qu'elle me…
« Elle ment, cracha Black tandis que sa baguette commençait à lancer des étincelles dans sa direction. »
« Très bien, répliqua Macgonagall sans prêter la moindre attention à Black, je veux bien vous croire mais il faut que je sache quel genre de livres vous voulez emprunter, et pourquoi était-ce si important pour que vous ne puissiez pas attendre demain ? »
« Parce que j'avais besoin de marcher, répondit la jeune fille d'une voix qu'elle espérait sincère. Je sais que ça peut paraître suspect (elle posa les yeux sur Black en disant cela) mais avec tous ce qui se passe en ce moment, je voulais rester un peu seule… »
Hermione bluffait. Elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'il s'était passé, ni même s'il s'était effectivement passé quelque chose, mais quand elle regarda Remus, elle vit quelque chose passer dans ses yeux, une lueur étrange qu'elle ne voulut pas interpréter.
« Je suppose que vous aviez vos raisons, murmura Macgonagall d'un air plus doux, ce qui troubla Hermione.
En un instant, elle était passée d'une position de faiblesse, presque d'ennemie, à celle de victime, ce qui ne lui plut pas du tout. Elle vit le parrain de son meilleur ami baisser lentement sa baguette sans rien dire, mais ses yeux restaient froids et méfiants.
« Je dois partir, maintenant. J'ai encore beaucoup de choses à faire, dit Remus en regardant Sirius. Je vous tiendrais au courant. »
Il disparut dans les flammes quelques instants plus tard.
« Quant à moi, je vais raccompagner la demoiselle jusqu'à la salle commune, dit Sirius Black en jetant un regard éloquent à Minerva. Je suppose que vous vous joignez à vous ? »
« Il faut prévenir Ginny et Ronald Weasley, soupira t-elle en s'approchant de son bureau. »
Elle écrivit rapidement quelque chose sur un bout de parchemin et le tendit à la jeune fille, qui resta perplexe.
« Votre autorisation, déclara t-elle en lui lançant un regard perçant. »
« Ah oui, merci ! Rougit Hermione en sentant le regard mauvais de Sirius sur elle quand elle prit le parchemin. »
Sur le chemin du retour, personne ne parla. Hermione sentait bien qu'ils ne les avaient pas cru, mais alors, pourquoi faire semblant ? La jeune fille sentait que Sirius n'était plus vraiment en colère contre elle, mais de temps en temps, il lui jetait un regard impénétrable qui avait le don de la mettre mal à l'aise. Finalement, ils arrivèrent rapidement jusqu'au portrait de la Grosse Dame ou celle-ci les dévisagea avec curiosité.
« Liberté, prononça Hermione à l'adresse de celle-ci. »
« Je n'en saurais pas plus ? Répliqua la Grosse Dame avec espoir. »
Comme personne ne prit la peine de répondre, Le tableau les laissa entrer en soupirant. La salle commune était encore assez peuplée, mais Hermione discerna sans mal Ron et Ginny assis par terre près de la cheminée, aux côtés de plusieurs autres élèves.
« Weasley et Weasley, dit simplement Macgonagall."
Les deux adolescents se levèrent et marchèrent jusqu'à eux d'un air inquiet. Ron regarda Hermione d'un air interrogateur mais celle-ci baissa les yeux lamentablement.
"Veuillez me suivre, s'il-vous-plait."
Macgonagall quitta la salle commune, suivi de Ron et Ginny, sous les yeux inquiets d'Hermione. Elle aurait voulu rester avec lui... Elle savait que sa présence n'aurait pas fait grand chose de plus, surtout dans ce monde étrange ou visiblement ils ne s'aimaient pas, mais elle aurait simplement voulu lui éviter cette souffrance.
"Granger ? appela Sirius Black, ce qui fit sursauter Hermione qui avait oublié sa présence."
Elle roula les yeux vers lui.
"Vous devriez retourner dans votre dortoir, à présent."
Elle acquiesça silencieusement et s'engouffra dans la noirceur de l'escalier qui menait au dortoir des filles sous le regard curieux des autres élèves. Elle savait que malgré sa voix douce Sirius n'oublierait pas ce qu'il s'était passé. Elle était passé d'une élève banale à une élève potentiellement dangereuse pour la sécurité de Poudlard, ce qui n'était pas peu dire.
Mais pour l'instant, elle pouvait dire qu'elle s'en fichait. Elle ne pensait qu'à Ron, et à Ginny, et à la mort de leur père, ainsi qu'un autre de leur frère. Etait-ce Fred ? Fred, avec ses yeux morts dans la Grande Salle entouré de tous les membres de sa famille pleurants, comme un clan qui vient de perdre l'un des siens ? Ou bien Charlie, ou bien Percy ?
Seule dans son dortoir dans les ténèbres, elle s'approcha de la fenêtre ou luisait un croissant de lune. Dehors, c'était toujours la même chose. Ce Rien, ce calme effrayant qui entourait Poudlard comme un chat s'apprête à dévorer une souris.
Elle pouvait presque voir, en bas, Harry sortir de la forêt dans les bras puissants d'un Hagrid pleurant et pleurant encore. Cet instant... Elle l'avait bel et bien cru mort. C'était dans sa tête, mais aussi dans son coeur, le visage pâle d'Harry, ses yeux verts luisants, et ça passait dans tous son corps, dans tous son être.
"Harry, chuchota t-elle." Elle entendait son propre coeur battre dans sa poitrine. Elle sentait qu'elle ne maitrisait plus rien, et si le sentiment ne lui était pas inconnu, c'était la première fois qu'elle devait le supporter seule.
Si seule, oui...
"Harry, chuchota t-elle une nouvelle fois, son front touchant la vitre."
Elle avait peur, elle n'avait jamais eu aussi peur, et pourtant elle croyait que ce sentiment ne l'étreindrait plus jamais avec une telle force. Tout était à recommencer, tout, absolument tout... Et si elle ne retournait jamais d'ou elle venait, et si elle devait mourir ici, éperdument seule, et folle ? D'ailleurs, n'était-elle pas déjà folle ? N'avait-elle pas tout simplement rêvé Harry et Ron, et les sept années extraordinaires qu'elle avait passé avec eux ?
Mais soudain, dehors, elle vit la silhouette sombre d'un animal parcourant le parc de Poudlard. C'était un chien, un grand chien noir, qui filait comme le vent, rapide comme un mauvais présage, comme un Sinistros.
Hermione rejeta sa tête en arrière et ferma les yeux un bref instant. "Non, murmura t-elle d'une voix qui lui sembla lointaine, non, non, non !" Elle rouvrit les yeux et vit le chien s'approcher du Saule Cogneur. Hermione sentit son coeur s'affoler, et ses yeux ne pouvait regarder autre chose que cet animal, là-bas, qui, à la faible lueur de la lune, appuyait sa patte contre la racine du Saule avant de disparaître.
"Mon Dieu, Harry ! chuchota t-elle, les larmes roulant sur ses joues jusqu'à sa bouche qui souriait faiblement. Elle sentait son corps trembler sans pouvoir s'arrêter, et gardait les yeux rivés sur le Saule Cogneur. "Comment ai-je pu douter une seule seconde ?" Elle pleurait, elle pleurait sans se retenir, seule dans le noir, et quelque part dans la château Ron et Ginny devaient faire la même chose.
Pourtant, elle sentait dans son coeur une ferme résolution qui l'empoignait, et Hermione en regardant le Saule Cogneur, se souvint de ce jour ou sous le soleil couchant un chien noir leur avait montré le chemin. La vérité n'était pas celle qu'ils croyaient être au premier abord, et pourtant, elle était convainquante. Et Hermione, grâce à Sirius Black, ce soir-là, comme quatre ans auparavant, se dit qu'elle la découvrirait à nouveau.
Parce que tout tournait autour de son absence.
"Je te retrouverais Harry. Je te le promets."
