Prologue

Dépêchez-vous de vivre, dépêchez-vous d'aimer. Nous croyons toujours avoir le temps, mais ce n'est pas vrai. Un jour nous prenons conscience que nous avons franchi le point de non-retour, ce moment où l'on ne peut plus revenir en arrière. Ce moment où l'on se rend compte qu'on a laissé passer sa chance…

Dans les profondeurs de la forêt, sous la lumière du crépuscule, l'être se glissa tel une ombre dans les lueurs mouvantes de cet endroit terrifiant. Enfin, il arriva à son but. La tombe se trouvait là, devant lui, immense, une parcelle de fleurs rouges, oranges ou encore jaunes entourant sa silhouette. Il n'en avait jamais vu de si belles auparavant. Sous la brise de l'été, elle semblait s'embrasé, protégeant la sépulture de leur défunte maîtresse. L'inconnu s'agenouilla, baissant la tête en signe de respect, laissant à découverte une marque de couleur rouge à sa nuque. Il posa sa main sur la tombe de la femme dont il a tant entendu parler dans les récits que son grand-père lui avait racontés.

- Les fées on-t-elles des queues ? s'entendit-il dire dans un souffle.

Rien ne se passa. Pas un bruit, à part celui du vent contre les arbres. L'inconnu eut un rire amer. Au fond, à quoi s'attendait-il ? Les morts ne pouvaient pas parler. Même s'il l'aurait désiré. Il se releva, sa cape volant dans son dos. Il reviendrait. Comme tous les ans depuis ses trois ans. Il aurait juste voulu que ce secret soit un jour relevé au grand jour. Il s'inclina une dernière fois en guise de respect mais n'eut pas le temps de se retourner. Une brusque lumière jaillit de la pierre, l'éblouissant. Quand enfin elle disparut, un livre à la couverture ternis reposait sur la tombe. Il y avait quelque chose de magique là-dedans, une des raisons pour laquelle il fut tenté de l'effleurer. Sa main cueillit le bouquin, l'obligeant à l'ouvrir. Un papier glissa sur le sol. Il reposa le livre et déplia lentement le parchemin. La personne qui avait écrit cela possédait une jolie écriture. Chaque mot s'incrusta dans son esprit au fer rouge. Ses lèvres laissaient échapper chaque syllabe, comme on racontait une vieille légende à un enfant.

« J'ignore qui tu es. J'ignore d'où tu viens. Et encore comment à tu découverts mon journal.

Au fond, peu m'importe.

Cette lettre est la dernière que j'écrirais, au seuil de la mort. Je ne sais pas si je dois te dire chanceux de lire mes dernières paroles. A l'heure qui l'es, je dois déjà être morte.

Ne viens pas me dire que la mort est triste.

Elle l'est peut-être, à tes yeux. Pas aux miens. En tout cas, ma mort ne l'est pas. Si tu savais le nombre d'années que j'attendais ce moment.

Oui, demain je vais mourir.

Je ne laisserai dans mon sillon que deux lettres – celle que tu lis et celle adressée à mes enfants – ainsi que mon nom.

Personne ne connait la véritable importance d'un nom.

J'ai vécue des années sans en avoir un. Je n'en voyais pas vraiment l'inutilité. Jusqu'au jour où quelqu'un me l'a enfin demandé. Mon nom.

Tu dois bien t'imaginer que moi, qui ignorait la valeur d'un prénom, mettait retrouvé comment dire… Sur le cul ? »

Il ne put s'empêcher de sourire. De plus en plus intrigué.

« J'ai dû en inventer un. C'est bête. Voire carrément stupide. Enfin, j'avais bien vu qu'il n'était pas dupe. Pourtant, ce fut mon nom. Et il le restera à jamais.

Une sorte de cadeau.

Je suis désolée. Quand je commence à écrire, je ne peux plus m'arrêter. J'ai toujours eu du mal avec les mots et j'ai si peu de temps devant moi…

J'aimerais profiter de mes derniers instants avec mes enfants, peux-tu comprendre ceci ?

Alors, cher lecteur, j'aimerais t'offrir ceci. Mon journal. J'aimerais que tu racontes mon histoire. Par pitié. Il ne faut pas que les choses qui se sont produites autrefois reviennent à la vie.

Je ne veux plus voir les gens souffrirent à cause de la magie noire.

Alors mes dernières paroles, je te les dédits. Et j'espère sincèrement que tu auras le courage de lire notre histoire. Car ce n'est pas seulement la mienne, c'est également celle de ma guilde, de la seule famille que j'ai connue.

Le soleil s'efface derrière les montagnes. J'esquisse un sourire.

Seulement peux-tu le voir de là où tu es ?

Ceci est le commencement de la fin. Enfin de la mienne, surtout.

Peux-tu garder un secret, toi, le lecteur inconnu ? Pour te dire toute la vérité… Le commencement de la fin…

A commencé le jour de ma venue au monde, à l'instant même où ma génitrice a rendu son dernier souffle après m'avoir maudit d'un monde sans amour. »

La lettre se termina ainsi. Et l'inconnu avait beau la retourné milles fois, il ne trouva pas la suite. Son cœur battait à une vitesse incroyable et le sang ne faisait qu'un tour dans ses veines. La nuit commençait à tomber mais il ne s'en aperçu même pas. Pour lui, seul le journal et ses secrets lui importaient. Alors il l'ouvrit et commença le récit. Sans savoir que reposerait sur ses épaules, un héritage bien plus ancien qu'il ne le pensait réellement.

Au fond de la forêt. Dans un coin reculé du monde. Où seuls des fleurs rouges poussaient. Oui, au milieu de tout ça, un parchemin brûlait sous la pénombre de la nuit.